Textes relatifs à la spécificité de la philosophie (comparaisons)

A) Mythes

B) Religions

C) Divination et astrologie

D) Sciences

E) Littérature

F) Para-philosophie

G) Philosophie
 


A) Mythes

    1. "Pour les Maori, l'univers entier se déploie à la façon d'une gigantesque parentèle, où le ciel et la terre figurent les premiers ancêtres de tous les êtres et de toutes les choses ; la mer, le sable du rivage, les bois, les oiseaux, les hommes... (il existe) un lien de filiation entre les dieux et les éléments ou êtres naturels : de l'union du rocher et de l'eau, sont nés toutes les variétés de sable, de cailloux, de roches gréseuses, et les autres minéraux ; et aussi les insectes, les lézards et la vermine. Les dieu et déesse Tane-nui-a-Rangui et Kahu-papauri ont engendré tous les oiseaux et tous les fruits de la forêt ; Rongo est l'ancêtre des plantes cultivées, Tangaroa, des poissons, Haumia, des plantes sauvages."

- Lévi-Strauss, Claude : Le Totémisme aujourd'hui, PUF, 1969, p. 42.
 
 

    2. " Dans les cours ombragées les élèves suivent sur les 'peintures' les péripéties de l'origine du monde et des êtres que leur expliquent les anciens. Ils s'appliquent à fixer dans leurs mémoires les formes et les couleurs qui couvrent les feuilles dépliées. Ils contemplent avec vénération l'image de Cipacttli, le monstre de la Terre qui a tantôt visage d'homme, tantôt visage de femme. Le monde sensible qui les entoure, les animaux et les plantes, les minéraux, les moindres accidents de relief, les objets sont donc les émanations du corps de cette déesse comme si tous vivaient immergés dans la nature divine, dans une continuité parfaite que seules les défaillances de la perception humaine interdisent de saisir d'emblée. Entre les espaces human et extra-humain, entre les choses, les animaux, les plantes, les hommes et les forces supérieures, se fraient des circulations mystérieusesm, se nouent des échanges incessants, s'opèrent des flux et des métamorphoses qui brassent inextricablement les éléments du cosmos. Le récit divin explique également l'origine du temps. Le temps est créé comme toute chose... Ainsi, sur chaque moment qui s'écoule ici-bas, pèse un faisceau infiniment complexe de forces. "

- Bernand, Carmen & Gruzinski, Serge : Histoire du Nouveau Monde, tome 1, Fayard, 1991, p. 54.
 
 

    3. "... Elle mit au monde aussi les Parques et les Kères, implacables vengeresses, qui poursuivent toutes fautes contre les dieux ou les hommes, déesses dont le redoutable courroux jamais ne s'arrête avant d'avoir au coupable, quel qu'il soit, infligé un cruel affront. Et elle enfantait encore Némésis, fléau des hommes mortels, Nuit la pernicieuse ; - et, après Némésis, Tromperie et Tendresse - et Vieillesse maudite, et Lutte au coeur violent.
       Et l'odieuse Lutte, elle, enfenra Peine la douloureuse, - Oubli, Faim, Douleurs larmoyantes, - Mêlées, Combats, Meurtres, Tueries, - Querelles, Mots menteurs, Disputes, - Anarchie et Désastre, qui vont de compagnie, - Serment enfin, le pire des fléaux pour tout mortel d'ici-bas qui, de propos délibéré, aura commis un parjure.
       Flot engendra Nérée, sincère et franc, l'aîné de ses enfants. On l'appelle le Vieux, parce qu'il est loyal et bénin à la fois, que jamais il n'oublie l'équité, qu'il ne connaît qu'honnêtes et bénignes pensées. Puis, uni à Terre, il engendra encore le grand Thaumas, le valeureux Phorkys, Kétô aux belles joues, Eurybié, enfin, dont la poitrine enferme un coeur d'acier."

- Hésiode : Théogonie, v. 218-240, Belles Lettres, 1928.

 
 

   4. " Un ouvrage perdu, datant du temps des Trois Royaumes (Chine) (IIIe siècle après J.-C.) contenait le texte suicant conservé par les encyclopédistes :

    5. " Au lieu d'apparaître du point de vue de Sirius comme une entité analysable ou dérisoire, le monde est perçu comme totalité à partir de l'intérieur de lui-même : c'est le sens de la fameuse figure du Yin/Yang, représentation du cheminement d'un point qui, en passant par le Yin naissant puis mûr et en se renversant dans le Yang, finit par décrire un cercle, image par excellence de la globalité.
   L'unité recherchée par la pensée chinoise tout au long de son évolution est celle même du souffle (qi), influx ou énergie vitale qui anime l'univers entier... Toute réalité, physique ou mentale, n'étant rien d'autre qu'énergie vitale, l'esprit ne fonctionne pas détaché du corps..."

