Jataka du bouddha


L'histoire d'Ilisa

Ilisa Jataka

L'histoire d'Ilisa n° 78



L'histoire d'Ilisa


Cette histoire a été racontée par le bouddha tandis qu'il était au vihara de Jatavana, au sujet d'un riche trésorier royal qui vivait dans une ville appelée Sakkara tout près de la ville de Rajagaha. Il était si pingre qu'il ne donnait jamais rien pas même la moindre goutte d'huile que l'on pourrait recueillir dans le ceux d'une brindille d'herbe. Pire que cela, il ne savait même pas jouir de ces petites choses pour son propre plaisir. Son immense richesse n'était d'aucune utilité pour lui-même ou pour sa propre famille, ni pour les gens de son entourage.

Moggallana cependant, conduisit ce personnage et son épouse à Jetavana où ils offrirent un repas de gâteaux au bouddha et aux cinq cent bhikkhus. Après avoir reçu les remerciements du bouddha, le trésorier et sa femme souhaitèrent entrer dans le courant. Cette soirée là, les bonzes se rassemblèrent dans la grande salle de discussion. La sagesse de Moggallana est profitable dirent-ils. Il a réussi à convertir le radin aux libéralités, à le faire venir à Jatavana et à l'introduire dans le courant. Tandis qu'ils discutaient, le bouddha entra et leur demanda le sujet de leur discussion.

Dés que le bouddha en eut été informé, il dit : "ce n'est pas la première fois, ô bhikkhus, que Moggallana convertit ce trésorier radin. Dans les temps anciens, Moggallana a déjà enseigné combien les actions et les effets sont liées." Puis le bouddha raconta cette histoire du passé :

"Il y a très longtemps, quand Brahmadatta régnait à Baranasi, il y avait un trésorier nommé Illisa qui jouissait d'une immense fortune. Cet homme avait toutes les imperfections qu'un homme puisse avoir. Il était boiteux et bossu. De plus il louchait. Il était un pingre confirmé, ne donnant jamais le moindre chose aux autres, mais il ne profitait même pas de ses richesses pour lui-même.

Ceci était surprenant, car depuis sept générations ses ancêtres avaient été toujours particulièrement libéraux et donnaient abondamment sans réserve.

Un jour où il revenait d'un entretien avec le monarque, il vit un pauvre paysan assis sur un banc en train de boire une chope de vin avec une visible volupté. Ce spectacle rendit immédiatement le trésorier envieux de boire une chope de vin à son tour, mais il pensa "  si je bois, les autres vont vouloir boire avec moi. Cela va engendrer une dépense ruineuse. " Il restreignit sa soif, mais plus il se retenait, plus il en avait envie.

L'effort pour contenir sa soif le fit jaunir tout comme ces vieilles pièces de coton. Il devint plus maigre au point que ses veines devinrent apparentes sur un corps déjà émacié. Après quelques jours, toujours incapable d'oublier sa soif de vin, il alla dans ses appartements et s'allongea s'agrippant à son lit. Sa femme entra et lui massa le dos, puis lui demanda " Epoux, qu'est-ce qui ne va pas ? "

" Rien " dit-il.

" Peut-être avec vous eu un différent avec le roi ", suggéra-t-elle.

" Non, ce n'est pas le cas ".

" Vos serviteurs ou vos enfants vous ont-ils contrariés ? "

" Pas du tout. "

" Eh bien, avez-vous envie de quoi que ce soit ? "

A cause de sa déplorable crainte de dilapider sa fortune, il n'osait dire un mot.

" Parle, époux ", dit-elle " Dites-moi de quoi vous avez envie ? "

" Eh bien " marmonna-t-il, " J'ai effectivement envie d'une chose ".

" Quelle est-elle, mon époux ? "

" Je veux boire un verre de vin " murmura-t-il.

" Pourquoi ne l'avoir pas dit avant ? " s'exclama-t-elle avec soulagement. " Je vais en préparer assez de vin pour en offrir à toute la ville ". " Non " protesta-t-il "Ne te soucie pas des autres gens. Laisse les gagner par eux-mêmes de quoi s'offrir leur propre boisson. "

En bien, j'en ferai seulement pour notre quartier ".

" Tu es bien riche ! "

" Eh bien, nous en ferons seulement pour notre maisonnée "

" Quelle extravagance ! "

" Très bien, seulement pour nous même et nos enfants. "

" Pourquoi veux-tu t'embarrasser d'eux ? "

" Très bien, faisons en juste assez pour nous deux "

" En as-tu vraiment besoin ? "

" Attends, si tu prépares du vin dans la maison, beaucoup de gens vont te voir. En fait, il est hors de question de boire quoi que ce soit ici même. Sortant un sou de sa poche, il envoya un domestique pour acheter un pichet de vin dans une taverne.

Quand le domestique revint, Illisa lui ordonna d'apporter le pichet hors de la ville dans un petit coin retiré près de la rivière. " Maintenant laisse-moi seul " ordonna Illisa. Après que le domestique eut disparu au loin, le trésorier se glissa lentement à l'intérieur des fourrés, remplit sa tasse et commença à siroter son vin.

