Relationnel - Trajectoire
de l'Humain
[Entrevue accordée à
la journaliste Rosane Santana du journal A TARDE, le 16 mai 1988,
à Salvador de Bahia]
[back]
Formée en Psychologie par l'Université
Fédérale de Rio de Janeiro, la psychothérapeute
gestaltiste bahianaise Vera Felicidade, âgée de
45 ans, lance son quatrième livre, intitulé "Relacionamento-Trajetória
do Humano" (Relationnel - Trajectoire de l'Humain). Il y
a 20 ans, elle révolutionna la Psychologie en niant l'inconscient
dans son livre "Psicoterapia Gestaltista-conceituações"
- "Psychothérapie Gestaltiste - Conceptualisation"
- (aujourdh'ui réédité) et créa sa
propre méthode psychothérapique, à partir
des fondements de la Gestalt allemande et de ceux de la Phénoménologie
de Husserl. Dans son travail le plus récent, elle développe
le concept du "toute mise en relation génère
des positionnements, générateurs de nouvelles mises
en relation qui, à leur tour, gèrent de nouveaux
positionnements, indéfiniment, au delà de considérer
ce qu'est le désir, le doute, le choix, l'angoisse, la
disponibilité, l'illusion et la réalité,
et l'amour. Au cours d'une entrevue exclusive accordée
au journal "A TARDE", elle parle de sa théorie
et fait l'anti-thèse à une série de concepts
de la Psychologie actuelle:
A TARDE: Comment
est née l'idée d'élaborer la Psychothérapie
Gestaltiste?
V. F.
Quand j'étudiais la Psychologie, en 1964, la Psychanalyse
ne répondait pas et ne donnait pas satisfaction aux questionnements
sur l'humain, dans la mesure où elle me semblait être
une chose totalement littéraire, qu'elle se fondait sur
le constructum de l'inconscient, qu'elle n'était qu'une
hypothèse et qu'elle n'avait rien de scientifique. La
question de l'inconscient ne permettait aucune confirmation à
n'être qu'au travers de lui-même. En cela influencent
mes fondations philosophiques du matérialisme, le matérialisme
dialectique, et ma trés grande préoccupation pour
l'épistémologie. Ceci était également
lié à mon idée de ce que la Psychologie
devait connaitre l'homme et non l'aider, comme le pensait cette
génération de psychologues. Ainsi, j'avançai
en tentant des réponses sur ce qu'était l'être
humain , jusqu'à ce que, en 1970, j'arrive à répondre
à cette question et que j'en fasse un livre.
A TARDE: Comment avez vous structuré une méthode
psychothérapique?
V. F. Ce
fut comme si toute la connaissance de la Gestalt me rendait clair
que pour que comprendre l'être humain , on devait le faire
en termes de ce qu'il était dans le monde et finalement
du comment il percevait. J'ai cherché à transposer
toutes les lois de la perception, expérimentées
et à faire une dynamique. Il y avait une série
de concepts psychanalytiques comme par exemple celui de "l'acte
manqué" , qu'on expliquait par l'inconscient et que
la loi de la Proximité pouvait expliquer; l'association
d'idées que Freud et Jung mirent du temps à faire
peut s'expliquer par la Proximité, la Bonne Forme, la
Continuité -les lois de la perception. Cependant ma plus
grande préoccupation fut celle de poser des concepts.
J'écrivis, à partir de celà, mon premier
livre, qui est le fondement de tout mon travail, où je
definis ce qu'est l'être humain, en m'attachant au problème
de la temporalité, en montrant que le passé n'influence
pas, car s'il le fait, il est le présent, et en montrant
aussi que le futur n'existe pas car si il existe , il est un
objectif et en tant qu'objectif, il est destructeur. En ce sens,
ma vision est trés phénoménologique, mais
elle en diverge car elle prend en considération la structure.
Une autre question à laquelle il était nécessaire
de répondre était celle de la carence affective
considérée comme une mauvaise chose, une maladie.
