L'Albanie, le pays où l'on n'arrive jamais
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L'Albanie, le pays où l'on n'arrive jamais

Connaissez-vous l'Albanie ?

L'identité albanaise

L'originalité du territoire albanais est très vite constatée par le voyageur venant du sud, conscient de passer d'un pays méditerranéen à un pays balkanique. La rupture n'est ni brutale, ni complète : le long de la Riviera albanaise, sur la mer Ionienne, il retrouvera des paysages qui pourraient être ceux du Péloponnèse et ailleurs, comme dans la région de Shkodra, il sera transporté dans les Alpes du nord avec ses profondes vallées, l'architecture si particulière des maisons, sa végétation de prairies et de forêts de conifères.

Le sol albanais

L'Albanie a une superficie de 28.000 km2, elle correspond plus ou moins à la superficie belge. Mais la comparaison est trompeuse et il est préférable de mesurer le pays en distance routière et en temps de déplacement. La capitale Tirana est à 150 km de Shkodra située au nord, la route permet un voyage assez rapide. A l'inverse, gagner le site archéologique de Butrint, tout proche de Corfou, qui n'est somme toute qu'à 300 km au sud de la capitale, nécessite six heures de route difficilement praticable. Le pays, très allongé du nord au sud, paraît très étroit entre la côte adriatique ou ionienne et la frontière orientale. Seulement, là encore, la durée des déplacements surprend en raison du relief extrêmement montagneux. Inversement, les grandes vallées créées récemment par la construction de barrages hydroélectriques sur la vallée de Drin prennent un aspect nordique, comme des fjords dans un paysage sauvage et d'une rare beauté. Au sud du lac Pogradec, pourtant, c'est un paysage de plateau qui apparaît de nouveau, notamment dans le bassin de Korça.

Le climat

C'est un climat méridional et central à la fois par des températures d'hiver nettement plus basses, des précipitations plus abondantes - en particulier sur les reliefs élevés très enneigés l'hiver - et par une saison sèche plus courte en été, interrompue par de violentes pluies d'orage. L'été reste chaud, surtout en juillet et août; mais juin et septembre sont très agréables, grâce à la proximité de la mer qui donne une brise bienfaisante et aux reliefs qui procurent des soirées et des nuits fraîches et reposantes.

La végétation

Grâce à ces pluies abondantes, de novembre à avril, l'Albanie donne une impression de verdure, plus marquée naturellement au printemps qu'en septembre. Les plaines cultivées durant une trentaine d'années dans le cadre de fermes d'état ou de coopératives agricoles se présentent, vues d'avion, comme de vastes damiers dont les grandes parcelles sont désormais découpées en étroites lanières, depuis que la privatisation des terres est engagée (1991-1993). Des travaux d'irrigation ont permis d'accroître les surfaces exploitées notamment par la plantation d'agrumes sur les terrasses de la Riviera.

Les ressources naturelles

L'Albanie est très riche en ressources naturelles. L'Albanie est le premier pays du monde au niveau de la densité du chrome, dix fois plus importante qu'en République sud-africaine et 20 fois plus qu'au Zimbabwe. En termes de quantité, l'Albanie est classée quatrième pays du monde après la République sud-africaine, l'ex-URSS et le Zimbabwe. Les réserves de chrome sont estimées à environ 30 millions de tonnes. Le cuivre est également une ressource très importante en Albanie : les réserves de cuivre sont estimées à environ 50 millions de tonnes. Ce dernier est souvent utilisé par les artisans qui le travaillent pour en faire différents plateaux, tasses, théières, etc. L'Albanie se retrouve parmi les plus grands producteurs de nickel au monde. Elle est le troisième pays après la Nouvelle Calédonie et la République Dominicaine. Les réserves sont estimées à 110 millions de tonnes. D'autres minéraux sont présents aussi en grande quantité comme la bauxite, le gypse, le marbre, le sel, etc. Les experts estiment qu'en Albanie, il existe d'importantes ressources de pétrole mais étant donné que la technologie existante est complètement obsolète (datant des années 60), seuls 12 % des réserves totales peuvent être extraits. L'Albanie a 2 milliards de barils de réserves totales dans les sites existants de production. Le gaz naturel est également très répandu en Albanie, les réserves totales s'élèvent à environ 1.89 milliards de m3. Au sujet du pétrole et du gaz naturel, l'Albanie satisfait ses propres besoins intérieurs.

Le secteur énergétique

L'énergie électrique est entièrement produite par des centrales hydrauliques et thermiques. Ici aussi étant donné la technologie obsolète, la production de l'énergie électrique à diminué fortement en comparaison avec les années 80 mais heureusement, l'infrastructure énergétique peut produire suffisamment d'énergie pour satisfaire les demandes intérieures du pays.

