Les nouvelles aventures de Franck Sauvage
La neige rouge
[Mickey #830]
Un personnage que vous connaissez bien et que vous retrouverez avec
joie... |
Un canot surgit soudain sur les eaux dormantes
du marais. Ses deux passagers pagayaient de toute leur force en se retournant
constamment, comme s'ils craignaient d'être poursuivis. Quand il
les aperçut, l'Epervier se dissimula derrière un écran
de feuillage.
L'expérience lui avait appris que les
hommes blancs qui avaient cette allure de bêtes traquées étaient
des hors-la-loi venus chercher refuge au coeur du fouillis de végétation
tropicale recouvrant cette région marécageuse de la Floride.
Le canot ne tarda pas à disparaître
et l'Indien reprit sa chasse. Il examinait des empreintes d'alligator sur
la rive boueuse lorsqu'il vit, de nouveau, les passagers du canot. Ils
couraient aussi vite que le permettait le sol spongieux. En passant à
côté d'un arbre mort, tout près de l'Indien, l'un d'eux
s'arrêta un instant pour dissimuler dans le tronc creux un petit
paquet qu'il portait attaché au cou. Puis, il se remit à
courir.
Le soleil brillait dans un ciel sans nuages.
Il faisait chaud. Pourtant l'Indien vit subitement des flocons de neige
se matérialiser au-dessus des fuyards. Une neige couleur de sang.
Des cris déchirants tirèrent l'Epervier de sa stupeur. Il
s'enfuit, terrorisé, non sans avoir ramassé le petit paquet
dans sa cachette.
Il ne s'arrêta pour reprendre haleine
qu'à une distance considérable du lieu où s'était
produit l'étrange phénomène. Il voulut alors examiner
le contenu du paquet. Sous plusieurs feuilles de papier huilé, il
découvrit un cube de cinq centimètres de côté,
rouge foncé, ayant l'apparence de la cire à cacheter. Mais
quel homme pressé par un danger quelconque se retarderait pour mettre
à l'abri de la cire à cacheter ? L'Indien en connaissait
le peu de valeur. Il conclut que sa trouvaille devait être précieuse.
Il la renveloppa avec soin et la suspendit à son cou en attendant
de découvrir quelqu'un qui le renseignerait sur la nature du cube
rouge et qui, peut-être, le lui achèterait.
Mais, quand il raconta l'incident de la neige
pourpre, tous les Indiens de sa tribu se moquèrent de lui.
C'est à cette époque que la
police de Cleveland ouvrit une enquête sur la disparition de Valdemar
Svelaska. Possesseur d'une importante usine de constructions aéronautiques,
cet ingénieur était parti chasser le lapin et n'était
jamais revenu. Un fermier déclara que, peu après l'avoir
aperçu dans un pré, il avait vu tomber de la neige rouge,
mais personne ne prêta attention à son dire.
Summer Vane Lawinen disparut peu après.
Chimiste renommé, il venait d'obtenir une chaire de professeur dans
une grande université. Aux commandes de son avion personnel, il
s'envola pour visiter la Caroline du Sud. Il ne devait jamais y atterrir.
Un pêcheur prétendit avoir aperçu un nuage rouge qui
s'était abattu sur l'avion, mais on ne le prit pas au sérieux.
La semaine suivante, cinq autres personnalités
disparurent à leur tour sans laisser de traces. C'étaient
un banquier, un ingénieur, un sénateur, un constructeur d'automobiles
et un jeune sous-secrétaire d'État au ministère de
la Guerre. Tous gens de premier plan.
C'est alors que Franck Sauvage arriva en Floride.
Franck Sauvage vit deux marchands de fruits
s'arrêter devant le Biscayne-ville Hôtel. Il y en avait des
douzaines comme eux qui parcouraient les rues de Miami dans leur carriole,
traînée par un cheval, pour vendre des noix de coco, des oranges
et du raisin, aussi Franck ne leur accorda-t-il qu'un coup d'oeil rapide.
Il examinait un groupe de journalistes qui montaient la garde devant son
hôtel. Ils avaient appris son arrivée par un employé
de l'aéroport et s'étaient précipités pour
obtenir une interview. Franck leur avait expliqué qu'il était
venu tenter de procéder à l'extermination des moustiques
grâce à un nouveau produit, mais ils n'avaient pas voulu le
croire. Ils étaient décidés à découvrir
la "vraie" raison de son voyage. Franck était victime de sa renommée
: on savait qu'il aimait le danger et qu'il n'hésitait pas à
risquer sa vie pour secourir les opprimés ou mettre des bandits
hors d'état de nuire. Déclarer la guerre aux moustiques paraissait
une tâche par trop prosaïque pour un homme doué de ses
talents exceptionnels. Un article sur Franck Sauvage fournissait de la
bonne copie; aussi, reporters et photographes guettaient-ils l'occasion
de l'interroger de nouveau et plus à fond.
Agacé, il détourna les yeux
du groupe et son regard se posa machinalement sur les deux marchands. Franck
sursauta, courut à sa valise et en sortit une paire de jumelles.
A l'abri derrière ses rideaux, il braqua son instrument sur les
deux hommes. Entre autres facultés, Franck avait celle de lire sur
les lèvres. Il reconnut une langue étrangère qu'il
connaissait à la perfection.
"Les bagages de Sauvage vont arriver" , disait
l'un des marchands. "Il faudra agir à ce moment-là. "
"Et ne pas manquer notre coup ", rétorqua
l'autre. "Notre vie dépend de notre réussite."
"Sinon, même, la destinée du
monde."
Le visage de Franck qui semblait coulé
dans le bronze ne trahit rien de sa surprise, mais un étrange sifflement
sortit de ses lèvres. C'était une sorte de trille aigu et
musical qui faisait penser au bruit du vent dans la forêt ou à
l'appel d'un oiseau des tropiques. Franck avait coutume d'émettre
ce son pour marquer son étonnement ou son contentement. Il s'en
servait aussi comme signal, pour avertir ses compagnons. Cette fois-ci,
cela marquait sa stupeur : deux misérables camelots avaient sérieusement
l'air de croire que le destin du monde dépendait du succès
de leur entreprise.. laquelle concernait ses bagages!
Un camion déboucha du coin de la rue.
Franck le surveilla attentivement. C'était celui qui devait livrer
ses valises. Il s'arrêta près de la carriole aux fruits. On
distinguait à l'intérieur des bagages couverts d'étiquettes
bariolées. Le conducteur et son aide en descendirent. Aussitôt,
les deux marchands se précipitèrent, un revolver à
la main, et leur commandèrent de rester tranquilles. Les bras en
l'air, ils n'eurent garde de bouger.
Franck courut à sa mallette, d'où
il sortit cinq pistolets automatiques. Il en prit un, le munit d'un chargeur
qui ressemblait à la bobine de pellicule d'un appareil de cinéma;
puis fixa au canon un tube d'une trentaine de centimètres. Allant
à la fenêtre, il souleva sans bruit les rideaux. Les marchands
tenaient toujours les livreurs de bagages en respect. Franck les mit en
joue.
Un des marchands sursauta et porta une main
à sa jambe. Au moment même où son compagnon s'écriait
"Qu'y a-t-il ? ", Franck tira une seconde fois et l'homme sursauta à
son tour, puis se tâta comme s'il avait été piqué
par un taon. Presque aussitôt l'un et l'autre donnèrent des
signes d'intense fatigue et s'affalèrent soudain par terre.
Franck Sauvage les avait endormis avec des
balles chimiques de son invention lancées au moyen d'un pistolet
silencieux qu'il avait perfectionné lui-même. Il se pencha
au dehors. Les journalistes avaient disparu comme par enchantement quand
ils avaient aperçu le revolver des marchands. Maintenant, Franck
les voyait pointer le nez, qui derrière un arbre, qui derrière
une voiture en stationnement. Il enjamba la fenêtre et s'apprêtait
à se laisser tomber sur la pelouse quand des individus, au visage
noirci, émergèrent des tas de noix de coco et d'oranges.
Ils brandissaient chacun une mitraillette qu'ils braquèrent avec
ensemble sur Franck suspendu par les mains au rebord de sa fenêtre.
Franck réagit aussitôt. Remonter
dans la chambre lui aurait pris trop de temps. Atterrir sur la pelouse
ne valait
guère mieux. Il prit le parti de défoncer
la fenêtre située au-dessous de la sienne et de se réfugier
dans cette chambre. Les balles des inconnus fracassèrent ce qui
restait des vitres.
