Franck Sauvage - La neige rouge Les nouvelles aventures de Franck Sauvage La neige rouge [Mickey #830] Un personnage que vous connaissez bien et que vous retrouverez avec joie... Un canot surgit soudain sur les eaux dormantes du marais. Ses deux passagers pagayaient de toute leur force en se retournant constamment, comme s'ils craignaient d'être poursuivis. Quand il les aperçut, l'Epervier se dissimula derrière un écran de feuillage. L'expérience lui avait appris que les hommes blancs qui avaient cette allure de bêtes traquées étaient des hors-la-loi venus chercher refuge au coeur du fouillis de végétation tropicale recouvrant cette région marécageuse de la Floride. Le canot ne tarda pas à disparaître et l'Indien reprit sa chasse. Il examinait des empreintes d'alligator sur la rive boueuse lorsqu'il vit, de nouveau, les passagers du canot. Ils couraient aussi vite que le permettait le sol spongieux. En passant à côté d'un arbre mort, tout près de l'Indien, l'un d'eux s'arrêta un instant pour dissimuler dans le tronc creux un petit paquet qu'il portait attaché au cou. Puis, il se remit à courir. Le soleil brillait dans un ciel sans nuages. Il faisait chaud. Pourtant l'Indien vit subitement des flocons de neige se matérialiser au-dessus des fuyards. Une neige couleur de sang. Des cris déchirants tirèrent l'Epervier de sa stupeur. Il s'enfuit, terrorisé, non sans avoir ramassé le petit paquet dans sa cachette. Il ne s'arrêta pour reprendre haleine qu'à une distance considérable du lieu où s'était produit l'étrange phénomène. Il voulut alors examiner le contenu du paquet. Sous plusieurs feuilles de papier huilé, il découvrit un cube de cinq centimètres de côté, rouge foncé, ayant l'apparence de la cire à cacheter. Mais quel homme pressé par un danger quelconque se retarderait pour mettre à l'abri de la cire à cacheter ? L'Indien en connaissait le peu de valeur. Il conclut que sa trouvaille devait être précieuse. Il la renveloppa avec soin et la suspendit à son cou en attendant de découvrir quelqu'un qui le renseignerait sur la nature du cube rouge et qui, peut-être, le lui achèterait. Mais, quand il raconta l'incident de la neige pourpre, tous les Indiens de sa tribu se moquèrent de lui. C'est à cette époque que la police de Cleveland ouvrit une enquête sur la disparition de Valdemar Svelaska. Possesseur d'une importante usine de constructions aéronautiques, cet ingénieur était parti chasser le lapin et n'était jamais revenu. Un fermier déclara que, peu après l'avoir aperçu dans un pré, il avait vu tomber de la neige rouge, mais personne ne prêta attention à son dire. Summer Vane Lawinen disparut peu après. Chimiste renommé, il venait d'obtenir une chaire de professeur dans une grande université. Aux commandes de son avion personnel, il s'envola pour visiter la Caroline du Sud. Il ne devait jamais y atterrir. Un pêcheur prétendit avoir aperçu un nuage rouge qui s'était abattu sur l'avion, mais on ne le prit pas au sérieux. La semaine suivante, cinq autres personnalités disparurent à leur tour sans laisser de traces. C'étaient un banquier, un ingénieur, un sénateur, un constructeur d'automobiles et un jeune sous-secrétaire d'État au ministère de la Guerre. Tous gens de premier plan. C'est alors que Franck Sauvage arriva en Floride. Franck Sauvage vit deux marchands de fruits s'arrêter devant le Biscayne-ville Hôtel. Il y en avait des douzaines comme eux qui parcouraient les rues de Miami dans leur carriole, traînée par un cheval, pour vendre des noix de coco, des oranges et du raisin, aussi Franck ne leur accorda-t-il qu'un coup d'oeil rapide. Il examinait un groupe de journalistes qui montaient la garde devant son hôtel. Ils avaient appris son arrivée par un employé de l'aéroport et s'étaient précipités pour obtenir une interview. Franck leur avait expliqué qu'il était venu tenter de procéder à l'extermination des moustiques grâce à un nouveau produit, mais ils n'avaient pas voulu le croire. Ils étaient décidés à découvrir la "vraie" raison de son voyage. Franck était victime de sa renommée : on savait qu'il aimait le danger et qu'il n'hésitait pas à risquer sa vie pour secourir les opprimés ou mettre des bandits hors d'état de nuire. Déclarer la guerre aux moustiques paraissait une tâche par trop prosaïque pour un homme doué de ses talents exceptionnels. Un article sur Franck Sauvage fournissait de la bonne copie; aussi, reporters et photographes guettaient-ils l'occasion de l'interroger de nouveau et plus à fond. Agacé, il détourna les yeux du groupe et son regard se posa machinalement sur les deux marchands. Franck sursauta, courut à sa valise et en sortit une paire de jumelles. A l'abri derrière ses rideaux, il braqua son instrument sur les deux hommes. Entre autres facultés, Franck avait celle de lire sur les lèvres. Il reconnut une langue étrangère qu'il connaissait à la perfection. "Les bagages de Sauvage vont arriver" , disait l'un des marchands. "Il faudra agir à ce moment-là. " "Et ne pas manquer notre coup ", rétorqua l'autre. "Notre vie dépend de notre réussite." "Sinon, même, la destinée du monde." Le visage de Franck qui semblait coulé dans le bronze ne trahit rien de sa surprise, mais un étrange sifflement sortit de ses lèvres. C'était une sorte de trille aigu et musical qui faisait penser au bruit du vent dans la forêt ou à l'appel d'un oiseau des tropiques. Franck avait coutume d'émettre ce son pour marquer son étonnement ou son contentement. Il s'en servait aussi comme signal, pour avertir ses compagnons. Cette fois-ci, cela marquait sa stupeur : deux misérables camelots avaient sérieusement l'air de croire que le destin du monde dépendait du succès de leur entreprise.. laquelle concernait ses bagages! Un camion déboucha du coin de la rue. Franck le surveilla attentivement. C'était celui qui devait livrer ses valises. Il s'arrêta près de la carriole aux fruits. On distinguait à l'intérieur des bagages couverts d'étiquettes bariolées. Le conducteur et son aide en descendirent. Aussitôt, les deux marchands se précipitèrent, un revolver à la main, et leur commandèrent de rester tranquilles. Les bras en l'air, ils n'eurent garde de bouger. Franck courut à sa mallette, d'où il sortit cinq pistolets automatiques. Il en prit un, le munit d'un chargeur qui ressemblait à la bobine de pellicule d'un appareil de cinéma; puis fixa au canon un tube d'une trentaine de centimètres. Allant à la fenêtre, il souleva sans bruit les rideaux. Les marchands tenaient toujours les livreurs de bagages en respect. Franck les mit en joue. Un des marchands sursauta et porta une main à sa jambe. Au moment même où son compagnon s'écriait "Qu'y a-t-il ? ", Franck tira une seconde fois et l'homme sursauta à son tour, puis se tâta comme s'il avait été piqué par un taon. Presque aussitôt l'un et l'autre donnèrent des signes d'intense fatigue et s'affalèrent soudain par terre. Franck Sauvage les avait endormis avec des balles chimiques de son invention lancées au moyen d'un pistolet silencieux qu'il avait perfectionné lui-même. Il se pencha au dehors. Les journalistes avaient disparu comme par enchantement quand ils avaient aperçu le revolver des marchands. Maintenant, Franck les voyait pointer le nez, qui derrière un arbre, qui derrière une voiture en stationnement. Il enjamba la fenêtre et s'apprêtait à se laisser tomber sur la pelouse quand des individus, au visage noirci, émergèrent des tas de noix de coco et