NEWSLETTER 6 - 08 JUILLET 1999
Nous retrouvons sans plus tarder nos 2 heros, Petit Pignon et Grand Plateau, pour la suite de leurs fabuleuses aventures que vous attendez tous avec impatience, hein, bande de petits gredins. Sur les routes de Louisiane, en suivant le Mississippi par le S vers la Nvlle Orleans, le paysage se modifie: a perte de vue, des champs de canne a sucre et quelques tres belles plantations antebellum, qu'a cote Lamartinie, c'est pour les mickeys. Nous passons meme la nuit dans le jardin d'un planteur -Keith- qui nous invite a diner et nous fait faire le tour du proprietaire. Nous sommes maintenant incollables sur les techniques de recolte de la canne et avons visite la 'sugar mill' et goute au sucre du hanger, pioche directement dans une montagne de 20m de haut de sucre brun au gout de melasse. Comme dans le Mississippi, isi, les "colored people" (prononcer col't pipl') ne sont pas trop integres a la population blanche. Nous avons croise de nombreux rednecks du cru pestant contre tous ces noirs drogues qui vivent du Welfare. Au Sud, on n'est parfois guere civil (hem). Nous nous arretons en cours de route pour gouter aux crawfish ou manger un bon po-boy au catfish (comprendre sandwich au poisson-chat frit). Puis, c'est l'entree dans la Nouvelle-Orleans, ville de tous les crimes, contre laquelle on nous met regulierement en garde depuis Quebec. Et quelle entree mes amis! Car pour re-franchir le Mississippi, il n'y a qu'un pont: le Huey P. Long Bridge, interdit aux velos... Bravant tous les tabous, nous nous elancons vaillamment a l'assaut dudit pont...
(bruits de sirene) "- Hey, you guys on the bikes, pull over on the left! - Damn! Les flics, Thomas! - Enfer! Nous sommes faits comme des rats!" Nous arretons nos velos a la sortie du pont ou 10 voitures de police nous encerclent precipitemment. Les officiers, planques derriere le capot de leur 'chopper', sortent leurs Police Pythons et nous les pointent sur le crane: "- Freeze, suckers! Put your hands up in the air where we can see them! Do it now, or we'll shoot! - We are French! We don't understand! - Ah... OK. C'est bon, allez, circulez!" Apres avoir menace de prison Thomas-les-effluves qui faisait un peu trop le malin, ils nous laissent partir en rigolant et en nous mettant en garde contre les dangers de la ville ou, visiblement, nous n'avons que peu de chance de conserver nos velos, voire la vie. A la Nvlle Orleans, notre contact est partie en weekend et nous voila contraints d'avoir recours a notre solution de repli: l'auberge de jeunesse. Aaargh! Nous payons pour dormir. Deshonneur, opprobre, shame, shame... C'est l'occasion de rencontrer d'autres voyageurs, ainsi qu'une faune etrange (un ecrivain rate et alcoolique qui nous fait relire ces manuscrits truffes de fautes, un yougoslave, ex de la Legion Etrangere qui me raconte les massacres au Tchad,...). En plus, en devoilant ma roue arriere, je decouvre le vice cachee de nos jantes: elles implosent au bout de 4000km. Il me faut m'en procurer illico une nouvelle, importee de France, quelle ironie! (celle de Thomas-les-odeurs tiendra jusqu'a Houston avant de rendre l'ame) Et surtout, quel trou dans le budget.. Tout ceci ne nous empeche cependant pas de profiter de la ville. Nous trainons surtout dans le French Quarter, qui n'a de francais que le nom vu qu'il a ete recontruit presque entierement par les espagnols, mais qui est tres mignon, avec ses petits immeubles colores, ses galeries de fer forge, ses concerts dans la rue et ses bars a jazz animes. La nuit sur Bourbon Street, c'est la totale folie. La foule amassee au balcon scande "show your tits! show your tits!" a toutes les filles qui passent et qui se voient offrir les colliers en plastique du Mardi Gras en obtemperant. Les gens boivent dans la rue (incroyable aux Etats Unis) et les clubs de strip tease ouvrent leurs portes, souvent obstruees par un ou deux 'jesus freaks' qui mettent en garde les passants contre les chatiments divins a grands coups d'epitre de St Paul au Romains. De temps en temps, nous passons au cimetiere, ou les tombes sont des caveaux au dessus du sol, a l'abri des inondations frequentes dans le temps. La-bas on se fait souvent une petite ceremonie vaudou super sympa (les petits fours sont delicieux). Apres les reparations, les dejeuners typiques (jambalaya, gumbo, muffalata, et j'en passe), la messe a la cathedrale St Louis sur Jackson Sq. et quelques musees, histoire de se cultiver un peu sur la bataille de la Nouvelle Orleans et autres Traite de Paris, nous repartons, en ferry cette fois, vers les bayous, le pays des cajuns. Comme New Orleans n'est pas du tout francophone (les gens y ont plutot l'accent de Brooklyn), quel plaisir de decouvrir les vrais cajuns (prononcer 'cadjien') et leur accent canado-anglo-normand. La