Méditer, est-ce "ne penser à rien" ou l'attention sur les processus de pensée ?Réponse :Votre question de traduction pourrait peut-être se résumer ainsi :Méditer est-ce plutôt "ne penser à rien" ou plutôt "prêter attention aux processus de pensée sans intervenir dans les pensées, sans appeler les pensées, sans cultiver les pensées" ?
Si vous traduisez " mindlesness " par "ne penser à rien", mindfulness peut être traduit par "attention sur" et fait directement référence à une certaine technique de méditation qui consiste à prêter attention à la respiration (Anapanasati, cf. http://geocities.datacellar.net/Athens/Forum/2359/medit.html), justement pour éviter toute fixation sur une pensée en particulier.
Cette attention sur la respiration est une technique particulière qui ne doit pas masquer l'architecture générale de la méditation bouddhique.
Vous voyez qu'il est surtout question de se libérer des processus mentaux dominants (pensées, associations d'idées, projets ...) qui nous occupent et préoccupent au détriment des autres dimensions du corps et de revenir à un niveau de sensation plus équilibré par rapport aux différents processus psycho-corporels (de son propre corps en l'occurrence).
Il faut évidemment distinguer cette analyse de l'appareil mental de l'analyse des motivations de l'irruption de telle ou telle pensée (ce qui fait également partie de la démarche bouddhique). Pourquoi cette pensée arrive-t-elle ? pourquoi cette idée là ?, pourquoi ce désir ci ? Ici, il s'agit de l'analyse du contexte affectif, historique et physiologique du sujet qui doit permettre une meilleure connaissance de soi et une meilleure maîtrise de soi.
(Vous avez noté qu'il n'est pas question de dire, "faites ceci", "ne faites pas cela", "ceci est obligatoire", "ceci est interdit" ... A aucun moment, nulle part, vous ne trouvez pas dans le bouddhisme de telles injonctions).
Pour répondre à votre question, je dirais tout d'abord que les bouddhistes ne sont pas très enclins a faire de longs discours ou de longues écritures sur ce sujet. Pourquoi ? Parce que justement il ne s'agit pas d'une démarche intellectuelle mais d'une démarche corporelle, d'une mise a l'écoute des sens, d'une mise au repos du corps et de l'appareil mental et de l'observation sans intervention de ce qui se passe alors (sachant qu'il ne se passe rien de spectaculaire sauf une sensation nouvelle de soi, sauf une manière nouvelle de sentir "de l'intérieur").
Certains opposants au bouddhisme considèrent que quelque chose est caché, qu'il y a une forme d'ésotérisme là dedans et qu'il est impossible de vérifier l'engagement réel de quelqu'un dans cette voie bouddhique. Bien entendu, rien n'est caché. Moi, je dirais plutôt que rien n'est lisible et rien n'est "disible" (évidemment ça va à l'encontre de ceux qui considèrent qu'ils ont déjà toutes les réponses). Nous, nous considérons qu'il n'y a pas de réponse parce qu'il n'y a pas de question. Ces critiques et ces opposants montrent une fois de plus qu'ils préfèrent influencer et contrôler les autres plutôt que de se contrôler eux-mêmes ...
Il n'y a rien à dire ou à écrire sur la méditation parce qu'aucun mot ne peut en rendre compte. Il s'agit d'une expérience personnelle et intime. La seule chose que je pourrais éventuellement vous dire c'est: prenez un cousin, asseyez-vous en tailleur, trouvez votre équilibre avec votre colonne vertébrale bien droite comme un balancier qui se stabilise et oubliez tout le reste, respirez tout simplement. Laissez les idées passer, ne vous attardez pas dessus, vos petits soucis et vos petites préoccupations du quotidien peuvent bien attendre.
Je pourrai éventuellement vous donner quelques conseils. Essayer de vous tenir droit pendant la journée de manière à avoir une bonne posture qui ne vous fasse pas mal au dos. Ayez le réflexe de vous détendre quand vous êtes sur votre chaise ou dans le train. Non, il ne s'agit pas de méditer dans le train ou dans la rue, mais simplement d'être plus rapidement disponible physiquement quand vous entamez votre séance de méditation. Je pense qu'il est préférable de ne consacrer qu'une heure ou une demi-heure au début et d'oublier complètement la méditation après durant le reste de la journée. Il n'y a pas de but à atteindre, il n'y a pas d'état particulier à rejoindre, mais le seul but c'est que la demi-heure de méditation soit profitable. On a tout arrêté, on s'est mis en tailleur, alors autant faire que tout se déroule du mieux possible, pas de problèmes.
Pour en revenir à "ne penser à rien", je dirais qu'il s'agit surtout d'une image (je m'en suis déjà expliqué dans la petite note en bas de la page "Vers la méditation" (cf. http://geocities.datacellar.net/Athens/Forum/2359/medit.html)). Il s'agit d'une image très parlante pour nous occidentaux qui sommes toujours traversés d'idées et de pensées et qui sommes incapables de sentir les choses sans les penser et sans écrire ou dire sur nos sensations dans une production qui n'a plus rien à voir avec elles. Bien évidemment, il ne faut pas pendre cette image "ne penser à rien" au pied de la lettre et de se bloquer dans une attitude "je ne pense à rien", "je m'oppose à toutes les pensées qui se présentent", "je me bloque sur une pensée vide" etc ... Non seulement c'est impossible, mais ça peut être aussi dommageable. En outre, la méditation ne peut s'établir dans de telles conditions. Si on considère qu'il n'y a personne pour penser telle ou telle chose, il n'y a personne également pour ne pas penser et pour s'opposer aux pensées. Les pensées ne s'invitent que parce qu'il y a un ego qui dit "moi, je ...", "moi, je dois faire ceci dans 1 heure", "moi, je suis ceci ...", "moi, je veux être un sage ..." "moi je veux réussir ma méditation ..." alors là, des foules de pensées interviennent assurément.
Quand j'étais plus jeune, j'étais effaré et très rebuté par l'attitude rigide de nombreux français que je voyais pratiquer la méditation. Je pensais qu'il y avait quelque chose qui n'était pas à sa place. Je pense que c'était cette volonté de ne pas penser (qu'il faut bien sûr éviter). Mais la volonté est justement un projet qui met en uvre l'ego du sujet et qui engendre plein de pensées : "vais-je réussir ?" (mais réussir quoi, il n'y a rien a réussir ...), "je dois arriver à tel stade" (mais quel stade ? qui a dit qu'il y avait un stade là pour vous ?, Personne). En effet comment "faire" quelque chose où il n'est question ni de "faire" ni d' "être"
Voilà, c'est déjà beaucoup de mots n'est-ce pas ?
Si vous avez des critiques ou des remarques faites-le-moi savoir.
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