Dans le texte " Dialogue entre un prêtre et un moribond ", Le Marquis de Sade, tout à fait dans la suite des préoccupations des écrivains du XVIIIième siècle, pose plusieurs questions intéressantes portant sur l’athéisme dont la plus importante est évidement celle-ci: Pourquoi être athée?
Pour répondre à cette question, il ne nous faudra que trouver les réponses qu’il nous fournit lui-même à d’autres interrogations qu’il aborde au long de son essai. Voici quelles sont ces principales questions:
- Même si un dieu quelconque existait, ce que d’ailleurs il nie, pourquoi s’obliger à suivre les théologies proposées par des hommes qui, eux, ne connaissent pas nécessairement la volonté de ce dieu ?
- Pourquoi croire dans une religion qui ne peut même pas prouver l’existance de son dieu ?
- Pourquoi se priver des plaisirs actuels dans l’espoir de trouver un autre bonheur après la mort qui n’existe peut-être même pas ?
- Pourquoi les hommes religieux croient-ils toujours que leur religion particulière est la seule vraie religion de leur dieu et que tous les autres personnes qui n’en font pas partie sont immoraux ?
Sade répond à toutes ces questions avec une logique et un raisonnement impeccable pour enfin nous laisser voir clairement la réponse à sa première question ultime qu’il n’a pas même plus besoin de nous poser directement. Regardons alors ses idées et la logique parfaite avec laquelle il les explique.
Le moribond, la voix de Sade, demande d’abord au prêtre, c’est-à-dire, à nous les lectuers, à quoi sert les facultés nous étant attribuées par la nature si nous faisons des systèmes et des règles religieux qui nous empêchent de jouir pleinement de ces facultés ? Évidement, selon Sade, si la nature nous a donné ces facultés, c’est pour que nous les utilisions pleinement parce qu’elles servent à atteindre un certain bien. La science moderne nous le confirme à l’aide de la théorie de la sélection naturelle, développée après la mort de Sade, qui dicte que des conditions défavorables à la survie d’un organisme les lui enlève sinon il cesse d’évoluer et alors d’exister. Le prêtre, la voix de déisme traditonnel, lui replique que la nature est corrumpue, c’est-à-dire, qu’il ne faut se fier entièrement à la nature parce qu’elle peut parfois nous mal guider; cependant, le prêtre n’arrive jamais à expliquer pourquoi un dieu supposément parfait aurait créé la nature dans un état moins parfait ou, d’une façon ou d’une autre, corrumpue. Voici déjà un des grands arguments derrière l’athéisme moderne, comment se peut-il qu’un dieu parfait ait créé un monde imparfait? S’il y avait un dieu, ce ne serait pas logique. Puisque le monde est imparfait, le mal existe tout autant que le bien. Le moribond demande alors la raison pour laquelle un dieu lasserait aux hommes le choix entre le mal et le bien s’il savait que les hommes ayant une nature supposément corrumpue choisiraient le mal, et alors quelle raison empêcherait dieu d’intervenir et de changer le choix des hommes du mal au bien. Le moribond constate donc que les hommes choisissent le mal parce qu’il n’y a pas de dieu pour les empêcher de le choisir ou pour les forcer à choisir le bien.
Sade explique éloquemment, à traversles pensées du moribond, que les hommes de religion ont tendance à compliquer des idées sur la nature des hommes et de la terre avec des discours de rhétorique qui ne servent qu’à embrouiller la vraie question au lieu de l’éclairer. Il argumente que les athées, par contre, tentent toujours de simplifier le débat en cherchant des réponses au lieu d’y ajouter d’autres théories pour laquelle il faut demander d’autres questions n’ayant pas de réponses. Si la nature est responsable pour l’état actuel de l’homme et du monde, il faut se contenter d’accepter ce fait, peut-être en étudiant les causes scientifiques, sans chercher sans cesse, et souvent avec une ardeur suspecte, le créateur de la nature et, logiquement, le créateur du créateur, et cetera ad infinitum. Si l’homme utilise sa raison pour expliquer ce que la science peut confirmer, puis s’il se rassure qu’il trouvera sûrement d’autres réponses encore plus satisfaisantes dans l’avenir, il n’a pas besoin d’une béquille, de se créer la notion d’un dieu tout puissant qui le protège constamment et qui s’occupe de tout son monde et de tout son univers dans les meilleurs intérêts de tous et de chacun.