Il se releva, courut à la porte qui
était fermée à clef, la défonça d'un
coup d'épaule et s'élança dans le couloir en direction
de l'escalier. Les mitraillettes crépitaient toujours. Plus proches,
des protestations et des grognements ébranlèrent le couloir.
Un magnifique cochon survint, suivi d'un homme mince et élégant.
En se hâtant tous les deux, ils se gênaient et ce qui devait
arriver arriva. Ils tombèrent.
Au bruit de leur chute, un autre homme accourut,
ruisselant d'eau et drapé dans un peignoir de bain. A sa haute taille
et à ses grands bras, il devait le surnom de Gorille.
"Si tu touches à Cicéron, Ted,
tu auras affaire à moi !" s'écria-t-il d'une voix puissante.
"Cette bête infernale m'a fait un croc-enjambe",
protesta ledit Ted. "Je crois que je me suis cassé les reins."
"J'ai bonne envie de te les casser pour de
bon", reprit Gorille. "Je t'ai entendu, tu ne cesses de taquiner cette
pauvre bête."
Le dialogue s'arrêta là, car
ils aperçurent Franck.
"Qu'est-ce que c'est que ce feu d'artifice?"
demanda Gorille.
"Je n'en sais rien. Je vais aller voir", dit-il
en se dirigeant vers sa chambre.
Ted, Gorille et le cochon Cicéron lui
emboîtèrent le pas. Ted et Gorille étaient deux des
cinq compagnons qui parcouraient le monde avec Franck et l'aidaient dans
les missions dont il se chargeait. Gorille s'appelait en réalité
le lieutenant-colonel Andrew Blodgett Mayfair et était, considéré
comme un des plus grands chimistes de l'époque, tout comme Ted ou
plutôt Théodore Marley Brooks - était l'un de leurs
meilleurs avocats. Les deux hommes se taquinaient sans cesse, mais étaient
d'excellents amis.
LA SEMAINE PROCHAINE:
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FEU D'ARTIFICE
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[Mickey #831]
Manque/ missing
[Mickey #832]
Résumé. Au moment où Franck Sauvage
et ses amis arrivent en Floride, sous prétexte d'exterminer des
moustiques, d'étranges personnages s'intéressent fort à
ses bagages. Dans l'une de ses malles, Franck Sauvage découvre un
homme assassiné. Une adresse trouvée près de celui-ci
permet à Franck de se lancer sur une piste. |
Ted se releva le premier. Gorille qui avait
déjà commencé à se verser du sable sur les
paupières se redressa en trébuchant. Franck le saisit par
la main et l'entraîna en direction de la maison. Ted avait pris les
devants.
"Pas par là ! Va à droite ",
lui cria Franck. "J'ai vu un homme avec un fusil à la fenêtre."
Ils contournèrent la maison et se trouvèrent
assaillis de toutes parts. Écrasé sous le nombre, Franck
Sauvage fit des ravages parmi les assaillants. Ted se défendait
avec sa canne-épée dont la pointe, enduite d'un produit chimique,
les paralysait momentanément.
L'homme à la tête ronde réapparut
au sommet du mur.
Il cria : "Reprenez-leur ce qu'ils ont ramassé
!"
Trois hommes repartirent à l'assaut
de Franck. Dans le corps à corps, sa poche se déchira et
la bague tomba. Un de ses adversaires s'en saisit, cependant que l'homme
du mur s'exclamait : "Fuyez! La chlorine!"
Le nuage empoisonné approchait, en
effet. Les assaillants s'enfuirent laissant sur le terrain ceux des leurs
que Franck et Ted avaient neutralisés.
Franck courut au mur d'enceinte, suivi par
Ted qui remorquait Gorille. Un coup de vent éloigna le nuage empoisonné.
"L'homme à la tête ronde est
tombé de ce côté-ci du mur. Cherchons-le ", cria Ted.
Ils virent ses empreintes dans le sable. Elles
longeaient le mur. Soudain Franck s'arrêta. La voix flûtée
de l'homme appelait ses acolytes restés dans le jardin.
"C'est tout ce qu'ils avaient ?" questionna
l'homme quand ils lui eurent répondu.
"Oui, rien que la bague."
"Impossible. Elle n'a aucune importance."
"Je vois une pâte, sous le diamant,
qui ressemble à de la cire rouge ", cria un des hommes.
"Ah! voilà. Ils connaissent le secret
et ils essaient de le transmettre à ce Franck Sauvage."
"C'est la bague de la jeune fille", reprit
l'homme du jardin.
"Naturellement. Va voir si elle ne s'est pas
échappée.
Ted murmura "Tiens, voilà qui est intéressant.
La clef du mystère a un rapport direct avec cette matière
et il y a une prisonnière dans la maison."
Prenant son élan, Franck s'élança
jusqu'au faîte du mur, à temps pour voir une silhouette qui
courait vers la maison délabrée. Il se laissa tomber à
son tour dans le jardin.
Déconcertés un instant par cette
prompte action, Ted et Gorille l'imitèrent avec un léger
retard. Franck avait eu le temps de se dissimuler dans un fourré
de palmiers nains. L'homme à la tête ronde était encore
visible.
"Tâche de l'arrêter! " cria Franck
à Gorille.
Ce dernier sortit de sa poche un pistolet
à balles anesthésiantes et tira, mais le fuyard disparut
derrière un enchevêtrement de branches et de feuilles.
Ted tirait - cette fois en direction d'une
fenêtre. Franck se rapprocha. Il entendit une voix qui appelait depuis
la maison.
"Ark! Par ici. Par la fenêtre du rez-de-chaussée
!"
"Ces démons tirent toujours ?" questionna
Ark, l'homme à la tête ronde.
"Ils ne peuvent pas l'atteindre. Mais dépêchez-vous."
Franck vit l'homme s'introduire dans la maison.
Une minute plus tard, un canon de fusil parut dans l'embrasure de la fenêtre
et une halle écorna le tronc du palmier, derrière lequel
Franck s'était réfugié. Ce dernier sortit de sa poche
une grenade qu'il dégoupilla et lança.
Une violente explosion souleva un nuage de
sable. Le mur de la vieille maison se fendit. Un pan de mur s'effondra.
Puis tout redevint presque silencieux, en
dépit des jurons des bandits qui se trouvaient à l'intérieur.
Franck courut, en se baissant, jusqu'à
la maison et y pénétra. Le plâtre crissait sous ses
pas. Il se fraya un chemin parmi les débris, ouvrit une porte et
se retrouva dans un corridor. A une certaine distance, quelqu'un criait.
La voix semblait provenir de la cave.
"Va chercher la jeune fille ! Ramène-les
tous. Si Franck Sauvage arrivait à leur parler, cela irait mal pour
notre matricule."
"Elle est en haut. Je monte." dit une autre
voix. Des pas résonnèrent sur les marches. Franck se dissimula
dans
un renfoncement à côté
de la porte de la cave. Un homme gravit l'escalier et s'engagea dans le
couloir. Prudent, il se retourna et aperçut Franck.
Rapidement celui-ci lui plaqua une main sur
la bouche puis, d'une prise particulière à la nuque, le réduisit
à l'impuissance. Franck se pencha dans l'entrée de la cave
et, imitant la voix de l'homme, lança à l'intention de ceux
qui étaient restés au sous-sol
"Attention, Sauvage n'est pas loin d'ici !"
"Froussard! Dépêche-toi de ramener
la jeune fille."
Franck monta rapidement au premier étage.
il découvrit celle qu'il cherchait derrière la troisième
porte.
Elle était si petite qu'à première
vue on aurait cru une enfant, mais elle avait en réalité
une vingtaine d'années.
Une chaîne attachée autour de
sa taille avec un cadenas l'empêchait de s'enfuir.
En apercevant Franck, elle chuchota " Vous
avez ramassé la bague?"
"Ils me l'ont reprise ", répondit-il
en saisissant la chaîne pour tenter de la rompre entre ses mains
vigoureuses.
"Comment ont-ils pu ! A vous, Franck Sauvage?
"
"Vous semblez m'estimer au-dessus de ma valeur."
"Ils ont tous peur de vous. Quand ils ont
appris votre arrivée en Floride, ils ont craint que vous ne veniez
pour eux et non pour exterminer des moustiques comme on le disait. Je vous
ai lancé la bague parce que je n'osais pas crier pour vous appeler.
