Rôle matériel de l'AtlantideL'Atlantide, dont nous avons admis l'existence, en précisant les conditions dans lesquelles cette existence a été possible, a dû jouer un certain rôle dans l'histoire du monde.
Le premier aspect de ce rôle est le côté matériel, c'est-à-dire la place qu'a occupée cette grande île dans l'évolution géologique eet géographique de la terre, et dans le développement et la répartition des êtres la peuplant, exception faite des hommes dont l'activité doit être étudiée à part.
L'histoire géologique de l'Atlantide nous renseigne sur l'évolution de l'Atlantique, et s'accorde avec les transformations successives des fonds de cet Océan. D'autre part, cette île semble bien avoir été utile au passage d'un continent à l'autre de nombreuses espèces végétales et animales.
Ainsi l'existence de l'Atlantide apporte sinon une solution complète, tout au moins un peu de lumière dans l'étude de différentes questions qui se posent dans l'histoire matérielle du globe, dans ses transformations et dans son peuplement animal et végétal. Elle contribue ainsi notablement au développement de nos connaissances du passé et mérite par conséquent d'être prise en sérieuse considération, en dehors de toute opinion sur ses habitants.
Un grand événement
Dans l'histoire de l'humanité
C'est surtout le rôle de l'Atlantide en Préhistoire qui en fait un grand événement dans l'histoire de l'humanité. C'est la seule fois qu'une tradition vient jeter un jour sur une époque aussi reculée que le Quaternaire. Et il ne s'agit pas d'une tradition vague et douteuse, imprégnée de mythologie et destinée à célébrer des dieux et des héros, ou à glorifier des ancêtres pour des actions d'éclat plus ou moins imaginaires, sujets qui prêtent trop à des récits tendancieux.
Il s'agit en somme d'une guerre banale, où un peuple animé d'un esprit de conquête cherche à étendre son domaine jusqu'à ce qu'il se heurte à un autre peuple qui entend défendre le terrain où il est installé et qu'il avait probablement conquis. Les dieux des deux adversaires, s'ils en ont, n'interviennent pas dans la lutte, et celle-ci n'est conduite par aucun héros personnifiant son peuple et méritant d'être commémoré pour ce rôle.
C'est là un schéma d'une grande simplicité qui ne prête pas aux déformations volontaires ou inconscientes de la tradition orale. Aucun événement surnaturel n'y apparaît, car on ne peut qualifier ainsi la catastrophe qui engloutit l'Atlantide, puisque l'on sait que c'est là un phénomène naturel fréquent dans l'histoire géologique du globe, et dont la science admet la possibilité à l'époque et au lieu fixés par le récit de Platon.
Il y a, il est vrai, une déformation certaine de la tradition dans l'attribution aux adversaires des Atlantes du nom d'Athéniens. Mais nous avons déjà vu comment elle s'explique et comment elle ne jette pas de suspicion sur la vérité du récit.
D'autre part il ne s'agit pas pas ici d'un fait secondaire dans l'histoire de l'humanité, d'un incident local et sans grande portée sur des régions voisines. L'Atlantide par les prolongements de sa civilisation en Europe, en Afrique et même en Amérique, permet de grouper de nombreux faits préhistoriques dans la conception d'un ensemble humain étendu, mais très en particulier dans sa race, son type physique, ses moeurs et ses aptitudes intellectuelles. C'est le peuple de Cro-Magnon, l'Homo atlanticus, qui représente une des belles réalisations de la nature. Bien que cette race ait dû céder à d'autres plus puissantes, elle a laissé sa trace même chez ses vainqueurs.
On en trouve de nombreux descendants dans l'Ouest de l'Europe, où ils ont créé cette variété du type nordique qu'on appelle la race dalique (ou phalique) et cette variété du Méditerranéen, qu'on appelle l'Atlanto-Méditerranéen.
En Amérique ce sont les Peaux-Rouges du nord de ce continent qui représentent en quelque sorte une survivance des hommes de Cro-Magnon avec leur type physique et leurs moeurs.
On peut encore leur attacher en Europe les Basques et peut-être en Afrique les Touareg, et surtout les Guanches.
C'est enfin à eux qu'est due cette magnifique floraison de l'art dans les cavernes Préhistoriques, remplacée malheureusement par des arts plus imparfaits, dont on trouve ici et là quelques échos. Peut-être pourrait-on rattacher à cette influence obscure certaines grandes écoles et grandes périodes artistiques? Peut-être aussi devons-nous à la race atlantique certaines facultés intellectuelles, sans attribuer cependant à l'Atlantide la source des grandes idées qui honorent l'humanité?