L’athée distingue entre croire et avoir de la foi. Croire dans l’existence de quelque chose ou dans la validité d’une idée exige la compréhension de cette chose ou de cette idée, tandis que avoir de la foi n’exige aucune compréhension car la foi est aveugle et ne se question jamais. Si il est impossible d’expliquer la raison pour laquelle certains ont cette foi, elle doit certainement être quelque chose comme une sorte de folie. Pour vraiment croire en l’existence d’un dieu, il faut prouver que la nature des choses n’est pas assez valable en soi pour les justifier, qu’il faut ce dieu pour que créatures et objets existent et fonctionnent. Or, pour prouver l’existence d’un dieu, les hommes doivent se fier à leurs sens comme la vue et l’ouie qui fournissent des preuves concrètes. Avoir confiance dans son sens de la vue est plus raisonnable et exactement l’acte contraire d’avoir une foi qui soit aveugle. En plus, si nous ne comprenons pas quelque chose comme un dieu, il est aussi difficile de comprendre son origine, son début, sa source, sa raison d’être que de comprendre sa fonction, c’est-à-dire, si nous ne comprenons pas la fonction d’une arbre dans un écosystème, nous ne serons sûrement pas capable de comprendre le dieu qui supposément l’a créée.
Si la foi n’éclaire rien dans le monde dans lequel les hommes vivent, elle ne sert à rien non plus. Elle n’est pas seulement un gâchis de temps, mais aussi un gâchis d’énergie de l’esprit qui la considère. La foi en un dieu ne fait que calmer des inquiètudes et des esprits troublés, mais puisque tout le monde n’en a pas nécessairement besoin, comme ce moribond athée, il n’est pas nécessaire d’essayer de la leur imposer, comme tente de le faire ce prête prétentieux.
Selon l’athée, la nature contrôle tout dans le monde et tout ce qui existe est nécessaire et réglé par la nature. Or, la nécessité d’une chose dans la nature n’exige pas nécessairement qu’elle ait une cause parfaitement sage ou tout-à-fait logique comme raison d’exister de cette façon, c’est-à-dire, si les humains avaient quatre yeux au lieu de seulement deux, on dirait probablement que tous les quatre servent à quelque fonction et sont nécessaires sans qu’on ait obligatoirement plus d’explication à fournir sur les raisons pour lesquelles les organes de la vue sont comme ça, pourquoi il y en a quatre au lieu de trois, de deux, ou de cinq. Les effets naturels doivent pourtant avoir des causes naturelles, sans toujours qu’on ne les connaisse, et il n’y a pas de raison pour laquelle il faudrait l’intervention d’un dieu qui est tout à fait antinaturel. Ce dieu qui n’affecte rien est alors complètement vain et inutile, ce qui le rend nul, néant et donc une illusion. Il n’existe tout simplement pas.
Même s’il fallait absolument croire dans l’existence d’un dieu quelconque, il serait très difficile de choisir quel culte de religion vénère le vrai dieu et practique la bonne théologie. Il y a beaucoup de religions très variées dont les membres croient tous dans leur propre égoïsme suivant le bon dieu qu’il faut adorer. Le fait même que chacun croit avoir raison est un bon indice pour indiquer qu’ils ont tous tragiquement tort parce que s’il existait vraiment un dieu, il leur comuniquerait certainement quel culte a le plus raison et lequel serait le meilleur à suivre. Si on parlait avec les mots que l’on utilise à notre époque moderne, on dirait que ce vrai dieu leur indiquerait quel culte est le plus rentable ! En plus, les prophéties, les miracles et les martyrs de toutes ces religions ne sont que des preuves à laquelles il ne faut pas se fier parce qu’elles reposent seulement et uniquement sur elles-mêmes, il faut avoir de la foi que tous ces événements se sont vraiment arrivés tel qu’on nous les décrit, qu’une prophétie est meilleure que les autres, et que c’était vraiment la main d’un dieu qui l’avait influencée. Il faut déjà avoir de la foi dans l’existence d’un dieu avant de pouvoir croire sérieusement ces prophéties douteuses écrites par des gens intéressés justement dans la propagation de cette religion dont ils parlent avec tant de chaleur. Et si un dieu était tout-puissant, il n’aurait pas besoin de toutes ces prophéties, il pourrait parler directement au coeur de tous les humains leur disant tous comment l’aimer de la même façon sans conflit entre eux ni doute, ce qui n’est jamais arrivé alors il faut conclure que ce dieu tout-puissant n’existe pas.
