L’aumône Légale (zakâ) 


A la mention du sujet de la zakâ, nos frères communistes - d’habitude - poussaient un sourire moqueur comme à la découverte d’une percée de passage : la zakâ est à leur vue la solution embarrassante du problème de l’injustice sociale. A celle-ci, la cure ne serait pas mendicité et distribution d’aumônes, mais plutôt amputation, éradication, harcèlement de ces exploiteurs injustes et extirpation des possesseurs de biens ou de terres ! Un coup d’Etat communiste corrigerait les situations ! Or, la description communiste de la zakâ est incorrecte.

Par ailleurs, le ton agressif des paroles des "compagnons" me rappelle toujours l’opinion du Dr. Al-Mehdi binabboud, penseur islamique Marocain : Le communisme n’est ni une théorie, ni une doctrine, ni une idéologie – camouflage ! – mais, en réalité, un caractère. Le communisme, c’est de la rancœur, de la rancune, plus une nature vindicative incitant son sujet à chercher harcèlement, avilissement des autres et hégémonie. Les communistes ne voient de réforme que sous l’angle de l’amputation, de l’éradication sanglante et du renversement de toute chose depuis les bases. Et cette nature tend toujours à embrasser la doctrine qui la soutient. Ainsi, le choix du communisme ne se fait-il ni par conviction, ni par usage de logique ni de raison, mais par nature. Ces gens-là mêmes ont auparavant opté pour la doctrine des Kharidjites, des qarmates et des khoramites, puis optent dans la postérité pour la secte takfir wal hijra (Accusation d’Infidélité et Emigration). Satisfaction de cette même nature oblige.

De retour à la conception de la zakâ par les compagnons : la zakâ a été mal comprise. Ce n’est ni une charité que le riche jette au pauvre à titre de condescendance, ni une aumône faite à un mendiant, mais un droit enlevé des biens nets de l’homme aisé, droit qui doit parvenir à la main du nécessiteux, sa dignité étant intacte, et sans être réduit à demander ou à tendre la main. Il s’agit donc d’un droit, non d’une charité. La zakâ jouit du statut de l’impôt, perçu selon une loi et dépensé selon une loi. 

Qui plus est, la dépense n’a pas de limites. Le minimum en est de 2.5 % - soit la zakâ obligatoire - alors que le maximum est ouvert, maximum prédestiné par la volonté de Dieu et déterminé par le donateur en fonction de sa foi et générosité.
«
 … Et ils t'interrogent: "Que doit-on dépenser (en charité)?" Dis: "L'excédent de vos biens." »
(Sourate Al-Baqara 2 – verset 219)

Par ‘maximum’ j’entends tout ce qui – à tes yeux – excède tes besoins ; serait-ce le 99 % de tes biens (si tu te suffis de quoi se nourrir, s’habiller et vivre décemment, consacrant le reste à Dieu) Il s’agit d’un marché avec Dieu, d’une relation avec le Créateur, non d’une condescendance envers les créatures. Toutefois, une extra-dépense serait volontaire et optionnelle ; personne ne l’avait prescrite. L’appellation même « zakâ » (sens propre : purification), dénote l’épuration – de l’avarice et de l’égoïsme – au premier bénéficiaire, à savoir : celui même qui s’acquitte de la zakâ. 

Les sommes à dépenser en aumône sont, paraît-il, les saletés des gens : à mesure que l’on s’en décharge, on se purifie et on trouvera l’âme purgée de ses attachements matériels terrestres. 

D’ailleurs, l’argent ne s’amenuisit point par les aumônes ; la moindre somme que tu dépenses sera substituée par un autre bienfait divin, que ce soit de l’argent, de la santé, de la clémence, de la bonne progéniture, du succès ou de l’accomplissement… De toute façon, Dieu doit rémunérer le bienfaiteur autant ici-bas qu’à l’au-delà. Une loi divine immuable, parfaitement connue par ceux qui prennent en charge d’acquitter la zakâ et y concurrencent. Certes, Dieu ne manque jamais à Sa promesse.

La zakâ atténue la rancœur, éloigne le mauvais œil et attendrit les cœurs : c’est de l’argent licite que le propriétaire présente volontairement, par amour et respect ; et que l’ayant droit reçoit sans risquer rappel ni tort en conséquence. 

A l’évaluation du taux de la zakâ au sens élargi – zakâ des compagnies, celle des banques, des institutions commerciales et des Etats riches de ressources – le total des taux se chiffrera en des milliards ou plus, et sera en mesure de rééquilibrer complètement les balances actuelles d’économie. De surcroît, le fait de dépenser ces milliards selon une méthode moderne, les investir au profit de la classe pauvre ainsi que dans la création d’emplois aux chômeurs, l’établissement de nouvelles industries et la promotion de l’éducation est susceptible de changer la face de la vie, sans violence, ni oppression, ni harcèlement… Ainsi, les mains se rencontrent-elles, en toute amitié, coopération et solidarité, et le bien ne tardera pas à donner ses fruits : un bien à foison. De l’autre côté, la violence communiste ne donnera que violence, l’oppression ne donnera que refus, paresse et indifférence, et la tyrannie ne donnera que désespoir et passivité. Fin de l’acte : tout le monde s’en fout de toute chose, disant : « Que l’Etat fasse ce qui lui plaît ! » Or, l’Etat dans le communisme n’est pas un être vivant normal, mais plutôt un dinausor, un avatar composé de forces policières, d’un peuple paniqué, et qui plus est, de faux-dieux et de titans de pouvoir agissant, les coudées franches, au nom du parti. Puis au nom du parti, on assiste aux injustices, extorsions et mises à sac : crimes couverts par les slogans, mensonges et médias engagés.