J'ai montré que la carence est intrinsèque à
l'être humain, mais, quand je l'ai perçu, j'ai perçu
des niveaux de structuration de l'humain que j'appelle des nécessités
et des possibilités. L'être humain est la résultante
de possibilités ou la recherche de solution aux nécessités.
Mon premier livre fut quasi cette imposition de cohérence
scientifique, d'éclaircir des idées afin qu'elles
puissent être discutées et , en un certain sens
il fut un dossier théorique de mon travail afin qu'il
ne soit pas considéré comme du charlatanisme.
A TARDE: La Psychothérapie
gestaltiste est-elle meilleure que la Psychanalyse?
V.F.
Quand j'ai crée la Psychothérapie gestaltiste,
ma préoccupation n'était ni celle de faire ce que
la Psychanalyse ne faisait pas ni d'être meilleure que
la Psychanalyse. On peut l'avoir considéré, dans
la mesure où je critique relativement la Psychanalyse
qui est une théorie manquant d'une serie de fondements
méthodologiques et scientifiques; au delà de tout,
elle est une théorie crée dans un contexte de fin
du XIX ème siècle. Nous avions, à cette
époque, une Psychologie débutante, totalement dominée
par la Psychophysique, la Psychophysiologie et la science de
cette époque était une science de mesures et l'être
humain considéré alors comme quelqu'un de complexe,
de qualitatif, ne pouvait être mesuré. Toute théorie
qui ne tentait pas de s'attacher à la complexité
humaine, au travers d'une complexité, un mythe, ne pouvait
agir. Dejà en 1970, aprés le mouvement Hippie,
une série de crises au sein de la philosophie, le problème
de surpopulation etc.,firent tomber le voile d'une chose qui
avait été toujours évidente, que dire, l'homme
était dans le monde et avait mille variables, il ne lui
est nécessaire ni de se scléroser, ni de déterminer
des points de mesure. Ma thèorie se trouve validée
dans la mesure où elle cherche à montrer l'étendue,
la globalité de la manière d'appréhender
l'humain. La Gestalt est une vision globale, une vision du champ
,elle n'est pas une chose des catégories, des types, des
classes. Si je n'avais pas crée la Psychothérapie
Gestaltiste, probablement une autre personne aurait fait quelque
chose d'equivalent, car il n'était plus possible de travailler
avec ce concept rigide, stéréotypé de l'inconscient.
A TARDE: Depuis
votre premier livre jusqu'à celui, que vous êtes
en train de lancer, qu'est-ce qui a changé dans vos concepts
concernant l'être humain?
V. F.
En réalité rien n'a changé mais tout a changé
en termes de développement des concepts. Par exemple,
quand je dis que toute mise en relation génère
des positionnements générateurs de nouvelles mises
en relation, qui eux aussi génèrent de nouveaux
positionnements, indéfiniment, et que là je définie
le doute, l'angoisse, le choix, l'amour, la disponibilité,
qui sont les diverses manifestations de situations où
ceci apparait, que dire, le développement de ce que toute
mise en relation génère des positionnements...en
un certain sens, je suis en train de montrer que l'être
humain existe dans un temps et dans un espace. Que la temporalité
est la mise en relation et que la spatialité est le positionnement.
Mais en 1972 , je n'avais pas clairement l'idée que tout
positionnement.... J'expliquais cela, peut-être, en termes
de dialectique. Je disais que les choses sont continues, mais
je parlais dans une spirale, et dans ce nouveau concept j'expliquais
la spirale. Alors, c'est le développement d'un concept
qui était fait dans un autre sens. Dans mon quatrième
livre, j'ai su alors ce qu'est l'être humain, j'ai montré
ce qu'il fait. Qu'il se mette en relation ou qu'il se positionne,
il est dans un temps, dans un espace. Je trouvais encore dans
le premier livre que percevoir c'est connaitre par les sens,
parceque je cherchais à faire l'antithèse du concept
de conscience, qui généra l'antithèse du
concept de l'inconscient. Quand je dis, dans le quatrième
livre, que la perception est la mise en relation ,je suis exactement
en train de saisir une chose que, dans une certaine vision académique,
je place.
