"Voici le barde qui n'a pas encore chanté. Mais il chantera bientôt, et à la fin de son chant il connaîtra la science des étoiles..." Taliesin
"J'ai toujours préféré la mythologie à l'histoire, parce que l'histoire est une vérité qui se déforme de bouche en bouche et devient mensonge, alors que le mythe, de bouche en bouche, prend des forces et en arrive à devenir vrai."
Jean Cocteau
Dans le Livre des Invasions (Leabhar Gebala), les anciens Goidels racontent l'arrivée en Irlande d'un peuple proto-celtique, le "Peuple de la déesse Dana" (Tuathas Dé Danaan). Ceux-ci, fiers et violents, se heurtent aux populations locales et notamment à d'autres Proto-celtes, les "Hommes de la Foudre" (Fir Bolg), qu'ils vainquent lors de la première bataille de Magh Tuiread (Moytura).
Cependant, lors de cette bataille, le roi des Danéens, Nuada, est blessé grièvement. Sa main droite est sectionnée. Devenu infirme il ne peut plus régner.
Un nouveau peuple apparaît alors, les Fomoires (Formorés ou Formoraich). Venus de la mer, ils imposent aux Danéens un régent, Bres-le-beau, fils d'un roi fomoire et d'une princesse danéenne. Le Livre des Invasions décrit Bres comme un roi cupide et oppresseur des Danéens. Les Proto-celtes finissent par se révolter et rappellent à leur tête le roi Nuada qui a été pourvu entre-temps d'une prothèse d'argent pour remplacer sa main perdue.
Chassé de son trône, Bres appelle les Fomoires à l'aide. L'affrontement a lieu une nouvelle fois à Magh Tuiread et donne lieu à de nombreux faits d'armes. C'est notamment au cours de cette bataille que le danéen Lug-à-la-longue-main tue son grand-père, le fomoire Balor-à-l'oeil-mauvais, chef des armées fomoires. Le mage danéen Diancecht ressuscite les guerriers danéens morts au combat grâce à un chaudron magique que les Fomoires tentent vainement de combler à l'aide de pierres. Enfin, le danéen Ogma s'empare d'Orna, l'épée du roi fomoire Tethra qui sitôt dégainée chante ses exploits.
Les Fomoires sont "définitivement vaincus et refoulés en marge du monde".
Plus tard les Danéens seront eux-mêmes vaincus par d'autres Proto-celtes, les Milésiens, ou "Fils de Milé", qui deviendront les Goidels d'Irlande.
"Aplws gar eipein, oi Akouitanoi diaferoudin tou Galatikou fulou kata te tas twn dwmatwn kataskeuas kai kata thn glwttan, eoikadin dée mallon Ibhrdin." Strabon
Le Livre des Invasions est le seul document mentionnant le peuple des Fomoires. Il les décrit comme des êtres cyclopéens, aux corps ou à la tête animale et ne possédant "qu'une seule jambe et un seul bras". Des descriptions de ce genre se retrouvent dans la plupart des mythes fondateurs des peuples d'Europe et d'ailleurs. La guerre contre les "Géants" semble un passage obligé de leur naissance. Cela s'explique facilement par qui connaît les "ficelles" de la construction d'un récit. Le héros mythique est d'autant plus fort et courageux que son ennemi est impressionnant. Il est fort probable que les Fomoires ainsi décrits n'étaient que des hommes comme les autres.
D'où venaient ils ? Seule l'Irlande en a gardé mémoire mais elle est aussi la seule terre celtique à n'avoir subi ni l'occupation romaine, ni une christianisation forcée, ce qui lui a permis de conserver une grande part de sa tradition orale. Les Celtes ayant pour habitude de ne pas transcrire leurs mythes (principalement sous l'influence d'une caste druidique jalouse de ses prérogatives et de son ascendance culturelle), ceux-ci ont été effacés par les envahisseurs en Gaule, en Espagne et en Grande-Bretagne. Certains éléments permettent toutefois d'en retrouver des bribes. Les héros laissent souvent leur nom à des lieux-dits ou des cités et il est étonnant de ne retrouver que très rarement celui de Lug, le plus grand des héros ayant lutté contre les Fomoires, associé à des noms de lieux en Irlande. Ces noms sont en revanche pléthoriques sur le continent : la ville galicienne de Lugo en est l'exemple évident, mais les cités de Lyon, Loudun, Laon, Leyde, Leignitz et même Saint-Bertrand de Comminges étaient autant de "Forteresses de Lug" (Lugdunum). Ces noms témoignent de l'importance du culte de ce dieu, que César nomme le "Mercure gaulois", sur le continent alors qu'il n'apparaît guère dans les îles britanniques.
