Lexique de Leibniz
© Virginie Mayet, 1998.
Absolue : on qualifie d'absolue une substance réelle qui est purement positive, et enveloppe toute réalité, ou Acte, ou Entéléchie.
Abstrait : ce qui n'enveloppe pas simultanément le sujet.
Accident : être dont la notion n'enferme pas tout ce qu'on peut attribuer au sujet à qui on attribue cette notion.
Amour : c'est le plaisir, la délectation ou la satisfaction ressentis à l'égard de la perfection d'autrui. Cette définition est universelle, elle s'applique aussi bien à l'amour de Dieu qu'à celui de n'importe quel objet. Aimer consiste à percevoir l'harmonie réalisée par la réunion des prédicats contingents d'une personne, pour autant que ces prédicats sont désirés par celui qui connaît plus à fond et plus universellement les choses ; cette réunion de prédicats n'est pas statique mais s'ordonne selon un progrès.
Aperception : perception consciente. Nos aperceptions sont toujours globales, on s'aperçoit toujours d'un tout, on saisit des totalités relatives. S'il y a du tout, il doit y avoir des parties (ce que saisissent les "petites perceptions"). Nos perceptions conscientes baignent dans un flux de petites perceptions inconscientes.
Charité : bienveillance (au sens de vouloir le bien) universelle, la bienveillance étant elle-même la disposition habituelle à aimer, c'est à dire à rendre plaisir à la félicité d'autrui ou à compter la féliciter d'autrui dans la sienne propre.
Complet : est complet ce dont le concept enveloppe tous les prédicats d'un même sujet, tout ce qui peut en être dit, et est par conséquent le concept même du sujet dernier ou du suppôt. Prenons S est N : N est une notion complète s'il contient ou permet de déduire tous les prédicats, actions ou événements de S.
Compossibilité : sphère logique plus restreinte que celle de la possibilité logique. Pour exister il ne suffit pas que quelque chose soit possible, il faut que cette chose soit compossible avec d'autres qui constituent le monde réel. Cela désigne l'ensemble de continuité composées. C'est lorsque convergent des séries d'ordinaires, de petits points réguliers qui dérivent de deux singularités et lorsque leurs valeurs coincident.
Concret : ce qui enveloppe simultanément le sujet (ex : Dieu, homme, corps, cercle...). Le concret est substantif ou adjectif, adjectif comme aimant, substantif comme amant c'est à dire chose aimante.
Contingent : est contingent ce qui n'est pas nécessaire, c'est à dire ce dont l'opposé est possible.
Corps : les corps ne subsistent qu'à l'égard des esprits et par les esprits.
Définition nominale : elle énonce une propriété réciproque de la chose définie, c'est à dire que seule la chose définie possède cette propriété. Ces définitions ne sont ni libres ni arbitraires, elles s'inscrivent à un certain niveau de d'explicitation de l'idée définie, qui ne permet pas encore de décider si cette idée est possible.
Définition réelle : elle fait apparaître la possibilité de son objet et donc l'idée vraie.
Dieu : Dieu est un être absolument parfait, c'est une substance omnisciente et omnipuissante. Il est non seulement principe mais Monarque des choses. Il est un esprit mais il est aussi la source de tous les esprits. Il possède toutes les perfections au plus haut degré.
Doctrine du possible : cette doctrine s'oppose à l'idée d'une âme du monde agissant par nécessité. Le monde pouvant être fait de mille autres façons, les êtres possibles qui prétendent à l'existence ne sont pas tous compatibles entre eux, ils forment des combinaisons qui sont autant de mondes possibles.
Emanation : (= écoulement) traduit, dans le cadre d'une relation du créateur aux créatures, à la fois la distance du Principe à ses effets, et une certaine identité de nature conservée dans cette distance même.
Espèce monadique : celle dont il y a un unique individu, par exemple Dieu, Monde, Messie, Soleil. En réalité toute espèce dernière est monadique, et il n'y a pas deux individus semblables en tout.
Esprit : chaque esprit est une certaine expression de l'univers, il ne peut cesser de penser et ne peut périr qu'avec l'univers. Chaque esprit est un redoublement ou une représentation vivante de l'univers tout entier, suivant les degrés de la manière de concevoir d'un chacun. C'est au moyen des esprits que les choses passées se conservent et que rien ne se perd dans le monde.
Etat : l'état d'une chose est l'ensemble de ses prédicats contingents.