jeune generation a plus de mal, car la langue francaise a ete bannie en 1921 (on battait les enfants qui la parlaient a l'ecole). En plus, tout le monde nous explique que parler francais, c'est montrer qu'on est d'une classe sociale inferieure. En tout cas, l'Etat de Louisiane a recemment change d'attitude et rendu le francais obligatoire a l'ecole. Les cajuns ralent parce qu'on leur apprend le "francais parisien". Justement, en passant par Abbeville, nous sommes invites par Julian Boudreaux -un nom bien de la bas. Fou de langue (il nous a aborde en espagnol), il prend des lecons de francais. Ca tombe bien on est francais et nous lui donnns alors, ainsi qu'a 2 amis invites pour l'occasion, la lecon du jour - sur les pronoms Y et EN. Pas facile... Nous terminons en chanson par un application pratique du placement du EN dans une phrase affirmative: 'J'ai du bon tabac'. Nous avons bon espoir de recevoir bientot les palmes academiques pour cette contribution au rayonnement de notre culture francaise a travers le monde... Nous dormons chez Julian apres une visite a ses cajuns de parents et a leur gateau au chocolat. Un peu apres sur la route, c'est le deluge. Un orage memorable, qui nous aide un peu mieux a comprendre pourquoi ici, ils disent "ca mouille" au lieu de "il pleut". Quand sur le velo, au milieu des champs sans un abri a l'horizon, on apercoit le mur de pluie qui nous arrive dessus, il est deja trop tard. Les gouttes grosses comme le poing nous martelent le dos, trempent nos chaussures et le reste, toute resistance est futile. Nous passons quelques nuits humides dans la boue, a essayer de dormir dans des draps mouilles qui puent le moisi a 2 km. C'est dans des situations pareilles qu'on rencontre les ames les plus charitables. Nous nous retrouvons alors a passer deux jours en compagnie de Tony et Judy, a parler francais et anglais (le pere est formateur pour les educateurs etrangers qui viennent ensigner le francais pour l'Etat), a visiter la region (ils sont tres cales sur l'histoire de leur endroit) et a diner en famille (ie avec tout le village, car tout le monde est cousin ici), chez la grand-mere qui nous explique que "son char est malade" et nous prepare un delicieux "fare" a base de riz et de viande (je mets un 9.5/10). De bons amis, un bonne nuit, de bons petits plats et une bonne douche, mmmmhh.... Apres la Louisiane, direction le Texas. Nous nous eloignons peu a peu des pires habitants du bayou: les moustiques, immondes betes assoiffees de sang qui nous attendent en meute a la sortie de la tente et nous piquent a travers la moustiquaire. Les alligators sont plus pacifiques: nous en avons notamment croise un a a peine quelques cm de nos roues, qui s'est empresse de s'enfuir des que nous nous sommes arretes. Au Texas, les routes sont longues et chaudes, et le soleil tape mechamment. Nous faisons escale a Houston ou nos contacts locaux nous reservent un accueil extra: petite chambrette privative, diner italien de gourmet, galeries d'art et soiree au Houston Country Club -frequente par George Bush (les 2) himself SVP> Ambiance feutree, chic anglais et luxe discret de bois et de cuir, entre le jacuzzi, le golf et les salons distingues. Nous traversons des deserts de paturages de ranches, salues au passages par quelques cactus, parfois sans voir de maison en plus de 100km (bonjour les provisions d'eau) Pour le 4 juillet, petitdetour sur la cote par Padre Island pour nous detendre au bord de la mer avec les herons. Justement, alors que nous nous abritons d'une averse (au Texas, on voit venir le gros nuage de loin) sous le hauvent d'une boutique de souvenirs a Port Aransas (genre Mimizan en moins surpeuple tu vois), le patron, impressionne par notre aventure, nous offre des Tshirts, nous invite a voir les feux d'artifice autour d'un BBQ. Il nous donne egalement les clefs d'un petite 'cabin' tout en s'excusant pour les cafards. Apres cette petite pause-plage reussie, re-traversee du rien desert, avec en prime (en cajun on dit lagniappe si ca vous interesse), quelques mojados clandestins hagards que nous croisons de nuit, alors que nous dormons sur les bancs d'une aire routiere pour camionneurs, pas glauque du tout. Et voila, nous sommes a Mc Allen, dans la Rio Grande Valley, la partie subtropicale et luxuriante du Texas, avec ses champs de coton et d'aloe vera et ses palmiers. Ici, on est deja presque au Mexique, puisqu'on parle espagnol tout autant qu'anglais. Adieu donc aux USA, aux bus scolaires jaunes et aux petits dejeuners pizza froide/rolls a la cannelle /coca. Bonjour le Mexique et en route vers Monterrey! A bientot pour de nouvelles aventures! Petit Pignon et Grand Plateau Arriba la poutine!! tout en esperant que nous trouverons des acces internet aussi facilement de l'autre cote de la frontiere