Le transport et l'infrastructure

Comme dans tous les autres domaines, le transport albanais a souffert de l'économie planifiée pendant les quarante-cinq dernières années. A la fin des années 90, toutes les routes, les chemins de fer, le transport aérien, fluvial et maritime étaient inadéquats et inefficaces pour les conditions des futurs travaux. A présent, une des priorités de l'état est d'améliorer le transport et l'infrastructure dont dépend pratiquement tout le progrès de l'économie albanaise.

Les sites historiques

L'Albanie a beaucoup des sites historiques comme Berat, Gjirokastra, Kruja, Butrint, Apolonia etc. Des forteresses, certaines datant du IIIe siècle avant J.C. et d'autres de l'époque glorieuse de Skanderbeg. Des sites archéologiques comme Apolonia et Butrint où se cache toute une légende sur les origines troyennes ainsi que sur les rois d'Epire et où des traces de la culture illiryenne restent encore présentes.

L'Albanie et son histoire

Les origines

L'occupation du sol intervient au paléolithique moyen mais les albanais actuels descendent des Illyriens, peuplade indo-européenne venue dans la région vers la fin de l'âge de bronze. Les Illyriens qui débordaient largement les limites de l'Albanie actuelle, se divisèrent progressivement en petits états ennemis que les Macédoniens soumirent sous Philippe et Alexandre. Au IIe siècle avant J.C., elle tomba sous la domination de Rome, puis fut ravagée par les invasions barbares avant que le déferlement slave au VIe et VIIe siècle ne refoule le peuplement antérieur dans les régions où l'albanais reste aujourd'hui parlé. Le pays, resté sous la domination byzantine jusqu'au IXe siècle, fut alors occupé par les bulgares puis reconquis par Basile II. Au XIIIe siècle, l'histoire sombre de l'Albanie se poursuit, cette fois-ci sous la domination turque. Il faut attendre Skanderbeg en 1444 pour assister à un soulèvement général, qui aboutit à une victoire et la création d'un état albanais. Vingt-cinq ans plus tard, après la mort de Skanderbeg, l'Albanie retombe rapidement aux mains du sultan, tandis que de nombreux albanais trouvent refuge en Calabre et en Sicile. Cette occupation durera cinq siècles de terreur et d'injustice. Toute la période d'occupation sera accompagnée de révoltes meurtrières. En 1877, lorsque le traité de Berlin, destiné à régler la crise balkanique, accorde au Monténégro des terres albanaises (les régions de Ulqin, Plave et Gusi), une ligue nationale constituée à Prizren (Kosovo), s'y oppose par les armes mais doit définitivement abandonner.

L'Albanie en Europe ?

Depuis le début du siècle, dans la péninsule balkanique, se passent des événements que le monde civilisé ne peut s'imaginer. La cause de tous ces événements terribles que les médias nous montrent quotidiennement, provient de quelque chose qui se déroule en dehors des frontières de cette péninsule. C'est en 1912 que l'Albanie a proclamé son indépendance. Après 2000 ans d'occupation étrangère, ce pays révolté obtient son autonomie mais la question se pose : quelle sorte d'autonomie ? Il s'agira d'une autonomie morcelée qui restera au coeur du problème balkanique jusqu'à nos jours. Après plusieurs reprises des conférences, les grandes puissances mondiales, principalement la France, l'Angleterre et la Russie décident une fois pour toutes d'accepter les demandes d'un petit peuple, mais pas aussi bien que ce peuple l'espérait. Cette année est l'année de la gloire et de la défaite pour l'Albanie. Pourquoi défaite ?

"...Selon le protocole de Florence, en 1913, les frontières établies au nord et nord-est, laissaient au Monténégro et surtout à la Serbie plusieurs centaines de milliers d'albanais autochtones notamment à Kosovo et en Macédoine occidentale, et, au sud, le protocole partageait le Çamëria, à peuplement mixte, entre la Grèce et l'Albanie..." Encyclopedia Universalis

Un tiers de la population et par conséquent un tiers du territoire est offert aux voisins d'Albanie. Tout le monde savait que l'Albanie était intentionnellement "déchirée" et personne ne voulait en parler. On imaginait que les blessures allaient se soigner toutes seules mais évidemment, c'était faux.

Maintenant, après 80 ans, c'est l'Europe qui souffre et le Balkan qui brûle. Les albanais dans les territoires d'ex-Yougoslavie n'ont jamais oublié la trahison de l'Europe. De l'Europe en qui on croyait tant, et en qui on croit toujours. Comment l'Europe a-t-elle pu prendre une telle décision, comment a-t-elle pu séparer un peuple entier ?

