Pour la publication de SOS OVNI BELGIQUE

NOTE: Ce texte est protégé par les droits d'auteur

Le syndrome de fausse memoire et le mythe OVNI

Par Benjamin H. Leblanc

Une importante controverse bouscule depuis quelques annees deja les milieux de la sante mentale. Trahissant un certain malaise, des institutions telles l'Association Americaine des Psychiatres (A.P.A.) et l'Association Americaine des Medecins (A.M.A.) se sont ainsi vues forcees d'emettre, sous les pressions inquisitoires des therapeutes et journalistes, plusieurs decla- rations publiques. Il s'agit en fait du " syndrome de fausse memoire ", qui suppose l'implantation de " souvenirs artificiels " chez l'individu par un processus psychique que l'on nomme suggestion.

Initialement, le probleme s'est traduit par l'entremise d'accusations d'abus sexuels sur des enfants; ceux-ci, longuement interroges par des specialistes, en sont venus a " confirmer " des actes particulierement reprehensibles poses par un parent ou un employe de l'etablissement scolaire. Plusieurs individus, devenus adultes, se sont aussi retournes contre leurs pere, mere, soeur ou oncle, denonçant les sevices qu'ils auraient subi en bas âge. Bien qu'un grand nombre de cas soient veridiques, il aura fallu plusieurs annees pour comprendre que certains ne l'etaient pas, et dans un meme temps se mettre a douter de la competence de ces professionnels de la sante mentale.

Il apparaît aujourd'hui evident que la dynamique cognitive n'offre aucune indelebilite mnesique, et que l'hypnose, plusieurs drogues, ou encore une simple conversation suffisent a modifier certains registres de la memoire. Il appert justement que les dossiers les plus chancelants de ces psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux et therapeutes en tous genres sont caracterises par une utilisation significative de l'hypnose comme methode investigatrice du passe de la " victime " qui aurait, quant a elle, oublie - par un mecanisme de defense que l'on nomme " dissociation " - un evenement traumatisant et difficilement integrable.

Il est a noter que cette hypothese qui propose l'oubli d'evenements ou de pensees qui menacent l'equilibre mental n'a jamais ete verifiee, pour des raisons evidentes d'ethique professionnelle. Neanmoins, il a ete prouve a maintes reprises - par Jean-Roch Laurence, Ernest Hilgard, Martin Orne, Nicholas Spanos, Robert Baker, Alvin Lawson et Elizabeth Loftus en l'occurrence - que la permeabilite de la memoire n'est pas une simple rumeur, et que l'hypnose en elle-meme ne peut etre comparee a un serum de verite; le sujet, sous une transe hypnotique, risque d'inclure dans son temoignage une certaine quantite de fantaisies personnelles - puisque cet etat de transe libere et stimule son imagination - ou alors tout simplement de vouloir plaire au therapeute et lui servir la reponse que celui-ci semble desirer. Par ailleurs, un tel etat de suggestibilite n'est pas indispensable dans l'affection des registres mnemoniques, car, comme le precise une declaration ecrite de l'A.P.A., " de simples questions repetees peuvent mener des individus a se souvenir d'evenements qui n'ont jamais eut lieu. " Et meme si le syndrome de fausse memoire n'est pas mentionne dans le DSM (Diagnostic and Statistical Manual), l'A.M.A., considere malgre tout l'authenticite des " souvenirs " d'abus incertaine, et propose que ceux-ci soient soumis a une verification externe.

En reaction a toute cette polemique, Peter et Pamela Freyd ont mis sur pied en mars 1992 le False Memory Syndrome Foundation, dans l'etat de Pennsylvanie aux États-Unis. Ce groupe denonce entre autres choses l'usage de techniques telles l'hypnose, l'amytal de sodium, ou encore l'interpretation des reves dans le but de recouvrer des souvenirs " reprimes ". En se penchant sur plusieurs aspects du probleme et en disseminant une foule d'informations a travers les medias, la Fondation a offert au public un second regard sur la question.

Le syndrome de fausse memoire ne s'applique pas uniquement aux souvenirs d'abus sexuels. On le retrouve par exemple dans divers cas de psychoses chroniques generalement associees a un theme delirant tel celui de la persecution. Ainsi, une personne souffrant de ce type de parano‹a pourra rapporter etre suivie par des " hommes en noir ", ou encore subir des sevices perpetres par des groupes sataniques " fantomes ". Aussi n'est-il pas rare que le therapeute, ayant extirpe ces souvenirs du patient, soit le fervent croyant de conspirations sataniques organisees. Coïncidence? Kenneth V. Lanning, qui oeuvre au sein de l'Unite des Sciences Comportementales du FBI, affirme que depuis plus de huit ans, aucune evidence qui puisse corroborer une telle conspiration n'a encore ete decouverte par les forces de l'ordre americaines; une affirmation qui porte a reflechir.