Au lieu de donner aveuglement notre fidèlité à un dieu qui n’existe même pas, Sade nous suggère que ce serait plus logique et raisonable d’être fidèle à un roi du gouvernement des hommes qu’à un faux prophète d’une illusion néant.
Le moribond n’a pas peur de mourir bien qu’il suspecte qu’il n’y ait pas de vie après la mort, qu’il y trouve seulement le néant. Le moribond ne craint pas la mort parce qu’il lui semble que la mort n’est pas parce qu’il pourrait aussi bien ensuite devenir un vers ou une autre chose dans le monde. Sa théorie est assez révolutionaire pour l’époque dans laquelle elle a été suggérée, plus de cent ans avant la théorie moderne de la relativité qui dicte que dans l’univers toute l’énérgie et toute la matière sont constantes, c’est-à-dire, que rien ne se perd et que rien ne se gagne. À ce sujet, la comparaison du moribond avec les vers est intéressante parce que, effectivement, il deviendra un vers dans le sens que l’énergie des protéines de son corps mort va éventuellement nourrir des vers leur donnnant son énergie qu’ils porteront par la suite dans eux jusqu’à ce qu’un autre organisme les prenne et profite de leur énergie.
Sade explique qu’un dieu parfait ne choissirait pas non plus de punir ou de récompenser des individus pour des actes qu’ils ne peuvent pas contrôler eux-mêmes. Il dit que les hommes ne sont pas libres parce que leur inclinations naturelles, leur instincts et leurs besoins les dominent entièrement. En plus, la nature n’a pas besoin de distinguer entre la vertu et le crime parce qu’elle n’a pas vraiment besoin de l’un ni de l’autre et, qu’à la fin, les deux s’équilibrent de toute façon. Les hommes sont attirés arbitrairement vers un extrême ou l’autre alors ces derniers ne doivent pas se soumettre au jugement d’un dieu pour des actes dont ils ne sont pas responsables. Seule la loi de la justice d’une société établie devrait pouvoir punir ou empêcher certains crimes. Les hommes ne devraient pas non plus éprouver des remords ou des regrets puisque ces sentiments ne servent à rien après que le crime a déjà été commis car on ne peut pas revenir en arrière et que rien ne peut plus être changé. Si quelqu’un échappe à la justice, il ne faut pas se livrer pour gagner son ciel parce que ce ciel n’existe pas. Il faut apprendre à vivre sur la terre en étant des humains naturels ici maintenant sans crainte ni espérance d’un autre monde qui n’existe peut-être même pas. Le sens moral qui nous guide de ne pas commettre de crimes dans une société devrait parvenir de notre raison et de notre propre bonne volonté face aux autres et non pas de la crainte d’une punition possible et éternelle. En fait, cette première raison témoignerait plus de la sincérité de l’individu parce qu’elle serait le résultat d’un effort volontaire et non pas forcé.
Le moribond remarque finalement que les religions sont responsables de " mettre le fer à la main des hommes ", c’est-à-dire qu’elles causent beaucoup de guerres. Cela étant souvent tout à fait vrai, cette observation confirme encore la nonexistance d’un dieu car pourquoi permettrait-il que les hommes se battent tous les uns contre les autres pour l’aimer d’une certaine façon au lieu de simplement intervenir dans la dispute et de la clairifier par une signe qui réunirait tous les humains sur la terre? Dans le cas contraire, s’il y avait réellement un dieu, il doit certainement être un " sadique " lui-même pour tant aimer regarder des hommes souffrir dans des guerres pour lui prouver leur fidèlité.