Exprimer : "est dit exprimer quelque chose ce en quoi il y a des rapports qui répondent aux rapports de la chose à exprimer. Exemples : le modèle exprime la machine, le dessin perspective exprime le volume sur un plan, le discours exprime les pensées... il a le sens de "représenter". Leibniz donne encore la définition suivante : "Une chose exprime une autre lorsqu'il y a un rapport constant et réglé entre ce qui ce peut dire de l'une et de l'autre... L'expression est commune à toutes les formes et c'est un genre dont la perception naturelle, le sentiment animal et la connaissance intellectuelle, sont des espèces".
Félicité : Etat optimal de la personne qui consiste en un progrès non empêché à des biens toujours ultérieurs.
Force : les règles du mouvement se fondent sur la loi générale de conservation de la force définie par le produit grandeur du corps 6 carré de la vitesse (mv‚ ). La notion de force ainsi définie n'est plus justifiable de l'intelligibilité géométrique assurée par le triptyque grandeur-figure-mouvement : pour en rendre compte il ne faut pas se limiter à penser la réalité dans une étendue à trois dimensions. La notion de force entre dans le domaine de la métaphysique. A partir de cette nouvelle définition de la force, les formes substantielles peuvent être réhabilitées.
Harmonie : diversité compensée par l'identité.
Idée : ce n'est pas "la forme ou différence de nos pensées" mais "un objet immédiat de la pensée ou quelque forme permanente qui demeure lorsque nous ne la contemplons pas" (art 26). Pour Leibniz, l'idée, parce qu'elle est présente dans notre esprit alors que nous n'y pensons pas, est une virtualité déterminée, une "faculté" définie de penser à quelque chose lorsque l'occasion s'en présente. C'est une conséquence de la doctrine de l'expression.
Identique : une proposition est dite identique quand le prédicat est compris expressément dans le sujet.
Impossible : est impossible ce qui est sans doute pensable de manière confuse, mais si l'on essaie de le penser distinctement, on trouvera que les notions dont il est composé répugnent entre elles ou enveloppent une contradiction (ex : Mouvement le plus rapide, le plus grand cercle, Esprit corporel).
Inconscient : ensemble des différentiels de la conscience. L' inconscient est défini par les petites perceptions et les petits appétits.
Indéfini : c'est le fait que je doive toujours passer d'un terme à un autre terme, sans que le terme suivant auquel j'arrive ne préexiste. C'est ma démarche qui le fait exister. L'indéfini est du virtuel.
Inhérence : tout ce qui se dit avec vérité de quelque chose est inhérent à la notion de ce quelque chose.
Limitée : la substance limitée enveloppe quelque négation de la réalité. Si la substance absolue est Dieu, la substance limitée est la créature.
Métaphysique : c'est la même chose que la théologie naturelle, elle traite des substances immatérielles, et particulièrement de Dieu et de l'âme. L'art d'inventer, c'est à dire la vraie logique, s'intègre à la métaphysique, puisque l'invention consiste à combiner les connaissances dérivées à partir des formes simples de nos pensées, origine de "tout ce que nous pensons". La morale est subordonnée à la métaphysique dans le sens où la pratique est une théorie appliquée.
Néant : terme qui n'a pas d'attribut.
Nécessaire : est nécessaire ce dont l'opposé est impossible.
Nominalisme provisionnel : il consiste à considérer les abstraits non comme des choses mais comme des abréviations linguistiques. Ainsi, est nominaliste la proposition qui consiste à n'accorder de subsistance qu'aux seuls sujets concrets, qui enveloppent la mention de leur sujet ; inversement les abstraits n'ont de réalité que mentale, et une langue philosophique doit viser à n'utiliser que des termes concrets. Le nominalisme de Leibniz n'est que provisionnel au sens que pour Leibniz l'énonciation des vérités doit exprimer un ordre des significations qui, en dernier ressort, est fondée dans l'idée de l'entendement divin : la réalité des vérités et des relations est supportée par cet entendement, que nos propres opérations mentales expriment de manière limitée mais selon une corrélation qui interdit à Leibniz de tomber dans l'ultra-nominalisme de Hobbes, qui réduit les significations à l'arbitraire des langues humainement instituées.
Notion complète : si une notion est complète c'est à dire telle qu'on puisse rendre raison par elle de tous les prédicats d'un même sujet auquel cette notion peut être attribuée, elle sera la notion d'une Substance individuelle et inversement.
Perfection : est perfection toute qualité ou tout attribut susceptible d'être pensé sans contradiction portés à un maximum. Ce qui n'est pas maximalisable n'est pas une perfection.
Petites perceptions : perceptions infiniment petites, inconscientes, qui me permettent d'exprimer le monde (ex : bruit de la vague).