Le rôle historique de l'Atlantide est donc loin d'être négligeable. Les Atlantes dans leur domaine continental ont été un moment les maîtres de l'heure, et on ne sait ce qu'ils auraient pu réaliser, si la catastrophe qui a englouti leur centre vital n'avait interrompu leur extension.
Ils représentent donc une période importante de l'histoire humaine, sur laquelle ils nous ouvrent un jour nouveau dans des conditions inespérées. Ils rendent plus vivante une conception que la Préhistoire ne nous avait tracée que d'une façon assez confuse. Ils la confirment, la clarifient et lui donnent son véritable sens, celui d'un conflit de races. Telle est la façon que nous donne une tradition trop souvent discréditée.
Origine réelle du bronze
La civilisation atlantéenne est, d'après le Critias, extraordinairement riche en métaux, or, argent, airain (bronze), et même en un métal inconnu, probablement un alliage, l'orichalque. Ces métaux sont tellement abondants qu'on les emploie dans les constructions, pour les murs et les toits. C'est le bronze qui paraît le plus important, et c'est pourquoi on appelle souvent les Atlantes le peuple du Bronze. Nous allons donc rechercher quelle est l'origine de ce métal.
Il est indispensable de distinguer l'emploi du cuivre de celui du bronze, son alliage avec l'étain. Les Préhistoriens ont nié longtemps qu'il y ait eu un temps où les hommes ne connaissaient encore que le cuivre avant d'avoir appris à lui amalgamer l'étain. On a fini par admettre l'existence d'un véritable âge du cuivre avant l'âge du bronze. En réalité le cuivre est rarement pur parce que extrait de minerais mixtes, et non purifié. Il contient des métaux ou métalloïdes étrangers, plomb, bismuth, arsenic, antimoine, mais en très petites quantités qui ne modifient pas essentiellement ses qualités, et n'en font pas un bronze.
Mais où a-t-on commencé à utiliser un tel métal? En premier lieu, il ne paraît pas possible d'attribuer aux Égyptiens la plus ancienne découverte du cuivre comme on l'a cru un certain temps. Les géologues ont montré en effet que non seulement les gisements de minerais cuivreux font défaut en Égypte, mais que ceux du Sinaï, où les monuments des premières dynasties attestent une exploitation égyptienne, n'ont pu fournir qu'une quantité insignifiante, et étaient surtout exploités pour les rognons de turquoise qu'ils renferment. Si cette exploitation réduite est attestée pour les premières dynasties, rien ne prouve qu'elle ait été commencée à l'époque prédynastique, où nous trouvons seulement à une époque tardive quelques instruments de cuivre dans les tombeaux. Tout cela est bien postérieur à la date de l'Atlantide, et ne peut être comparé à sa richesse en métaux.
Un peuple venu du massif anatolien
En Mésopotamie il n'existe pas plus de minerais de cuivre qu'en Égypte, mais dans cette région de très anciennes civilisations révélées par les fouilles, sont déjà en possession du cuivre. On doit admettre que toute la région mésopotamienne a été d'abord colonisée par un peuple déjà porteur d'une civilisation avancée, comportant la connaissance du cuivre. Cette colonisation ne peut être datée assez exactement au commencement du 4e millénaire avant J.-C., et serait antérieure à l'apparition du cuivre en Égypte.
D'où venait le peuple colonisateur? D'après de nombreuses découvertes, notamment de poteries peintes, on admet qu'une certaine civilisation de ce type s'est largement répandue en Asie à une époque ancienne, mais toujours bien postérieure à la date de l'Atlantide. Son centre reste encore ignoré, mais ce qu'on peut dire, c'est qu'il a dû se trouver dans une région montagneuse où se rencontrent d'ordinaire les minerais. Selon certains, il fallait chercher dans le massif anatolien, riche en mines, et dans lequel d'anciennes traditions signalent l'existence de peuples métallurgistes. L'usage du cuivre prit son développement dans les grandes civilisations de Mésopotamie et d'Égypte, et il paraît bien que ce second pays l'a reçu du premier, alors que rien ne rend vraisemblable son arrivée de l'Ouest sur les rives du Nil, comme le supposent certains atlantologues.