Où est Case ? Il ne vous a pas accompagné? "
"Vous voulez parler du professeur Casson Adams?
"
"Oui. Nous savions que vous étiez surveillé.
Aussi a-t-il pensé que le meilleur moyen de vous joindre sans que
ces hommes s'en aperçoivent était de se cacher dans une de
vos malles. N'était-ce pas une bonne idée ?"
Franck ne répondit pas. Avec un morceau
de fil de fer, il s'affairait à forcer le cadenas qui retenait la
jeune fille prisonnière. Une détonation ébranla toute
la maison. Dans la cave une voix cria
"En haut, les gars; si nous restons ici, nous
risquons d'être ensevelis. "
Le cadenas céda et Franck entraîna
la jeune fille vers la fenêtre.
"Quel est votre nom? " demanda-t-il.
"Nona Space. Case ne vous l'a pas dit ? "
"Nous allons sauter par cette fenêtre.
Je vous porterai pour traverser le jardin. J'ai un gilet pare-balles qui
vous mettra à l'abri si nous sommes aperçus."
"Mais les deux autres ?" dit la jeune fille
d'une voix inquiète.
"De qui parlez-vous ?"
"Cass ne vous l'a donc pas expliqué?
"
"Le professeur Casson Adams a été
tué quand ces bandits ont attaqué le camion transportant
la malle où il s'était dissimulé. Nous avons trouvé
l'adresse de cette maison dans un carnet que le professeur portait sur
lui. Qui sont ces deux personnes ?"
LA SEMAINE PROCHAINE:
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TROIS CAPTIFS DANS LA MAISON!
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[Mickey #833]
Manque/ missing
[Mickey #834]
Résumé. Venu en Floride avec ses amis, Franck
Sauvage cherche à percer le mystère de la disparition de
plusieurs personnalités importantes. Dans une maison isolée,
il trouve trois prisonniers séquestrés par une bande que
dirige un certain Ark, et, parmi eux, une jeune fille qui essaie de transmettre
à Franck une bague de diamant enduite d'une étrange substance
rouge. Malgré tous leurs efforts, Franck et ses amis ne parviennent
pas à délivrer les captifs et reprennent le chemin de la
ville. |
RECHERCHÉS PAR LA POLICE !
Une heure plus tard, Gorille s'arrêta
devant une station-service proche de cette curieuse demeure. Les trois
amis avaient fait disparaître les traces de leur lutte avec les bandits
et s'en étaient allés reprendre la voiture de louage qu'ils
avaient laissée dans les dunes. Ils l'avaient dégagée
du trou de sable où elle s'était enlisée et Gorille
avait pris le volant.
Le pompiste dit aimablement, tout en commençant
à remplir le réservoir
"Vous venez de chez Hyman Space, à
ce que je vois."
"C'est lui qui habite la vieille maison dans
les dunes ?"
"Oui. On n'a pas idée d'aller se loger
dans des endroits pareils ; vous ne trouvez pas ? "
"L'envie ne m'en prendrait pas ", répliqua
Gorille en fronçant le nez avec une grimace comique.
"C'est vrai qu'on y respire d'assez vilaines
odeurs dans leur coin. "
"Ils sont beaucoup à vivre dans cette
maison ?
"Il y a Hyman Space, le professeur Casson
Adams et Rat Wood."
"Adams et Wood, qui est-ce ? "
"Les employés de Hyman. Il s'est installé
là, voilà deux ans déjà. Il disait qu'il voulait
être en paix pour travailler. A quoi, ça, je ne sais pas.
Je les voyais peu ces derniers temps. Depuis que le sable a envahi la route,
ils passent le long de la mer."
"Il y a aussi une jeune fille ? "
"Oui, la fille du vieux Space. "
Tandis que Gorille reprenait le chemin de
Miami, Ted s'écria
"J'ai l'impression que nous pataugeons. Un
homme est tué en voulant nous rejoindre pour nous parler. C'est
peut-être sur lui que nous aurions trouvé la clef de l'énigme."
Gorille poussa une exclamation, puis se retourna
vers Franck.
"Je viens d'avoir une idée.., mais
je me demande si tu ne l'as pas eue déjà ?"
"Tu veux parler de la pâte rouge qui
enrobait à moitié le dentier du professeur?" dit Franck.
"Exactement. "
Deux cars de police et de nombreuses voitures
de presse stationnaient devant le Biscayneville Hôtel. Franck dit
à Gorille de ne pas ralentir. Ils allèrent se garer dans
une petite rue, à une certaine distance. Franck descendit et demanda
à ses amis de l'attendre. Il revint à l'hôtel par-derrière.
Un policier était de faction près de la grille du jardin.
Un journaliste bavardait avec lui.
"... Le valet de chambre l'a découvert
en venant nettoyer la pièce. "
"Vous pensez que Franck Sauvage l'a amené
dans cette malle depuis New York ?"
"Probablement. Il faut attendre le résultat
de l'autopsie pour déterminer le moment où l'homme a été
tué."
"Vous allez arrêter Sauvage ? Vous n'avez
contre lui que des présomptions et c'est un type célèbre
plutôt grâce à de bonnes actions que par des crimes,
il me semble. "
"Ah! dame oui. Mais le chef de la police a
envie de faire un coup d'éclat. "
Franck en avait assez entendu. Il revint à
la voiture dont il prit le volant. En route, il expliqua brièvement
à ses compagnons ce qu'il avait appris.
"Alors, nous sommes recherchés par
la police ? Il ne manquait plus que ça", dit Gorille. "Ils vont
bien s'apercevoir que le bonhomme a été tué aujourd'hui
même et non pas à New York."
"Cela ne nous innocentera pas nécessairement."
"Où est le corps ?" questionna Ted.
"A la morgue."
"Tâchons de reprendre le dentier."
"Nous allons essayer", dit Franck.
La morgue était située dans
une rue assez calme. Franck gara la voiture derrière les clous afin
de pouvoir démarrer rapidement. Deux agents de police faisaient
les cent pas devant le bâtiment.
"Si nous descendons tous les trois, ils vont
nous repérer ", dit Gorille.
"Tu as raison. Attendez-moi dans la voiture
", répliqua Franck.
Des massifs de fleurs poussaient au pied des
fenêtres garnies de barreaux. Franck profita d'un moment où
les agents lui tournaient le dos pour courir se dissimuler dans les buissons.
Il regarda à l'intérieur. La salle était vide. Sortant
un flacon de sa poche, il aspergea la base des barreaux avec son contenu.
Le liquide désagrégea le métal et Franck n'eut plus
qu'à dégager les barreaux de leur logement pour s'introduire
dans la place. Un bruit de voix le guida jusqu'à une salle dont
la porte était ouverte. Il vit des hommes en blouse blanche penchés
sur le corps du professeur Adams dont les vêtements étaient
soigneusement pliés sur une table voisine. Franck prit dans sa poche
deux petits objets qui ressemblaient à des billes de verre : ces
billes contenaient un produit dégageant un gaz soporifique. Il les
jeta dans la salle où elles se brisèrent.
Les hommes en blanc avaient tourné
la tête au bruit du verre cassé, mais avant qu'ils eussent
compris ce qui se passait ils furent saisis d'une somnolence irrésistible
et s'assirent machinalement sur un banc où ils s'endormirent d'un
profond sommeil. Ce gaz était sans danger et, à leur réveil,
ils ne se souviendraient de rien. Franck fouilla rapidement les vêtements
du professeur Adams, découvrit le dentier et le glissa dans sa poche.
Sur la table d'autopsie, il aperçut la balle qui avait tué
le professeur. Après une seconde d'hésitation, Franck l'empocha
aussi.
Le téléphone se mit à
sonner. Franck regarda l'appareil posé sur une tablette. A le laisser
sonner, il risquait que quelqu'un vienne répondre ou encore que
le correspondant, surpris que son appel reste sans réponse, n'alerte
le personnel de la morgue. Il décrocha et dit " Allô ? "
"C'est le médecin légiste ?
"
"Il est sorti pour l'instant. "
"Bien. Ici, le chef de la police. Nous avons
découvert un revolver sous le matelas dans la chambre de Franck
Sauvage. Nous désirons examiner la balle qui a tué Casson
Adams pour vérifier si elle a bien été tirée
par cette arme, comme nous le supposons. Ce serait une preuve accablante
contre Sauvage."