Une telle constitution sociale convulsive n’est aucunement comparable à la constitution harmonieuse d’une société musulmane où tout le monde travaille avec foi : le travail est une œuvre de culte ; la dépense, une transaction personnelle avec Dieu ; l’aumône est placée tout d’abord dans la Main de Dieu avant la main du pauvre ; les soins au malade sont autant une œuvre de culte, que la construction d’un mur ou d’un pont ; la bonne œuvre ne passe jamais en vain ; le Royaume a un Roi ; au Ciel se trouve un Dieu à la justice immanquable … Cet état de choses donne une tranquillité, une satisfaction et un cœur soulagé : fruits équivalant à tous les biens de ce monde !

Quel rapport y en aurait-il avec les sociétés d'opulence dont les membres – paradoxalement – se suicident, et dont les chiffres statistiques s’envolent dans les cas de folie, de maladies psychologiques, de stress ou de dépression, en dépit de la richesse. Ces sociétés où les petites familles se dissoudent et les grandes familles se démembrent, où prolifèrent drogue, homosexualité, crimes et vols ; et ce malgré la science, la technologie et le progrès. Les postes de police ont beau se multiplier, tu ne trouves un seul moment de paix, n’oses sortir un dollar de ta poche, ni dormir sans avoir tiré les verroux derrière ta porte close.

Ce sont les sociétés matérialistes où chaque millième est compté par l’ordinateur, au-delà duquel rien d’autre ne compte. Les sociétés, en termes plus précis, où l’on ne croit en rien en dehors du moment présent et du dollar dans sa poche … Le dit Inconnaissable ou la foi en un dieu n’entrent pas en considération. Même pour ceux qui croient en Dieu, la foi est séparée des opérations ordi ; ainsi, substituent-ils à la zakâ les compagnies d’assurance, les pensions-retraite syndicales ou les indemnités chômage. Toutes sont des aumônes, il est vrai, mais à la logique différente : il ne s’agit point de dons pour l’amour de Dieu, mais d’une initiative savante du donateur, comme s’il disait :
« 
C'est par une science que je possède que ceci m'est venu » (Al-Qasas, verset 78)

Or, la différence s’avère énorme – du point de vue intention et pureté – entre les deux œuvres : à l’une est dit : « Dieu m’a aidé à faire cette donation, en quête de Son agrément ! » Mais à l’autre : « De mon propre effort, j’ai dépensé et donné ! »

Le premier ne voyait que Dieu, l’autre ne voyait que soi-même, vouant par conséquent toute son œuvre à la nullité. Or, le premier verra Dieu fructifier son œuvre par Sa générosité et l’entretenir par Sa bienveillance.

Telle est la zakâ… une baume, un élixir pour l’âme, une purification du cœur. Une transaction directe avec Dieu, sans intermédiaires, une croyance à l’Inconnaissable, une confiance au destin et une certitude envers les lois immuables de justice divine. C’est toute autre chose que le concept de l’assistance sociale dans les sociétés occidentales. « Mais, n’est-ce pas que dans les deux cas on a affaire à des œuvres pies ? » demanderait-on…

Si, mais une grande différence tient : la gratitude. Dans la zakâ, tu ne reconnais plus ta main, tu ne la vois plus non plus ; tu ne vois que la Main de Dieu le Très-Haut, auquel rien ne ressemble.

Tandis que dans l’assistance sociale informatisée tu ne vois que la fiche numérotée qui sort de l’ordinateur, que ta main et tes dons généreux… tout au plus, tu ne vois que ton humanité.

La gratitude fait toute la différence.

N’est-ce pas que la religion en intégralité tient en ce tout petit mot aux toutes petites lettres … gratitude ? Dieu, qu’a-t-Il demandé à Son Prophète autre que gratitude ?
«
 Sache donc qu'en vérité il n'y a point de divinité à part Allah et implore le pardon pour ton péché,… » (Mouhammad, verset 19)

Et quel autre chose, si ce n’est ce savoir, sépare le croyant de l’incroyant, ceux qui ont crainte et espérance en Dieu et ceux qui n’en ont pas, ceux qui croient fermement en l’au-delà, en notre présentation devant Dieu et le compte à rendre ce Jour-là, et ceux qui ne croient qu’à leur jour et à leur moment …

Ce mot « zakâ », croyez-moi, veut beaucoup dire…  

 

Extrait de "L'Islam ... C'est Quoi" du Dr. Moustafa Mahmoud

 

 

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