Lexique de D'Alembert
© Virginie Mayet, 1998.
Abstraction : opération par laquelle nous considérons dans un objet une propriété particulière, sans faire attention aux autres.
Définition : une bonne définition doit énoncer le nombre exacte de propriétés distinctes suffisant à assurer l'identité de l'idée définie. Il ne faut jamais introduire une idée composée sans la définir. La définition est l'analyse exacte de l'objet ; les propriétés distinctes et séparables qui composent un objet doivent être déterminées, ainsi on peut connaître le mode de composition de l'idée.
Idée simple : les idées simples comportent d'une part les notions abstraites (étendue, durée, existence...) et d'autre part les idées primitives acquises par les sens (couleurs particulières, froid, chaud..). C'est la simplicité de l'objet qui fonde le degré de simplicité de l'idée, mais ce qui décide de la simplicité de l'objet, c'est le sujet qui saisit intuitivement que tel objet n'a pas de propriétés distinctes et séparables : cette saisie intuitive résulte du pouvoir d'abstraction du sujet. Ainsi, est simple l'idée d'un objet qui n'a pas de propriétés distinctes et séparables. Les idées imples sont déterminées par le nom qui les désigne ; elles sont indéfinissables par hypothèse.
Logique : art de raisonner.
Métaphysique : 1) la métaphysique doit être repensée comme une méthode de systématisation des connaissances. Cette définition permet d'élaborer le cadre conceptuel qu'une science ou un art se donne par l'unification (opérée selon un modèle déductif) de ses principes ou éléments préalablement mis au jour : elle s'identifie à l'entreprise encyclopédique.
2) réflexion spéculative sur les principes et les faits. Sa tâche est de rechercher et énoncer les conditions de la connaissance à partir de la connaissance scientifique, pour ne pas tomber dans des constructions a priori. Toute science et tout art a sa métaphysique : le travail de l'encyclopédiste consiste à expliciter la métaphysique de telle science, de tel art, c'est à dire mettre au jour leurs principes.
3) bonne métaphysique : sur cette définition d'Alembert est d'accord avec Diderot. C'est la métaphysique des sciences et des arts, c'est à dire la science des maillons de la chaîne des connaissances. La différence entre les deux auteurs concerne la méthode : pour Diderot, la méthode est essentiellement celle de l'analogie et l'association d'idées, c'est l'oeuvre d'un esprit philosophique ou de génie. Pour d'Alembert, la méthode à suivre est celle de la géométrie et est donc le fait d'un esprit géométrique qui allie la finesse et la justesse (la netteté et la précision) et qui est "applicable à tout".
Méthode des éléments : c'est la seule métaphysique que d'Alembert considère comme légitime. Elle préside à la systématisation des éléments des sciences. Elle est aussi nommée métaphysique des propositions (voir article "éléments des sciences"). Son objet est la recherche des éléments des sciences, sa méthode est celle des éléments qui tâche de reconstruire l'ordre d'invention d'une science par l'analyse de ses principes et la constitution d'une présentation synthétique de ceux-ci, une fois mis au jour. En explicitant l'ordre d'invention d'une science ou d'un art, on donne au lecteur les moyens de s'approprier les éléments de cette science ou de cet art. Elle rend le progrès possible et l'incite à se produire.
Mot primitif : il exprime une idée simple et constitue la racine philosophique de la langue. C'est un terme primitif et fondateur qui sert à expliquer tous les autres. Attention cependant à ne pas confondre la définition que d'Alembert en donne avec celle de Pascal : ici, les mots primitifs ne sont pas les traces d'un paradis perdu, ni les premières idées acquises à partir des sens et des sensations. Les termes primitfs ont un statut d'axiomes : ils sont le produit d'une réflexion philosophique et scientique sur le langage, ils sont l'expression de la résistance "réaliste" de la langue à sa théorisation nominaliste.
Ordre d'invention : c'est un ordre reconstruit, artificiel, qui ne correspond pas à l'ordre réel suivi par l'inventeur (on ignore l'ordre réel). On peut diminuer l'écart entre le réel et le rationnel grâce à des outils comme l'indice de case vide ou de chaînon manquant, le concept d'élément... Cet ordre d'invention a un rôle pédagogique, il ne correspond à rien de réel dans une histoire événementielle ou empirique des sciences et des idées : d'Alembert a conscience que l'histoire des sciences est de teneur philosophique avant d'être historique. L'ordre d'invention compense le désordre réel des inventions.
Philosophie : application de la raison aux différents objets sur lesquels elle peut s'exercer.