"Il y a ses empreintes dessus ?" questionna
l'intéressé.
"Elles ont été effacées.
Mais qui êtes vous ?"
"Un assistant du médecin légiste.
Je lui transmettrai votre appel; comptez sur moi ", dit Franck en raccrochant.
Il plaça la balle dans sa poche de
gousset pour être sûr de ne pas la perdre et ressortit par
où il était venu, sans être remarqué par les
policiers de faction. Ted et Gorille l'attendaient, impatients de connaître
le résultat de son expédition.
"Nos "amis" ont bien travaillé", déclara
Franck, et il leur raconta ce qu'il avait entendu au téléphone.
"Les démons !" s'exclama Gorille. "Ils
ont fait placer ce revolver par un comparse pour égarer les soupçons."
"Oui, mais leur ruse est éventée
puisque c'est nous qui avons la balle. "
Il n'en dit pas plus, le visage figé
par la surprise. Gorille suivit son regard et s'écria
"C'est bien la dernière personne que
je m'attendais à voir ici! "
Une jeune fille approchait d'un pas vif. C'était
Nona Space. Elle demanda d'une voix angoissée
"Vous voulez bien m'emmener ? Je vais vous
conduire à mon père."
"Montez", dit Franck qui prit la place de
Gorille au volant, tandis que celui-ci s'installait derrière avec
Ted.
"Comment avez-vous réussi à
vous échapper ?" demanda Gorille.
"J'ai sauté de leur voiture, juste
devant une banque. Ils n'ont pas osé me courir après à
cause du planton."
Franck démarra et la jeune fille lui
dit de s'engager dans une rue à droite. Il obéit, tout en
fourrant négligemment la main dans la poche où il avait rangé
le dentier.
"Comment avez-vous su où nous trouver
?
"C'est un pur hasard. Je venais à la
morgue pour essayer de retirer le corps du professeur Adams.
Voyez-vous, c'est le troisième qui
cherche à vous joindre, monsieur Sauvage. Il avait sur lui un peu
de cette substance rouge pour vous la donner. "
"Ah! alors rien n'est perdu, Franck l'a dans
sa poche ", commenta jovialement Ted. "Qu'est-ce que c'est que cette fameuse
substance ? "
Nona Space se tordit nerveusement les mains.
"Mon père et Ray Wood vous l'expliqueront.
Moi, je ne le sais pas. "
"Votre père et Ray Wood sont les deux
prisonniers que nous avons vu emmener par ces bandits ? " questionna Franck.
"M. Space a un bandeau sur l'oeil!"
"Oui. J'ai voulu les rejoindre dans cette
maison perdue dans les dunes et je me suis fait capturer."
"Combien d'hommes les gardent ? " demanda
Gorille.
Nona Space parut hésiter.
"Ils étaient assez nombreux. Vous êtes
armés ? Je les ai entendus dire qu'ils avaient neutralisé
vos revolvers. Ils ont trafiqué les chargeurs. "
Elle profita de l'instant où les trois
compagnons jetaient un coup d'oeil à leurs armes pour sortir un
revolver de son sac et mettre Franck en joue.
"Rangez-vous le long du trottoir et arrêtez-vous.
Pas un geste de plus!"
Impassible, Franck obéit. Ted et Gorille,
muets de stupeur, n'osèrent pas agir.
"Ne bougez pas ", ordonna Nona Space. "Ne
faites pas l'erreur de croire que je ne vais pas tirer."
Plaçant le canon de son arme contre
la tempe de Franck, elle fouilla sa poche et y trouva le dentier. Tenant
toujours le trio en respect, elle sortit de la voiture à reculons,
puis tira dans les pneus.
Des hommes venaient d'apparaître au
coin de la rue. Elle courut les rejoindre. C'était la bande de l'homme
à la tête ronde, le dénommé Ark. Franck et ses
amis l'entendirent reprocher à la jeune fille de ne pas les avoir
surveillés jusqu'à l'arrivée de la bande les trois
compagnons avaient, en effet, mis à profit le départ de la
jeune fille pour se faufiler hors de leur véhicule endommagé
et se dissimuler derrière une haie.
Une sirène de police mugit dans une
rue adjacente.
"Nous voilà pris entre deux feux ",
grommela Gorille. "Nous ferions bien de filer. Si la police nous arrête,
nous perdons un temps précieux. "
Rampant à travers les herbes, se frayant
un passage dans les haies, le trio parvint dans une autre rue tranquille.
Franck retourna une de ses poches, recueillant le contenu avec soin dans
une enveloppe. C'étaient des bribes de cire rouge - ou tout au moins
d'une substance d'apparence similaire.
"Franck, tu es formidable!" s'écria
Ted. "Comment as-tu eu l'idée d'en garder ? "
"Cette charmante Nona Space a prétendu
s'être échappée devant une banque dont le planton a
fait peur aux bandits. Or les banques sont fermées aujourd'hui.
J'ai compris qu'elle mentait. Je me suis douté qu'elle chercherait
à récupérer le dentier, aussi ai-je gratté
cet enduit rouge au moyen d'une pièce de monnaie. "
"Il n'y a plus qu'à l'analyser ", conclut
Gorille.
"Cela risque d'être assez long. Retournons
à l'hôtel chercher discrètement nos bagages ", dit
Franck.
LA SEMAINE PROCHAINE:
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QUEL EST LEUR BUT ?
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[Mickey #835]
Manque/ missing
[Mickey #836]
Manque/ missing
[Mickey #837]
Manque/ missing
[Mickey #838]
Manque/ missing
[Mickey #839]
Résumé. Franck Sauvage et ses amis cherchent
à découvrir la cause de la disparition de plusieurs personnalités
importantes et à déterminer la nature d'une étrange
neige rouge dont la chute se produit au moment de chacune de ces disparitions.
Grâce à Nona Space, ils apprennent que deux bandes de malfaiteurs
pourraient être à l'origine de ces méfaits. Une piste
amène Franck Sauvage sur une île où il se trouve face
à face avec Ark, le chef de l'une des bandes. |
LA MAISON SANS TOIT
Ark donna des ordres brefs. Deux de ses acolytes
emportèrent Franck dans la maison tandis que leurs camarades s'élançaient
à la poursuite du gros inconnu.
La pièce était à ciel
ouvert et l'herbe poussait entre les dalles du sol. Franck fut déposé
par terre. Peu après, Ark entra. Caressant d'une main son crâne
chauve, il s'avança en se dandinant d'un air avantageux.
"Nous n'avons pas eu l'occasion d'être
présentés l'un à l'autre. Je suis le baron Lang Ark.
Vous avez entendu parler de moi? " dit-il.
Franck Sauvage ne répondit pas immédiatement.
Il observait son adversaire et ses compagnons. Ark s'impatienta.
"Avez-vous entendu parler de moi ? " répéta-t-il.
"Non. "
"Cela ne m'étonne pas ", répliqua
l'autre en ricanant. "Ce n'est pas mon vrai nom. Trêve de plaisanteries.
Qui est l'homme corpulent qui s'est enfui ? "
"Je ne le sais pas."
"C'est lui qui vous a mis les menottes ?"
"Oui."
"Ce n'est donc pas un adversaire à
négliger. Vous avez suivi le canot pour arriver jusqu'ici? Répondez!
" ajouta-t-il d'un ton menaçant comme Franck se taisait. " Combien
d'hommes avez-vous amenés avec vous?"
"Vous ne me croirez pas si je vous le dis
", répliqua ironiquement Franck. "Oui, j'ai suivi l'homme au canot."
"Et l'homme aux menottes, c'est lui qui vous
a suivi ?"
"Je n'en ai pas la moindre idée. "
"Pourquoi vous a-t-il fait prisonnier? "
"Je l'ignore."
Ark réfléchit un instant. "
Mes hommes deviennent négligents. Il va falloir faire un exemple.
"
Il tira quelques bouffées d'une longue
cigarette à bout doré avant de se retourner vers son prisonnier
pour demander:
"Où sont Nona Space et vos deux compagnons?"
"Je ne le sais pas ", répondit Franck
avec une franchise qui ne convainquit nullement son interlocuteur.
"Je connais différents moyens de faire
parler les récalcitrants ", dit-il. "Nous allons les essayer."