Il semble possible d'en déduire que le mythe auquel il se rattache n'a été qu'importé en Irlande et serait plutôt d'origine continentale. Les Danéens apparaissent alors comme une avant-garde des Indo-Européens, en l'occurrence des Proto-celtes, se heurtant aux populations ligures et ibères qui peuplent alors l'Europe occidentale. Or justement, des Ibères devaient avoir colonisé la côte nord de l'Espagne, région abondamment arrosée et riche en ports naturels. On imagine sans peine un peuple de pêcheurs dont on ne sait aujourd'hui plus rien sinon qu'avec l'âge des métaux il a dû inaugurer des liaisons maritimes avec la Bretagne, la Grande-Bretagne et peut-être même l'Irlande. Même si aucune preuve n'existe il se pourrait bien que nous tenions là nos Fomoires.
"L'enfer, pour un peuple, est privation d'histoire." Morvan Lebesque
Que les Fomoires aient été ou non des Ibères, ils ont eu à subir l'invasion des Danéens, soit en tant que population des territoires convoités par les Proto-celtes, soit en tant qu'alliés de ces populations. Le Livre des Invasions relate une résistance acharnée mais la défaite était néanmoins au bout du récit. Voici que les Fomoires sont repoussés "au-delà du monde". Nous ne saurons pas si ces termes recouvrent un génocide ou un ethnocide mais les Fomoires n'en seront pas moins relégués dans les oubliettes de l'histoire, caricaturés en monstres jusqu'à ne plus devenir que des créatures de l'imaginaire poétique, compagnons des ogres, cyclopes et autres croque-mitaines.
Pourquoi cela ? Les raisons sont les mêmes qui nous ont fait considérer pendant des décennies les Indiens d'Amérique comme des sauvages sanguinaires ou les Noirs d'Afrique comme des anthropophages potentiels. Le principal "tort" de ces peuples a été de perdre leur crédibilité face à des adversaires plus puissants ou mieux armés qui se sont par la suite arrogés le droit de juger leur civilisation, le plus souvent à travers le crible d'une propagande colonialiste et raciste. Seules la survie de membres des peuples soumis et une certaine évolution des mentalités a permis de retourner partiellement l'opinion mondiale. Pour les Fomoires il est trop tard. Nous ne saurons jamais quelle civilisation ils auraient pu créer s'ils avaient pu repousser les Danéens ni quel visage aurait le monde aujourd'hui s'ils n'avaient disparu.
Leur mémoire doit être honorée. Ne serait-ce qu'en symbole de celle de tous les peuples dont ni l'histoire, ni la culture, ni même le nom ne nous sont parvenus.
"C'est au début du XVIIe siècle, une nuit de Lucerne ou de Londres, que la splendide histoire commença. Une société secrète et bénévole (qui parmi ses affiliés compta Dalgarno puis George Berkeley) surgit pour inventer un pays. Dans le vague programme initial figuraient les études hermétiques, la philanthropie et la cabale. (...) Après quelques années de conciliabules et de synthèses prématurées on comprit qu'il ne suffisait pas d'une génération pour articuler un pays. On décida que chacun des maîtres qui la composaient choisirait un disciple pour continuer l'oeuvre. Cette disposition héréditaire prévalut ; après un hiatus de deux siècles la fraternité poursuivie resurgit en Amérique. Vers 1824, à Memphis (Tennessee) un des affiliés converse avec l'ascétique millionnaire Ezra Buckley. Celui-ci le laisse parler avec un certain dédain - et se moque de la modestie du projet. Il lui dit qu'en Amérique il est absurde d'inventer un pays et il lui propose l'invention d'une planète. à cette idée gigantesque, il en ajoute une autre, issue de son nihilisme à savoir : passer sous silence l'énorme entreprise. (...) Buckley ne croit pas en Dieu, mais il veut démontrer au Dieu inexistant que les mortels sont capables de concevoir un monde." Jorge Luis Borges, Tlön Uqbar Orbis Tertius
En nos temps d'ethnocides "mous" qui voient des peuples perdre leur culture et leur identité par simple effet de mode, il nous a semblé important de réagir à notre manière. Les cultures, comme les espèces animales et tous les êtres vivants, doivent être défendues. Non en les emprisonnant au sein de cocons qui ne font que les étouffer mais en leur insufflant la vie qui est la meilleure garante de leur longévité.
