Le Mythe de l'Inconscient
Commençons en transcrivant les affirmations
de Freud au sujet de l'inconscient. La transcription se rend
nécessaire puisqu'il n'existe pas dans l'oeuvre de Freud
une définition de l'inconscient, bien qu'il l'est introduit
comme noyau conceptuel de la psychanalyse (J. Laplanche et J.B
.Pontalis - Vocabulaire de la Psychanalyse - Paris - Presses
Universitaires de France - 1967 - p.1979). Cette faute de qualification
de l'inconscient, rend claire l'absence de fondement méthodologique
et les implications épistémologiquement métaphysiques
de la théorie freudienne.
"La psychanalyse nous oblige donc à affirmer que
les processus psychiques sont inconscients et à comparer
leurs perceptions par la conscience avec la perception du monde
extérieur au travers des organes des sens. Cette comparaison
nous aidera aussi à amplifier nos connaissances. L'hypothèse
psychanalytique de l'activité psychique inconsciente a
constitué d'une certaine façon une continuité
de l'animisme, qui nous montrait souvent des images fidèles
de notre conscience et d'une autre façon de celle de la
rectification faite par Kant de la théorie de la perception
externe. De la même façon que Kant nous amène
à considérer la conditionnabilité subjective
de notre perception et à ne pas la considérer identique
au perçu incognitif, la psychanalyse nous incite à
ne pas confondre la perception de la conscience avec le processus
psychique inconscient objet de la même chose. Tout autant
le psychisme a besoin d'être, en réalité,
tel que nous le percevons. Mais nous avons à espérer
que la rectification de la perception interne n'offre pas autant
de difficultés que celle de l'externe et que l'objet intérieur
sera plus cognoscible que le monde extérieur." -
S.Freud, Métapsychologie, dans les oeuvres completes,Volume1
- Madrid, Nouvelle bibliotheque,1948, p.1045.
Se clarifie dans le transcrit plus haut, la vision dualiste,
métaphysique, aussi bien dans l'affirmation de la réalité
externe et interne, que dans l'admission de l'incognoscibilite
du monde . Cette position freudienne devient plus intelligible,
si nous nous rappelons les explications kantiennes autour de
la connaissance. Kant (The Critique of pure Reason - Chigago
- Encyclopedia Britannica - 1952 - Great Books) considérait
la connaissance du monde, des choses, comme impossible d'être
réalisée en tant qu'appréhension du donné
phénoménique, disant que la chose en soi ne peut
pas être connue, et ne peut l'être qu'au travers
de catégories qui la systématisent . Ainsi advient
inclusivement la négation du temps et de l'espace comme
des réalités existantes, cognitives et le placement
de ces dernières en tant que catégories pour la
connaissance. Cette vision Kantienne justifie le postulat de
l'inconscient. Pour Freud, l'homme en soi, l'activité
consciente, ne peut être connue; elle l'est seulement en
tant que représentation d'une réalité inconsciente
(mécanisme de projection), de là découle
que l'inconscient est la catégorie logique qui permet
le débrouillage de la complexité humaine. Nous
rencontrons aussi dans le concept d'atemporalité du système
inconscient, les influences Kantiennes.
A l'intérieur d'une vision unitaire, objective, il n'y
a pas comme subsister, que d'admettre des existences atemporelles.
Une telle admission signifierait la négation de tout l'ordre
physique de l'univers. De plus et à cause de ces dualismes
de l'influence métaphysique, l'idée, le postulat
de l'inconscient, ne peut être expérimentalement
prouvé; la psychanalyse se justifie en disant que l'inconscient
est un constructum logique, en expliquant ainsi l'impossibilité
de la preuve expérimentale, en créant de plus par
ailleurs une nouvelle impasse, car étant un constructum,
toute l'idée de système inconscient, du point de
vue topique, reste niée, ainsi, désormais on ne
pourrait parler du Id, de l'ego et Super-Ego, conscient et pre-conscient
comme des instances psychiques. C'est une ruelle sans sortie.