La seule façon de doubler son existance, selon Sade, ce n’est pas d’en espèrer une deuxième après la mort, mais de profiter au maximum de celle que nous avons au présent sans réstrictions de la superstition ni des théories hypocrites de la religion.
À la fin du dialogue, l’athée réussit à convertir le prêtre à l’athéisme, ce qui indique que peut-être Sade gardait un espoir qu’un jour les humains allaient réussir à se débarrasser de la religion pour embrasser pleinement une raison sans " les sophismes de la superstition " qui nous affaiblissent toujours maintenant.
Revenons alors au cas de départ, pourquoi être athée? Voici un liste peu long mais fort convaincant, quoique incomplète, qui résume l’argument infaillible de Sade qui est d’ailleurs celui, moins quelques tout petits ajouts modernes, de non seulement les athées du XVIIIième siècle, mais aussi essentiellement le même argument des athées du Xxième siècle, et en plus les mêmes armes de la raison que les athées du XXIième siècle emploieront pour combattent l’hypocrisie de la superstition religieuse qui handicape toujours l’espèce humaine:
- Pour bien comprendre le monde, il faut utiliser la raison et se fier aux informations cueillies par nos propres sens. Il vaut mieux méfier de la rhétorique circulaire et des histoires écrites par ceux voulant propager leur propre vision de l’univers pour une motive ultérieure, comme, par exemple, une prise de pouvoir, et cetera.
- Un dieu quelconque ne peut pas possiblement exister parce que:
i) il doit être parfait, pourtant le monde qu’il est censé avoir crée ne l’est pas.
ii) quoique parfait, il ne peut pas réunir les hommes qui le suivent.
iii) il n’aurait besoin ni miracles, ni prophètes, ni martyrs, cependant il ne les empêche pas d’exister.
iv) il n’empêche pas les hommes de choisir le mal au lieu du bien.
- La nature, expliquable par le science, est responsable pour l’état des hommes et du monde, alors un dieu ne servirait à rien et doit être une illusion créée par des hommes faibles.
- La nature, c’est-à-dire l’adaptation et la sélection naturelle, ne nous donnerait pas des facultés qui nous sont mauvaises, alors il faut déguster entièrement nos facultés du plaisir qui nous font du bien sans s’occuper des régles antinaturelles imposées par des théologies religieuses. Il faut alors jouir de la vie sur terre.
- Puisque un dieu n’existe pas, il ne faut pas non plus espèrer pour une vie après la mort, il faut profiter de celle que nous avons actuellement.
- La religion n’est pas nécessaire pour que les hommes soient moraux, c’est leur propre volonté qui sert mieux à les rendre respectueux d’autres personnes.
- La foi aveugle n’est pas utile, elle est une béquille pour ceux ayant peur du néant après la mort qui nous affaiblit. Il faut être courageux et faire face à la réalité nous présentée par le science et la raison pour pouvoir profiter de la vie.
Si les humains suivait ces arguments et les appliquait à leur vie, il leur serait impossible de ne pas tirer la conclusion qu’il faut être athée.
L’argument de Sade en faveur de l’athéisme me semble très solide puisqu’il repose sur la raison et son développement suit des étapes logiques. Je crois qu’il est plus raisonable et plus facile d’essayer d’argumenter pour prouver l’inexistance que quelque chose que personne ne voit, que bien d’essayer de concevoir des théories reposant sur des arguments circulaires pour expliquer cette chose inconnue sans évidence concrète de son existance. S’il n’y a pas de preuve de l’existance d’un dieu, pourquoi s’embêter à suivre des régles qui ne sert à rien? La bonne réponse est habituellement la réponse la plus simple, et, dans ce débat, ce serait l’idéologie de Sade de l’athéisme.
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