- Cheng, Anne : Histoire de la pensée chinoise, Seuil, 1997, p.36.


B) Religions
 

   1. "Réduite à l'essentiel, la religion chrétienne se fonde sur l'enseignement des Evangiles, c'est-à-dire sur la foi en la personne et en la doctrine de Jésus-Christ. Il a enseigné qu'il était le Messie annoncé par les Prophètes d'Israël. Ce Jésus a promis la venue du royaume de Dieu pour tous ceux qu'y s'y prépareront en observant ses commandements. Le même Jésus est mort en croix pour racheter les hommes ; sa résurrection a prouvé sa divinité, et il viendra de nouveau, à la fin des temps, pour juger les vivants et les morts et régner avec les élus dans son Royaume. Pas un mot de philosophie dans tout ceci. Le Christianisme s'adresse à l'homme, pour le soulager de sa misère, en lui montrant quelle en est la cause et lui en offrant le remède. Il est une doctrine du salut, et c'est pourquoi il est une religion."

- Gilson, Etienne : La philosophie au Moyen Âge, Payot, 1976, tome I, p. 9.
 
 

   2. " Toute la terre avait un seul langage et un seul parler. Or il advint quand les hommes partirent de l'Orient, qu'ils rencontrèrent une plaine au pays de Shinear et y demeurèrent. Ils se dirent l'un à l'autre : "Allons! Bâtissons-nous une ville et une tour, dont la tête soit dans les cieux et faisons-nous un nom, pour que nous ne soyons pas dispersés sur la surface de toute la terre." Iahvé descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes, et Iahvé dit : "Voici qu'eux tous forment un seul peuple et ont un seul langage. S'ils commencent à faire cela, rien désormais ne leur sera impossible de tout ce qu'ils décideront de faire. Allons! Descendons et ici même confondons leur langage, en sorte qu'ils ne comprennent plus le langage les uns des autres. " Puis Iahvé les dispersa de là sur la surface de toute la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. C'est pourquoi on l'appela du nom de Babel."

- Bible, Genèse, chapitre 11, v. 1-9, Gallimard, coll. "La Pléiade".
 
 

   3.  " Le pape Jean-Paul II a incité hier les hommes et femmes de science à se soucier davantage des applications souvent désastreuses de la technologie et à ne plus tolérer que l'avenir de l'humanité soit mis en péril par les manipulations génétiques, par les expériences biologiques de toutes sortes et par le perfectionnement des armes nucléaires, bactériologiques ou chimiques.
   'Ce ne sont pas les sciences et les technologies en tant que telles qui menacent l'humanité mais leur dissociation des valeurs morales', a déclaré le pape aux représentants de la communauté scientifique et artistique d'Autriche, lors du deuxième jour d'un voyage de quatre jours dans ce pays. Citant le physicien américain Robert Oppenheimer ( le "père" de la bombe atomique ), Jean-Paul II a rappelé que 'les physiciens ont connu le péché'."

- in Le Devoir, mardi 13 septembre 1983.
 



 

C) Divination et astrologie

   1. " La divination repose sur l'observation attentive de phénomènes que la divinité a suscités pour indiquer l'avenir. Elle implique que la divinité a inscrit sa volonté et annoncé le futur dans tel ou tel ordre de la nature et la symbolique des signes, souvent fort complexe, est le thème de recherche qui s'offre au devin ou bien au simple particulier... (en tenant compte) que la connaissance de l'avenir présuppose nécessairement sa préexistence... Tous les ordres de la nature sont susceptibles de donner des signes ou présages..."

- Bloch, Raymond : La divination dans l'Antiquité, PUF, 1984, p. 10-11.
 
 
 



 

D) Sciences
 

    1. " La conviction caractéristique des fondateurs de la science moderne sont que la science est conçue comme capable de découvrir la vérité globale de la nature. Non seulement la nature est écrite dans un langage mathématique déchiffrable par l'expérimentation, mais ce langage est unique ; le monde est homogène, l'expérimentation locale découvre une vérité générale. Les phénomènes simples que la science étudie peuvent dès lors livrer la clef de l'ensemble de la nature dont la complexité n'est plus qu'apparente : le divers se ramène à la vérité unique des lois mathématiques du mouvement. "

- Prigogine & Stengers : La Nouvelle Alliance, Gallimard, 1979, p. 51-52.
 
 

   2. " La statistique ne peut être définie que comme moyenne de tous les comportements individuels au sein d'un groupe donné..."

- Delacampagne, Christian : Figures de l'oppression, PUF, 1977, p. 169.
 