Un mythe, ou comme le dit Van den Berg: "le conscient du
thérapeute est l'inconscient du patient" (J.H. Van
den Berg - O Paciente Psiquiatrico, Sao Paulo - Mestre
Jou, 1966 - p.120) et aussi du même livre: "le phénomologiste
n'a jamais besoin d'hypothèses . Les hypothèses
surgissent quand la description de la réalité s'achève
prématurément. La phénoménologie
est la description de la réalité ".
Sur ce point précis dans une vision gestaltiste phénoménologique,
l'inconscient est considéré comme un postulat,
un mythe et nous parlerons de cet aspect.
Qu'est ce que le mythe? Le mythe est une idée et donc
le problème qui se pose est de savoir d'où surgit
cette idée. Nous entrons au niveau épistémologique
de la question. Ainsi, nous particulariserons notre conceptualisation
du mythe, en disant qu'il est une idée résultante
de la recherche d'explication d'un phénomène déterminé,
ou mieux, que le mythe est l'explication d'un phénomène
déterminé; en ces termes, le mythe est synonyme
d'un postulat, d'une hypothèse, d'un dogme, d'une fantaisie,
et même de la pense logique. Cet ultime synonyme trouvé,
les choses restent absurdes, puisque si le mythe est égal
a la pensée logique, comment peut-il être mythe?
Ou encore: qu'est ce qui caractérise l'un et l'autre?
Pour y répondre , il devient nécessaire de poser
le problème de ce qu'est la pensée logique: elle
est cette résultante d'une appréhension des relations
qui configurent un phénomène, en étant aussi
une explication du phénomène. Le mythe est aussi
bien une explication du phénomène mais cette explication
est la résultante d'appréhensions unilatérales
ou distordues. Alors, tout consiste en savoir le pourquoi des
unilatéralisations ou distorsions; en expliquant ceci,
on comprend la genèse, l'essence de la structure mythique
indépendante des aires qui la supportent.
Imaginons un percepteur et une chose à être perçue
dans un espace déterminé. Pensons en admettant
dans cette situation des remparts entre les deux points localisés.
La situation des remparts importe peu ou beaucoup, aux dépends
des perspectives distordues en tant que quantités; qualitativement,
il y aura toujours distorsion ou impossibilité de configurations.
En observant cela (la plastique contextuelle des perceptions
mythiques) nous pourrons comprendre la synonymie auparavant établie
et concevoir le mythe comme étant l'a priori. Cet a priori
se développe dans les structures religieuses (le dogme),
dans la structure sociale (les diverses institutions aliénantes
) etc... Dans la sphère psychologique, le problème
devient un conglomérat, se nucléolisant dans l'individu
comme une embrouille dévitalisatrice de son essence constitutive,
humaine. En termes individuels, le mythe est l'image, que nous
faisons de nous mêmes, indépendantes des relations
qui nous configurent: comme telle, statique, absolue, a prioriste.
Eclairons par des exemples:
a) la recherche de l'accord sans même savoir à quoi,
sans questionnements sur la capacité viable du support,
de l'emboîture, des structures existantes et prédéterminées
à cette fin;
b) la nécessité de communication et de relationnel
sans se placer aux niveaux desquels ceci peut se donner: positionnel
ou relationnel, superficiel ou nucléolisé, point
de rencontre ou ligne de fuite;
c) le vouloir se responsabiliser au travers des diverses formes
de compromis, "chosification" qui en essence s'antagonise
avec la responsabilité dont la constitution dynamique
essentielle est la lucidité, l'authenticité, la
liberté, donc;
d) la satisfaction, ou réalisation personnelle, le bonheur
aussi se constituent en mythes, parce qu'ils sont procurés
comme solutions, ce qui veut dire, en termes de futur et non
comme configurations à être extraites de la problématique
presentée.