Il faut même voir plus loin, si les sociétés actuelles vont en s'acculturant, il pourrait être judicieux de créer de nouveaux ferments de cultures afin de préserver une certaine diversité. Tel sera donc le but du Projet Fomoire : créer une nouvelle culture, issue de nulle part et dédiée, par l'intermédiaire des Fomoires, à l'ensemble des cultures disparues ou potentielles, oubliées ou anonymes, restées en marge de l'histoire de l'Humanité.
Le Projet Fomoire consiste donc en la création (ou re-création) de tous les éléments constitutifs d'une culture (langue, littérature, arts, coutumes, société, croyances...). cette culture devra devenir le principal élément fédérateur d'un groupe de personnes appelé à devenir le "noyau" d'un nouveau peuple : les Néo-Fomoires.
"Rien n'est plus sot que de traiter avec sérieux de choses frivoles ; mais rien n'est plus spirituel que de faire servir les frivolités à des choses sérieuses." Erasme, Eloge de la Folie
Selon les définitions en usage dans les milieux de la Science Politique, les éléments constitutifs d'un État sont : un gouvernement, un peuple et un territoire. S'il est permis de douter de l'existence réelle de certains peuples en tant qu'entités originales (le Luxembourg s'interrogeait naguère sur l'existence d'une Slovénie historique mais existe-t-il réellement une identité nationale luxembourgeoise ?), l'importance du territoire n'a jamais été remise en question. à cette heure, la question territoriale est même le fondement de plusieurs conflits autour du globe. Pourtant, imposer un territoire comme condition à la naissance d'un État prive à tout jamais certains peuples de la possibilité de se doter d'une structure étatique reconnue. Quel territoire peuvent donc revendiquer des peuples nomades comme les Roms, les Manouches, les Kalés, les Touareg ou les Mbororos ? Le problème est similaire pour tous les peuples qui ont perdu leurs territoires et ne peuvent légitimement plus en réclamer le retour, tels les Indiens d'Amérique, les Maoris ou les Aborigènes d'Australie. Ces peuples existent et n'ont pas droit à une représentation internationale au même titre que ceux qui ont pu conserver un territoire... ou s'approprier celui d'un autre peuple.
Avec la disparition de la ruralité et d'une certaine relation à la terre, le critère territorial devrait perdre sa primordialité. Il serait donc envisageable que se créent des États actémons, c'est à dire ne possédant ni ne revendiquant aucun territoire propre.
Lorsque les Néo-Fomoires formeront un peuple, ils ne pourront revendiquer aucune terre comme leur. Cela ne devrait pas les empêcher de se doter d'une structure gouvernementale et de proclamer un État : la République Actémone de Fomoirie. Le second aspect du Projet Fomoire sera la création de cet État et sa reconnaissance internationale, par application du droit des peuples à disposer librement d'eux-mêmes et à vivre leurs différences en toute autonomie politique et administrative, dans le respect du droit international.
"Ego sum qui sum." Exode 3,14.
Tout cela peut bien évidemment sembler relever de la pure gageure mais il n'y aurait aucun défi à relever si l'on ne se proposait que d'atteindre des buts dont on sait à l'avance qu'ils sont à portée.
Le Projet Fomoire est avant tout une initiative pour amener des individus à s'affirmer comme "différents" les uns des autres en refusant l'uniformisation prônée par une société où l'efficacité et la rentabilité sont érigées en nouveaux veaux d'or. Car on nous enseigne que la différence est un grain de sable qui nuit à la bonne lubrification des rouages sociaux. Alors qu'en fait elle met des noms sur les visages anonymes, donne des (et non pas une seule) consciences à l'ensemble informe connu sous le nom de "peuple" et gêne par là sa manoeuvrabilité par les différents éléments du pouvoir.
L'uniformisation, en prônant l'élimination (appelée "assimilation") des différences, ouvre la porte à l'intolérance. à terme, l'abondance de différences, "intégrées" dans la "société", vécues et exprimées (non pas criées ou imposées), devrait être une garantie de tolérance.
L'être humain n'a d'autre richesse que sa personnalité. Tant qu'à faire il nous semble souhaitable qu'il fasse bénéficier la communauté d'une personnalité originale, capable de lui apporter quelque chose de plus, et non pas d'une simple copie, fidèle à l'orthodoxie d'un modèle original, qui ne ferait qu'affirmer la fin de notre évolution.
Voilà pourquoi nous nous présentons comme "Autrelins" (ceux-qui-sont-"autres") et quels sont les idéaux fondateurs du Projet Fomoire.
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