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Les Terre-Neuviers


Histoire de la pêche à la morue à Terre-Neuve

Au Moyen Age, le poisson d'eau douce ou de mer tient une part très importante dans l'alimentation. Avec le sel et le vin, le hareng salé est la denrée qui donne lieu à l'un des trafics les plus intenses entre les ports exportateurs de la mer du Nord ou de la Baltique et ceux des côtes picardes et normandes.
Dans les premières décennies du XV siècle, La pêche à la morue devient prépondérante et incite les flotilles de pêcheurs à prospecter des zones de plus en plus à l'ouest de l'Atlantique septentrional.
En 1412, une vingtaine de morutiers basques sont observés au large de l'Islande. A partir de 1470, les expéditions furtives de pêcheurs européens vers les bancs de Terre-Neuve semblent se multiplier.
 

Quatre ans après le retour triomphal de Colomb, un navigateur italien Jean Cabot parti de Bristol, découvre officiellement en 1497 les côtes de l'Amérique septentrionale et rend compte de la prodigieuse richesse des eaux en bancs de poisson. Lors d'un deuxième voyage, Cabot appellera Baccallaos ces terres, du nom de grands poissons ainsi désignés par les " indigènes " (Indiens ou pêcheurs européens ?). Or les Basques nommaient déjà Bakailu la morue.
Dès les premières années du XV siècle, des ports portuguais, mais aussi normands, bretons et basques (Cap-Breton en 1512) arment pour les nouvelles terres : l'île de Terre-Neuve, le Labrador, les côtes qui bordent le golfe du Saint-Laurent et l'île du Cap-Breton. Ces précurseurs seront bientôt suivis par une flotte, inimaginable de nos jours, de bateux de pêche armés par des dizaines de port de la Manche et de l'Atlantique, lesquels veulent profiter de cette manne, une ruée vers la morue, l'or des eaux terre-neuviennes.
 

Ces premiers terre-neuviers sont des caravelles, dogres, galiotes, frégates, pinasses biscayennes, etc. Les Basques emploient alors principalement la caravelle, un vaisseau à poupe carrée et à quatre mâts verticaux. La traversée de l'Atlantique requiert deux mois environ.

La concentration des bancs de morue qui trouvent une nourriture abondante plus ou moins loin des côtes, conduit les premiers navires à pêcher dès le début du XVI siècle de deux façons, voire de ces deux manières à la fois :
- la pêche errante, les matelots pêchent à la ligne à main depuis le bord du navire, celui-ci étant normalement en dérive sur les bancs.
- la pêche sédentaire, signifie que le navire reste mouillé dans le même havre pendant toute la durée de la campagne qui s'échelonne du mois de mai à la fin de l'été.
Certains des équipages basques s'adonnent à une pêche mixte, morue et baleine.
Vers 1660, les premiers colons français s'établissent à Plaisance, sur les côtes sud-est de Terre-Neuve, qui ne tarde pas à devenir la "capitale " de la colonie -fief des Basques et des Malouins.
En 1713, les traités d'Utrecht, qui mettent fin à la guerre de Succession d'Espagne, font perdre à la France l'Acadie et toutes ses positions sur l'île de Terre-Neuve, dont Plaisance. La perte de ces colonies amène le Royaume à exploiter l'Isle Royale (île du Cap-Breton) et l'Isle de Saint-Jean (île du Prince Edouard), ou à développer la pêche au Labrador et en Gaspésie. Par ailleurs, les traités d'Utrecht accordent à la France un droit de pêche exclusif et de sécherie sur une partie des côtes est et ouest de l'île de Terre-Neuve, à condition que les pêcheurs français n'y aient pas d'établissement permanents et quittent ces rivages à la fin de la saison de pêche. Les limites de ce French Shore ou " Rivage Français " seront modifiées par le traité de Versailles en 1783, la partie occidentale étant prolongée vers le sud au détriment de la côte orientale du French Shore qui sera réduite.
L'essor des chemins de fer et la fin du XIX siècle entraîne une extension considérable des débouchés vers l'intérieur du pays. La demande augmente, et pour répondre à ces énormes besoins, les techniques de pêche doivent s'industrialiser - notamment avec l'utilisation des chalutiers à vapeur, dont le rendement apparaît nettement supérieur à celui des voiliers. A partir de 1906-1907, la concurrence entre les chalutiers et les voiliers débute réellement. Une vingtaine de chalutier sont envoyés à Terre-Neuve en 1909, plus d'une trentaine en 1920. Dès lors, la lutte tourne à l'avantage des vapeurs au détriment des trois-mâts et des goélettes. Equipés d'un moteur, les grands chalutiers mis en service vers 1930 ont un rendement moyen quatre à cinq fois supérieur à celui des voiliers.
Les navires-usines de haute technologie suppléeront ces chalutiers mais auront raison des bancs de poissons par une pêche trop intenssive et en appauvrissant les fonds. En 1992, les Canadiens devront décréter un moratoire en raison de la raréfaction de la morue. Un poisson qui, pendant cinq siècles avait fait vivre des centaines et des centaines de miliers de pêcheurs et d'habitants du littoral...



