La Nuit des Temps
René Barjavel




« Vivre les malheurs d'avance, c'est les subir deux fois. »


« J'ai essayé de t'appeler dans notre monde. Bien que tu aies accepté de collaborer avec nous, et peut-être même à cause de cela, je te voyais un peu plus chaque jour reculer vers le passé, vers un abîme. Il n'y avait pas de passerelle pour franchir le gouffre. Il n'y avait plus rien derrière toi, que la mort.
J'ai fait venir du Cap, pour toi, des cerises et des pêches.
J'ai fait venir un agneau dont notre chef a tiré pour toi des côtelettes accompagnées de feuilles de romaine tendres comme une source. Tu as regardé les côtelettes avec horreur. Tu m'as dit :
- C'est un morceau coupé dans une bête ?
Je n'avais pas pensé à ça. Jusqu'à ce jour, pour moi, une côtelette n'était qu'une côtelette. J'ai répondu avec un peu de gêne :
- Oui.
Tu as regardé la viande, la salade, les fruits. Tu m'as dit :
- Vous mangez de la bête !... Vous mangez de l'herbe !... Vous mangez de l'arbre !...
J'ai essayé de sourire. J'ai répondu :
- Nous sommes des barbares...
J'ai fait venir des roses.
Tu as cru que cela aussi nous le mangions... »


« Eléa, Eléa, mon amour... reviens du mal... reviens de la douleur... reviens, la vie est là, je t'aime... tu es belle, rien n'est aussi beau que toi... l'enfant nu, le nuage... la couleur, la biche... la vague, la feuille... la rose qui s'ouvre... l'odeur de la pêche et toute la mer... rien n'est aussi beau que toi... le soleil de mai sur nos paquerettes... l'enfant du lion... les fruits ronds, les fruits murs, les fruits chauds de soleil... rien n'est si beau que toi, Eléa, Eléa, mon amour, ma bien-aimée... »


« Cette conviction que l'homme-en-tant-qu'espéce s'améliore avec le temps vient sans doute d'une confusion inconsciente avec l'homme-en-tant-qu'individu. L'homme est d'abord un enfant avant d'être un adulte. Nous, hommes d'aujourd'hui, nous sommes des adultes. Ce qui vivaient avant nous ne pouvaient qu'être des enfants.

Mais il serait peut-être bon, il serait peut-être temps de se demander si la perfection n'est pas dans l'enfance, si l'adulte n'est pas qu'un enfant qui a dejà commencé à pourrir. »


Merci à Johnny Accot


Vous êtes le ème visiteur depuis le 14 février 1999 -- Dernière révision: 14.02.99

1