d'oranges. Ils brandissaient chacun une mitraillette qu'ils braquèrent avec ensemble sur Franck suspendu par les mains au rebord de sa fenêtre. Franck réagit aussitôt. Remonter dans la chambre lui aurait pris trop de temps. Atterrir sur la pelouse ne valait guère mieux. Il prit le parti de défoncer la fenêtre située au-dessous de la sienne et de se réfugier dans cette chambre. Les balles des inconnus fracassèrent ce qui restait des vitres. Il se releva, courut à la porte qui était fermée à clef, la défonça d'un coup d'épaule et s'élança dans le couloir en direction de l'escalier. Les mitraillettes crépitaient toujours. Plus proches, des protestations et des grognements ébranlèrent le couloir. Un magnifique cochon survint, suivi d'un homme mince et élégant. En se hâtant tous les deux, ils se gênaient et ce qui devait arriver arriva. Ils tombèrent. Au bruit de leur chute, un autre homme accourut, ruisselant d'eau et drapé dans un peignoir de bain. A sa haute taille et à ses grands bras, il devait le surnom de Gorille. "Si tu touches à Cicéron, Ted, tu auras affaire à moi !" s'écria-t-il d'une voix puissante. "Cette bête infernale m'a fait un croc-enjambe", protesta ledit Ted. "Je crois que je me suis cassé les reins." "J'ai bonne envie de te les casser pour de bon", reprit Gorille. "Je t'ai entendu, tu ne cesses de taquiner cette pauvre bête." Le dialogue s'arrêta là, car ils aperçurent Franck. "Qu'est-ce que c'est que ce feu d'artifice?" demanda Gorille. "Je n'en sais rien. Je vais aller voir", dit-il en se dirigeant vers sa chambre. Ted, Gorille et le cochon Cicéron lui emboîtèrent le pas. Ted et Gorille étaient deux des cinq compagnons qui parcouraient le monde avec Franck et l'aidaient dans les missions dont il se chargeait. Gorille s'appelait en réalité le lieutenant-colonel Andrew Blodgett Mayfair et était, considéré comme un des plus grands chimistes de l'époque, tout comme Ted ou plutôt Théodore Marley Brooks - était l'un de leurs meilleurs avocats. Les deux hommes se taquinaient sans cesse, mais étaient d'excellents amis. LA SEMAINE PROCHAINE: FEU D'ARTIFICE [Mickey #831] Manque/ missing [Mickey #832] Résumé. Au moment où Franck Sauvage et ses amis arrivent en Floride, sous prétexte d'exterminer des moustiques, d'étranges personnages s'intéressent fort à ses bagages. Dans l'une de ses malles, Franck Sauvage découvre un homme assassiné. Une adresse trouvée près de celui-ci permet à Franck de se lancer sur une piste. Ted se releva le premier. Gorille qui avait déjà commencé à se verser du sable sur les paupières se redressa en trébuchant. Franck le saisit par la main et l'entraîna en direction de la maison. Ted avait pris les devants. "Pas par là ! Va à droite ", lui cria Franck. "J'ai vu un homme avec un fusil à la fenêtre." Ils contournèrent la maison et se trouvèrent assaillis de toutes parts. Écrasé sous le nombre, Franck Sauvage fit des ravages parmi les assaillants. Ted se défendait avec sa canne-épée dont la pointe, enduite d'un produit chimique, les paralysait momentanément. L'homme à la tête ronde réapparut au sommet du mur. Il cria : "Reprenez-leur ce qu'ils ont ramassé !" Trois hommes repartirent à l'assaut de Franck. Dans le corps à corps, sa poche se déchira et la bague tomba. Un de ses adversaires s'en saisit, cependant que l'homme du mur s'exclamait : "Fuyez! La chlorine!" Le nuage empoisonné approchait, en effet. Les assaillants s'enfuirent laissant sur le terrain ceux des leurs que Franck et Ted avaient neutralisés. Franck courut au mur d'enceinte, suivi par Ted qui remorquait Gorille. Un coup de vent éloigna le nuage empoisonné. "L'homme à la tête ronde est tombé de ce côté-ci du mur. Cherchons-le ", cria Ted. Ils virent ses empreintes dans le sable. Elles longeaient le mur. Soudain Franck s'arrêta. La voix flûtée de l'homme appelait ses acolytes restés dans le jardin. "C'est tout ce qu'ils avaient ?" questionna l'homme quand ils lui eurent répondu. "Oui, rien que la bague." "Impossible. Elle n'a aucune importance." "Je vois une pâte, sous le diamant, qui ressemble à de la cire rouge ", cria un des hommes. "Ah! voilà. Ils connaissent le secret et ils essaient de le transmettre à ce Franck Sauvage." "C'est la bague de la jeune fille", reprit l'homme du jardin. "Naturellement. Va voir si elle ne s'est pas échappée. Ted murmura "Tiens, voilà qui est intéressant. La clef du mystère a un rapport direct avec cette matière et il y a une prisonnière dans la maison." Prenant son élan, Franck s'élança jusqu'au faîte du mur, à temps pour voir une silhouette qui courait vers la maison délabrée. Il se laissa tomber à son tour dans le jardin. Déconcertés un instant par cette prompte action, Ted et Gorille l'imitèrent avec un léger retard. Franck avait eu le temps de se dissimuler dans un fourré de palmiers nains. L'homme à la tête ronde était encore visible. "Tâche de l'arrêter! " cria Franck à Gorille. Ce dernier sortit de sa poche un pistolet à balles anesthésiantes et tira, mais le fuyard disparut derrière un enchevêtrement de branches et de feuilles. Ted tirait - cette fois en direction d'une fenêtre. Franck se rapprocha. Il entendit une voix qui appelait depuis la maison. "Ark! Par ici. Par la fenêtre du rez-de-chaussée !" "Ces démons tirent toujours ?" questionna Ark, l'homme à la tête ronde. "Ils ne peuvent pas l'atteindre. Mais dépêchez-vous." Franck vit l'homme s'introduire dans la maison. Une minute plus tard, un canon de fusil parut dans l'embrasure de la fenêtre et une halle écorna le tronc du palmier, derrière lequel Franck s'était réfugié. Ce dernier sortit de sa poche une grenade qu'il dégoupilla et lança. Une violente explosion souleva un nuage de sable. Le mur de la vieille maison se fendit. Un pan de mur s'effondra. Puis tout redevint presque silencieux, en dépit des jurons des bandits qui se trouvaient à l'intérieur. Franck courut, en se baissant, jusqu'à la maison et y pénétra. Le plâtre crissait sous ses pas. Il se fraya un chemin parmi les débris, ouvrit une porte et se retrouva dans un corridor. A une certaine distance, quelqu'un criait. La voix semblait provenir de la cave. "Va chercher la jeune fille ! Ramène-les tous. Si Franck Sauvage arrivait à leur parler, cela irait mal pour notre matricule." "Elle est en haut. Je monte." dit une autre voix. Des pas résonnèrent sur les marches. Franck se dissimula dans un renfoncement à côté de la porte de la cave. Un homme gravit l'escalier et s'engagea dans le couloir. Prudent, il se retourna et aperçut Franck. Rapidement celui-ci lui plaqua une main sur la bouche puis, d'une prise particulière à la nuque, le réduisit à l'impuissance. Franck se pencha dans l'entrée de la cave et, imitant la voix de l'homme, lança à l'intention de ceux qui étaient restés au sous-sol "Attention, Sauvage n'est pas loin d'ici !" "Froussard! Dépêche-toi de ramener la jeune fille." Franck monta rapidement au premier étage. il découvrit celle qu'il cherchait derrière la troisième porte. Elle était si petite qu'à première vue on aurait cru une enfant, mais elle avait en réalité une vingtaine d'années. Une chaîne attachée autour de sa taille avec un cadenas l'empêchait de s'enfuir. En apercevant Franck, elle chuchota " Vous avez ramassé la bague?" "Ils me l'ont reprise ", répondit-il en saisissant la chaîne pour tenter de la rompre entre ses mains vigoureuses. "Comment ont-ils pu ! A vous, Franck Sauvage? " "Vous semblez m'estimer au-dessus de