Sur son ordre, ses séides transportèrent
Franck dans le patio de la maison de corail et le déposèrent
au fond de ce qui avait dû jadis être un bassin. Ils enfoncèrent
dans le sol un poteau auquel ils attachèrent Franck par des fils
de fer, puis déposèrent à côté de lui
une lampe à pétrole allumée, des tonneaux furent alignés
autour du bassin. Ark, armé d'un marteau et d'un ciseau, perça
un trou dans chacun : un liquide noirâtre et visqueux commença
à se répandre au fond du bassin. C'était du mazout.
"Ce n'est ni explosif ni particulièrement
inflammable en temps normal ", expliqua Ark à l'intention de Franck,
"mais cela brûle bien tout de même et cela dégage une
très grande chaleur ". Il marqua un temps, comme s'il attendait
la réaction de Franck qui ne dit rien. "Je ne veux pas vous faire
mourir d'une mort particulièrement horrible. Non, je veux vous inciter
à comprendre qu'il vaut mieux répondre à mes questions.
Vous pouvez voir le niveau du mazout monter autour de la lampe et vous
savez ce qui se passera quand il atteindra la mèche allumée.
A vous de choisir votre sort."
Franck, le regard tourné vers le soleil
éclatant, semblait n'avoir rien entendu. Ark haussa les épaules
et ajouta avant de s'en aller
"Je reviendrai dans un moment. En attendant
votre décision, je vais envoyer mes hommes chercher vos amis Ted
et Gorille. N'oubliez pas de surveiller le niveau du mazout!"
Puis il s'éloigna.
Ted et Gorille avaient de sérieux ennuis.
Ils filaient à plus de cent à l'heure en voiture découverte,
Gorille au volant, Ted à l'avant qui maintenait le bout de sa canne
sur le bouton du klaxon et Nona Space sur la banquette arrière en
compagnie de leurs trois prisonniers et du cochon Cicéron.
Cicéron était la cause de leurs
soucis. Une cause parfaitement inconsciente qui regardait défiler
le paysage, le nez à la portière et ses grandes oreilles
flottant au vent. Les deux amis de Franck roulaient tranquillement dans
Miami à la recherche d'un endroit sûr où interroger
leurs captifs quand Gorille avait aperçu Cicéron qui trottinait
sur la chaussée. Il s'était arrêté "en catastrophe",
avait bondi vers son ami à quatre pattes et l'avait embarqué
dans la voiture, puis il s'était remis en route. Si rapide qu'avait
été la scène, elle avait été enregistrée
par un policier : elle s'était déroulée devant le
bureau central de la police de Miami... et Gorille avait été
reconnu. Leur voiture avait été aussitôt prise en chasse
par un car bondé d'agents.
Gorille pilotait d'une main sûre son
bolide sur la route toute droite qui longeait le fleuve.
"Tu aurais bien dû t'engager dans une
de ces voies transversales", s'écria Ted. "On peut nous repérer
vraiment de trop loin sur ce ruban rectiligne."
"Ne t'en fais pas. On ne nous rattrapera pas
de si tôt ", répliqua Gorille en virant sur les chapeaux de
roues pour s'engager sur un pont à bascule.
Il immobilisa la voiture près de la
guérite du gardien qui sortit en bâillant.
"Savez-vous nager ?" lui demanda Gorille.
"Pour ça, oui. Je suis bon nageur,
mais.."
Il n'eut pas le loisir d'achever sa phrase.
Gorille l'avait saisi à bras-le-corps et s'en allait le jeter dans
le fleuve, cinq mètres plus bas. Le gardien remonta à la
surface et se mit à nager avec vigueur. Gorille ne s'en occupait
plus. Revenu dans la guérite, il manœuvra les leviers de commande
du pont qui se releva : leurs poursuivants seraient obligés d'attendre
qu'un des leurs traverse l'eau pour remettre le pont en place avant de
continuer la chasse. Ted accueillit son ami avec un "Bien joué !"
retentissant quand il se glissa de nouveau derrière le volant et
démarra en trombe.
Il avisa bientôt un terrain vague envahi
par les broussailles. Aucun bâtiment ne se dressait dans les parages.
Gorille s'engagea avec la voiture dans un chemin de terre jusqu'à
ce qu'elle fût hors de vue de la grand-route. Ensuite, avec des branchages
en guise de balai, il effaça les traces de pneus dans la poussière.
Les deux amis sortirent leurs prisonniers
du véhicule pour les interroger. Ceux-ci ne semblaient pas comprendre
l'anglais. Ted, qui était polyglotte, utilisa toutes les langues
qu'il connaissait pans obtenir de résultat. Les captifs échangeaient
de brefs coups d'oeil et restaient muets. Au moment où Gorille se
demandait quel moyen de coercition adopter pour les rendre plus loquaces,
un moteur d'avion ronronna au-dessus d'eux.
LA SEMAINE PROCHAINE:
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L'AMIRAL A DISPARU !
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[Mickey #840]
Résumé. Franck Sauvage et ses amis cherchent
à découvrir ta cause de plusieurs disparitions mystérieuses.
Grâce à Nona Space, ils apprennent que deux bandes de malfaiteurs
peuvent être à l'origine de ces méfaits. Sur une île
qui semble inhabitée, Franck Sauvage se trouve soudain face à
face avec Ark, le chef de l'une de ces bandes, qui le traite en prisonnier.
Mais les amis de Franck ne sont pas loin... |
L'AMIRAL A DISPARU !
Aide-moi à camoufler la voiture avec
des branches"! cria Gorille à Ted. "C'est sûrement un avion
de la police !"
Ils eurent beau faire diligence, le pilote
les avait déjà repérés. Il descendit à
très basse altitude et vola en cercle. Une voix puissante annonça
"Vous êtes en état d'arrestation. Allez sur la route les mains
levées et attendez les voitures de police."
"Compte là-dessus ", grommela Gorille
à l'intention du haut-parleur. "Ted, nous ferions mieux d'embarquer
tout le monde dans la voiture et de filer. "
"Ils nous repéreront. "
"C'est juste. Alors, je vais partir seul dans
la voiture. Pendant qu'ils me suivront, débrouille-toi pour t'en
aller en lieu sûr avec nos prisonniers et la demoiselle."
Le haut-parleur hurla de nouveau.
"Rendez-vous ! Vous êtes accusés
du meurtre du professeur Casson Adams." Au moment où Gorille amorçait
sa manoeuvre pour tourner, trois grenades lacrymogènes explosèrent.
Aveuglés, Ted, Gorille et Nona Space ne purent qu'attendre l'arrivée
des policiers.
Seule Nona gardait son entrain. Elle croyait
facile de convaincre la justice que ses compagnons étaient innocents.
C'est ce qu'elle leur expliqua d'un ton volubile dans la voiture qui les
ramenait vers la ville. Les policiers les laissaient parler librement avec
l'espoir de recueillir des renseignements intéressants. Les voitures
découvertes roulaient vite et ne tardèrent pas à entrer
dans les faubourgs de la ville. Un feu rouge les immobilisa. Pendant ce
bref arrêt, un gamin vint offrir ses journaux en criant "L'amiral
en chef a disparu dans une tempête de neige rouge ! "
"Qu'est-ce que tu racontes ? Donne m'en un",
dit un agent au gamin en lui tendant une pièce de monnaie.
Ted et Gorille purent lire par-dessus son
épaule
L'AMIRAL MARVIN FOOTE SAMPSON A DISPARU -
ENCORE LA MYSTÉRIEUSE NEIGE ROUGE.
A 8 heures du matin, une bourrasque de flocons
rouges s'est abattue sur le yacht Le Voyageur ancré dans la baie
du Midi. Le bateau a disparu corps et biens. A son bord se trouvait l'amiral
en chef de la flotte américaine, l'un des meilleurs professeurs
de l'École de guerre, venu en vacances à Miami. Il était
accompagné de son secrétaire et de diverses personnalités...
L'article donnait d'autres menus détails.
Un des policiers remarqua l'intérêt
que Ted et Gorille portaient à cette nouvelle.
"Est-ce que votre Franck Sauvage ne s'occupe
pas de cette histoire de neige rouge"? demanda-t-il.
Un choc violent dispensa les deux amis de
répondre deux voitures venaient d'emboutir les autos de police.
Au même instant, un camion se mettait en travers de la chaussée.
Des hommes masqués en sortirent, armés de mitraillettes.
