Voici deux moyens de transport extraordinaires dont vous n'avez certainement jamais profité... Il faut les moyens !
Imaginez une première merveille : 4 roues, 2 sièges et ... trois chauffeurs.
Nous voilà partis, tout le monde est content (pendant qu'on promène les petits, on n'essuie pas les boites de sardines ou autre corvée de vacances). Arrivé au niveau de la boucherie (descente de la Combe) les choses s'animent. Les chauffeurs lâchent le véhicule... Quelle merveille ! Quelle rigolade ! Essayez et vous m'en direz des nouvelles... Bien sûr, il y a 58 ans le revêtement de la route n'était pas ce qu'il est aujourd'hui ... Justement ?
Vous avez deux bébés hilares, trois enfants qui courent, courent, pour rattraper la poussette et tout le monde de rire à s'en étouffer.
Surtout ne le répétez pas... Si maman savait ! Et que dirait papa ?! ?
Autre moyen de transport assez judicieux , qui s'appelle : " transport à chat ". Il faut : 1 grand frère, des parents pressés et des jumeaux plus ou moins décidés à obéir vite.
Les parents : Allons, c'est l'heure, il faut rentrer !
Vous savez ce qu'est l'heure, à 2 ou 3 ans ? ! ?
Alors, le grand frère arrive : Dépêchez
vous, c'est l'heure du repas !
Aux jumeaux de jouer : surtout, ne pas bouger. Mettre assez de mauvaise volonté, tout en prenant un air implorant et dire : A chat ! A chat !
Le grand frère ne peut que craquer, prendre dans la main droite les bretelles dans le dos de Jean et dans la main gauche, les bretelles dans le dos de Pierre ... formidable !...
Honoré Mollier
C'était juste après notre service militaire, au début de notre vie professionnelle. Nous étions tout deux célibataires. Jean habitait Cannes et moi Paris, dans un immeuble avenue du Maine, chez madame Fauquembergue.
Un jour, Jean vient me voir sans savoir à quel étage je logeais. Il frappe donc à la porte du concierge et lui demande :
' Pouvez-vous me dire à quel étage habite madame Fauquembergue ? '
Et le concierge lui claque la porte au nez. Bizarre non ? Jean, sans se démonter, frappe de nouveau à la porte. Le concierge réapparaît, furieux. Même question. Et cette fois, une réponse :
'Mais, vous le savez bien, puisque vous y habitez !'
Et Jean a dû trouver les mots pour le convaincre que nous étions deux, pareils.
En tout cas, il a dû monter les escaliers quatre à
quatre puisqu'il rigolait encore en arrivant, et c'est bien sûr
la première chose qu'il m'a racontée.
Pierre Mollier
Pour conserver des clientes, notre père leur avait acheté deux chevreaux de lait, de misère serait plus juste.
Le plus gros a fait un piètre repas. Le deuxième, petit, maigre et bègue, mais joli, noir et blanc a été récupéré par les jumeaux qui l'ont nourri de bouts de pain et légumes. A table, il se disputait leurs faveurs avec la chatte.
Le matin, à 4h30-5h, en partant faucher, nous l'emmenions, lui et la chèvre blanche. Avant de nous suivre, Cabi montait sur les caisses de susco, sous la fenêtre de la chambre, debout sur les pattes arrières, les pattes avant contre le mur et cou tendu vers la fenêtre. Au premier bêlement les Jean-Pierre sautaient du lit et bondissaient à la fenêtre pour dire bonjour à Cabi.
Je crois que Cabi a été leur plus beau jouet.
Louis Mollier
Un certain jour de 1962, Carla m'attendait chez Tante Jo. Lorsque la sonnette de la porte retentit, Carla se précipita pour aller ouvrir et sauta au cou de .... Pierre.
Pierre s'empressa de répliquer : 'Bonjour ! Ca va ? Tu as passé une bonne journée ?'
Sur ce, elle me vit arriver derrière lui, d'un air innocent, et, confuse, ne pipa mot.
Quelques instants plus tard, nous prenions l'apéritif.
