LA LÉGENDE D'OSIRIS

(Louis Charpentier: Les Géants et le mystère des origines)

Il y a une légende d'Osiris, fort connue, mais bien étrange. Osiris, dit cette légende, était en guerre avec son frère Set pour la possession de la terre d'Égypte. Set tua Osiris et mit son cadavre dans un coffre qu'il confia aux flots de la Méditerranée.

Le coffre dériva et vint s'échouer à Tyr, sur la côte phénicienne. Là, il s'enracina; entendez qu'il fut pris dans les racines d'un acacia, et ses racines se développèrent de telle sorte autour de lui qu'elles l'enserrèrent entièrement et qu'il devint partie de l'arbre.

Il demeura là longtemps, intact dans son «sarcophage».

Cela est la première partie de la légende. Et l'on remarquera, si l'on aime rêver, que l'acacia est le bois dont fut construit l'Arche des Hébreux...

Par ailleurs, la légende phénicienne fait arriver par mer le premier Phénicien, Ouonos, premier marin, sur un tronc d'arbre près de Tyr, à Sidon dont il fait sa demeure et sa capitale.

S'agit-il de cette première colonisation atlante dont parle Platon dans le Timée et le Critias? Ce n'est pas impossible. Cela se passe avant la catastrophe qui bouleverse le monde et, par ailleurs, Phoinix veut dire : «rouge». Retenons qu'Osiris, mort mais intact, reste de nombreuses années en Phénicie. Et voici la seconde partie de la légende, plus confuse mais sans doute plus «parlante».

Isis, l'épouse d'Osiris et sa soeur, qui recherchait le cadavre, finit par le retrouver et le récupérer. Set parvient à s'emparer à nouveau du corps qu'il découpe en morceaux et disperse par le monde. Alors Isis entreprend la grande quête, c'est-à-dire se donne pour tâche de retrouver tous les morceaux de son époux pour le reconstituer.

Elle y parvient à la longue, sauf un morceau particulièrement important : le sexe. Sans le sexe, Osiris est, si l'on peut dire, inutilisable. Très longtemps, elle rechercha cet organe essentiel et parvint à le retrouver -- la légende ne dit malheureusement pas où -- et, l'Osiris étant ainsi reconstitué, Isis s'unit à lui et fut fécondée. De cette union naquit un fils : Horus, fils de Dieu, qui devait venger son père sur Set.

Absurde, évidemment ... À moins qu'il ne s'agisse d'un récit allégorique qui prend alors une tout autre signification. Ce que nous conte la légende d'Osiris, n'est-ce pas une «diaspora»; l'histoire de la dispersion, par un cataclysme, soit de tribus, soit d'un «collège» de Sages capables de redonner la vie à l'Osiris, de le rendre susceptible de féconder.

Et la grande quête de la soeur-épouse n'est-elle pas une tentative pour retrouver et rassembler, soit les tribus dispersées, soit le collège des Sages capables de redonner vie à l'Osiris?

C'est allégorique. Mais à peine.

Qui est Isis? On saisit plus facilement la nature des dieux que celle de leur parèdre. C'est Celle qui peut être fécondée et donner naissance au fils de dieu mais sa nature n'est jamais révélée. Nous n'en savons pas plus sur Isis que sur Déméter, que sur les Vierges Noires. Elles sont vierges, épouses et mères -- mais sur tous les plans, du plus matériel au plus spirituel. De ce fait, on ne peut appréhender leur nature au niveau de l'humain.

Il faut donc nous en tenir à l'aspect «matériel» de la légende. En l'occurrence, à son aspect historique.

Ce fut principalement la répartition des dolmens qui nous indiqua les «points» de refuge des Atlantes dispersés. Il était normal qu'il y eût, entre ces divers points, tentative de regroupement ou, au moins, de reprise des relations.

Il apparaît que ce furent les réfugiés en Proche-Orient qui assumèrent les liaisons -- et qui, sans doute, en tirèrent le premier bénéfice. Il n'est donc pas étonnant que ce soit en Proche-Orient que l'on retrouve les premiers processus de re-civilisation, d'autant plus que les conditions climatiques y étaient sans doute plus favorables.

Les «Rouges» occupaient l'Asie Mineure, y compris l'Arabie et les bords de la Mer Rouge et, probablement, toutes les îles de Méditerranée orientale, dont la Crète. Pour les Égyptiens, les Crétois étaient des «rouges». Europe, la mère de Minos, roi éponyme de Crète, était dite : «fille du pays rouge» ou «fille du couchant».