A TARDE: Quand surviennent des positionnements comme
celui de l'angoisse?
V. F.
L'angoisse est un symptome de non acceptation, l'angoisse est
un compromis . C'est un moment d'arrêt de l'homme, qui
s'arrête dans une expectative, dans un a-priori. L'être
humain perd toute une dynamique, toute une réversibilité.
Il tremble, il sue, il a froid, il ne mange pas, il n'arrive
pas à dormir, il a des difficultés sexuelles, il
a peur, il est positionné, emprisonné dans des
déplacements résultants d'une non-acceptation non
affrontée. Ces positionnements vont générer
de nouvelles mises en relation, la peur de mourir, d'avoir un
infarctus, le drame de pouvoir arriver à une érection,
le problème d'avoir à avaler de la nourriture,
ainsi ce positionnement gère toute mise en relation avec
des difficultés. Et plus ou moins le suivant: Si vous
vous trouvez jeté dans une quelconque situation, arrêté,
le propre fait de rester arrêter crée une série
de mises en relation, change, crée des rides dans le lit,
des escarres au corps, des engourdissements des muscles etc.
A TARDE: Et de
quelle manière la Psychothérapie Gestaltiste agit-elle
pour structurer l'être humain?
V. F. En
faisant l'antithèse dans le sens de neutraliser ces déplacements
des positionnements. Nous disons, l'angoisse est un positionnement
qui a été généré par un compromis
ainsi que ce compromis va crée une série de déplacements,
la peur, la douleur dans la poitrine, le non manger, enfin, la
somatisation. Alors, la Psychothérapie Gestaltiste commence
à faire que l'individu perçoit que ce qu'il sent
est crée par lui-même et ne résulte de rien
d'autre, un envôutement, une malchance, une douleur organique,
ou même l'inconscient. Dans l'idée de la Psychanalyse,les
personnes pensent, inconsciemment, qu'elle désirent se
détruire. L'attitude de la Psychotérapie Gestaltiste
est de couper les alibis, d'empêcher que le client utilise
le problème comme une justification de sa propre difficulté,
En faisant que la personne s'affronte à la chose qui est
problématisante. La Psychothérapie Gestaltiste
ne promet pas de guérison dans le sens où l'individu
n'aurait jamais plus de problème. C'est exactement là
qu'on arrive au concept principal de la psychothérapie
dans ce qui touche à la névrose.
A TARDE: Et qu'est-ce que la névrose?
V.F. C'est
la non-acceptation de la non-acceptation, qui crée une
auto-référenciation, responsable d'une distorsion
perceptive, qui conduit l'individu à vivre en référence
à un temps qui n'est pas le présent. Ce que la
thérapie prétend c'est de donner les conditions
à la personne pour qu'elle s'accepte, même si cette
acceptation est une acceptation de non-acceptation. En ce sens,
la Psychothérapie Gestaltiste n'a pas de valeurs, n'a
pas d'idées fixes, n'a pas, y compris, d'objectif d'ajustement.
Si la personne s'accepte telle qu'elle est, c'est parfait. Si
elle est une merveille dans le système en termes d'ajustement,
mais qu'elle ne s'accepte pas, elle doit changer et la thérapie
rend possible cela.
A TARDE: Les phobies, la dépression, les psychoses,
ainsi que l'angoisse sont-ils des symptomes de non-acceptation?
V .F.
Votre question est intéressante dans la mesure où
elle me permet de révéler ce qu'est la Psychothérapie
Gestaltiste. Elle n'est pas une théorie de classe mais
une théorie de champ. Ainsi, elle ne contient pas des
catégories de névrose, de types de symptômes,
que dire, l'impotence sexuelle, la frigidité, le manque
d'érection, l'anorexie, la peur de sortir, le fait d'avoir
un ulcère, sont tous des positionnements résultants
d'une cassure de la mise en relation, d'une cassure de la gestalt
moi-dans-le-monde. La Gestalt, comme le Bouddhisme, le Taoisme,
la Biologie, la Physique et la Chimie, pense le monde comme une
totalité, les secteurs n'existent pas, ni les parties.