A ce moment, le propre père du trésorier, qui s'était réincarné en la personne de Sakka, roi des dévas, voulait s'assurer que les traditions de générosité étaient toujours cultivées dans sa maison et apprit la conduite inqualifiable de son fils. Il vit que non seulement son fils avait rompu avec l'habitude de magnanimité de la famille, mais qu'il avait aussi dispersé la maison des offrandes aux saddhus et chassé tous les pauvres qui se présentaient à sa porte. Sakka vit enfin que son fils, ne voulait même pas partager quelques gorgées d'un vin bon marché et qu'il se cachait pour boire en solitaire.

Quand il comprit tout cela, Sakka ne put réprimer une larme " Je dois montrer à mon fils que les actes ont toujours des conséquences. Je vais lui ouvrir les yeux sur la nécessité d'être généreux et le rendre éligible au domaine des dévas. "

En quelques instants, Sakka se déguisa en son propre fils, avec son boitement, sa bosse, et sons strabisme, puis il entra dans la ville de Baranasi. Il alla directement au palais et demanda d'être introduit auprès du roi.

" Qu'il entre ", dit le roi.

Sakka rentra dans la chambre royale et se prosterna.

" Qu'est-ce qui vous amène à cette heure inhabituelle, mon grand trésorier ? " demanda le roi.

" Je suis venu, sire, car je voudrai apporter mes richesses au trésor royal. "

" Non, mon grand trésorier ", répondit le roi. " J'ai déjà des ressources importantes. Je n'ai pas besoin des vôtres ".

" Sire, si vous n'en voulez pas, je vais les distribuer aux autres. "

" Fort bien, trésorier, faites comme bon vous semble ".

" Il en sera ainsi, sire " dit Sakka. Puis, il s'inclinât devant le roi de nouveau, il se rendit à la maison du trésorier. Aucun des serviteurs ne pouvait déceler qu'il n'était pas leur vrai maître. Il alla mander le gardien et il ordonna " Si qui que soit me ressemblant venait à se présenter se prétendant le maître de cette maison, cette personne devra être battue sévèrement et jetée dehors. " Puis il alla dans ses appartements et s'assit sur un lit de brocards et alla quérir la femme d'Illisa. Quand elle arriva, il sourit et dit " Chère épouse, soyons généreux ".

Quand sa femme, ses enfants et tous les serviteurs entendirent cela ils pensèrent :  "Nous n'avons jamais vu le trésorier dans de telles dispositions. Il a du boire tant et tant qu'il en est devenu bienveillant et généreux ".

" Allez chercher le crieur public " ordonna Sakka. " Je veux qu'il annonce à tous les citoyens de la ville que quiconque veut de l'or, de l'argent, des diamants, des perles et toute autre sorte de pierres précieuses peut venir se présenter à la maison d'Illisa le trésorier.

Sa femme luit obéit et une foule importante portant des paniers et des sacs bientôt se regroupa devant la maison. Sakka ordonna aux domestiques d'ouvrir grand les portes des entrepôts et annonça aux gens " Je vous offre tout ceci, prenez ce que vous voulez. Bonne chance à tous ! "

Les gens du village remplirent leurs sacs et emportèrent tous les trésors qu'ils pouvaient prendre. Un fermier attela deux des bœufs d'Illisa à un superbe chariot rempli de toutes sortes d'objets de valeur, puis quitta la ville. Tandis qu'il s'en allait sur la route, chantonnant une ode en hommage au trésorier, il vint à passer tout près du fourré où Illisa s'était caché. Puissiez vous vivre jusqu'à cent ans, mon honorable trésorier " entonnait le fermier. " Ce que vous avez fait pour moi aujourd'hui va me permettre de vivre sans plus jamais me fatiguer à la peine  A qui étaient ces bœufs ? A vous ! Qui m'a donné ce chariot ? C'est vous ! Qui m'a donné toutes les richesses dans ce chariot Vous aussi ! Jamais, ni mon père, ni ma mère ne m'ont donné le moindre de ces objets. Non, tout cela vient vraiment de vous, honorable trésorier.

Ces mots transpercèrent Illisa d'un frisson jusqu'aux os. " Pourquoi cet homme mentionne-t-il mon nom de la sorte ? " se demanda-t-il. " Le roi a-t-il décidé de distribuer mes richesses ? Il sortit du fourré et reconnut immédiatement son chariot et ses bœufs.

Se précipitant hors des fourrés aussi vite qu'il le pouvait, il saisit les bœufs par les naseaux et cria " Arrêtez, ces bœufs m'appartiennent ! "

Le fermier sauta du chariot et commença à frapper l'intrus " Espèce de voyou lança-t-il. Ceci n'est pas ton affaire. Illisa le trésorier est en train de donner toutes ses richesses à toute la ville " Il mit par terre le trésorier, remonta dans son chariot et repartit.

Se ressaisissant, Illisa se remit en chasse du chariot et rattrapa les bœufs pour les stopper. Une fois de plus, le fermier prit le trésorier par les cheveux, le roua de coups et le laissa par terre. Le fermier reprit sa route.