Phénomène réel : ce qui est conçu par nous à la manière d'une unique substance complète, bien que pourtant le corps, s'il est animé, ou ne contient pas en lui quelque substance répondant à l'âme, qu'on appelle Forme substancielle ou Entéléchie première, n'est pas davantage une unique substance qu'un tas de bois ; et si en outre, il n'y a aucune partie du corps qui puisse être tenue pour quelque chose d'un par soi il s'ensuit que tout corps sera seulement un phénomène réel. De même les choses mathématiques sont seulement des phénomènes, qui sont conçus par nous à la manière des substances.
Possible : est possible ce qui est pensable de manière distincte sans contradiction (ex : Etre, Dieu, Chaleur, Non-être).
Principe de raison suffisante : quoi qu'il arrive à un sujet, que ce soient des déterminations d'espace ou de temps, de relation, événement, quoi qu'il arrive à un sujet, il faut bien que ce qui arrive, c'est à dire ce qu'on dit de lui avec vérité, il faut bien que tout ce qui se dit d'un sujet soit contenu dans la notion du sujet. Ainsi chaque chose a une raison qui est la notion même en tant qu'elle contient tout ce qui arrive au sujet correspondant. Les vérités régies par le principe de raison suffisante ont un contradictoire possible.
Proposition analytique : proposition telle que soit le prédicat soit l'attribut est identique au sujet. Toute proposition analytique est vraie (on attribue au sujet quelque chose qui ne fait qu'un avec lui). La particularité de Leibniz, c'est de se demander si l'on peut dire que "toute proposition vraie est analytique" (ce qui signifie que tout jugement est réductible à un jugement d'attribution).
Proposition identique : elle peut être de deux sortes : proposition réciproque (sujet = prédicat) ou proposition d'inhérence ou d'inclusion (le prédicat est contenu, inclus dans le concept du sujet).
Quiétisme : cet adjectif renvoie à la doctrine de Miguel Molinos (jugé par Rome alors que Leibniz écrit le Discours de Métaphysique ). Il enseigne les moyens d'acquérir une contemplation décrite "comme un repos de l'âme qui fait que toutes ses opérations cessent pendant qu'elle est uniquement appliquée à contempler la présence de Dieu par la foi".
Raison : la notion du sujet, en tant que cette notion contient tout ce qui peut se dire avec vérité de ce sujet.
Substance individuelle : elle est souvent définie à partir de sa notion complète, en vertu du praedicatum inest subjecto. Leibniz passe de la caractérisation traditionnelle de la substance comme être complet à la conception de la notion complète de la substance : la propriété de complétude passe de l'être à la notion ou au concept, c'est à dire à la forme logique de la pensée de la substance. "Lorsque plusieurs prédicats s'attribuent à un même sujet, et que ce sujet ne s'attribue à aucun autre, on l'appelle substance individuelle" (Discours de métaphysique, VIII p30). Leibniz reprend l'idée de la substance comme sujet dernier posée par Aristote, Catégories, 2a11.
Substance singulière : Etre complet, un par soi (ex : Dieu, un esprit, moi). C'est "ce qui, pris isolément, enveloppe tout, ou ce à l'intelligence de quoi il n'est besoin de l'intellection de rien d'autre... (à la différence par exemple de la figure, dont l'intelligence présuppose celle du mouvement qui la décrit).
Substantif : c'est ce qui enveloppe le sujet avec un prédicat. Lorsqu'il est complet, on l'appelle Suppôt, et s'il est incomplet, on le nomme Attribut.
Terme : Leibniz appelle terme tout ce qui est par soi, ou qui peut être soi objet, soit prédicat d'une proposition, sont donc exclues toutes les particules. Un terme est soi possible, soit impossible. Un terme possible est soit affirmatif (comme Etre), soit négatif (comme Non-Etre).
Unicité : propriété d'une notion M qui ne convient comme prédicat qu'à un seul sujet, c'est à dire telle que deux sujets quelconques qui satisfont M sont toujours identiques : Si X est M, si Y est M, et si X=Y, alors M est unique.
Univers : voir définition de "Dieu" et définition de "esprit". Par conséquent, l'univers doit être fait de la manière la plus avantageuse, pour former de l'assemblage de tous les esprits une espèce de gouvernement Monarchique, qui comme par la réflexion d'autant de miroirs dans lesquels Dieu se regarde lui-même différemment, porte l'éclat de la perfection de Dieu et la satisfaction qu'il en reçoit lui-même, au plus haut point qui est possible.
Vérité d'existence : elle est telle que sont contradictoire est impossible.