Ce que la Biologie fait: elle prend une cellule de l'épithélium
du bras et à partir de là décrit toute la
structure chromosomiale. Ce que la Psychothérapie Gestaltiste
prétend c'est qu'avec une simple démonstration
de comportement, on peut reproduire tout ce qu'est l'individu.
Cette chose de ce que l'individu est de cette manière
à la maison et de cette manière au travail n'existe
pas. La Psychanalyse, en tant que thérapie d'appui, admet
que l'individu puisse être parfait et avoir un désordre.
Dans la Psychothérapie Gestaltiste, ceci n'existe pas,
il y a une unicité. Tout problème est toujours
un indice, un symptôme de névrose. Si une orange
est abîmée,cela n'avance à rien de couper
un petit morceau. Quand à l'orangeade, elle prend un gôut
d'orange abîmée, parce que quand une partie est
affectée, le tout est compromis, puisque le tout n'est
pas une somme de parties.
A TARDE: Ceci explique le fait que vous acceptiez des cas considérés
comme irrécupérables, comme les psychoses?
V.F.
Oui. Dés qu'on arrive à changer la perception que
l'individu a de lui-même, il change la mise en relation
avec tout. Maintenant, il est clair, que dans le cas de la Psychose,
le travail serait le même, en termes de conceptualisations,
que celui de la névrose, mais il y a des variables qui
embarrassent, car quand l'individu est psychotique, il n'a plus
d'autonomie économique, l'autonomie d'aller et venir,
ainsi le traitement et le résultat deviennent difficiles,
non pas car il est psychotique, mais oui dans la mesure où
il est psychotique, il crée une série de positionnements
qui le rendent imperméable au dialogue.
A TARDE: La typologie, la classification de la névrose
en catégories, sont-elles une distorsion de La Psychologie
actuelle?
V. F.
Les visions anciennes ont etabli des types de complexités
quand elles trouvaient que l'être humain était complexe,
ont donc commence à typographier. Delà, viennent
les phobies, les paniques, les règles des divers étalonnages.
Les adolescents agissent d'une manière, les adultes d'une
autre, il en est ainsi du comportement des catégories
professionnelles: les psychologues sont toujours fous, les journalistes
je n'en sais rien là etc, comme une manière d'arriver
à un entendement, en additionnant ce résultat,
que dire, c'est la méthode déductive et inductive,
qui prédomine encore dans les sciences sociales et dans
la psychologie. N'arrivant pas à appréhender la
globalité, ils arrêtent donc pour classifier. De
là, viennent les phobies, les caractéristiques.
Au delà de parler des phobies, on parle aussi du Karma,
du destin, de choses paranormales afin de tenter d'expliquer.
L'idée de ce que l'être humain est complexe, énigmatique,
est à chaque fois plus accentuée, car à
chaque fois on dispose de moins en moins d'une forme à
globaliser, on tombe de plus en plus dans la typologie, car les
gens vivent une époque de haute technologie, de l'opérationnalisation
des choses. L'essence humaine, n'est jamais configurée,
ni considérée, ce qui existe c'est le fonctionnement
humain.
A TARDE: Et comment se situe la Psychothérapie
Gestaltiste dans ce contexte?
V. F.
La Psychothérapie Gestaltiste ne pense pas l'humain comme
une chose linéaire. Quand on pense l'humain, on doit le
faire, plus ou moins, comme d'une chose aussi dynamique que le
modèle de l'atome. Il existe mille variables, mille intersections,
mille mouvements. Il n'y a pas de différence entre l'homme
du XX ème siècle et celui du X ème siécle
, ou celui d'avant le Christ. L'homme est toujours le même
en tant qu'essence. En disant cela, je repense à Husserl,
créateur de la Phénoménologie, quand il
disait que la science était une description et qu'il terrifiait
son époque, car la science était compréhensive
et explicative, que dire, déductive et inductive. Ils
vinrent à lui et lui demandèrent qui de l'oeuf
ou de la poule etait né le premier. Il répondit:
Apportez-moi l'oeuf et la poule et je répondrai. Telle
est la description phénoménologique. Quand je dis
qu'il n'y pas un homme d'hier, en un certain sens je suis en
train de paraphraser Husserl. Je veux dire, on doit penser l'homme
maintenant et ici.L'homme hypothétique, chimérique
,n'existe pas, seul existe un homme de chair et d'os en un temps.