Pierre était sur la terrasse accoudé à la
balustrade. Carla s'approcha et le prit délicatement par
l'épaule..... Et jura qu'on ne l'y reprendrait plus.....
Jean Mollier
" Les Jean-Jacquaines " étaient trois vieilles filles, elles demeuraient au village du Praz. Elles possédaient quelques vaches et une chèvre.
Au printemps, cette charmante chèvre donna naissance à trois chevreaux, trois prématurés, dont deux étaient si malingres que 'Fofina' l'une des trois Jean-Jacquaines pensant qu'ils n'allaient pas survivre les apporta chez nous pour en utiliser la peau.
C'étaient les années de guerre, Louis et Honoré occupaient leur temps à chamoiser les peaux de chèvres, de moutons, de veaux...
Papa tua le mieux portant des chevreaux et on le mangea..., beaucoup d'os à sucer. L'autre qui n'avait rien à nous donner à sucer eu la vie sauve, son allure squelettique lui prolongea la vie.
Bien vite, il devint le jouet préféré de Jean et Pierre. Ils l'appelèrent 'Cabi', sa robe était blanche et noire, d'un noir bleuté, sa queue, ses oreilles et le bout du nez étaient noirs, ainsi que les sabots. Ils se mirent à le chouchouter, à le dorloter et à lui donner si bien à manger qu'il commença à se tenir sur ses jambes, à gambader, et à suivre Jean et Pierre.... Ils étaient devenus les parents adoptifs. Chacun son tour, sans se jalouser, ils lui donnaient le biberon. Cabi se régalait, se mit à pousser, il devint sortable... c'est alors qu'ils lui servirent plusieurs fois par jour des 'tartifles' cuites pilées dans du lait tiède. Les gens du village et les passants l'admiraient tellement il était minuscule. 'na vieta crévaora'.
Bien vite il put rejoindre au champ la chèvre blanche. Pour avoir un peu de lait l'été, Papa avait acheté une chèvre à la foire de printemps à Albertville. C'était une belle chèvre blanche, avec une longue barbichette et des grandes cornes. Ses cornes lui servaient de défense et d'attaque contre les femmes. Elle avait une allergie à cette sorte de créature... qu'en aucun cas elle ne leur donnait son lait. Elle le savait, elle avait une si belle tétine, elle en était fière, des magnifiques trayons qui ne pouvaient être palpés que par une main d'homme !... aussi dés qu'une femme s'approchait, sa crinière se hérissait, sa 'ratelle' était comme atteinte d'une spondylathirie et d'un magistral couip de corne, la belle dame était repoussée.
C'était au varnay d'Entre deux Nants que Biquette et Cabi allaient paitre...et entre temps c'était avec ses jeunes parents que Cabi passait ses récréations. Partout il les suivait, jusque dans la cour de l'école, et ne rentrait à la maison que pour attendre la sortie des classes. Parmi tous les écoliers, Cabi ne se trompait pas, c'étaient Jean et Pierre qui avaient les honneurs. Ils étaient inséparables. Quand Jean et Pierre étaient en cuisine, Cabi était là, il montait sur les chaises et même sur la table au grand mécontentement de maman, qui en supportait beaucoup car c'était Cabi..., c'était Jean et Pierre... De tout temps les parents ont été plus indulgents avec les derniers.
Le matin en partant au champ, Cabi allait bêler sous la fenêtre de la chambre de Jean et Pierre pour les réveiller et afin de
mieux se faire entendre, il montait sur les caisses de Saxo qui
se trouvaient contre le mur. Lorsqu'il pouvait, Cabi visitait le magasin et ne se gênait pas d'attraper au passage une grappe de raisin.
Un dimanche après midi, alors que nous collions des tickets (en temps de guerre, il existait des tickets de rationnement qu'il fallait découper et coller par catégorie sur des feuilles bien distinctes), Cabi était encore monté sur une chaise et s'était emparé d'une feuille de tickets fraîchement collés qu'il allait déchiqueter. Mais papa le rattrapa vigoureusement et lui administra une bonne correction sous les yeux attendris de Jean et Pierre.