ma valeur." "Ils ont tous peur de vous. Quand ils ont appris votre arrivée en Floride, ils ont craint que vous ne veniez pour eux et non pour exterminer des moustiques comme on le disait. Je vous ai lancé la bague parce que je n'osais pas crier pour vous appeler. Où est Case ? Il ne vous a pas accompagné? " "Vous voulez parler du professeur Casson Adams? " "Oui. Nous savions que vous étiez surveillé. Aussi a-t-il pensé que le meilleur moyen de vous joindre sans que ces hommes s'en aperçoivent était de se cacher dans une de vos malles. N'était-ce pas une bonne idée ?" Franck ne répondit pas. Avec un morceau de fil de fer, il s'affairait à forcer le cadenas qui retenait la jeune fille prisonnière. Une détonation ébranla toute la maison. Dans la cave une voix cria "En haut, les gars; si nous restons ici, nous risquons d'être ensevelis. " Le cadenas céda et Franck entraîna la jeune fille vers la fenêtre. "Quel est votre nom? " demanda-t-il. "Nona Space. Case ne vous l'a pas dit ? " "Nous allons sauter par cette fenêtre. Je vous porterai pour traverser le jardin. J'ai un gilet pare-balles qui vous mettra à l'abri si nous sommes aperçus." "Mais les deux autres ?" dit la jeune fille d'une voix inquiète. "De qui parlez-vous ?" "Cass ne vous l'a donc pas expliqué? " "Le professeur Casson Adams a été tué quand ces bandits ont attaqué le camion transportant la malle où il s'était dissimulé. Nous avons trouvé l'adresse de cette maison dans un carnet que le professeur portait sur lui. Qui sont ces deux personnes ?" LA SEMAINE PROCHAINE: TROIS CAPTIFS DANS LA MAISON! [Mickey #833] Manque/ missing [Mickey #834] Résumé. Venu en Floride avec ses amis, Franck Sauvage cherche à percer le mystère de la disparition de plusieurs personnalités importantes. Dans une maison isolée, il trouve trois prisonniers séquestrés par une bande que dirige un certain Ark, et, parmi eux, une jeune fille qui essaie de transmettre à Franck une bague de diamant enduite d'une étrange substance rouge. Malgré tous leurs efforts, Franck et ses amis ne parviennent pas à délivrer les captifs et reprennent le chemin de la ville. RECHERCHÉS PAR LA POLICE ! Une heure plus tard, Gorille s'arrêta devant une station-service proche de cette curieuse demeure. Les trois amis avaient fait disparaître les traces de leur lutte avec les bandits et s'en étaient allés reprendre la voiture de louage qu'ils avaient laissée dans les dunes. Ils l'avaient dégagée du trou de sable où elle s'était enlisée et Gorille avait pris le volant. Le pompiste dit aimablement, tout en commençant à remplir le réservoir "Vous venez de chez Hyman Space, à ce que je vois." "C'est lui qui habite la vieille maison dans les dunes ?" "Oui. On n'a pas idée d'aller se loger dans des endroits pareils ; vous ne trouvez pas ? " "L'envie ne m'en prendrait pas ", répliqua Gorille en fronçant le nez avec une grimace comique. "C'est vrai qu'on y respire d'assez vilaines odeurs dans leur coin. " "Ils sont beaucoup à vivre dans cette maison ? "Il y a Hyman Space, le professeur Casson Adams et Rat Wood." "Adams et Wood, qui est-ce ? " "Les employés de Hyman. Il s'est installé là, voilà deux ans déjà. Il disait qu'il voulait être en paix pour travailler. A quoi, ça, je ne sais pas. Je les voyais peu ces derniers temps. Depuis que le sable a envahi la route, ils passent le long de la mer." "Il y a aussi une jeune fille ? " "Oui, la fille du vieux Space. " Tandis que Gorille reprenait le chemin de Miami, Ted s'écria "J'ai l'impression que nous pataugeons. Un homme est tué en voulant nous rejoindre pour nous parler. C'est peut-être sur lui que nous aurions trouvé la clef de l'énigme." Gorille poussa une exclamation, puis se retourna vers Franck. "Je viens d'avoir une idée.., mais je me demande si tu ne l'as pas eue déjà ?" "Tu veux parler de la pâte rouge qui enrobait à moitié le dentier du professeur?" dit Franck. "Exactement. " Deux cars de police et de nombreuses voitures de presse stationnaient devant le Biscayneville Hôtel. Franck dit à Gorille de ne pas ralentir. Ils allèrent se garer dans une petite rue, à une certaine distance. Franck descendit et demanda à ses amis de l'attendre. Il revint à l'hôtel par-derrière. Un policier était de faction près de la grille du jardin. Un journaliste bavardait avec lui. "... Le valet de chambre l'a découvert en venant nettoyer la pièce. " "Vous pensez que Franck Sauvage l'a amené dans cette malle depuis New York ?" "Probablement. Il faut attendre le résultat de l'autopsie pour déterminer le moment où l'homme a été tué." "Vous allez arrêter Sauvage ? Vous n'avez contre lui que des présomptions et c'est un type célèbre plutôt grâce à de bonnes actions que par des crimes, il me semble. " "Ah! dame oui. Mais le chef de la police a envie de faire un coup d'éclat. " Franck en avait assez entendu. Il revint à la voiture dont il prit le volant. En route, il expliqua brièvement à ses compagnons ce qu'il avait appris. "Alors, nous sommes recherchés par la police ? Il ne manquait plus que ça", dit Gorille. "Ils vont bien s'apercevoir que le bonhomme a été tué aujourd'hui même et non pas à New York." "Cela ne nous innocentera pas nécessairement." "Où est le corps ?" questionna Ted. "A la morgue." "Tâchons de reprendre le dentier." "Nous allons essayer", dit Franck. La morgue était située dans une rue assez calme. Franck gara la voiture derrière les clous afin de pouvoir démarrer rapidement. Deux agents de police faisaient les cent pas devant le bâtiment. "Si nous descendons tous les trois, ils vont nous repérer ", dit Gorille. "Tu as raison. Attendez-moi dans la voiture ", répliqua Franck. Des massifs de fleurs poussaient au pied des fenêtres garnies de barreaux. Franck profita d'un moment où les agents lui tournaient le dos pour courir se dissimuler dans les buissons. Il regarda à l'intérieur. La salle était vide. Sortant un flacon de sa poche, il aspergea la base des barreaux avec son contenu. Le liquide désagrégea le métal et Franck n'eut plus qu'à dégager les barreaux de leur logement pour s'introduire dans la place. Un bruit de voix le guida jusqu'à une salle dont la porte était ouverte. Il vit des hommes en blouse blanche penchés sur le corps du professeur Adams dont les vêtements étaient soigneusement pliés sur une table voisine. Franck prit dans sa poche deux petits objets qui ressemblaient à des billes de verre : ces billes contenaient un produit dégageant un gaz soporifique. Il les jeta dans la salle où elles se brisèrent. Les hommes en blanc avaient tourné la tête au bruit du verre cassé, mais avant qu'ils eussent compris ce qui se passait ils furent saisis d'une somnolence irrésistible et s'assirent machinalement sur un banc où ils s'endormirent d'un profond sommeil. Ce gaz était sans danger et, à leur réveil, ils ne se souviendraient de rien. Franck fouilla rapidement les vêtements du professeur Adams, découvrit le dentier et le glissa dans sa poche. Sur la table d'autopsie, il aperçut la balle qui avait tué le professeur. Après une seconde d'hésitation, Franck l'empocha aussi. Le téléphone se mit à sonner. Franck regarda l'appareil posé sur une tablette. A le laisser sonner, il risquait que quelqu'un vienne répondre ou encore que le correspondant, surpris que son appel reste sans réponse, n'alerte le personnel de la morgue. Il décrocha et dit " Allô ? " "C'est le médecin légiste ? " "Il est sorti pour l'instant. " "Bien. Ici, le chef de la police. Nous