A TARDE: Pourquoi
la méthode déductive et inductive prédomine
t'elle en Psychologie?
V. F.
Il est beaucoup plus facile de comprendre quelque chose au travers
d'une analogie que de la comprendre au travers d'une essence
impliquée dans une globalisation. La globalisation devient
difficile de par ses propres positionnements reférenciés.
Ainsi, chaque fois qu'arrive quelque raisonnement analogique,
ce raisonnement est plus compréhensible. Quand Freud ,
par exemple, disait que ses maîtres étaient les
grecs et qu'il prenait une tragédie comme "Oedipe"
et de là qu'il structurait toute la chose du complexe
d'Oedipe, il utilisait tout le contenu, toute une forme littéraire
symbolique, qui donnait une assise pour que les personnes aillent
en interprétant, avancent, disons-nous, en faisant l'analogie,
en "analogiant". Quand nous disons qu'on doit appréhender
l'essence, configurer, globaliser le phénomène,
la chose devient sèche, détachée. Par exemple:
les gestaltistes ont été trés critiqués,
car ils expliquaient le comportement humain au travers de la
perception et quand ils allaient parler de perception, ils dessinaient
des petis points. Toute la formation de la société,
et cela a beaucoup contribué au versant presbytarien et
protestant de l'église catholique, est une vision pragmatique,
ainsi que la science du XXè siècle qui se développa
au travers de l'approche pragmatique d'Auguste Comte. Comment
dire, toute chose existe avec quelque motif, quelque finalité.
Alors, c'est presque comme si, à présent, la récupération
de l'humain devait se faire dans le sens du dilettantisme. Je
dis, dans ce quatrième livre, que le début de la
transcendance dans la massification est l'attitude esthétique,
comment dire (sans s'éloigner du sujet pour ne pas donner
de marge à des distorsions), les gens peuvent dire qu'un
défilé d'école de samba ou qu'une partie
de football avec cette coordination harmonique des choses, en
permettant l'instauration d'une harmonie, est dejà une
transcendance, est quelque chose qui transcende la réalité.
En reprenant la question, pour incroyable que cela paraisse,
les contingences, parfois, expliquent mieux que les concepts.
Il est plus facile de dire que l'individu est désajusté
que de dire que l'individu est désajusté car il
n'accepte pas ses propres limites.
A TARDE: Si la perception est la mise ne relation et
si la névrose est la distorsion perceptive, que peut-il
arriver à une civilisation dans la quelle les individus
de mettent en relation de façon distordue?
V.F.
Si les perceptions sont de plus en plus distordues, les mises
en relation vont être plus distordues. Maintenant, comme
toute mise en relation gère des positionnements générateurs
de nouvelles mises en relation...indéfiniment, la massification
même va donner les conditions pour l'homme de s'humaniser.
Elle va fonctionner comme antithèse. En un certain sens,
pourquoi y-a t'il de la place, aujourd'hui, pour la Psychothérapie
Gestaltiste,sans qu'elle n'ait la répercussion qu'a la
psychanalyse, qu'a un Eduardo Mascarenhas? Car maintenant la
psychanalyse ne marche pas. Ou, à un autre niveau, pourquoi
la merveilleuse Médecine des années 60 en est-elle
arrivée là où elle en est, en termes d'attention
et pourquoi les médecines alternatives, la macrobiotique,
l'homéopathie, les traitements par les herbes, l'acupuncture
et tout le reste, augmentent -ils de plus en plus? advient un
point où la massification est si importante que le système
se renverse. C'est l'espérance, pour si massifié
que le système soit, il existera toujours une condition
d'humaniser les personnes. Pour cela, je travaille comme Psychothérapeute
Gestaltiste. C'est cette chose qui dit que tout ce qui monte
descend, c'est la Loi de la gravitation, de la Physique, et le
propre mythe grec du Phenix. La chose comme une régénération,
mais une régénération au sens où
toute mise en relation conduit à un positionnement.
