LE LOCLE.

Partis de Neuchatel le 26 à 4 h. 13 m. du soir, nous arrivons au Locle à 6 h. 30. Le 27, nous employons notre matinée à visiter l’école d’horlogerie dirigée par M. Grossmann.
Cette école parait très florissante ; elle compte 60 élèves environ, distribués en 6 cours ou 6 années différentes. L’enseignement y est à la fois pratique et théorique. Nous parcourons successivement les différentes classes.
1° La classe des ébauches ; c’est celle de première année ;
2° La classe des cadratures et mécanismes de remontoir ;
3° La classe des finissages ;
4° La classe des échappements. Les élèves y construisent les divers genres d’échappement : à ancre, à cylindre, à bascule, à ressort ;
5° La classe des repassages. Les élèves y font des repassages à remontoir, à clef, à chronographe, à seconde indépendante ;
6° La classe des réglages tenue par M. Grossmann.
Tout en enseignant dans leurs classes, les maîtres pratiques de l’école ont exécuté des pièces de démonstration, sur une grande échelle. La collection des engrenages, celle des échappements surtout, sont fort belles.
Mais l’école du Locle forme en même temps l’esprit et la main. En sortant des ateliers, les élèves se rendent dans les salles de cours. Les cours ont pour objet :
1re année : L’arithmétique, la mécanique expérimentale et la géométrie plane.
2e année : L’algèbre élémentaire jusqu’au 2e degré inclus avec les questions de maximum, les progressions et la géométrie dans l’espace.
3e année : La trigonométrie et la cinématique.
4e année : Les éléments de géométrie analytique et de statique.
5e année : Les éléments du calcul infinitésimal et de la dynamique.
Il y a longtemps que l’horlogerie marche sous le drapeau de la science ; cependant on est d’abord étonné de voir l’algèbre, la géométrie analytique, le calcul différentiel et intégral, la mécanique rationnelle figurer dans le programme d’une école de jeunes ouvriers. L’étonnement diminue lorsqu’on connaît M. Grossmann, Il n’est pas seulement artiste ; il est familier avec l’analyse et la mécanique. Il n’y a pas dans un chronomètre une seu1e pièce dont il n’ait soumis le mouvement au calcul algébrique, en tenant compte des frottements, des moments d’inertie, des moments d’élasticité, et en divisant le mouvement en autant de phases qu’il est nécessaire. En ce moment, il calcule les effets d’un échappement à ancre particulier, dont il a eu l’idée et où les deux pièces ancre et roue d’échappement fonctionnaient comme deux roues d’engrenage à développante de cercle. On conçoit qu’un tel directeur cherche à élever de plus en plus le niveau de son école et à former des horlogers capables, sinon de comprendre les finesses des mathématiques, du moins d’appliquer sciemment les règles qu’elles fournissent à leur art.
En quittant l’école d’horlogerie, nous avons à peine le temps de visiter quelques fabriques et nous prenons à midi et demi le train de Zurich.

1