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Vivons (*Gordes) vivons, vivons, & pour le bruit
Des vieillards ne laissons à faire bonne chere
:
Vivons, puis que la vie est si courte & si chere,
Et que mesmes les Roys n'en ont que l'usufruit.
Le jour s'esteint au soir, & au matin reluit,
Et les saisons refont leur course coustumiere :
Mais quand l'homme a perdu cette doulce lumiere,
La mort luy fait dormir une eternelle nuict.
Donq imiterons-nous le vivre d'une beste ?
Non, mais devers le ciel levans tousjours la teste,
Gousterons quelquefois la doulceur du plaisir.
Celuy vrayement est fol, qui changeant l'asseurance
Du bien qui est present en douteuse esperance,
Veult tousjours contredire à son propre desir.
*Maraud, qui n'es maraud que de nom seulement,
Qui dit que tu es sage, il dit la verité :
Mais qui dit que le soing d'eviter pauvreté
Te ronge le cerveau, ta face le desment.
Celuy vrayement est riche & vit heureusement,
Qui s'esloignant de l'une & l'autre extremité,
Prescrit à ses desirs un terme limité :
Car la vraye richesse est le contentement.
Sus donc (mon cher *Maraud) pendant que nostre maistre,
Que pour le bien publiq la nature a fait naistre,
Se tormente l'esprit des affaires d'autruy,
Va devant à la vigne apprester la salade :
Que sçait-on qui demain sera mort, ou malade ?
Celuy vit seulement, lequel vit aujourdhuy