A TARDE: Dans
ce quatrième livre, vous dites que le choix n'existe pas.
Pouvez- vous expliquer cela?
V.F.
Le choix est toujours compromis à une quelconque contingence.
Cette contingence devient nécessairement une adhérence,
extrinsèque à la propre situation choisie.Quand
les situations sont différentes et que vous devez choisir,
vous allez choisir en fonction d'un quelqu'autre référentiel,
qui n'est pas celui de la chose choisie. Cet autre référentiel
est un comprometteur dés qu'il est un orientateur, un
déterminant de conduite. Alors, en ce que votre conduite
de choix reste fonction d'un déterminant, le choix est
dejà une totale adhérence, que dire, ou il est
le fait du hasard, ou il est le fait d'une obligation. Dans le
premier cas, il aliène; dans le second cas, il oriente.
De 1960 à ce jour, le choix a été un mot
à la mode, car Sartre a commencé à dire
que l'homme est libre quand il choisit. Ceci parce que les gens
étaient tellement compromis dans les rouages du système,
qu'ils ne choisissaient jamais. Le grand moment humain de la
non-chose, de la génération des années 60,
a été celui de quand l'individu a pu choisir. Camus
a dit que la liberté c'est la possibilité de dire
non. Caetano a dit que c'est la possibilté de dire oui.
Alors, c'est la liberté comme cet acte désespéré,
quand l'individu transcende la circonstance et arrive à
dire oui, je veux ceci, non, je ne veux pas ceci. C'est une vision
presque désespérée comme l'est cette phrase
de Brecht: "Triste pays que celui qui a besoin de héros".
Quand je dis que le choix est ce qu'il y a de plus négatif,
je veux dire triste pour la personne qui doit choisir.
A TARDE: C'est plus ou moins la situation de film "Le
choix de Sophie"?
V. F.
Le choix de Sophie", quand elle est avec ses deux enfants
et que l'homme dit regarde, tu as deux enfants, un va mourir,
lequel vas-tu choisir? Si tu n'en choisis aucun, les deux mourront.
Quand elle en choisit un et qu'elle sauve l'autre, elle a perçu
le piège total, la totale impuissance. Quand la fille
s'en va, elle accepte, mais elle est tant massifiée, tant
compromise, qu'elle crie, mais ne courre pas, car si elle courrait
elle serait mitraillée, ils mouraient tous. Pour cela,
elle devait avoir une attitude spontanée et ne pas encore
être en train de désirer de survivre. Il y a des
situations dans la vie où il est mieux de ne pas leur
survivre, en raison d'une vision structurée, authentique,
individualisée. A l'intérieur d'une vision de masse,
de survivance, les gens veulent toujours survivre à quoi
que ce soit, cela coûte ce que cela coûte. Quand
l'individu est un être disponible, au sens de spontané,
aucun choix ne le place dos au mur. La trajectoire, si elle est
observée comme un continu, n'a pas de bifurcations, n'a
pas des fractures. Cette fracture est ce qui favorise le choix,
l'angoisse. Quand les gens parlent de massification et de cette
chose de survivance, il devient clair que, malgré 30 siècles
de pensée philosophique et deux siècles de science,
les gens continuent de penser l'être humain comme un organisme.
La pensée est celle-ci, l'être humain est pensé
comme un organisme qui a des nécessités sexuelles
etc. Ou encore, comme le fruit du divin. Il devient difficile
de penser en l'être humain comme temporalité et
spatialité.
A TARDE: La transcendance est-elle possible sans psychothérapie?
V. F.
Sans la psychothérapie je trouve impossible qu'un être
humain se structure. Ce qui transforme l'être humain c'est
l'autre, mais l'autre en tant qu'acceptation et disponibilité.
Si la personne ne s'accepte pas, c'est parcequ'elle n'a jamais
rencontré cet autre. L'autre qui pourrait l'accepter et
la transformer serait le psychothérapeute, dans la mesure
où il établit le questionnement. Ou encore, l'amour.
