L'Aigle de la folie Ô mon esprit! toi, si épris d'Infini Dis-moi, n'aimerais-pas tu fuir en cette nuit Où la chair, lasse des attentes de minuit, Exhale telle une rose sa triste agonie? Et toi, ô mon corps! auquel la mort sourit Cherches-tu toujours dans le crépuscule qui fuit, Pour chasser de ton lit l'insondable Ennui Les ailes acérées de l'Aigle de la folie? Nos amours, ces fruits amers, ces fausses amies Philtre aux miasmes pélagiques, cent fois maudit, Puisent aux eaux léthéennes de l'ultime oubli Les réminiscences de leurs immondes scories. Qu'au fond de l'abîme, qu'au déclin de la Vie L'oeil hagard devant la camarde qui sourit Vous et moi, nos désirs enfin assouvis, Nous puissions au royaume des cieux être unis. Mais, hélas! rares sont les dieux qui sourient À ceux qui sur terre n'ont eu de paradis Que dans les folles caresses des lits interdits Ou dans les sombres replis des chaudes rêveries! L'Aigle de la folie, dans le ciel obscurci A de ses ailes noires assombri l'esprit Et le corps, cette glaise que tout délie Source divine à la quelle il préfère la lie! Passent les jours et quand le glas retentit Dans le froid glacial et l'horreur de nos cris, Qui viendra alors de tendres mots amis Nous sauver de l'Aigle de la folie? Claudio Wye October 1998