Le bronze est apparu postérieurement dans les mêmes régions que le cuivre, lorsque l'on eut trouvé des gisements d'étain, appris à l'extraire et constaté les mérites de son alliage avec le cuivre. Cette découverte s'est produite dans des régions où existent à la fois les deux métaux, condition qui n'est réalisée qu'au Caucase, en Bohême, en Espagne et en Cornouailles. Seul le Caucase permet d'expliquer l'apparition assez ancienne du bronze dans les empires orientaux.
En Égypte, c'est seulement au Moyen empire (après 2160) qu'apparaît couramment le bronze véritable. En Mésopotamie il apparaît vers 3000, ce qui prouve qu'il est passé de là en Égypte. Ce ne sont donc pas les Atlantes qui ont répandu l'usage du bronze ou même du cuivre dans le Monde ancien.
Le bronze péruvien
n'a pas été reçu de l'Atlantide
Si l'on objecte aux atlantologues les faits que je viens d'exposer concernant la date relativement récente de l'emploi des métaux dans l'Ancien monde, ils répondent que cet usage est plus ancien dans les vieilles civilisations du Nouveau Monde, et que les Atlantes ont pu l'emprunter à ces voisins de l'Ouest; ils supposent même qu'ils ont pu le transmettre avec d'autres usages de même origine à la plus vieille civilisation de l'Orient, celle de l'Égypte.
Ils admettent donc un rapport culturel entre les vieilles civilisations américaines du Mexique et du Pérou, et la civilisation égyptienne, l'Atlantide étant considérée comme l'intermédiaire entre ces deux centres, et participant par conséquent à la même culture.
Avant d'examiner les analogies qui ont été relevées pour établir ce rapport, il faut d'abord rechercher si les civilisations considérées sont assez anciennes pour que les rapprochements proposés aient pu réellement se produire à la date traditionnelle de l'Atlantide.
J'ai montré que la civilisation régnant en Égypte 9 600 ans avant notre ère était encore très primitive et surtout ne comportait pas l'emploi des métaux; c'était à peu près la civilisation dite de Deir-Tasa ou de Mérindé, avec ses haches polies en pierre dure, une poterie grossière et des meules à grain.
A l'époque de l'Atlantide il ne devait exister en Amérique qu'un peuple très primitif que l'on désigne sous le nom de Mound-builders parce qu'ils construisaient des buttes appelées Mounds servant probablement de tombeaux, ou sous le nom de Cliff-dwellers parce qu'ils habitaient dans les grottes des cañons du Colorado. A côté ou parmi eux il devait y avoir les ancêtres des Peaux-Rouges dolichocéphales du nord de l'Amérique, ceux que j'ai rapprochés des hommes de Cro-Magnon et par suite des Atlantes. Il n'y avait pas chez ces peuples anciens trace d'une civilisation telle que celle décrite dans le Critias.
Ce n'est que beaucoup plus tard qu'apparaissent ls brachycéphales qui constituent la grande majorité des indigènes américains en dehors des Peaux-Rouges. On tend aujourd'hui à les faire venir d'Asie en passant probablement par le détroit de Behring. Or ce sont ces immigrants qui semblent bien avoir introduit en Amérique une civilisation avancée déjà en possession du bronze. Ils devaient l'avoir empruntée à la Chine qui elle-même l'avait reçue de l'Asie occidentale où était né l'emploi des métaux cuivreux.
Ce serait donc de l'Asie que les Mayas, puis les Mexicains et les Péruviens auraient reçu les principaux caractères de leur civilisation. C'est ce qu'attestent certains détails de cette civilisation, notamment dans la métallurgie mexicaine et péruvienne, et surtout dans la forme et la peinture noire sur fond blanc des plus vieux vases péruviens. La décoration géométrique de ces vases, l'attitude des animaux stylisés qu'ils représentent, ces frises d'animaux affrontés ou retournant la tête vers la crinière, la fréquence de la grecque comme motif décoratif, tout cela plaide en faveur de l'hypothèse admise ci-dessus en rappelant d'une manière frappante les anciennes céramiques susiennes, indoues, chinoises.
Il semble qu'un grand mouvement civilisateur issu de l'Ouest de l'Asie se soit propagé vers l'Orient, et qu'une partie en soit passée au-delà de l'Océan Pacifique. Si l'on admet ainsi que les grands empires de l'Amérique précolombienne ont reçu leur civilisation et notamment l'emploi du métal des régions de l'Asie où nous avons eu que le bronze n'était pas très ancien, il a dû en être de même en Amérique, et ce n'est ni le Mexique ni le Pérou qui auraient pu soit recevoir le bronze de l'Atlantide ou le lui avoir communiqué.