Est-ce seulement la force qui doit gagner ou parfois doit-on penser à la justice aussi ? Après cette déchirure forcée par l'extérieur, la vie a continué mais, cette fois-ci, entre les enfants de la mère Albanie, des frontières seraient présentes pour longtemps. Après l'indépendance, l'Albanie actuelle est confrontée à beaucoup de problèmes. Les voisins veulent sans cesse que l'Albanie disparaisse et par conséquent, celle-ci est soumise à des attaques permanentes par les serbes au nord-est et les grecs au sud. Entre 1914 et 1918, l'Albanie ne participe pas à la Première Guerre Mondiale, pourtant elle est très touchée par les batailles qui se déroulent sur son territoire.

Après 1918, épuisée par la guerre, elle essaie de réorganiser la vie économique et politique. En 1924, une force du mouvement démocratique gagne. Et l'Europe est de nouveau sourde et aveugle. Elle ne soutient pas suffisamment ce nouveau gouvernement présidé par Fan Noli, et ce dernier est vite obligé de démissionner. Ensuite, Ahmed Zogu, aidé par les Yougoslaves, revient au pouvoir, devient premier ministre, par après assure la présidence et puis s'autoproclame roi Zog 1er (1925-1939). L'Italie fasciste occupe l'Albanie en 1939, y rentre sans résistance car le roi s'enfuit avec sa famille. L'occupation italienne durera jusqu'en 1943, puis les allemands viennent. Les communistes accompagnés d'éléments non-communistes forment le Front National de Libération mais celui-ci sera vite dominé par les communistes. En 1946, la République Populaire est proclamée après les élections législatives ou Enver Hodja et son parti gagnent avec 96% des voix. Depuis, l'Albanie va passer des moments difficiles dans le bloc communiste de l'Europe de l'Est. Après la rupture avec l'URSS, l'Albanie reste un pays fermé et extrêmement peu connu des européens et du monde entier. En 1989, commence un nouvelle ère pour l'Albanie.

Que se passe-t-il avec les albanais en ex-Yougoslavie. Les albanais occupés vivent peut-être les moments les plus effroyables de leur histoire. Ils sont torturés seulement parce qu'ils détiennent des livres dans leur langue maternelle. La Serbie va si loin qu'elle prépare un "plan de colonisation" du Kosovo (territoire peuplé à 90% d'albanais) et d'autres parties, tout en faisant des pressions pour que la population albanaise fuie le pays. Ils y ont réussi partiellement. Pendant le régime communiste, quelques 400.000 personnes de souche albanaise se dirigent vers la Turquie. Elles sont devenues turques pour toujours : en eux, il ne reste plus de traces de l'Albanie.

La seconde vague commence en 1989 lorsque les autorités serbes suppriment la petite autonomie, que les albanais détenaient encore, ferment les hôpitaux, interdisent l'enseignement aux albanais et ferment l'Université de Prishtina qui, en 89, avait plus de 20.000 étudiants. Cette fois-ci, les Albanais se dirigent vers l'Europe, il y a plus de 600.000 albanais qui laissent Kosovo et la Macédoine occidentale sous le regard apitoyé des serbes. Les dirigeants albanais du Kosovo ont réalisé un référendum en 1992 où la majorité absolue de la population s'est déclarée pour l'indépendance du Kosovo par rapport à la Serbie. Kosovo se retrouve dans une situation où la guerre peut exploser à chaque moment, si la communauté internationale n'intervient pas suffisamment vite.

En Macédoine, après l'indépendance, la situation des albanais est critique mais elle est, de loin, meilleure que celle de Kosovo. Les albanais, en Macédoine, représentent 23% de la population totale mais, comme à Kosovo, ils sont privés d'études supérieures et universitaires dans leur langue maternelle. Dans l'Université macédonienne existante à Skopje, les albanais ne représentent qu' 1% des étudiants admis par an. C'est pour cela que les albanais se sont organisés et, en février 95, ils ont créé l'Université de Tetova dans laquelle les cours se donnent en albanais mais qui n'est pas encore reconnue par les autorités macédoniennes. L'utilisation de la langue est un problème majeur dans les administrations locales ou les albanais sont majoritaires, la participation dans les fonctions principales de l'état et dans l'armée est très négligeable (2%).

Maintenant, à vous de juger où en sont l'Albanie et l'Europe. L'Albanie se trouve au coeur de l'Europe mais, de nouveau, très loin d'elle. C'est le bout du monde - la fin de l'Europe. Un pays inconnu, un peuple inconnu ! Un peuple qui aimerait vivre en Europe, là où est sa place, entre les européens et avec eux. Ce peuple si fier, et si souffrant, n'a jamais perdu espoir en l'Europe. L'histoire est derrière et devant nous, la justice aussi.

Copyright Bashkim Bytyqi, Mars 1996

Références bibliographiques

Pierre Cabanes (préface d'Ismail Kadare), Albanie, le Pays des aigles, édition Edisud, Aix-en-Provence, France, 1994

Edith Harxhi, An invitation to Albania, édition Besa, Tirana, Albanie, octobre 95

Encyclopedia Universalis, Paris, France Contents

  

 

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