avons découvert un revolver sous le matelas dans la chambre de Franck Sauvage. Nous désirons examiner la balle qui a tué Casson Adams pour vérifier si elle a bien été tirée par cette arme, comme nous le supposons. Ce serait une preuve accablante contre Sauvage." "Il y a ses empreintes dessus ?" questionna l'intéressé. "Elles ont été effacées. Mais qui êtes vous ?" "Un assistant du médecin légiste. Je lui transmettrai votre appel; comptez sur moi ", dit Franck en raccrochant. Il plaça la balle dans sa poche de gousset pour être sûr de ne pas la perdre et ressortit par où il était venu, sans être remarqué par les policiers de faction. Ted et Gorille l'attendaient, impatients de connaître le résultat de son expédition. "Nos "amis" ont bien travaillé", déclara Franck, et il leur raconta ce qu'il avait entendu au téléphone. "Les démons !" s'exclama Gorille. "Ils ont fait placer ce revolver par un comparse pour égarer les soupçons." "Oui, mais leur ruse est éventée puisque c'est nous qui avons la balle. " Il n'en dit pas plus, le visage figé par la surprise. Gorille suivit son regard et s'écria "C'est bien la dernière personne que je m'attendais à voir ici! " Une jeune fille approchait d'un pas vif. C'était Nona Space. Elle demanda d'une voix angoissée "Vous voulez bien m'emmener ? Je vais vous conduire à mon père." "Montez", dit Franck qui prit la place de Gorille au volant, tandis que celui-ci s'installait derrière avec Ted. "Comment avez-vous réussi à vous échapper ?" demanda Gorille. "J'ai sauté de leur voiture, juste devant une banque. Ils n'ont pas osé me courir après à cause du planton." Franck démarra et la jeune fille lui dit de s'engager dans une rue à droite. Il obéit, tout en fourrant négligemment la main dans la poche où il avait rangé le dentier. "Comment avez-vous su où nous trouver ? "C'est un pur hasard. Je venais à la morgue pour essayer de retirer le corps du professeur Adams. Voyez-vous, c'est le troisième qui cherche à vous joindre, monsieur Sauvage. Il avait sur lui un peu de cette substance rouge pour vous la donner. " "Ah! alors rien n'est perdu, Franck l'a dans sa poche ", commenta jovialement Ted. "Qu'est-ce que c'est que cette fameuse substance ? " Nona Space se tordit nerveusement les mains. "Mon père et Ray Wood vous l'expliqueront. Moi, je ne le sais pas. " "Votre père et Ray Wood sont les deux prisonniers que nous avons vu emmener par ces bandits ? " questionna Franck. "M. Space a un bandeau sur l'oeil!" "Oui. J'ai voulu les rejoindre dans cette maison perdue dans les dunes et je me suis fait capturer." "Combien d'hommes les gardent ? " demanda Gorille. Nona Space parut hésiter. "Ils étaient assez nombreux. Vous êtes armés ? Je les ai entendus dire qu'ils avaient neutralisé vos revolvers. Ils ont trafiqué les chargeurs. " Elle profita de l'instant où les trois compagnons jetaient un coup d'oeil à leurs armes pour sortir un revolver de son sac et mettre Franck en joue. "Rangez-vous le long du trottoir et arrêtez-vous. Pas un geste de plus!" Impassible, Franck obéit. Ted et Gorille, muets de stupeur, n'osèrent pas agir. "Ne bougez pas ", ordonna Nona Space. "Ne faites pas l'erreur de croire que je ne vais pas tirer." Plaçant le canon de son arme contre la tempe de Franck, elle fouilla sa poche et y trouva le dentier. Tenant toujours le trio en respect, elle sortit de la voiture à reculons, puis tira dans les pneus. Des hommes venaient d'apparaître au coin de la rue. Elle courut les rejoindre. C'était la bande de l'homme à la tête ronde, le dénommé Ark. Franck et ses amis l'entendirent reprocher à la jeune fille de ne pas les avoir surveillés jusqu'à l'arrivée de la bande les trois compagnons avaient, en effet, mis à profit le départ de la jeune fille pour se faufiler hors de leur véhicule endommagé et se dissimuler derrière une haie. Une sirène de police mugit dans une rue adjacente. "Nous voilà pris entre deux feux ", grommela Gorille. "Nous ferions bien de filer. Si la police nous arrête, nous perdons un temps précieux. " Rampant à travers les herbes, se frayant un passage dans les haies, le trio parvint dans une autre rue tranquille. Franck retourna une de ses poches, recueillant le contenu avec soin dans une enveloppe. C'étaient des bribes de cire rouge - ou tout au moins d'une substance d'apparence similaire. "Franck, tu es formidable!" s'écria Ted. "Comment as-tu eu l'idée d'en garder ? " "Cette charmante Nona Space a prétendu s'être échappée devant une banque dont le planton a fait peur aux bandits. Or les banques sont fermées aujourd'hui. J'ai compris qu'elle mentait. Je me suis douté qu'elle chercherait à récupérer le dentier, aussi ai-je gratté cet enduit rouge au moyen d'une pièce de monnaie. " "Il n'y a plus qu'à l'analyser ", conclut Gorille. "Cela risque d'être assez long. Retournons à l'hôtel chercher discrètement nos bagages ", dit Franck. LA SEMAINE PROCHAINE: QUEL EST LEUR BUT ? [Mickey #835] Manque/ missing [Mickey #836] Manque/ missing [Mickey #837] Manque/ missing [Mickey #838] Manque/ missing [Mickey #839] Résumé. Franck Sauvage et ses amis cherchent à découvrir la cause de la disparition de plusieurs personnalités importantes et à déterminer la nature d'une étrange neige rouge dont la chute se produit au moment de chacune de ces disparitions. Grâce à Nona Space, ils apprennent que deux bandes de malfaiteurs pourraient être à l'origine de ces méfaits. Une piste amène Franck Sauvage sur une île où il se trouve face à face avec Ark, le chef de l'une des bandes. LA MAISON SANS TOIT Ark donna des ordres brefs. Deux de ses acolytes emportèrent Franck dans la maison tandis que leurs camarades s'élançaient à la poursuite du gros inconnu. La pièce était à ciel ouvert et l'herbe poussait entre les dalles du sol. Franck fut déposé par terre. Peu après, Ark entra. Caressant d'une main son crâne chauve, il s'avança en se dandinant d'un air avantageux. "Nous n'avons pas eu l'occasion d'être présentés l'un à l'autre. Je suis le baron Lang Ark. Vous avez entendu parler de moi? " dit-il. Franck Sauvage ne répondit pas immédiatement. Il observait son adversaire et ses compagnons. Ark s'impatienta. "Avez-vous entendu parler de moi ? " répéta-t-il. "Non. " "Cela ne m'étonne pas ", répliqua l'autre en ricanant. "Ce n'est pas mon vrai nom. Trêve de plaisanteries. Qui est l'homme corpulent qui s'est enfui ? " "Je ne le sais pas." "C'est lui qui vous a mis les menottes ?" "Oui." "Ce n'est donc pas un adversaire à négliger. Vous avez suivi le canot pour arriver jusqu'ici? Répondez! " ajouta-t-il d'un ton menaçant comme Franck se taisait. " Combien d'hommes avez-vous amenés avec vous?" "Vous ne me croirez pas si je vous le dis ", répliqua ironiquement Franck. "Oui, j'ai suivi l'homme au canot." "Et l'homme aux menottes, c'est lui qui vous a suivi ?" "Je n'en ai pas la moindre idée. " "Pourquoi vous a-t-il fait prisonnier? " "Je l'ignore." Ark réfléchit un instant. " Mes hommes deviennent négligents. Il va falloir faire un exemple. " Il tira quelques bouffées d'une longue cigarette à bout doré avant de se retourner vers son prisonnier pour demander: "Où sont Nona Space et vos deux compagnons?" "Je ne le sais pas ", répondit Franck avec une franchise qui ne convainquit nullement son interlocuteur. "Je connais différents moyens de faire parler les récalcitrants ", dit-il. "Nous allons les essayer." Sur son ordre, ses séides transportèrent Franck dans le patio de la maison