Ils réduisirent les policiers à l'impuissance et s'emparèrent
de Ted, de Gorille et de Nona Space. Ils ordonnèrent aux agents
de se coucher au fond de leurs voitures et de ne pas en bouger avant cinq
minutes. Après quoi, ils remontèrent dans le camion, s'éloignèrent
d'une centaine de mètres et s'arrêtèrent. Ted se retourna
pour regarder les policiers qu'ils venaient de quitter. Un cri s'étrangla
dans sa gorge ! une avalanche de neige rutilante dans le soleil tombait
sur les voitures de police. Le camion se remit en marche et s'éloigna.
"Beau travail ", constata l'un des malfaiteurs.
"Qu'allez-vous faire de nous", questionna
Gorille.
"Vous emmener en promenade", dit l'un d'eux
ironiquement.
"Prenez garde. Franck Sauvage nous délivrera",
dit Ted.
"Dommage que vous ne puissiez pas le voir
là où il est", rétorqua l'homme d'un ton sibyllin.
"Je le regrette encore plus que vous", grommela
Gorille que cette nouvelle
péripétie rendait furieux.
Gorille aurait été horrifié
si son voeu s'était réalisé. Franck, après
des efforts inouïs, avait réussi à soulever sa tête
au-dessus de la nappe de mazout. Les sentinelles postées autour
du bassin s'étaient éloignées, craignant probablement
une explosion, car l'huile lourde atteignait presque le bord de la lampe.
Sa vie ne tenait qu'à un fil quand
Ark revint auprès du bassin et ordonna à ses séides
de remonter le prisonnier. Ils descendirent au fond en tremblant, éteignirent
vivement la lampe et remontèrent Franck toujours ficelé comme
un saucisson, dégoulinant de mazout mais impassible en apparence.
Ils l'allongèrent à côté d'un autre captif en
qui Franck reconnut l'individu corpulent qui l'avait fait prisonnier quand
il s'était aventuré dans l'île. Il était ligoté
mais non bâillonné. Il chuchota du coin des lèvres:
"Ils ont fini par me découvrir. Comme
un imbécile, j'avais déjà brûlé toutes
mes munitions."
"Qui êtes-vous "? demanda Franck.
"Un des assistants de Beech. Dès le
début, nous avons commis une erreur. Nous pensions que vous étiez
de connivence avec Ark et sa racaille. Quand Beech vous a découvert
dans ce laboratoire, il n'a pas osé s'emparer seul de vous. C'est
pourquoi il avait imaginé cette histoire de rendez-vous.... "
"Mais qui est ce Beech ?"
"Nous sommes des ... "
Ark s'étaient aperçu qu'ils
parlaient. D'un coup de pied il fit taire le gros homme, ordonna de le
descendre dans le bassin à la place de Franck et de conduire ce
dernier dans la maison sans toit. Celle-ci avait dû être abandonnée
après l'un de ces ouragans si fréquents en Floride. Franck
ne lui accorda qu'un bref coup d'oeil. Son attention se reporta sur son
gardien qu'il se mit à dévisager avec intensité.
Le gardien qui le regardait machinalement
se figea dans une curieuse expression. Au bout d'un moment, Franck lui
dit:
"Pose ton fusil."
L'homme obéit aussitôt comme
un automate : au prix d'une concentration épuisante, Franck l'avait
hypnotisé. Il lui ordonna ensuite de le détacher. Quand il
eut ramené la circulation dans ses membres ankylosés par
sa longue immobilité forcée, il dit à son gardien,
en lui montrant la direction du sud
"Tu vois Franck Sauvage s'enfuir par là.
Tu vas demander de l'aide. Tu signaleras sa présence de temps à
autre toujours vers le sud."
L'homme sortit et se mit à appeler à
l'aide. Ark et ses autres compagnons accoururent et, après ses explications,
s'élancèrent vers le sud. Franck s'en alla à son tour,
mais en direction du nord, et se dissimula dans l'herbe haute. De ce point
de la clairière, il avait une vue parfaite sur la maison. Une sentinelle
en sortit, inspecta les alentours, puis rentra.
Franck se faufila jusqu'au coin de la maison
et se mit à imiter la voix flûtée d'Ark:
"Vous là, à l'intérieur.
Ne restez pas à ne rien faire. Allez vous poster au sud de la clairière."
Dès qu'il eut disparu, Franck se précipita
vers le bassin. L'homme corpulent n'y était plus. La lampe avait
été enlevée. Franck fit le tour du patio et avisa
une porte entrebâillée. Il se trouvait dans une pièce
envahie par la végétation. De là, il passa dans une
espèce de vestibule. Des empreintes profondes indiquaient qu'on
avait traîné par là de lourdes machines. Les traces
conduisirent Franck à une porte fermée par un cadenas. Il
essaya de défoncer la porte, n'y parvint pas et cherchait à
ouvrir le cadenas avec ses mains nues quand une voix cria derrière
lui
"Haut les mains! "
Il obéit et se retourna lentement.
Il ne vit personne tout d'abord, mais il remarqua une petite ouverture
rectangulaire par où sortait le canon d'un fusil.
"Franck Sauvage ! " s'exclama soudain la voix.
Ce dernier comprit qu'il n'avait pas affaire
à un ennemi. Il abaissa les bras et dit : "Venez ici."
"Impossible. Nos menottes sont attachées
à une chaîne. Pas moyen de bouger."
Franck s'engagea dans un corridor et atteignit
une porte qui n'avait même pas de serrure. Il la poussa et elle se
rabattit en grinçant, découvrant une pièce envahie
par des cyprès. Une chaîne enroulée autour du tronc
de l'un d'eux retenait prisonniers un homme roux au teint blême et
un autre, plus jeune, à l'aspect vigoureux, qui portait des lunettes
noires.
C'étaient eux que Franck avait aperçus
dans la maison des dunes - le beau-père de Nona Space et son assistant,
Ray Wood. Hyman Space agita la carabine qu'il tenait à la main et
désigna un troisième homme étendu à terre,
inanimé.
"Notre garde", expliqua-t-il brièvement.
" Il ne s'est pas rendu compte de la longueur exacte de la chaîne
et nous avons pu le réduire à l'impuissance. Malheureusement,
il ne portait pas sur lui la clef de nos menottes."
Franck examina les lunettes de Ray Wood. Elles
avaient une monture en métal. Il prit une des branches pour crocheter
les menottes. Il ne lui fallut pas plus de cinq minutes pour libérer
les deux hommes. Space s'écria
"Franck Sauvage. Dans cette maison, il faut
détruire quatre machines diaboliques. Il y va du salut de l'Amérique
! Elles se trouvent dans une pièce cadenassée donnant sur
le patio."
Ils s'apprêtaient à sortir quand
un bruit de pas leur fit précipitamment rebrousser chemin pour se
cacher dans la salle aux cyprès. C'était Ark qui vitupérait
le garde sorti sur l'injonction de Franck se poster au sud de la clairière.
Il était furieux et tempêtait contre les dons de ventriloque
de son adversaire.
"Prenons les nouvelles ", conclut-il. "Nous
allons peut-être savoir ce qui s'est passé à Miami.
Écoutons le bulletin d'information à cette heure-ci. "
Il y eut des crachotements, puis une voix
annonça : "La police patrouille pour tenter de retrouver les gangsters
qui ont arrêté deux voitures de police. On a signalé
l'apparition de neige rouge au-dessus de ces autos dont les occupants ont
disparu. Il s'agissait des agents de la force publique, de deux amis de
Franck Sauvage, Andrew Blodgett dit Gorille et Théodore Marley Brooks
dit Ted. "Au cours d'une interruption, on annonça l'arrivée
imminente à Miami du Secrétaire d'État. Quelqu'un
coupa la radio et la voix d'Ark s'éleva:
"Vous avez entendu ça ? "
Un de ses acolytes qui, lui, avait la voix
rauque, s'enquit : "On va lui faire tâter de la neige rouge ?"
"Exactement. C'est une occasion à ne
pas manquer. "
Quelques exclamations fusèrent, il
y eut une sorte de tumulte, puis quelqu'un déclara sur un ton ironique
"Tiens, tiens, voilà des gens bien
ambitieux. Je n'en crois pas mes oreilles."