Pourquoi des hommes en rouge?
Voyons cependant quels sont les autres arguments pour établir la connexité des civilisations américaines et égyptiennes et par suite de l'Atlantide considérée comme l'intermédiaire entre les deux continents.
Les principales ressemblances invoquées entre les civilisations égyptienne et américaine portent sur les points suivants :
1o Représentation des hommes en rouge. - C'est en effet avec un teint brun rougeâtre et même rouge que sont représentés les hommes sur les peintures ou sculptures peintes des vieux monuments du Mexique et du Pérou, et d'autre part les indigènes de l'Égypte sur les monuments de ce pays.
Or, en réalité, les indigènes égyptiens, dont descendent les Fellahs actuels, sont d'un brun plus ou moins foncé, plus ou moins cuivré, qui diffère sensiblement du rouge employé pour les figurer sur les monuments. Il en est de même pour les indigènes de l'Amérique malgré l'emploi de l'expression «Peaux-Rouges» appliquée à un grand nombre d'entre eux. Même ceux-ci ne sont nullement rouges dans la réalité, et ne sont dénommés tels que par une exagération des Blancs devant un teint si différent du leur. Parmi les autres indigènes de l'Amérique, il en est de jaunes, de bruns et d'olivâtres.
Si les peuples que nous considérons ont employé le rouge pour se représenter eux-mêmes, c'est en partie par nécessité, en partie par esthétique. Par nécessité en effet, parce que leurs palettes étaient pauvres et que la couleur qui se rapprochait le plus du brun de leur peau était le rouge; par esthétique parce que le rouge était à leurs yeux la couleur de la force et de la vie. Rappelons à ce sujet la pratique des hommes de Cro-Magnon consistant à saupoudrer d'ocre rouge les squelettes de leurs morts.
Toutefois, tout en faisant la part d'une exagération dans les peintures dont il s'agit, on doit reconnaître qu'elles témoignent de l'existence de peuples bruns de part et d'autre de l'Atlantique. Il n'est donc pas irrationnel d'attribuer aux Atlantes un teint analogue. On a attribué aux descendants français de la race de Cro-Magnon un teint mat d'un brun chaud, orangeâtre, et reconnu des ressemblances entre les hommes de Cro-Magnon et les Peaux-Rouges du nord de l'Amérique.
Mais si ces rapprochements rendent vraisemblable une communauté d'origine peut-être très ancienne, ils n'impliquent nullement que les peuples dont il s'agit, développés dans des régions fort éloignées les unes des autres, aient subi la même évolution dans leur civilisation. Ce n'est donc pas cette considération qui permet de rapprocher la civilisation atlante de celles de l'Égypte, du Mexique ou du Pérou.
2o Les Pyramides. - Les auteurs qui recherchent les rapprochements entre l'Égypte et l'ancienne Amérique se réfèrent principalement aux pyramides, ces constructions si particulières et si énormes étant bien caractéristiques d'une civilisation.
Il est exact qu'il y a eu au Mexique et au Pérou des sortes de pyramides. Mais elles ne peuvent être comparées à celles d'Égypte ni pour l'âge, ni pour leur destination, ni pour leur mode de construction. Pour l'âge, nous savons que les Pyramides d'Égypte n'ont été édifiées que sous l'Ancien Empire pendant une période assez courte comprenant les 4e et 5e dynasties. En Amérique, les monuments comparables appartiennent à des civilisations que nous avons reconnues beaucoup plus récentes.
D'autre part les Pyramides égyptiennes sont des tombeaux, rien que des tombeaux individuels. Les Pyramides du Mexique et de l'Amérique centrale ne sont pas des tombeaux, mais des substructions sur les flancs desquelles s'étagent des plates-formes servant de socle à des édifices publics, particulièrement à des temples. C'est notamment sur leur terrasse supérieure qu'avaient lieu les sacrifices humains réclamés par le culte de certaines divinités. C'est seulement sur la côte du Pérou qu'on rencontre des sortes de Pyramides à gradins servant de sépultures. Mais contrairement à ce qui a lieu en Égypte, ces sortes de tumulus servaient de sépulture collective.
Enfin, les grandes Pyramides d'Égypte étaient construites en pierre; toutes celles du Nouveau-Monde sont construites en «adobes», c'est-à-dire d'une argile spéciale dite terre à adobes.