Si quelqu'un a été aimé par l'autre au point
d'être accepté avec toute la disponibilté,
il se transforme. Il n'y a rien de tels que la thérapie
et ce mouvement d'amour comme délivrance, intégration,
acceptation totale. Si l'individu est problématique, lui
ne pourra pas aimer, mais par "miracle", quelqu'un
pourra l'aimer au point de le transformer.
A TARDE: La thérapie engendre t'elle de la dépendance?
V.F.
La Psychothérapie Gestaltiste est un questionnement, une
dynamisation, une antithèse, une coupure des déplacements,
l' autre endroit, l'opposé du poste, ainsi elle dynamise.
Qui vit un processus thérapeutique sait cela. Qui en est
loin, parfois, le père, le mari, la femme, l'amant, le
voit comme une dépendance, une bequille, une chose nuisible.
Parce que c'est un autre, que ce n'est pas lui, qui interfère
dans ce qu'il aurait souhaiter faire. C'est une dynamisation
qui, vue par des yeux qui ne sont pas ceux des participants au
processus, est estimée et considérée au
sein des referentiels problématiques de la personne qui
regarde. Une chose est ce qui se vit, une autre chose est comment
l'autre voit cette "vivance". La thérapie n'est
pas une chose de bon sens. Non pas qu'elle soit une chose de
fous. Le bon sens c'est le consensuel, c'est le statistiquement
prégnant, plus valide. Ceci serait, nécessairement,
un définisseur général, et un définisseur
général n'est jamais individualisant. Elle n'est
pas le bon sens, en disant cela je ne dis pas qu'elle est le
contre- sens. Elle est le sens, le jugement sans attributions
valorisantes. Elle n'est ni le bon sens, ni le consensus, ni
le contre-sens, dans le vrai sens du mot.
A TARDE: Il y a 20 ans, vous avez crée une méthode
psychothérapique. Durant tout ce temps vous avez travailler
comme psychothérapeute, mais vous n'êtes pas connue
du grand public. Cela vous incommode t'il?
V. F.
Tout mon travail est un travail d'antithèse, au devant
de tout cet ordre en vigueur de la Psychanalyse, de l'état
actuel de la pensée de la Psychologie, des Sciences sociales,
autour de ce qu'est l'humain. Car la Psychologie, la Sociologie,
la Psychanalyse, la Linguistique, enfin toutes les sciences sociales
considérent que l'homme est la résultante de 'n'
variables, comme la culture, l'économie, la famille etc.
Moi je ne dis pas qu'il est une résultante, je dis qu'il
est un être-dans le-monde et qu'il se met en relation avec
toutes ces situations. En ce sens, mon travail est une anti-thèse
et comme tel n'est pas reconnu. Seule la synthèse est
reconnue. Cela ne m'incommode pas, je le comprends même,
car ce serait complètement contre ma pensée que
de dire que les choses sont ce qu'elles sont, que de savoir que
ce que je pense ne se pense pas en général, et
que de vouloir être reconnue. Mais, si j'ai crée
quelque chose, il est clair que j'aimerai que cela soit reconnu,
dans une vision transversale. Parceque longitudinalement, je
sais que, si j'ai fait l'antithèse, mon travail seul sera
petit à petit reconnu Jour aprés jour au cours
de la thérapie je sens mon travail totalement reconnu,
efficace, exactement pour cela il se poursuit depuis 20 ans.
Quand je dis que l'inconscient n'existe pas, que l'être
humain ne résulte pas de l'instinct, des ordres économiques,
qu'il n'est pas déterminé par la culture, qu'il
n'a rien à voir avec le karma etc, je pose une antithèse
à toute une série d'explications. L'important c'est
le pas à pas, le brique à brique, c'est contribuer
à changer la pensée dominante, en structurant un
autre.
A TARDE: Alors,
Vera, votre travail c'est ce que vous dites sur le doute: "Toute
affirmation niée, qu'est ce qui rend possible une question"?
V. F.
C'est cela! Vous avez compris la Gestalt.
|