   3. " Les sciences dont on a coutume de les opposer à celles de l'homme, et de les réunir dans les Facultés des Sciences, sont généralement appelées 'Sciences exactes et naturelles'. Que peut alors signifier le terme de 'exactes' ? On l'applique souvent à la physique, car il existe une physique mathématique, mais il va de soi que toute science expérimentale n'est jamais qu'approximative, y compris la physique théorique. 'Exactes' s'applique donc essentiellement aux mathématiques. Dire que les mathématiques sont exactes signifie donc qu'elles font corps avec la logique. La logique est une discipline axiomatique et algorithmique étroitement jointe aux mathématiques et qui s'enseigne souvent sous le nom de logique mathématique..."

- Piaget, Jean : Epistémologie des sciences de l'homme, Gallimard, 1970, p. 99.
 

   4. " Ce qui sépare saute toujours plus aux yeux que ce qui unit. Chercher ce qu'il y a de commun sous l'apparente diversité, c'est le dada de tout scientifique."

- Wagensberg, Jorge : in La Recherche, Juin 1998, p. 111.
 

   5. " L'unité de la science fait partie de l'héritage méthodologique de la modernité, légué par les pères fondateurs du XVIIe siècle. Toute formulation métascientifique cohérente et systématique - qu'elle soit d'ordre méthodologique ou conceptuel - est censée capturer l'"essence" de la science. "

- Shapin, Steven : Etre ou ne pas être antiscientifique, in La Recherche, avril 1999, p. 77.
 

 
 


E) Littérature

   1. " Pourquoi les astres d'or fourmillant comme un sable ?
         Si l'on montait toujours, que verrait-on là-haut ?
         Un Pasteur mène-t-il cet immense troupeau
         De mondes cheminant dans l'horreur de l'espace ?
         Et tous ces mondes-là, que l'éther vaste embrasse,
         Vibrebt-ils aux accents d'une éternelle voix ? "

- Rimbaud : Soleil et chair, Oeuvres poétiques, La Pléiade, 1972, p. 9.
 

   2. " Certe, il ne faut avoir qu'un amour en ce monde,
          Un amour, rien qu'un seul, tout fantasque soit-il ;
          Et moi qui le recherche ainsi, noble et subtil,
          Voici qu'il m'est à l'âme une entaille profonde. "

- Nelligan, Emile : Beauté cruelle, in Oeuvres complètes, Fides, 1952, p. 78.
 

   3. " Les arts... sont toujours le beau exprimé par le sentiment, la passion et la rêverie de chacun, c'est-à-dire la variété dans l'unité, où les faces diverses de l'absolu...touchent ;a chaque instant à la métaphysique..."

- Baudelaire, Charles : Curiosités exthétiques, Garnier, 1970, p. 102.
 


F) Para-philosophie

    1. " L'unité d'un monde n'est pas une : elle est faite d'une diversité, jusqu'à la disparité et l'opposition. Elle en est faite, c'est-à-dire qu'elle ne s'y ajoute pas et qu'elle ne la réduit pas. L'unité d'un monde n'est rien d'autre que sa diversité, et celle-ci est à son tour une diversité de mondes. Un monde est une multiplicité de mondes, le monde est une multiplicité de mondes, et son unité est le partage et l'exposition mutuelle en ce monde de tous ses mondes."

- Nancy, Jean-Luc : Cosmos basileus, in Basileus, 1, no 1, 1998.
 
 
    2. " Que se passe-t-il alors si l'on se range à l'opinion de nombreux scientifiques - et, incidemment, d'un nombre croissant de philosophes - que les sciences sont aussi nombreuses que variées, et qu'aucune définition cohérente et systématique d'une "essence" propre de la science ne peut rendre justice à la diversité concrète des pratiques ? "

- Shapin, Steven : Etre ou ne pas être antiscientifique, in La Recherche, avril 1999, p. 77.

 
 

 


G) Philosophie

   1. " La philosophie est une tendance fondamentale et irrésistible pour l'unité, la synthèse, l'universel - par l'aspiration d'aboutir à une vision homogène et unifiée des divers aspects du monde et, plus profondément encore, à une cohérence totale entre cette vision et la règle de vie qui s'en déduit. "

- Grégoire, F. : Les grands problèmes métaphysiques, PUF, 1965, p. 8.
 
 

   2. " Il n'y a rien que l'on puisse dénommer ou qualifier avec justesse. Si tu le proclames grand, il apparaîtra aussi bien petit ; si lourd, léger ; et ainsi de suite, parce que rien n'est déterminé, ni qualifié de quelque façon que ce soit."

- Platon : Théétète, 152 d.
 

   3. " C'est en somme comme dans un tableau en perspective : de loin, tout paraît y former unité et cela y met apparence d'identité et de ressemblance. Mais à qui se rapproche, tout apparaît multiple et différent, et ce simulacre de différence y met aspect de diversité et de dissemblance."

- Platon : Parménide, 165 cd.
 

 
 
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