de corail et le déposèrent au fond de ce qui avait dû jadis être un bassin. Ils enfoncèrent dans le sol un poteau auquel ils attachèrent Franck par des fils de fer, puis déposèrent à côté de lui une lampe à pétrole allumée, des tonneaux furent alignés autour du bassin. Ark, armé d'un marteau et d'un ciseau, perça un trou dans chacun : un liquide noirâtre et visqueux commença à se répandre au fond du bassin. C'était du mazout. "Ce n'est ni explosif ni particulièrement inflammable en temps normal ", expliqua Ark à l'intention de Franck, "mais cela brûle bien tout de même et cela dégage une très grande chaleur ". Il marqua un temps, comme s'il attendait la réaction de Franck qui ne dit rien. "Je ne veux pas vous faire mourir d'une mort particulièrement horrible. Non, je veux vous inciter à comprendre qu'il vaut mieux répondre à mes questions. Vous pouvez voir le niveau du mazout monter autour de la lampe et vous savez ce qui se passera quand il atteindra la mèche allumée. A vous de choisir votre sort." Franck, le regard tourné vers le soleil éclatant, semblait n'avoir rien entendu. Ark haussa les épaules et ajouta avant de s'en aller "Je reviendrai dans un moment. En attendant votre décision, je vais envoyer mes hommes chercher vos amis Ted et Gorille. N'oubliez pas de surveiller le niveau du mazout!" Puis il s'éloigna. Ted et Gorille avaient de sérieux ennuis. Ils filaient à plus de cent à l'heure en voiture découverte, Gorille au volant, Ted à l'avant qui maintenait le bout de sa canne sur le bouton du klaxon et Nona Space sur la banquette arrière en compagnie de leurs trois prisonniers et du cochon Cicéron. Cicéron était la cause de leurs soucis. Une cause parfaitement inconsciente qui regardait défiler le paysage, le nez à la portière et ses grandes oreilles flottant au vent. Les deux amis de Franck roulaient tranquillement dans Miami à la recherche d'un endroit sûr où interroger leurs captifs quand Gorille avait aperçu Cicéron qui trottinait sur la chaussée. Il s'était arrêté "en catastrophe", avait bondi vers son ami à quatre pattes et l'avait embarqué dans la voiture, puis il s'était remis en route. Si rapide qu'avait été la scène, elle avait été enregistrée par un policier : elle s'était déroulée devant le bureau central de la police de Miami... et Gorille avait été reconnu. Leur voiture avait été aussitôt prise en chasse par un car bondé d'agents. Gorille pilotait d'une main sûre son bolide sur la route toute droite qui longeait le fleuve. "Tu aurais bien dû t'engager dans une de ces voies transversales", s'écria Ted. "On peut nous repérer vraiment de trop loin sur ce ruban rectiligne." "Ne t'en fais pas. On ne nous rattrapera pas de si tôt ", répliqua Gorille en virant sur les chapeaux de roues pour s'engager sur un pont à bascule. Il immobilisa la voiture près de la guérite du gardien qui sortit en bâillant. "Savez-vous nager ?" lui demanda Gorille. "Pour ça, oui. Je suis bon nageur, mais.." Il n'eut pas le loisir d'achever sa phrase. Gorille l'avait saisi à bras-le-corps et s'en allait le jeter dans le fleuve, cinq mètres plus bas. Le gardien remonta à la surface et se mit à nager avec vigueur. Gorille ne s'en occupait plus. Revenu dans la guérite, il manœuvra les leviers de commande du pont qui se releva : leurs poursuivants seraient obligés d'attendre qu'un des leurs traverse l'eau pour remettre le pont en place avant de continuer la chasse. Ted accueillit son ami avec un "Bien joué !" retentissant quand il se glissa de nouveau derrière le volant et démarra en trombe. Il avisa bientôt un terrain vague envahi par les broussailles. Aucun bâtiment ne se dressait dans les parages. Gorille s'engagea avec la voiture dans un chemin de terre jusqu'à ce qu'elle fût hors de vue de la grand-route. Ensuite, avec des branchages en guise de balai, il effaça les traces de pneus dans la poussière. Les deux amis sortirent leurs prisonniers du véhicule pour les interroger. Ceux-ci ne semblaient pas comprendre l'anglais. Ted, qui était polyglotte, utilisa toutes les langues qu'il connaissait pans obtenir de résultat. Les captifs échangeaient de brefs coups d'oeil et restaient muets. Au moment où Gorille se demandait quel moyen de coercition adopter pour les rendre plus loquaces, un moteur d'avion ronronna au-dessus d'eux. LA SEMAINE PROCHAINE: L'AMIRAL A DISPARU ! [Mickey #840] Résumé. Franck Sauvage et ses amis cherchent à découvrir ta cause de plusieurs disparitions mystérieuses. Grâce à Nona Space, ils apprennent que deux bandes de malfaiteurs peuvent être à l'origine de ces méfaits. Sur une île qui semble inhabitée, Franck Sauvage se trouve soudain face à face avec Ark, le chef de l'une de ces bandes, qui le traite en prisonnier. Mais les amis de Franck ne sont pas loin... L'AMIRAL A DISPARU ! Aide-moi à camoufler la voiture avec des branches"! cria Gorille à Ted. "C'est sûrement un avion de la police !" Ils eurent beau faire diligence, le pilote les avait déjà repérés. Il descendit à très basse altitude et vola en cercle. Une voix puissante annonça "Vous êtes en état d'arrestation. Allez sur la route les mains levées et attendez les voitures de police." "Compte là-dessus ", grommela Gorille à l'intention du haut-parleur. "Ted, nous ferions mieux d'embarquer tout le monde dans la voiture et de filer. " "Ils nous repéreront. " "C'est juste. Alors, je vais partir seul dans la voiture. Pendant qu'ils me suivront, débrouille-toi pour t'en aller en lieu sûr avec nos prisonniers et la demoiselle." Le haut-parleur hurla de nouveau. "Rendez-vous ! Vous êtes accusés du meurtre du professeur Casson Adams." Au moment où Gorille amorçait sa manoeuvre pour tourner, trois grenades lacrymogènes explosèrent. Aveuglés, Ted, Gorille et Nona Space ne purent qu'attendre l'arrivée des policiers. Seule Nona gardait son entrain. Elle croyait facile de convaincre la justice que ses compagnons étaient innocents. C'est ce qu'elle leur expliqua d'un ton volubile dans la voiture qui les ramenait vers la ville. Les policiers les laissaient parler librement avec l'espoir de recueillir des renseignements intéressants. Les voitures découvertes roulaient vite et ne tardèrent pas à entrer dans les faubourgs de la ville. Un feu rouge les immobilisa. Pendant ce bref arrêt, un gamin vint offrir ses journaux en criant "L'amiral en chef a disparu dans une tempête de neige rouge ! " "Qu'est-ce que tu racontes ? Donne m'en un", dit un agent au gamin en lui tendant une pièce de monnaie. Ted et Gorille purent lire par-dessus son épaule L'AMIRAL MARVIN FOOTE SAMPSON A DISPARU - ENCORE LA MYSTÉRIEUSE NEIGE ROUGE. A 8 heures du matin, une bourrasque de flocons rouges s'est abattue sur le yacht Le Voyageur ancré dans la baie du Midi. Le bateau a disparu corps et biens. A son bord se trouvait l'amiral en chef de la flotte américaine, l'un des meilleurs professeurs de l'École de guerre, venu en vacances à Miami. Il était accompagné de son secrétaire et de diverses personnalités... L'article donnait d'autres menus détails. Un des policiers remarqua l'intérêt que Ted et Gorille portaient à cette nouvelle. "Est-ce que votre Franck Sauvage ne s'occupe pas de cette histoire de neige rouge"? demanda-t-il. Un choc violent dispensa les deux amis de répondre deux voitures venaient d'emboutir les autos de police. Au même instant, un camion se mettait en travers de la chaussée. Des hommes masqués en sortirent, armés de mitraillettes. Ils réduisirent les