INFLUENCE DES CLIMATS

Stendhal, Histoire de la peinture en Italie

 Les climats, à la longue, font naître les tempéraments. Le tempérament bilieux peut être acquis chez le matelot hollandais qui s'établit à Naples. Mais, chez son fils ou son petit-fils, il sera naturel.

 La douceur de l'air, la légèreté des eaux, la constance de la température, un ciel serein, peuplent un pays de sanguins. On voit combien il est ridicule de parler de la gaieté française sous les brouillards de Picardie, ou au milieu des tristes craies de la Champagne.

 Des changements brusques dans l'état de l'air, une chaleur vive, une grande diversité dans le caractère des objets environnants, forment le tempérament bilieux.

 Le mélancolique paraît propre à des pays chauds, mais où les alternatives de température sont habituelles, dont l'air est chargé d'exhalaisons, et les eaux dures et crues.

 Une température douce, avec toutes les autres circonstances heureuses, mais agitée par des variations fréquentes, rend commune dans un pays cette combinaison de tempéraments qu'on peut désigner par le nom de sanguin-bilieux. C'est celui des habitants de la France, et je crois que ce n'est pas par vanité française que ce tempérament me semble le plus heureux. L'envie me paraît être le plus grand obstacle au bonheur des Français, et, s'ils ont assez de fermeté pour défendre leur constitution de 1814, cette triste passion ne naîtra plus chez nos enfants.

 Le bilieux-mélancolique, variété si commune en Espagne, en Portugal, au Japon, me semble, au contraire, le tempérament du malheur sous toutes ses formes.

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VUE SUR LA COUPOLE

Promenades dans Rome (Saint-Pierre), 1829, Stendhal

Vous savez que Bramante avait élevé jusqu'à la corniche les quatre énormes piliers de la coupole, qui ont chacun d'eux cent six pieds de circonférence. L'église de San Carlo alle Quattro Fontane occupe exactement l'espace de ces piliers et ne paraît pas petite. Bramante jeta les quatre grands arcs qui, comme des ponts, unissent ces piliers à l'un à l'autre.

Voilà ce que Michel-Ange trouva; c'est là-dessus qu'il éleva sa coupole. Elle a cent trente pieds de diamètre, c'est-à-dire trois pieds de moins que celle du Panthéon. Elle commence à cent soixante-trois pieds du pavé, et sa heuteur, prise depuis sa base jusqu'à l'ouverture de la lanterne, est de cent cinquante-cinq pieds. On ne croirait jamais que la petite lanterne qui est au-dessus a cinquante-cinq pieds de haut, l'élévation d'une maison ordinaire. Ainsi la coupole de Michel-Ange, enlevée de dessus les piliers, et placée par terre, aurait deux cent soixante pieds de haut, élévation qui surpasse celle du Panthéon. Montons sur les combles de Saint-Pierre pour voir la partie extérieure du dôme : le piédestal de la boule de bronze a vingt-neuf pieds et demi de hauteur; la boule elle-même, sept pieds et demi. La croix qui couronne l'église est haute de treize pieds.

La hauteur totale de Saint-Pierre depuis le pavé de l'église jusqu'au dernier ornement de la croix, est de quatre cent vingt-quatre pieds. Les Romains comptent onze pieds de plus, je crois, parce qu'ils mesurent l'élévation à partir du pavé de l'église souterraine, où est le tombeau d'Alexandre VI.

Cette hauteur fait frémir quand on songe que le sol de Rome est fréquemment agité de tremblements de terre, que le sol de Rome est volcanique, et qu'un instant peut nous priver du plus beau monument qui existe. Certainement jamais il ne serait relevé : nous sommes trop raisonnables. Deux moines espagnols, qui se trouvèrent dans la boule de Saint-Pierre lors de la secousse de 1730, eurent une telle peur, que l'un deux mourut sur la place.

Pour que l'oeil soit satisfait, le contour extérieur de la partie sphérique d'une coupole ne doit pas être le même que le contour intérieur; la coupole de Saint-Pierre a deux calottes, et entre les deux, rampe l'escalier par lequel on monte jusqu'à la boule.

Le tambour de la coupole (la partie cylindrique) est percé de seize fenêtres; c'est à travers ces fenêtres qu'en se promenant au Pincio on aperçoit quelquefois le soleil qui se couche.

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