La zakâ et la purification spirituelle
A chaque musulman, mâle ou femmelle, disposant pendant une année de biens au-delà de quoi vivre (le
nisâb : ce qui excède 80g d'or environ), doit en payer 2.5 % au moins, comme zakâ.
C’est à l’Etat musulman que la perception des zakâ incombe. L’estimation des sommes exigibles dépend de trois principes :
Premièrement : Point de zakâ sur les propriétés destinées aux usage et consommation.
Deuxièmement : La zakâ n’est pas un impôt absolu sur toutes les propriétés. Son estimation dépend du revenu net résultant des propriétés. Dans une année enregistrant des pertes, point de zakâ n’est donc exigible.
Troisièmement : Il est important de laisser intact de quoi suffir à la vie du fournisseur de zakâ et ceux qu’il entretient.
La loi islamique paraphrase nombre de mesures relatives au paiement de la zakâ. Je me souviens que l’Association Islamique de l’Amérique du Nord a publié en 1995 une équation fondée sur le calcul de l’impôt fédéral sur le revenu. Quelques associations islamiques aux Etats-Unis et au Canada - tels l’Association Islamique de l’Amérique du Nord ou la Sphère Islamique de l’Amérique du Nord et autres – ont recommendé aux musulmans de leur payer les zakâ. Néanmoins, la plupart des musulmans résidant aux Etats Unis, paraît-il, présentent leurs sommes dues tout simplement aux centres islamiques dont ils dépendent ou directement aux pauvres dans leurs sociétés locales.
L’échéance de la zakâ, c’est un autre problème. De vue traditionnelle, la zakâ est payée chaque année, et d’habitude en fin du ramadan. Mais les musulmans touchant des mois ou des semaines peinent souvent à garder à part les sommes estimées exigibles pour la zakâ. Normalement, ils trouvent que celles-ci sont dépensées avec le temps. Je connais certains musulmans Américains qui éludent ce problème en versant de leurs salaires une valeur – pas moins de 2.5 % - à l’une des organisations charitables islamiques, s’acquittant ainsi de leur zakâ par avance, hebdomadairement ou menstruellement, selon le mode dont ils sont payés.
Beaucoup de non musulmans trouvent cette obligation mondaine, ordinaire et la moins spirituelle des cinq piliers de l’islam. La zakâ se fait éclipser - selon eux - le côté bienfaisance, par sa nature obligatoire et sa soumission aux estimations arithmétiques.
Une étude - quelque objective qu’elle soit - d’une autre culture ne peut qu’engendrer une compréhension limitée des concepts de celle-ci. De fait, la pratique de la zakâ par les musulmans se tient fort loin des substantifs subcités dans le paragraphe. Le fait que le versement de la zakâ soit obligatoire – perception incombe à l’Etat dans les normales conditions – n’ôte rien de son caractère spirituel ou humain. Les ulémas n’ont jamais tracé une ligne de démarcation entre la loi et la religion ; de même, les textes de la loi islamique – traditionnels soient-ils ou modernes – ne se bornent pas à traiter de code civil. Mais ils s’étendent aux obligations islamiques, rapports familiaux, bonne hygiène, ainsi qu’à de nombreuses questions considérées – selon la culture occidentale – hors le ressort de législation. Aussi, faut-il rappeler que les musulmans se sentent engagés, tout envers la religion comme envers la loi, à accomplir les cinq piliers de l’islam ; selon eux, les lois doivent agir en corcondance avec la volonté de Dieu. Et partant, rester fidèle à une obligation d’ordre légal devient un devoir et un engagement moral devant Dieu et vice versa.
Les musulmans comprennent qu’une obligation, ou n’importe quelle œuvre pie n’est portée accomplie qu’en fonction de l’intention stimulante. Accomplie en plein amour pour Dieu et en toute bienveillance envers les autres, elle vaudra au musulman la plus grande rétribution. Mais accomplie en quête de l’estime des gens ou pour éviter leurs condamnations, elle n’aura aucun rendement au-delà de ce but visé.
Un hadith du prophète résume cette idée : « Les actes ne valent que par les intentions. A chaque homme, il ne sera tenu compte que de ses intentions. Pour celui qui aura émigré en vue de Dieu et de Son Envoyé, son émigration lui sera comptée pour Dieu et Son Envoyé. Quant à celui qui aura émigré en vue de biens terrestres, ou afin de trouver une femme à épouser, son émigration sera comptée suivant le but qui aura dicté son voyage ».
Outre la zakâ obligatoire à payer, le musulman est sollicité de prodiguer encore plus généralement ses œuvres pies. Dans ce contexte, le Coran prescrit aux croyants une critère morale supérieure :
« Ils t'interrogent sur le vin et les jeux de hasard. Dis: "Dans les deux il y a un grand péché et quelques avantages pour les gens; mais dans les deux, le péché est plus grand que l'utilité". Et ils t'interrogent: "Que doit-on dépenser (en charité)?" Dis: "L'excédent de vos biens." Ainsi, Allah vous explique Ses versets afin que vous méditiez
sur ce monde et sur l'au-delà! Et ils t'interrogent au sujet des orphelins. Dis: "Leur faire du bien est la meilleure action. Si vous vous mêlez à eux, ce sont alors vos frères (en religion). Allah distingue celui qui sème le désordre de celui qui fait le bien. Et si Allah avait voulu, Il vous aurait accablés. Certes Allah est Puissant et Sage. »
(Sourate 2, Al-Baqarah, versets 219 et 220)
Même teneur en plusieurs hadiths :
« Chaque jour, à chaque lever du soleil, l’homme doit faire des aumônes équivalant aux articulations de son corps. Juger équitablement entre deux personnes est une aumône ; aider un homme à enfourcher sa monture ou à la charger de ses bagages est une aumône ; la bonne parole est une aumône ; tout pas fait pour aller à la prière est une aumône ; écarter quelque objet nuisible du chemin est une aumône. »
Et encore,
« Quiconque passe la nuit le ventre plein, alors que son voisin - tout à côté - est affamé, ne sera pas un vrai Croyant. »
Le fait que la zakâ annuelle soit considérée parmi les cinq piliers de l’islam s’avère l’écho du devoir que Dieu rattache aux croyants : devoir d’agir en tant que lieutenant (mandataire) de Dieu sur Terre. L’effort que l’on déploie toute l’année afin de consacrer une mini partie de son revenu à l’intention des pauvres doit servir à toujours rappeler le musulman ce devoir qu’il avait accepté, outre son plus grand engagement à la bienfaisance et la bonté pieuse.
D’ailleurs, l’importance que l’islam accorde à la zakâ reflète surtout le poids considérable de la bienfaisance dans notre développement spirituel. En fait, il en est deux caractères qui nourissent, plus que tous autres, le développement spirituel de l’Homme, et deux autres qui obsruent, plus que tous autres ce développement : à la promotion, bienfaisance et modestie… et à l’obstuction, présomption et avidité.