policiers à l'impuissance et s'emparèrent de Ted, de Gorille et de Nona Space. Ils ordonnèrent aux agents de se coucher au fond de leurs voitures et de ne pas en bouger avant cinq minutes. Après quoi, ils remontèrent dans le camion, s'éloignèrent d'une centaine de mètres et s'arrêtèrent. Ted se retourna pour regarder les policiers qu'ils venaient de quitter. Un cri s'étrangla dans sa gorge ! une avalanche de neige rutilante dans le soleil tombait sur les voitures de police. Le camion se remit en marche et s'éloigna. "Beau travail ", constata l'un des malfaiteurs. "Qu'allez-vous faire de nous", questionna Gorille. "Vous emmener en promenade", dit l'un d'eux ironiquement. "Prenez garde. Franck Sauvage nous délivrera", dit Ted. "Dommage que vous ne puissiez pas le voir là où il est", rétorqua l'homme d'un ton sibyllin. "Je le regrette encore plus que vous", grommela Gorille que cette nouvelle péripétie rendait furieux. Gorille aurait été horrifié si son voeu s'était réalisé. Franck, après des efforts inouïs, avait réussi à soulever sa tête au-dessus de la nappe de mazout. Les sentinelles postées autour du bassin s'étaient éloignées, craignant probablement une explosion, car l'huile lourde atteignait presque le bord de la lampe. Sa vie ne tenait qu'à un fil quand Ark revint auprès du bassin et ordonna à ses séides de remonter le prisonnier. Ils descendirent au fond en tremblant, éteignirent vivement la lampe et remontèrent Franck toujours ficelé comme un saucisson, dégoulinant de mazout mais impassible en apparence. Ils l'allongèrent à côté d'un autre captif en qui Franck reconnut l'individu corpulent qui l'avait fait prisonnier quand il s'était aventuré dans l'île. Il était ligoté mais non bâillonné. Il chuchota du coin des lèvres: "Ils ont fini par me découvrir. Comme un imbécile, j'avais déjà brûlé toutes mes munitions." "Qui êtes-vous "? demanda Franck. "Un des assistants de Beech. Dès le début, nous avons commis une erreur. Nous pensions que vous étiez de connivence avec Ark et sa racaille. Quand Beech vous a découvert dans ce laboratoire, il n'a pas osé s'emparer seul de vous. C'est pourquoi il avait imaginé cette histoire de rendez-vous.... " "Mais qui est ce Beech ?" "Nous sommes des ... " Ark s'étaient aperçu qu'ils parlaient. D'un coup de pied il fit taire le gros homme, ordonna de le descendre dans le bassin à la place de Franck et de conduire ce dernier dans la maison sans toit. Celle-ci avait dû être abandonnée après l'un de ces ouragans si fréquents en Floride. Franck ne lui accorda qu'un bref coup d'oeil. Son attention se reporta sur son gardien qu'il se mit à dévisager avec intensité. Le gardien qui le regardait machinalement se figea dans une curieuse expression. Au bout d'un moment, Franck lui dit: "Pose ton fusil." L'homme obéit aussitôt comme un automate : au prix d'une concentration épuisante, Franck l'avait hypnotisé. Il lui ordonna ensuite de le détacher. Quand il eut ramené la circulation dans ses membres ankylosés par sa longue immobilité forcée, il dit à son gardien, en lui montrant la direction du sud "Tu vois Franck Sauvage s'enfuir par là. Tu vas demander de l'aide. Tu signaleras sa présence de temps à autre toujours vers le sud." L'homme sortit et se mit à appeler à l'aide. Ark et ses autres compagnons accoururent et, après ses explications, s'élancèrent vers le sud. Franck s'en alla à son tour, mais en direction du nord, et se dissimula dans l'herbe haute. De ce point de la clairière, il avait une vue parfaite sur la maison. Une sentinelle en sortit, inspecta les alentours, puis rentra. Franck se faufila jusqu'au coin de la maison et se mit à imiter la voix flûtée d'Ark: "Vous là, à l'intérieur. Ne restez pas à ne rien faire. Allez vous poster au sud de la clairière." Dès qu'il eut disparu, Franck se précipita vers le bassin. L'homme corpulent n'y était plus. La lampe avait été enlevée. Franck fit le tour du patio et avisa une porte entrebâillée. Il se trouvait dans une pièce envahie par la végétation. De là, il passa dans une espèce de vestibule. Des empreintes profondes indiquaient qu'on avait traîné par là de lourdes machines. Les traces conduisirent Franck à une porte fermée par un cadenas. Il essaya de défoncer la porte, n'y parvint pas et cherchait à ouvrir le cadenas avec ses mains nues quand une voix cria derrière lui "Haut les mains! " Il obéit et se retourna lentement. Il ne vit personne tout d'abord, mais il remarqua une petite ouverture rectangulaire par où sortait le canon d'un fusil. "Franck Sauvage ! " s'exclama soudain la voix. Ce dernier comprit qu'il n'avait pas affaire à un ennemi. Il abaissa les bras et dit : "Venez ici." "Impossible. Nos menottes sont attachées à une chaîne. Pas moyen de bouger." Franck s'engagea dans un corridor et atteignit une porte qui n'avait même pas de serrure. Il la poussa et elle se rabattit en grinçant, découvrant une pièce envahie par des cyprès. Une chaîne enroulée autour du tronc de l'un d'eux retenait prisonniers un homme roux au teint blême et un autre, plus jeune, à l'aspect vigoureux, qui portait des lunettes noires. C'étaient eux que Franck avait aperçus dans la maison des dunes - le beau-père de Nona Space et son assistant, Ray Wood. Hyman Space agita la carabine qu'il tenait à la main et désigna un troisième homme étendu à terre, inanimé. "Notre garde", expliqua-t-il brièvement. " Il ne s'est pas rendu compte de la longueur exacte de la chaîne et nous avons pu le réduire à l'impuissance. Malheureusement, il ne portait pas sur lui la clef de nos menottes." Franck examina les lunettes de Ray Wood. Elles avaient une monture en métal. Il prit une des branches pour crocheter les menottes. Il ne lui fallut pas plus de cinq minutes pour libérer les deux hommes. Space s'écria "Franck Sauvage. Dans cette maison, il faut détruire quatre machines diaboliques. Il y va du salut de l'Amérique ! Elles se trouvent dans une pièce cadenassée donnant sur le patio." Ils s'apprêtaient à sortir quand un bruit de pas leur fit précipitamment rebrousser chemin pour se cacher dans la salle aux cyprès. C'était Ark qui vitupérait le garde sorti sur l'injonction de Franck se poster au sud de la clairière. Il était furieux et tempêtait contre les dons de ventriloque de son adversaire. "Prenons les nouvelles ", conclut-il. "Nous allons peut-être savoir ce qui s'est passé à Miami. Écoutons le bulletin d'information à cette heure-ci. " Il y eut des crachotements, puis une voix annonça : "La police patrouille pour tenter de retrouver les gangsters qui ont arrêté deux voitures de police. On a signalé l'apparition de neige rouge au-dessus de ces autos dont les occupants ont disparu. Il s'agissait des agents de la force publique, de deux amis de Franck Sauvage, Andrew Blodgett dit Gorille et Théodore Marley Brooks dit Ted. "Au cours d'une interruption, on annonça l'arrivée imminente à Miami du Secrétaire d'État. Quelqu'un coupa la radio et la voix d'Ark s'éleva: "Vous avez entendu ça ? " Un de ses acolytes qui, lui, avait la voix rauque, s'enquit : "On va lui faire tâter de la neige rouge ?" "Exactement. C'est une occasion à ne pas manquer. " Quelques exclamations fusèrent, il y eut une sorte de tumulte, puis quelqu'un déclara sur un ton ironique "Tiens, tiens, voilà des gens bien ambitieux. Je n'en crois pas mes oreilles." Franck Sauvage sursauta et se tourna vers ses deux compagnons à qui il chuchota "C'est le dénommé Beech." Il se tut, car l'autre