Meurtrit et déconfit par un tel traitement, Illisa se précipita chez lui. Quand Il approcha de sa maison, il vit les gens emporter toutes ses richesses. " Mais que faites-vous ? " cria-t-il . " Comment osez vous faire cela ? " Il se saisit d'un homme puis d'un deuxième, mais tous ceux qu'il attrapait l'envoyaient au tapis d'un coup de poing bien placé.

Défait et saignant, il essaya de rentrer dans sa propre maison, protestant qu'il était Illisa, mais les gardiens l'arrêtèrent. " Toi le manant " hurlèrent-ils. " Où crois-tu que tu vas aller ? " Suivant les ordres reçus, ils le frappèrent avec des triques en bambous l'attrapèrent par les épaules et le balancèrent par dessus les escaliers.

" Seul le roi peut m'aider à présent " se plaignit Illisa, et il se traîna jusqu'au palais ,

" Sire ", implora-t-il " Pourquoi, mais pourquoi m'avez-vous dépouillé ainsi ? "

" Je ne vous ai pas dépouillé, cher grand trésorier " dit le roi. " C'est vous-mêmes qui le premier m'avez proposé vos richesses. Puis, vous avez vous-mêmes offert vos biens aux citoyens de la ville. "

" Sire, je n'ai jamais fait une chose pareille ! Votre majesté sait combien je suis parcimonieux quand il s'agit d'argent. Vous savez bien que je ne donne jamais rien, pas même la moindre goutte d'huile. Votre majesté voudrait-elle bien aller quérir la personne qui a dilapidé mes richesses. Je vous prie de l'interroger sur cette affaire "

Le roi donna des ordres à sa garde pour aller chercher Illisa, et ils revinrent avec Sakka. Les deux trésoriers étaient exactement semblables l'un à l'autre et ni le roi, ni quiconque à la cour ne pouvait dire qui était le vrai trésorier. " Je suis seul le trésorier, l'autre est un imposteur ! "

" Mon cher Monsieur, " répondit le roi, " Je ne peux vraiment pas dire qui est le vrai Illisa. Y a–t-il quelqu'un qui peut distinguer avec certitude entre vous deux ? "

" Oui sire ", répondit Illisa, " Mon épouse le peut "

Le roi envoya chercher la femme d'Illisa et lui demanda lequel entre les deux était son mari. Elle sourit à Sakka et vint se placer à ses côtés. Quand les enfants d'Illisa et tous ses domestiques furent amenés au palais et interrogé de la même façon, ils se répondirent tous que Sakka était le vrai trésorier.

Soudain, Illisa se souvint qu'il avait une petite verrue sur le sommet du crâne , dissimulé par sa chevelure et connue seulement de son coiffeur. Comme dernière chance, il demanda que son barbier fut appelé. Le coiffeur arriva et on lui demanda s'il pouvait distinguer entre le vrai Illisa et le faux.

" Bien sûr, je peux sire ", dit-il ; " si je peux examiner leurs têtes "

" Eh bien pardi, regardez donc leurs têtes. "

Le coiffeur examina la tâte d'Illisa et trouva la petite verrue. Comme il commença à examiner la tête de Sakka, le roi des dévas fit apparaître une petite verrue au sommet de sa tête. Le coiffeur s'exclama " Votre majesté, le même boitement, le même strabisme, la même bosse. Ils ont exactement la même verrue au sommet de leurs têtes. Même moi, je ne puis dire qui est le vrai Illisa ."

Quand Illisa entendit, il comprit que son dernier espoir de faire éclater la vérité était bel et bien perdu. Il réalisa la perte définitive de toutes ses richesses. Submergé par les émotions, il s'effondra sans connaissance sur le sol. A ce moment Sakka reprit sa forme de roi des dévas et annonça " Ô roi je ne suis pas Illisa, je suis Sakka ".

Le serviteur du roi jeta de l'eau fraîche sur le visage d'Illisa pour le réveiller. Aussitôt qu'il eut retrouver ses moyens, le trésorier s'inclina devant Sakka.

" Illisa " cria Sakka. Ces richesses étaient à moi et non à toi. Je suis ton père. Dans ma vie, j'étais généreux envers les plus démunis et je me réjouissais en partageant. En raison de ma générosité, j'ai pu renaître comme Sakka. Mais toi, au nom de je ne sais quelle folie, tu ne suis pas mon exemple tu es devenu un avare. Pour ne pas distribuer mes richesses et les accumuler, tu as fermé le pavillon des offrandes et éconduit les nécessiteux. Tu ne retires aucun plaisir de tes richesses, ni toi ni aucune autre personne. Ton trésor est comme une piscine hantée par les démons, de laquelle personne ne peut satisfaire sa soif ."

" Si tu reconstruis mon pavillon des offrandes, si tu montres de la générosité envers ceux qui ont besoin, tu obtiendras de grands mérites. Si tu ne le fais pas, je vais disperser tout ce que tu as et je trancherai ta tête d'un coup de tonnerre ".

Illisa écouta cette recommandation, et répondit " A partir de maintenant, je serai généreux, je le promets ".





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Cette page a été créée le 6 avril 2002


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