La vie à bord

L'hygiène est ce dont on se préoccupe le moins sur les navires, la morue prime tout; elle seule a droit aux soins les plus minutieux.
Le poste d 'équipage, à la fois réfectoire, salle de repos, fumoir et dortoir, où se mêlent toutes sortes de relent écoeurants, est en revanche d'une saleté répugnante. Sur les flancs du poste d'équipage, bas et étroit, sont disposés ses couchettes, appelées cabanes, sur deux ou trois niveaux, semblables aux lits clos des fermes bretonnes. Chaque couchette, dont la largeur varie de 0,80m à 1,50m, peut éventuellement se fermer par des volets. Elle est occupée par un matelot, voire par deux pêcheurs qui généralement s'y succèdent. La cabane n'est pas seulement une couche, mais sert aussi de cagibi où chaque homme y entasse sacs, vêtements de rechange, bottes, bouteilles et autres vivres personnels.
Le plat de base sur les morutiers est la soupe ou le rata de têtes de morue dans lequel on trempe des biscuits avec éventuellement des haricots ou des légumes secs. A partir du XIX siècle, on y ajoute des pommes de terre. Poisson sacré, la morue n'est servie entière que le vendredi.

Sur les voiliers en pêche, la seule journée de repos est le 15 août, la fête de Marie, vénérée par tous les marins. Ce jour-là, on pêche et travaille au moins tout le matin avant de chanter le soir des cantiques à la Sainte Vierge.

De nombreux navires sombrent, suite à des abordages, des collisions avec des icebergs (suite à la catastrophe du Titanic, de nombreux navires modifièrent leur route), des naufrages sur les côtes européennes, à leur retour ou sur le chemin de livraison de leurs morues, les tempêtes notamment pour les navires qui longent le littoral, ainsi que la vétusté de certains voiliers (trop laxiste, les contrôleurs des ports d'armement laissent partir des navires mal réparés après plus de vingt-cinq campagnes, ou de vieux long-courriers transformés en morutiers). Qui plus est, L'insécurité des mers obligent tout morutier partant vers le Grand Banc à s'armer.

L'assistance médicale débute dans la seconde moitié du XVIII siècle par la création de la Station navale avec ses navires militaires (les stationnaires), sur lesquels sont embarqués des médecins.



La rémunération des matelots

La rémunération de chaque homme embarqué sur un morutier dépend toujours du résultat final de la campagne et du prix de vente de la pêche. Les conditions d 'engagement peut-être au tiers, au quart ou au cinquième, c'est à dire que l'équipage se partagera ces mêmes proportions du revenu net de la pêche. Cette dernière somme représente le produit de la vente des morues, duquel l'armateur a déduit diverses cotisations, le montant des boissons, les frais d'un éventuel chasseur, le coût des "avaries communes" - tels des pertes de matériel, des dommages, des réparations diverses effectuées sur le navire - et autres dépenses.
Selon les conditions d'engagement, chaque homme reçoit des avances, réglées en une ou plusieurs fois, qui lui permettent de s'équiper et de fournir à sa famille quelques ressources pendant son absence. Ces avances seont déduites des sommes acquises par le pêcheur à son retour.

Aux termes d'une loi de 1897, pour percevoir sa pension de demi-solde versée par la Caisse des Invalides, un pêcheur, âgé d'au moins 50 ans, devait accomplir vingt-cinq année de navigation, puis à partir de 1905, vingt-cinq campagnes de de grande pêche, une campagne de six à huit mois comptant pour une année complète de navigation.


Le recrutement des équipages

Si les officiers et une minorité de matelots sont fils de marin ou eux-mêmes des pêcheurs côtiers, la plupart des hommes partant pour l'Islande ou Terre-Neuve sont d'origine rurale : journaliers, valets de ferme ou fils de fermier qui retrouvent les champs dès l'automne.
Les batiments basques qui se consacrent à cette pêche sur les côtes de Terre-neuve ou sur les rives du golfe du Saint-Laurent ont un équipage d'une cinquantaine d'hommes : un groupe est chargé de la pêche des poissons dans des chaloupes, l'autre s'occupe du traitement de la morue à terre. La cargaison de morue sèche est ensuite livrée dans les ports du sud de la France ou en Espagne.

Voici quelques Aniotzbehere ayant embarqué pour la pêche à Terre-Neuve

Nom du bateau

Armement

Désarment

Nom

Qualité et fonction à bord du batiment

Grade et paie au service

Taxe par Jour

Durée de la campagne

(mois , jours)

Montant de la taxe pour la campagne

Avances

La Liberté

Goëlette venant de Saint Pierre et Miquelon en 1817

Martin

Garçon de grave

mousse

0,45

9 , 5

 

 

L'Etoile

Goëlette venant de Bordeaux en 1817

Martin

Matelot

 

 

7 , 4

 

 

L'Etoile

Goëlette allant à Saint Jean de Luz en 1817

Martin

Matelot

 

 

 

 

60

L.'Etoile

Goëlette venant de Saint Pierre et Miquelon

Martin

Matelot

Matelot de 3eme classe

0,45

8 , 3

3 645

 

L'Amélie

Brick venant de Terre-Neuve

Martin

Matelot

Matelot de 3eme classe

0,45

7 , 9
(du 1er mars 1818 jusqu'au compris le 9 Octobre suivant)

 

 

La Pauline

Brick venant de Bordeaux en 1818

Martin

Matelot

 

0,45

15 jours

225

 

La Pauline

Brick allant à Port aux Choix en 1819

Jean

 

 

 

 

 

300

Cette page est tirée du livre intitulé "Cinq Siècles de Pêche à la Morue, Terre-Neuvas & Islandais" de Nelson Cazeils aux éditions Ouest-France, 1997 1