En outre des Pyramides, on a voulu voir dans l'architecture générale des monuments américains des rapports avec l'Égypte : «La disposition des temples , la forme des portiques, le lourd appareil des murs de Cuzco font invinciblement penser, a-t-on dit, aux ruines de Thèbes et de Memphis». Mais quel est le monument égyptien où se retrouve le bizarre appareil du mur du Soleil à Cuzco? En quel endroit d'Amérique trouve-t-on des bas-reliefs comparables pour les sujets, le style, la perspective et la technique aux bas-reliefs thinites ou memphites, pour ne pas parler des oeuvres thébaines?
Certains modes de construction et d'ornementation s'imposent d'ailleurs dans bien des pays différents, entre lesquels on ne peut voir pour ce motif aucun rapport historique.
3e Les hiéroglyphes. - L'usage des hiéroglyphes a été présenté comme un usage commun à l'Égypte et aux vieilles civilisations américaines. Celles-ci ont bien connu, comme l'Égypte des signes d'écriture qui paraissent idéographiques autant qu'on a pu s'en rendre compte. Mais il n'y a rien d'extraordinaire à ce que plusieurs peuples mi-civilisés aient inventé l'écriture par représentation des objets. D'ailleurs les principes, le mécanisme des écritures américaines et égyptienne sont très différents, celle-ci étant beaucoup plus perfectionnée que celles-là. Les Égyptiens en étaient arrivés au phonétisme. Les Mexicains, sauf de timides essais de phonétisme, en restèrent au stade de l'écriture uniquement figurative et idéographique.
En somme, nombreux sont les peuples qui en divers lieux ont créé, indépendamment les uns des autres des hiéroglyphes et ceux-ci, d'une série à l'autre, présentent des traits de ressemblance d'autant plus accusés que les signes sont plus primitifs et par conséquent plus près de l'objet représenté. Pour en déduire une parenté il faudrait des identités de détails qu'on ne trouve pas dans le cas actuel.
4e Emploi du bronze. - Les Atlantes, dit-on, sont le peuple du bronze, ce qui les rapproche des civilisations égyptiennes et américaines, si avancées en cette industrie.
J'ai déjà examiné la question de l'origine de la métallurgie et j'ai conclu qu'il ne pouvait être parlé de cette industrie vers 9600 avant notre ère, ni en Égypte ni en Amérique.
L'Atlantide a-t-il eu un rôle civilisateur?
La conception la plus singulère du rôle de l'Atlantide a été d'en faire la source des plus hautes idées philosophiques et morales, des traditions spirituelles les plus précieuses pour l'humanité, des doctrines les plus profondes.
Cette haute intellectualité était, dit-on, malheureusement trop en avance sur les capacités mentales du restant de l'humanité, et quand ce foyer de progrès eut été éteint par la grande catrastrophe atlantidienne, l'héritage moral de l'île disparue ne s'est conservé que sous des aspects qui l'ont dénaturé, ou sous des voiles imposés par l'incompréhension générale. Seuls quelques petits groupes d'initiés ont conservé le souvenir du sens caché de traditions restées obscures, et ont perpétué un écho plus ou moins affaibli de la grande mentalité atlantéenne.
Il s'agirait, d'après les partisans de cette théorie, de recouvrer cet héritage, de restituer les grands principes oubliés ou négligés, au besoin en les cherchant dans toutes les doctrines ésotériques où ils ont pu être conservés sous des aspects plus ou moins méconnaissables. Il s'agit là de spéculations hasardeuses et toutes ces tentatives restent vaines et illusoires.
Elles manquent en effet d'une base solide, car même le tableau si complet de la civilisation atlantéenne donné par le Critias ne comporte nullement les développements qu'on veut lui donner dans le domaine intellectuel. J'ai montré au contraire qu'en prenant à la lettre la description de Platon on ne voyait dans l'Atlantide qu'une civilisation assez matérielle, n'impliquant pas de hautes spéculations philosophiques ou morales. Elle ne paraît pas avoir été capable d'ouvrir à l'humanité des voies intellectuelles que nous aurions intérêt à rouvrir aujourd'hui.
On voit donc que, même en admettant la véracité du Critias, on ne pourrait en tirer des conséquences aussi merveilleuses que certains voudraient le faire. Mais si l'on nie catégoriquement au Critias toute valeur documentaire, on n'a plus aucune base pour les hypothèses audacieuses dans lesquelles se complaisent certains rêveurs. Le rôle qu'ils veulent faire jouer à l'Atlantide dans l'histoire de l'esprit humain est totalement inadmissible.