Franck Sauvage sursauta et se tourna vers
ses deux compagnons à qui il chuchota
"C'est le dénommé Beech." Il
se tut, car l'autre reprenait
"Ainsi, vous en voulez à notre Secrétaire
d'État. Mes compliments, vous êtes une bande de beaux scélérats.
Mais je suis très curieux de ma nature. Qu'est-ce que c'est que
cette neige rouge? J'ai vu en venant ici une pièce soigneusement
verrouillés. Je parie que j'y trouverai la solution de ce mystère."
"Imbécile ! Mes hommes vont ..."
"... Contempler le cadavre refroidi du baron
Ark ", acheva Beech pour lui. "Qu'avez-vous fait de mon agent que vous
avez capturé?"
"Nous n'avons capturé personne."
"Ah, vraiment ? Eh bien, je suis décidé
à visiter cette pièce secrète."
Franck s'avança près de la porte
qu'il entrebâilla avec précaution. Il aperçut dans
le vestibule Beech casqué, vêtu d'un gilet pare-balles, un
masque à gaz pendu à son cou, une mitraillette braquée
entre les mains.
LA SEMAINE PROCHAINE:
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LA CHAMBRE SECRETE
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[Mickey #841
Résumé. Frank Sauvage et ses amis cherchent
à découvrir la cause de plusieurs disparitions mystérieuses
et à déterminer la nature de l'étrange "neige rouge"
dont se servent les ravisseurs. Une piste les conduit sur une île
qui semble inhabitée. A peine Frank Sauvage échappe-t-il
à Ark, le chef d'une bande de malfaiteurs, qu'il se rend compte
qu'une bande rivale a également ses repaires sur cette île.
Les deux groupes de bandits s'affrontent durement... |
LA CHAMBRE SECRÈTE
Devant cette menace, Ark et ses hommes reculaient
lentement vers la porte cadenassée. Soudain, Franck se baissa, ramassa
une brique et la lança avec vigueur par la fenêtre, atteignant
un homme qui visait Beech avec un fusil automatique. L'homme s'effondra
en poussant un cri qui fit se retourner Beech. Celui-ci n'aperçut
d'abord que Franck.
"Pourquoi avez-voua donné l'alarme
"? s'exclama-t-il.
Franck se pencha par la fenêtre pour
regarder où en était son adversaire.
"Un gilet pare-balles est une excellente protection",
répliqua-t-il, "mais voilà un lascar qui vous visait dans
le cou et qui ne vous aurait peut-être pas manqué".
Beech se pencha à son tour.
"Il ne recommencera pas", dit-il. "Vous l'avez
sérieusement touché."
Franck qui n'avait pas lâché
sa branche de lunettes se dirigea vers le cadenas qu'il commença
à crocheter en déclarant : " Je suis curieux de voir ce que
contient cette pièce." Hyman Space et Ray Wood s'approchèrent.
En les apercevant, Beech s'exclama:
"Space... et Wood? Pourquoi ne vous êtes-vous
pas adressés au gouvernement? Ce qu'il fallait faire immédiatement!
"
"Nous avions peur. Nous avons bien tenté
d'envoyer deux hommes hors de ce marécage, où ils ont ...
"
Space fut interrompu par Ark qui cria d'une
voix aigre
"Encore un mot et vous êtes morts !
"
"Et vous aussi ", riposta tranquillement Beech.
Ray Wood demanda à Beech : "Qui êtes-vous
donc ? "
Mais celui-ci regardait la porte dont Franck
venait enfin de forcer le cadenas. Au moment où ils allaient pénétrer
dans la pièce, Hyman Space jeta un cri d'alarme:
"Voilà les hommes d'Ark ! "
Beech se posta à la fenêtre, mitraillette
braquée, et lança à Wood un pistolet en lui disant
de surveiller Ark. Mais avant que Ray Wood ait pu se servir de son arme
l'homme chauve se précipita sur lui. La bagarre devint générale.
Franck avait pénétré dans la salle et examinait les
curieuses machines tout en acier et tubes de verre qui s'y trouvaient.
En entendant crépiter les balles, il revint précipitamment
dans le vestibule, à temps pour s'emparer du pistolet qui avait
échappé aux mains de Ray Wood et mettre en déroute
ses adversaires. Beech arrosait méthodiquement la clairière
et l'on entendait au-dehors les assaillants crier. D'une détente,
Ark recula au fond du vestibule, hurla quelque chose dans sa langue maternelle
et se faufila dans la salle aux machines dont il rabattit brutalement la
lourde porte blindée.
Franck essaya vainement d'ébranler
le panneau. On entendait Ark lancer des ordres incompréhensibles.
"Que dit-il? " demanda Beech.
"Il dit à ses hommes de faire usage
de la neige rouge ", traduisit vivement Franck. Les autres objectent que
sa vie est précieuse, mais il leur répond que si c'est lui
l'inventeur de cette neige, eux savent maintenant s'en servir et, par conséquent,
qu'il n'est plus indispensable.
"Il est brave", déclara Beech.
Space fut secoué de tremblements et
s'exclama
"Vite ! Partons Cette neige va nous tuer tous
!"
"Vous savez ce que c'est ? " questionna Franck.
"Non ", expliqua Space. "C'est un mélange
trop complexe. Il doit agir sur la structure moléculaire de la matière.
C'est tout ce que je peux dire."
"Mais le produit rouge que vous avez essayé
de me faire parvenir ?" reprit Franck.
"C'est l'un des aspects de la neige rouge.
Du moins, je le suppose. J'espérais que vous pourriez analyser cette
matière."
Beech intervint : "Comment êtes-vous
au courant? "
Space eut un haussement d'épaules découragé.
"Je suis un chimiste. Je cherche de nouvelles
couleurs radio-actives. J'emploie des quantités considérables
de radium pour mes expériences. Ces hommes avaient besoin de radium.
Ils se sont emparés de moi pour renouveler leur stock."
"A quoi servent ces machines ? " demanda Franck
en désignant la pièce close.
"A faire tomber la neige rouge."
Beech s'exclama : "Il faut les détruire."
"On en a mis un autre groupe dans le marais",
dit Space. "Malheureusement, je n'en connais pas l'emplacement exact. On
m'y a conduit les yeux bandés."
Un silence pesant était tombe sur la
clairière. Franck examina les alentours avec attention. Une sorte
de toux assourdie retentit. Beech leva la tête vers le ciel.
"La neige rouge!" cria-t-il.
Franck Sauvage regarda à son tour.
Le soleil était perdu dans un halo rouge d'où commencèrent
à tomber lentement des flocons couleur de sang.
"Nous n'avons pas de temps à perdre",
murmura-t-il.
Accompagné de Space et de Wood, suivi
de Beech, il s'élança dans la clairière. Les hommes
d'Ark qui étaient embusqués à sa lisière se
mirent à tirer, mais sans les atteindre. Beech riposta avec sa mitraillette.
Ses adversaires appelèrent à grands cris Ark, resté
dans la salle aux machines. Cédant à leurs prières,
il sortit de la maison et courut vers ses hommes. Beech l'ajusta et le
manqua. Franck cria à Beech de venir au canot. Wood avançait
avec aisance, mais Space ne suivait le train que péniblement. Franck
le souleva dans ses bras robustes et reprit la tête du petit groupe.
"Ma belle-fille... Nona, est-elle sauvée?
" demanda Space, la voix étranglée.
Franck fit semblant d'être trop essoufflé
pour répondre. Confiée à Gorille et à Ted,
elle ne risquait rien, mais ceux-ci avaient été capturés
par des gangsters s'il fallait en croire le communiqué de la radio...
Dieu savait ce qui avait pu lui arriver.
Ils atteignirent bientôt la rive et
montèrent dans le youyou pour gagner le canot automobile. Franck
prit les rames et l'embarcation légère vola sur l'eau.
"J'avais un homme avec moi ", dit Beech. "Je
regrette de ne pas l'avoir retrouvé. Je crains pour sa vie."
"Nous reviendrons le chercher plus tard ",
répliqua Franck d'un ton bref.
Ils embarquèrent dans le canot automobile
dont Franck mit aussitôt le moteur en marche. Beech coupa l'amarre
et le canot s'éloigna vers le large : juste à temps, car
leurs poursuivants sortirent de la brousse et commencèrent à
tirer, heureusement sans atteindre la cible.