reprenait "Ainsi, vous en voulez à notre Secrétaire d'État. Mes compliments, vous êtes une bande de beaux scélérats. Mais je suis très curieux de ma nature. Qu'est-ce que c'est que cette neige rouge? J'ai vu en venant ici une pièce soigneusement verrouillés. Je parie que j'y trouverai la solution de ce mystère." "Imbécile ! Mes hommes vont ..." "... Contempler le cadavre refroidi du baron Ark ", acheva Beech pour lui. "Qu'avez-vous fait de mon agent que vous avez capturé?" "Nous n'avons capturé personne." "Ah, vraiment ? Eh bien, je suis décidé à visiter cette pièce secrète." Franck s'avança près de la porte qu'il entrebâilla avec précaution. Il aperçut dans le vestibule Beech casqué, vêtu d'un gilet pare-balles, un masque à gaz pendu à son cou, une mitraillette braquée entre les mains. LA SEMAINE PROCHAINE: LA CHAMBRE SECRETE [Mickey #841 Résumé. Frank Sauvage et ses amis cherchent à découvrir la cause de plusieurs disparitions mystérieuses et à déterminer la nature de l'étrange "neige rouge" dont se servent les ravisseurs. Une piste les conduit sur une île qui semble inhabitée. A peine Frank Sauvage échappe-t-il à Ark, le chef d'une bande de malfaiteurs, qu'il se rend compte qu'une bande rivale a également ses repaires sur cette île. Les deux groupes de bandits s'affrontent durement... LA CHAMBRE SECRÈTE Devant cette menace, Ark et ses hommes reculaient lentement vers la porte cadenassée. Soudain, Franck se baissa, ramassa une brique et la lança avec vigueur par la fenêtre, atteignant un homme qui visait Beech avec un fusil automatique. L'homme s'effondra en poussant un cri qui fit se retourner Beech. Celui-ci n'aperçut d'abord que Franck. "Pourquoi avez-voua donné l'alarme "? s'exclama-t-il. Franck se pencha par la fenêtre pour regarder où en était son adversaire. "Un gilet pare-balles est une excellente protection", répliqua-t-il, "mais voilà un lascar qui vous visait dans le cou et qui ne vous aurait peut-être pas manqué". Beech se pencha à son tour. "Il ne recommencera pas", dit-il. "Vous l'avez sérieusement touché." Franck qui n'avait pas lâché sa branche de lunettes se dirigea vers le cadenas qu'il commença à crocheter en déclarant : " Je suis curieux de voir ce que contient cette pièce." Hyman Space et Ray Wood s'approchèrent. En les apercevant, Beech s'exclama: "Space... et Wood? Pourquoi ne vous êtes-vous pas adressés au gouvernement? Ce qu'il fallait faire immédiatement! " "Nous avions peur. Nous avons bien tenté d'envoyer deux hommes hors de ce marécage, où ils ont ... " Space fut interrompu par Ark qui cria d'une voix aigre "Encore un mot et vous êtes morts ! " "Et vous aussi ", riposta tranquillement Beech. Ray Wood demanda à Beech : "Qui êtes-vous donc ? " Mais celui-ci regardait la porte dont Franck venait enfin de forcer le cadenas. Au moment où ils allaient pénétrer dans la pièce, Hyman Space jeta un cri d'alarme: "Voilà les hommes d'Ark ! " Beech se posta à la fenêtre, mitraillette braquée, et lança à Wood un pistolet en lui disant de surveiller Ark. Mais avant que Ray Wood ait pu se servir de son arme l'homme chauve se précipita sur lui. La bagarre devint générale. Franck avait pénétré dans la salle et examinait les curieuses machines tout en acier et tubes de verre qui s'y trouvaient. En entendant crépiter les balles, il revint précipitamment dans le vestibule, à temps pour s'emparer du pistolet qui avait échappé aux mains de Ray Wood et mettre en déroute ses adversaires. Beech arrosait méthodiquement la clairière et l'on entendait au-dehors les assaillants crier. D'une détente, Ark recula au fond du vestibule, hurla quelque chose dans sa langue maternelle et se faufila dans la salle aux machines dont il rabattit brutalement la lourde porte blindée. Franck essaya vainement d'ébranler le panneau. On entendait Ark lancer des ordres incompréhensibles. "Que dit-il? " demanda Beech. "Il dit à ses hommes de faire usage de la neige rouge ", traduisit vivement Franck. Les autres objectent que sa vie est précieuse, mais il leur répond que si c'est lui l'inventeur de cette neige, eux savent maintenant s'en servir et, par conséquent, qu'il n'est plus indispensable. "Il est brave", déclara Beech. Space fut secoué de tremblements et s'exclama "Vite ! Partons Cette neige va nous tuer tous !" "Vous savez ce que c'est ? " questionna Franck. "Non ", expliqua Space. "C'est un mélange trop complexe. Il doit agir sur la structure moléculaire de la matière. C'est tout ce que je peux dire." "Mais le produit rouge que vous avez essayé de me faire parvenir ?" reprit Franck. "C'est l'un des aspects de la neige rouge. Du moins, je le suppose. J'espérais que vous pourriez analyser cette matière." Beech intervint : "Comment êtes-vous au courant? " Space eut un haussement d'épaules découragé. "Je suis un chimiste. Je cherche de nouvelles couleurs radio-actives. J'emploie des quantités considérables de radium pour mes expériences. Ces hommes avaient besoin de radium. Ils se sont emparés de moi pour renouveler leur stock." "A quoi servent ces machines ? " demanda Franck en désignant la pièce close. "A faire tomber la neige rouge." Beech s'exclama : "Il faut les détruire." "On en a mis un autre groupe dans le marais", dit Space. "Malheureusement, je n'en connais pas l'emplacement exact. On m'y a conduit les yeux bandés." Un silence pesant était tombe sur la clairière. Franck examina les alentours avec attention. Une sorte de toux assourdie retentit. Beech leva la tête vers le ciel. "La neige rouge!" cria-t-il. Franck Sauvage regarda à son tour. Le soleil était perdu dans un halo rouge d'où commencèrent à tomber lentement des flocons couleur de sang. "Nous n'avons pas de temps à perdre", murmura-t-il. Accompagné de Space et de Wood, suivi de Beech, il s'élança dans la clairière. Les hommes d'Ark qui étaient embusqués à sa lisière se mirent à tirer, mais sans les atteindre. Beech riposta avec sa mitraillette. Ses adversaires appelèrent à grands cris Ark, resté dans la salle aux machines. Cédant à leurs prières, il sortit de la maison et courut vers ses hommes. Beech l'ajusta et le manqua. Franck cria à Beech de venir au canot. Wood avançait avec aisance, mais Space ne suivait le train que péniblement. Franck le souleva dans ses bras robustes et reprit la tête du petit groupe. "Ma belle-fille... Nona, est-elle sauvée? " demanda Space, la voix étranglée. Franck fit semblant d'être trop essoufflé pour répondre. Confiée à Gorille et à Ted, elle ne risquait rien, mais ceux-ci avaient été capturés par des gangsters s'il fallait en croire le communiqué de la radio... Dieu savait ce qui avait pu lui arriver. Ils atteignirent bientôt la rive et montèrent dans le youyou pour gagner le canot automobile. Franck prit les rames et l'embarcation légère vola sur l'eau. "J'avais un homme avec moi ", dit Beech. "Je regrette de ne pas l'avoir retrouvé. Je crains pour sa vie." "Nous reviendrons le chercher plus tard ", répliqua Franck d'un ton bref. Ils embarquèrent dans le canot automobile dont Franck mit aussitôt le moteur en marche. Beech coupa l'amarre et le canot s'éloigna vers le large : juste à temps, car leurs poursuivants sortirent de la brousse et commencèrent à tirer, heureusement sans atteindre la cible. LA SEMAINE PROCHAINE: À VOL D'OISEAU [Mickey #842] Résumé. Franck Sauvage et ses amis cherchent à découvrir la cause de plusieurs disparitions mystérieuses e! à déterminer la nature d'une étrange neige rouge