Enfin , le mythe peut être équivalent à l'image,
au papier que nous essayons de représenter devant nous,
de l'autre et du monde; toute image étant la représentation
de la chose, est par définition adhérente et responsable
de la cassure des relations homme-monde, dysharmonie, ce qui
veut dire que toute rupture des structures, des essences, des
plans configuratifs, occasionne des distorsions .
Mythes, donc, qui peuvent ainsi être entendus a partir
de la décodification, et nous entrons ici dans le plus
grand mythe actuel - dans l'aire de la psychologie - la complexité
d'etre humain et ainsi...comment un mythe peut ainsi etre résolu
par un mythe et demi....apparait la psychanalyse avec ses concepts
d'archétypes, d'instincts,de nature humaine- statique,
qui, irrémédiablement, pense pouvoir être
compris, ou encore ,sur d'autres plans,en visant le même
point, (l'homme, les religions, Dieu,etc) De tout l'expose, nous
concluons que le mythe est statique, donc magique, dans un univers
qui possède à peine de l'absolu le relatif. Dans
le mouvement, le mythe se consume, et ceci nous a été
révélé par l'histoire des processus anthropologiques,
sociaux, scientifiques et psychologiques, ce qui signifie: le
propre mythe peut seulement être visualisé au travers
du non mythe, ce qui veut dire que, le mythe en tant que lui
même, n'est pas le mythe. Pour conclure nous répondrons
au pourquoi Freud a élaboré ce mythe - l'inconscient-
autant que sur la cause de son maintien. La distorsion perceptive
résultante du percevoir le tout homme comme une somme
de parties (instincts, inconscient, Id ,Ego, Super ego) a donné
lieu a une vision magique [58] du processus humain, et exactement
là, dans cet élémentarisme mécanisciste,
réside l'impossibilité psychanalytique d'embrasser
la dynamique humaine en tant qu'être dans le monde, et
l'erreur ne vient pas seulement de la psychanalyse, mais de toute
la métaphysique subjectiviste, en distordant la relation
figure-monde, résultant de la cassure de la Gestalt, de
la cassure de la relation unitaire. Cette division de l'unité,
par non appréhension de la bipolarité de l'unité
relationnelle, a provoqué la vision dualiste et en elle
la hiérarchisation métaphysique, idéaliste
de ce que l'idée est primaire et crée la matière
[59].
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NOTES
58 - Deux attitudes basiques caractérisent l'explication
cognitive scientifique-methodologique, autant que l'appréhension
perceptive de n'importe quelle réalité. Nous désignons
ces attitudes comme magiques et objectives distordues ou non.
L'attitude magique serait résultante du vécu unilatéral
de la situation configurée, que ceci se fasse par auto-référentiation
distanciation ou par superposition de la situation envisagée
au travers de sa pluralité dimensionnée spatialement
ou temporellement. L'auto référentiation est la
décodification de la réalité en termes de
connaissances - déjà existantes; chaque fois que
ceci a lieu , des préexistences constitutives existent
dans la relation cognitive, d'où le donné réel
(réalité et dérives, sont employés
dans le sens de description contextuelle, en tant que milieu
géographique; vide Koffka, op.cit) est substitué
par un signifié extrinsèque à sa structure
significative. La distanciation résulte d'une non configuration
prégnante de la réalité, ce qui est un decoulement
des auto référentiations homogénéisatrices.