Le syndrome fait aussi son apparition au sein de diverses pseudorecherches sur les vies anterieures. Celles-ci sont, des 1906, caracterisees par l'emploi de l'hypnose regressive - un mythe qui a connu une vive popularite lors de la publication de l'ouvrage " A la recherche de Bridey Murphy " en 1956. Notons qu'encore aujourd'hui, l'hypnose est utilisee pour en apprendre plus sur ses vies passees, et meme celles du futur ! Katherine Hylander, aux États-Unis, offre un tel " service " a ses clients.

Mais en quoi ce dossier concerne-t-il le mythe ovni ? S'il est vrai que le syndrome de fausse memoire s'applique parfois aux temoignages d'observations - considerant la variabilite des versions selon les individus et l'echelle de temps -, il semble que celui-ci devient un facteur particulierement influent lorsque nous abordons le theme des " enlevements extraterrestres ". Aussi, l' " ufologue ", qui n'a pas necessairement reçu une formation de qualite sur la pratique de l'hypnose, risque fort bien de creer chez un individu (par l'entremise de ses propres croyances) une " pseudo-memoire ". Celle-ci correspondra alors a ce qu'il esperait justement denicher dans l'inconscient de cette personne. Ce type de pratiques semble tout a fait evident lorsqu'on porte une attention particuliere a certains ouvrages tels " Intruders " de Budd Hopkins, " Secret Life " de David Jacobs, et " Abductions " de John Mack, où les auteurs transcrivent eux-memes certaines questions hautement subjectives qu'ils ont posees aux divers sujets en transe. D'ailleurs, un detail fort important merite ici mention: tous ces "abductionists" croient en la realite des enlevements extraterrestres. Ironie du sort ? Permettons- nous d'en douter.

Il est clair que ce syndrome n'explique pas a lui seul tous les cas rapportes par ces individus; la variable culturelle, la narcolepsie ainsi que d'autres facteurs jouent un role indeniable. Un souci de pure objectivite nous pousse meme a admettre notre incapacite a prouver l'inexistence de cas bien reels. Mais les faits demeurent: les descriptions que fournissent les enleves sont bien souvent en accord avec les croyances de leur " therapeuteufologue ". Aussi, un element precis semble relier les faux souvenirs d'enlevements extraterrestres, d'abus lors de l'enfance et de sevices perpetres par des mouvements sataniques secrets, dans une meme categorie: une dimension sexuelle rarement agreable. Nous n'avons qu'a nous rappeler les " examens " que durent subir Barney Hill dans "The Interrupted Journey" ou encore Whitley Strieber dans " Communion " - pour ne prendre que des exemples connus. La quasi-permanence de cet element lors du recouvrement de souvenirs artificiels n'est pas une coïncidence; des theories psychanalytiques sont d'ailleurs trop heureuses d'en etudier la cause.

Enfin, sans verser dans une approche trop moraliste, nous pouvons affirmer que l'apparition d'une telle polemique en fin de vingtieme siecle etait a prevoir. En effet, depuis quelque temps, il semble que la technique psychotherapique a delaisse en partie son objectif premier - soit soulager le client de ses angoisses, nonobstant de la realite ou non des evenements ayant cree chez lui un traumatisme - pour se lancer dans une besogne policiere, cherchant a verifier l'authenticite des experiences enoncees par le client. Elle usurpe ainsi sans justification la tâche du detective. Car, que l'expe- rience soit ou non reelle, a peu pres tous s'accordent pour affirmer que ce qui cree l'angoisse, ce n'est pas tant l'evenement en lui-meme que le "souve- nir" de celui-ci...


Bibliographie

  1. Statement on Memories of Sexual Abuse, American Psychiatric Association
  2. AMA Wary of Using " Memory Enhancement " To Elicit Accounts of Chilhood Sexual Abuse, In Clinical Psychiatry News, August 1993, p.19
  3. AMA: Recovered Memories Unreliable, The Associated Press, 16/06/1994
  4. Hidden Memories: Fact or Fantasy ? In Rational Enquirer, Vol.6, No.23, November 1993
  5. PENDERGRAST, Mark, Victims of Memory, Vermont: Upper Access, 1995
  6. Frequently Asked Questions about the False Memory Syndrome Foundation
  7. UFO Memories Found Easy to Plant: Researchers describe experiments that show how easy to implant ideas through suggestion, In The Toronto Star, 16/07/1994

Pour en savoir plus:


BENJAMIN H. LEBLANC                           
Montreal University Student                   
Myths & Modern Folklore Studies               
Anthroposociologist/Ethnologist/Journalist    
INTERNET E-MAIL: "leblancb@ERE.UMontreal.CA"  


To skeptic page



This page hosted by Get your own Free Home Page
1