dont se servent les ravisseurs. Ils apprennent que deux bandes de malfaiteurs peuvent être à l'origine de ces rapts. Sur une île qui semble inhabitée, les deux groupes de bandits ont leurs repaires et s'affrontent durement. Franck juge prudent de s'éloigner. À VOL D'OISEAU ! Nous voilà sortis d'affaire", murmura Beech. Il avait parlé trop vite; le moteur toussa, puis se tut; c'était la panne de carburant. Le canot glissa sur son erre et s'immobilisa. Leurs ennemis détachaient un canot à rames ils ne tarderaient pas à se trouver à portée de leurs fusils. Franck jugea la situation d'un coup d'oeil. "Tous à l'eau", ordonna-t-il. "Abritons-nous derrière la coque. Nous avons une chance de nous en sortir." L'eau leur parut froide au premier abord, car ils avaient été chauffés par leur course désordonnée, mais ils s'y habituèrent vite. Le rivage se trouvait encore à une grande distance. Beech se tourna vers Franck. "Vous sentez-vous de force à regagner la terre ferme?" demanda-t-il. "Si oui, partez tout de suite. Nous autres, nous sommes trop épuisés pour y parvenir. Qu'il y ait au moins l'un d'entre nous qui se sauve." "Bonne idée", répliqua brièvement Franck qui se laissa couler au fond. Peu après, le bateau de leurs adversaires s'approcha. Ark était debout à l'avant. "Où est Sauvage "? cria-t-il. "Noyé", répondit Beech. "As-tu transmis des renseignements à Washington sur ce que tu sais ?" Devant le silence de Beech, il comprit que oui. "Si tu me dis comment intercepter ton messager avant qu'il ne parle, tu auras la vie sauve, parole d'honneur." "Votre parole n'a aucune valeur ", riposta Beech. "Elle en a autant que ta vie." "Peu importe. Je refuse." Ark mit Beech eu joue et tira. Un quart de seconde avant que le coup ne parte, deux mains brunes avaient agrippé le bordage et imprimé une secousse au bateau. Déséquilibré, Ark tomba à l'eau avec ses compagnons. Sauvage et les siens n'étaient pourtant pas hors d'affaire : un bruit de moteur s'amplifia, annonçant l'approche d'un canot qui fonçait sur eux. L'homme qui était à l'avant avait un fusil. C'était un des acolytes d'Ark. "Sauvage, partez vite !" cria Beech. Cette fois, Franck obéit pour de bon, Se coulant entre deux eaux, il eut vite fait d'aborder non loin de la petite crique où il avait dissimulé ses vêtements. S'étant habillé, il gravit une éminence d'où il aperçut le canot et ses occupants. Au fond, étroitement ligotés, il vit Gorille, Ted et Nona Space. Son expression devint farouche. D'un pas rapide, il se rendit jusqu'à une maison voisine pour téléphoner et alerta les gardes-côtes, puis demanda Washington. Il avait de nombreux amis au gouvernement. L'un d'eux lui donna le numéro du chef des services secrets. La personne qui répondit lui annonça que la personnalité en question s'était rendue à Miami. Franck n'aurait qu'à s'adresser à O. Garfew Beech... Une heure plus tard, Franck Sauvage entrait dans les bureaux de la compagnie de produits chimiques dont il était propriétaire. Les quatre caisses envoyées par avion de New York par sa cousine Pat étaient arrivées. Franck déballa le matériel et, secondé par deux chimistes qualifiés, il se mit en devoir d'analyser la matière rouge détachée du dentier de Casson Adams. On lui apporta les journaux et les dernières nouvelles diffusées par la radio. Il apprit ainsi que le Secrétaire d'État avait retardé sa visite à Miami et que le pays tout entier était bouleversé par l'affaire de la neige rouge. Lorsque Franck eut terminé son analyse, il convoqua les chefs de la compagnie chimique. A l'issue de cette réunion, des messages partirent dans toutes les directions pour demander divers produits extrêmement rares, puis Franck se remit au travail. La police avait retrouvé le canot qui emportait Nona Space, Ted et Gorille, mais il n'y avait aucune trace du trio ou de leurs ravisseurs. Le journal Le Globe annonçait qu'un chasseur indien nommé l'Épervier avait trouvé un cube de matière rouge dans un marais des Everglades et qu'il avait assisté au phénomène de la neige sanglante. Lorsqu'il lut l'article, Franck sursauta. Une heure plus tard, il survolait en avion les marais. Il vit d'abord une nappe verte, pareille à une prairie, avec, de temps à autre, un point d'eau libre ; ensuite surgirent, çà et là, des squelettes d'arbres morts, pointant au-dessus d'une jungle épaisse. Le village où demeurait l'Indien séminole appelé l'Épervier était situé au coeur de cette brousse presque impénétrable. Avec ses huttes couvertes de chaume et entourées de palissades, on l'aurait pris pour un village de paillotes d'Amérique centrale. Franck se rapprocha du sol. L'ombre de son appareil effarouchait les buses et les corbeaux perchés sur les arbres morts. C'est en suivant machinalement leur vol des yeux que Franck aperçut l'autre avion. C'était un monoplan monomoteur marron. Sur le flanc, Franck lut ce nom: Globe. Il en déduisit que c'était l'appareil du journal qui se réservait l'exclusivité de l'article sur l'Indien et la neige rouge. Quand il arriva à sa hauteur, Franck remarqua que le passager de l'autre avion lui envoyait des signaux lumineux en morse à l'aide d'un miroir qui captait les rayons du soleil, Il déchiffra ce message : "Gorille demande de l'aide. Suivez-nous. Allons survoler sa cachette." Il battit des ailes pour indiquer qu'il avait reçu et compris le message. L'autre appareil reprit de la hauteur. Franck le suivit à petite distance, gardant le plus possible les yeux tournés vers le marais. Pas une seconde le doute n'effleura son esprit. Hyman Space lui avait dit que les bandits possédaient un second repaire dans les marais, Gorille avait été capturé par eux; il n'y avait donc rien d'étonnant qu'il ait envoyé un message de détresse et que l'avion du Globe l'ait aperçu. C'est presque instinctivement qu'il releva les yeux. Devant lui, plus d'avion mais un épais nuage pourpre. Il fit cabrer son appareil et se rendit compte aussitôt que l'avion ne parviendrait pas à monter au-dessus du nuage mortel. Sans hésiter, il sauta en parachute. Quand le dôme de soie blanche se fut déployé, il regarda dans la direction du nuage. Il vit son avion en ressortir, apparemment intact, puis piquer du nez vers le marais. Franck eut le temps de repérer son point de chute avant d'atterrir lui-même dans la vase. L'appareil de ses ennemis revenait vers lui. Il se blottit sous des broussailles et attendit que l'avion se soit éloigné pour aller fouiller les débris de son appareil afin d'y récupérer le précieux matériel qu'il avait emporté. Le terrain était découvert. Ses ennemis l'aperçurent et passèrent en rase-motte, faisant crépiter une mitrailleuse. A leur passage suivant, ils constatèrent que Franck avait échappé aux balles. Le pilote fonça en piqué et un engin qui ressemblait à une grenade rebondit dans le fourré où Franck tentait de se dissimuler. Une nuée rouge se forma au-dessus des broussailles et des flocons commencèrent à tomber. L'avion continua sa ronde autour du fourré bientôt couvert de neige pourpre. Un léger coup de vent survint, les flocons se désagrégèrent et, au lieu d'un fourré, il n'y eut plus qu'un emplacement nu que l'eau du marais envahit peu à peu. Franck Sauvage avait disparu. Le passager de l'avion déclara d'un ton satisfait "Il ne nous a pas échappé, cette fois-ci." "Non, et c'est tant mieux ", dit le pilote en virant sur l'aile. LA SEMAINE PROCHAINE : SUR LES TRACES DE CICÉRON [Mickey #843] Manque/ missing