Sans doute ne s'agit-il plus, très rapidement, de «race pure» puisqu'ils semblent avoir pris la langue des sémites autochtones. Mais l'important était moins dans la race que dans le savoir qu'elle détenait encore.

Ils avaient très tôt rétabli le contact avec l'Occident ainsi que le montre la création, ou la re-création, de Tartessos sur le bords de ce qui est devenu le Guadalquivir, cela environ trois mille cinq cents ans avant notre ère.

Victor Bérard a montré d'évidente façon que le poème homérique (mais HMR ne signifie-t-il pas rouge?) de l'Odyssée dont les origines sont phéniciennes ou crétoises constituait de parfaites «instructions nautiques» pour la navigation en Méditerranée. Mais il est certain qu'ils ne se limitaient pas à cette mer et à Tartessos. Ils cabotaient aussi sur les côtes d'Afrique et d'Europe. Je ne crois pas que l'on aurait à chercher loin pour retrouver leurs traces sur la côte cantabrique. En tout cas la légende irlandaise fait état d'un envahissement de l'Irlande par les Milésiens et, par ailleurs, la découverte de gravures de style crétois sur les trilithes de Stonehenge prouve qu'ils parcouraient également l'Angleterre au moins deux mille ans avant Jésus-Christ.

Une civilisation avait été reconstituée en Proche-Orient et en Crète, avec élevage, culture, monuments. Et l'on sait depuis peu que les assises de cette civilisation -- probablement une fois encore détruite par un «déluge» -- datent de quelque six millénaires avant notre ère.

Il serait intéressant de savoir si l'on y retrouve l'Osiris, sous une forme ou sous une autre. Sur la race noire qui «tenait» et tient encore l'Éthiopie -- et sans doute une partie du Sahara -- nous sommes encore très peu renseignés. Elle aurait, d'après Mme Szumlanska (Les Origines atlantiques des premiers Égyptiens), maintenu de son côté le contact avec les bords atlantiques de l'Afrique par le Hoggar et le Sénégal.

Il semble bien que ce soit en Éthiopie que parvint à se «reconstituer» l'Osiris, sans qu'il soit possible de savoir si le Grand Collège avait pu être réuni de diverses parties du globe. Il fut ensuite transporté en Égypte.

Hérodote et Diodore de Sicile nous ont conté cela en disant que les «Éthiopiens occidentaux» prétendaient avoir colonisé l'Égypte à l'aurore des temps, et ils leur donnent le nom d'Atlantes...

D'après Hérodote, qui voyagea en Égypte avant Solon et auquel les prêtres avaient aussi affirmé que leurs archives étaient vieilles de plus de huit mille ans et que le souvenir avait été gardé de leurs très lointaines origines, «ils énuméraient, d'après un livre, les noms de 350 rois (après Min). Dans une si longue suite de générations, il y avait dix-huit Éthiopiens».

Et l'on sait maintenant, à peu près certainement qu'effectivement, la civilisation des Pharaons vint en Égyte par l'Éthiopie. Or, on a dit que «pharaon» signifiait forgeron et Platon donne bien les Atlantes comme métallurgistes.

«Beaucoup plus tard, les Hébreux connaissaient, parmi les plus anciennes populations de la Palestine, quelques «géants» et d'autre part, des nations civilisées et métallurgistes, les Akkadiens et les Étamites (1).»

En fait, quand les Pharaons arrivent en Égypte, c'est avec une civilisation déjà créée et Pharaon est porteur de l'Osiris. C'est plus qu'une civilisation, c'est un savoir. Et ce savoir s'exprime dans trois pyramides qui atteignent une perfection.

Je crois qu'elles sont les livres du savoir de l'Osiris reconstitué. Tombe de l'Osiris. Tombe au singulier, même si Chéops, Chéphren et Mykérinos, qui furent, dit-on, pharaons, ont cru bon de les signer. À tort ou à raison. Je les tines pour antérieurs aux essais de «reconstitution» de l'architecte Imhotep à Sakkarah. Imhotep est un homme de génie; les trois pyramides de Ghizèh dépassent le génie d'un homme. Elles n'ont pas de maître d'oeuvre connu, non plus que, plus tard, Chartres, qui est liée à elles de mille liens subtils dont certains sont parfaitement lisibles (2).

Elles sont l'enseignement de l'Osiris, cet Osiris qui portait -- si j'ose ainsi dire -- l'Oie dans ses armes.

1