Au travers des nombreuses connaissances préexistantes,
se stratifient des schémas a partir desquels les réalités
connues sont écartées par des postulats génériques
et explicatifs. Ayant des préexistences cognitives (l'auto
référentiation), responsables des distanciations
du phénomène qui se donne à connaître
ou qui est en train d'être connu, le vécu temporel
commence a être apophonique (employé dans le sens
de vécus derreistiques. K Conrad - La Esquizofrenia
Incipiente, Intento de un analisis de la forma del delirio -
Madrid - Alambra-1963); surgissant de là une temporalité
spatialisée, se structurant, donc, comme un point à
partir duquel se planifient les lignes comformatrices de ce qui
s'est accompli comme objet de connaissance. A présent,
si la situation déterminée existante commence maintenant
à être perçue en confrontation, comparaison
ou au travers d'avant, cela signifie qu'elle est perçue
au travers d'un autre, bien que similaire mais autre. Ce qui
se passe, alors, c'est la connaissance analogique, déductive,
donc cartésienne. La même situation de maintenant
peut être aussi perçue au travers de la structure
temporelle de l'aprés, ce qui déjà impliquerait
une visualisation de finalités canalisatrices, justificatives,
explicatives de ce que-ici-maintenant, je connais; de son coté,
il est différent du mémorisé ou imaginé
(anticipation où la pensée est médiatrice).
Ces déplacements temporels font que le phénomène
étant connu, appréhendé perceptivement ou
catégorisé se transforme en un espace, point d'intersection
du temps qui comme tel, maintenant devient une variable positionnelle,
espace, donc. Ces explications autour de l'attitude magique,
sont emphatiquement démontrées comme fondations
concrètes de la connaissance dans toute position métaphysique.
Tel est le cas, par exemple, de Kant, dans son concept de catégories
logiques, l'a priori, c'est a dire, la possibilité de
la connaissance réside là ou avant ce qui est donné
a connaître. L'homme fut durant beaucoup de temps connu
et consécutivement expliqué magiquement. L'animisme,
le spiritualisme et l'idéalisme sont des étapes
systématisées de cette position. Le "Connais-toi
toi même" est un typique représentant de ces
approches : "Oh Homme , connais-toi dans ce que tu n'es
pas pour que tu sois un homme!" Cet appel vocatif résume
bien toute l'attitude basique de la préoccupation magique
de se connaître. Cette ouverture pour chercher ce qui n'était
pas connu de l'homme dans l'homme était résultante
de l' a priori de ce que l'homme était un fruit de la
création divine: connaître la créature impliquait
de dévoiler ,de connaître le créateur, donc,
en un déplacement. La distanciation surgit et l'homme
devient connu au travers de vérités génériques
moira, maktub, jusqu'à Dieu, Saintissime Trinité
etc. Ici surgissent des indifférenciations entre ce qui
est crée ou celui qui crée, la preuve du Créateur
devient la créature et vice-versa, la superposition existe.
On ne pourra connaître l'homme qu'au travers de transcendances
qui structurent des dogmes. Le "Connais-toi toi même"
socratique, à présent déjà dans l'Abrégé
Théologique de Saint Thomas d' Aquin , c'est aimer,et
aimer c'est avoir la foi , la connaissance est la transcendance
, thèse développée par Kant qui est le fondement
de l'inconscient pour Freud. En concluant, vérifions que
malgré toutes les élaborations decoulant de l'auto
réferénciation,distanciation et superpositions
contextuelles, l'homme ne se connait pas comme homme en tant
que lui-meme, puisque il ne se voit jamais autrement qu'au travers
d'absolus, ainsi son essence relationnelle n'est pas appréhendée,
puisqu'il cherche à se connaitre en se niant comme passible
de connaissance, ce qui veut dire,qu'il se deplace toujours comme
un point sans plan, à mesure que se fait une pontualisation
centralisatrice de la connaissance de soi en soi-meme. Phénomenologique
et objectivement parlant, la connaissance de l'homme, du monde,
et des phénomenes existants par l'appréhension
des relations qui les constituent et qui sont pour lui constituées
59 - Cette distorsion se produit aussi chez les matérialistes,
qui ont a peine changer l'ordre hiérarchique: la matiere
précède l'idée. La phénomenologie
a resolu le problème, par l'appréhension de la
totalité, gestalt, homme-monde, au travers du concept
de conscience comme intentionalité [Husserl].
["Psychothérapie
Gestaltiste - Conceptualisations" - Extrait - CHAPITRE IV]
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