LA SEMAINE PROCHAINE:
|
À VOL D'OISEAU
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[Mickey #842]
Résumé. Franck Sauvage et ses amis cherchent
à découvrir la cause de plusieurs disparitions mystérieuses
e! à déterminer la nature d'une étrange neige rouge
dont se servent les ravisseurs. Ils apprennent que deux bandes de malfaiteurs
peuvent être à l'origine de ces rapts. Sur une île qui
semble inhabitée, les deux groupes de bandits ont leurs repaires
et s'affrontent durement. Franck juge prudent de s'éloigner. |
À VOL D'OISEAU !
Nous voilà sortis d'affaire", murmura
Beech.
Il avait parlé trop vite; le moteur
toussa, puis se tut; c'était la panne de carburant. Le canot glissa
sur son erre et s'immobilisa. Leurs ennemis détachaient un canot
à rames ils ne tarderaient pas à se trouver à portée
de leurs fusils. Franck jugea la situation d'un coup d'oeil.
"Tous à l'eau", ordonna-t-il. "Abritons-nous
derrière la coque. Nous avons une chance de nous en sortir."
L'eau leur parut froide au premier abord,
car ils avaient été chauffés par leur course désordonnée,
mais ils s'y habituèrent vite. Le rivage se trouvait encore à
une grande distance. Beech se tourna vers Franck.
"Vous sentez-vous de force à regagner
la terre ferme?" demanda-t-il. "Si oui, partez tout de suite. Nous autres,
nous sommes trop épuisés pour y parvenir. Qu'il y ait au
moins l'un d'entre nous qui se sauve."
"Bonne idée", répliqua brièvement
Franck qui se laissa couler au fond.
Peu après, le bateau de leurs adversaires
s'approcha. Ark était debout à l'avant.
"Où est Sauvage "? cria-t-il.
"Noyé", répondit Beech.
"As-tu transmis des renseignements à
Washington sur ce que tu sais ?" Devant le silence de Beech, il comprit
que oui. "Si tu me dis comment intercepter ton messager avant qu'il ne
parle, tu auras la vie sauve, parole d'honneur."
"Votre parole n'a aucune valeur ", riposta
Beech.
"Elle en a autant que ta vie."
"Peu importe. Je refuse."
Ark mit Beech eu joue et tira. Un quart de
seconde avant que le coup ne parte, deux mains brunes avaient agrippé
le bordage et imprimé une secousse au bateau. Déséquilibré,
Ark tomba à l'eau avec ses compagnons.
Sauvage et les siens n'étaient pourtant
pas hors d'affaire : un bruit de moteur s'amplifia, annonçant l'approche
d'un canot qui fonçait sur eux. L'homme qui était à
l'avant avait un fusil. C'était un des acolytes d'Ark.
"Sauvage, partez vite !" cria Beech.
Cette fois, Franck obéit pour de bon,
Se coulant entre deux eaux, il eut vite fait d'aborder non loin de la petite
crique où il avait dissimulé ses vêtements. S'étant
habillé, il gravit une éminence d'où il aperçut
le canot et ses occupants. Au fond, étroitement ligotés,
il vit Gorille, Ted et Nona Space. Son expression devint farouche. D'un
pas rapide, il se rendit jusqu'à une maison voisine pour téléphoner
et alerta les gardes-côtes, puis demanda Washington.
Il avait de nombreux amis au gouvernement.
L'un d'eux lui donna le numéro du chef des services secrets. La
personne qui répondit lui annonça que la personnalité
en question s'était rendue à Miami. Franck n'aurait qu'à
s'adresser à O. Garfew Beech...
Une heure plus tard, Franck Sauvage entrait
dans les bureaux de la compagnie de produits chimiques dont il était
propriétaire. Les quatre caisses envoyées par avion de New
York par sa cousine Pat étaient arrivées.
Franck déballa le matériel et,
secondé par deux chimistes qualifiés, il se mit en devoir
d'analyser la matière rouge détachée du dentier de
Casson Adams. On lui apporta les journaux et les dernières nouvelles
diffusées par la radio. Il apprit ainsi que le Secrétaire
d'État avait retardé sa visite à Miami et que le pays
tout entier était bouleversé par l'affaire de la neige rouge.
Lorsque Franck eut terminé son analyse,
il convoqua les chefs de la compagnie chimique. A l'issue de cette réunion,
des messages partirent dans toutes les directions pour demander divers
produits extrêmement rares, puis Franck se remit au travail. La police
avait retrouvé le canot qui emportait Nona Space, Ted et Gorille,
mais il n'y avait aucune trace du trio ou de leurs ravisseurs. Le journal
Le Globe annonçait qu'un chasseur indien nommé l'Épervier
avait trouvé un cube de matière rouge dans un marais des
Everglades et qu'il avait assisté au phénomène de
la neige sanglante.
Lorsqu'il lut l'article, Franck sursauta.
Une heure plus tard, il survolait en avion les marais. Il vit d'abord une
nappe verte, pareille à une prairie, avec, de temps à autre,
un point d'eau libre ; ensuite surgirent, çà et là,
des squelettes d'arbres morts, pointant au-dessus d'une jungle épaisse.
Le village où demeurait l'Indien séminole appelé l'Épervier
était situé au coeur de cette brousse presque impénétrable.
Avec ses huttes couvertes de chaume et entourées de palissades,
on l'aurait pris pour un village de paillotes d'Amérique centrale.
Franck se rapprocha du sol. L'ombre de son appareil effarouchait les buses
et les corbeaux perchés sur les arbres morts. C'est en suivant machinalement
leur vol des yeux que Franck aperçut l'autre avion. C'était
un monoplan monomoteur marron. Sur le flanc, Franck lut ce nom: Globe.
Il en déduisit que c'était l'appareil du journal qui se réservait
l'exclusivité de l'article sur l'Indien et la neige rouge.
Quand il arriva à sa hauteur, Franck
remarqua que le passager de l'autre avion lui envoyait des signaux lumineux
en morse à l'aide d'un miroir qui captait les rayons du soleil,
Il déchiffra ce message : "Gorille demande de l'aide. Suivez-nous.
Allons survoler sa cachette."
Il battit des ailes pour indiquer qu'il avait
reçu et compris le message. L'autre appareil reprit de la hauteur.
Franck le suivit à petite distance, gardant le plus possible les
yeux tournés vers le marais. Pas une seconde le doute n'effleura
son esprit. Hyman Space lui avait dit que les bandits possédaient
un second repaire dans les marais, Gorille avait été capturé
par eux; il n'y avait donc rien d'étonnant qu'il ait envoyé
un message de détresse et que l'avion du Globe l'ait aperçu.
C'est presque instinctivement qu'il releva les yeux. Devant lui, plus d'avion
mais un épais nuage pourpre.
Il fit cabrer son appareil et se rendit compte
aussitôt que l'avion ne parviendrait pas à monter au-dessus
du nuage mortel. Sans hésiter, il sauta en parachute. Quand le dôme
de soie blanche se fut déployé, il regarda dans la direction
du nuage. Il vit son avion en ressortir, apparemment intact, puis piquer
du nez vers le marais. Franck eut le temps de repérer son point
de chute avant d'atterrir lui-même dans la vase. L'appareil de ses
ennemis revenait vers lui. Il se blottit sous des broussailles et attendit
que l'avion se soit éloigné pour aller fouiller les débris
de son appareil afin d'y récupérer le précieux matériel
qu'il avait emporté. Le terrain était découvert. Ses
ennemis l'aperçurent et passèrent en rase-motte, faisant
crépiter une mitrailleuse.
A leur passage suivant, ils constatèrent
que Franck avait échappé aux balles. Le pilote fonça
en piqué et un engin qui ressemblait à une grenade rebondit
dans le fourré où Franck tentait de se dissimuler. Une nuée
rouge se forma au-dessus des broussailles et des flocons commencèrent
à tomber. L'avion continua sa ronde autour du fourré bientôt
couvert de neige pourpre. Un léger coup de vent survint, les flocons
se désagrégèrent et, au lieu d'un fourré, il
n'y eut plus qu'un emplacement nu que l'eau du marais envahit peu à
peu.
Franck Sauvage avait disparu.
Le passager de l'avion déclara d'un
ton satisfait
"Il ne nous a pas échappé, cette
fois-ci."
"Non, et c'est tant mieux ", dit le pilote
en virant sur l'aile.
LA SEMAINE PROCHAINE :
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SUR LES TRACES DE CICÉRON
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[Mickey #843]
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