Cabi n'était plus le petit jouet, le petit bébé que l'on portait dans les bras. Il s'amusait à égalité avec Jean et Pierre. C'est lui qui, attaché au " Barotin ", traînait l'un et l'autre. Les enfants du village voulaient tous monter sur ce char à quatre roues que Cabi entraînait à toute vitesse autour de l'église et du clocher. C'était la joie des enfants, la curiosité des parents.
L'automne arrivait, Biquette et Cabi furent mis en pension chez la marraine de maman : " Mélie à Jacquin ". C'était un moyen de faire oublier à Jean et Pierre leur compagnon avant la séparation définitive qui s'annonçait douloureuse. La chèvre et le cabri étaient destinés à la fourchette l'hiver venu. L'automne se passa sans trop de difficulté. De temps en temps, le dimanche après Vèpres, une visite à Cabi remontait le moral.
Mais le jour J ne fût pas sans surprise... Un ami Jozet à Grelin qui passait son hiver à mettre les cochons en saucisses fut choisi pour effectuer la triste opération. Toutes précautions avaient été prises pour que Jean et Pierre ne se doutent de rien. Un lundi de bon matin, pendant que Jean et Pierre étaient à l'école, Jozet après s'être signé, fît l'affaire...avec un serrement de cœur car il se mettait à la place des enfants quand ils apprendraient la nouvelle. La peau de Cabi fût cachée, ainsi que tout ce qui pouvait être suspect.
Lorsque Jean et Pierre revinrent de l'école et qu'ils virent Biquette en morceaux, ils s'inquiétèrent du sort de Cabi et demandèrent " où est Cabi ? " Quelqu'un répondit " Cabi est resté chez Melie à Jacquin, il se porte bien ".
On avait mis les abats dans un " Govet ",
baquet de bois. Pierre, méfiant, d'un œil attentif,
recensait ce qu'il y avait dans ce govet. Tout d'un coup il s'exclame :
" qu'est-ce que c'est que ça ? "
, il brandissait la " cornieula " de la chèvre.
Jozet de répondre : " mais mon petit, c'est
la cornieula de la chèvre. "
Jean surpris " mais il y en a une autre ? .... "
Et Jozet ne perd pas son sang froid, et répond " elle
en avait deux ... "
Depuis sa mort Biquette a été la chèvre à
deux cornieulas ! ...
Si Biquette avait deux cornieulas, Cabi n'avait qu'une peau, chamoisée
par Louis ou Honoré, qu'est elle devenue ?
Si l'un a eu la peau, l'autre n'a pas eu de pot ! ...
Félix Mollier
Mes parents m'avertissaient de l'arrivée d'une petite sœur que j'allais chez la sage-femme, sur les quais, tout près de la rue Bugeaud où nous habitions alors. Elle partageait ma chambre, puis a pris, très tôt, tout naturellement, avec moi, le chemin de l'école Jeanne d'Arc.
Là, elle a aussi appris à jouer du piano pour m'accompagner au violon. Pourtant, je n'ai pas le souvenir d'avoir souvent joué avec elle. Il faut dire que sœur Marie-Rose avait une méthode bien particulière pour nous faire aimer la musique : les coups de règle sur les doigts ! ! !
Un jour, elle a du garder la chambre pendant un temps qui m'a paru très long. Dès mon retour de l'école, je devais lui tenir compagnie, nous en avons donc profiter pour faire de gros progrès au jeu de dames ! ! j'en avais parfois assez, mais l'alternative ne valait guère mieux : servir au magasin ! !
A partir de cette période, on la considérait comme fragile : " Nicole, ne quitte pas ta chemise de laine ; Nicole, mets ton gilet ". Pourtant, toujours à 4 ans d'intervalle, elle a suivi, et même brillamment le chemin du collège, de la faculté...
Une sœur, ce n'est pas toujours drôle quand on est petit : il faut partager, il faut faire " avec ". Mais plus tard, quel bonheur de savoir qu'il y a toujours quelque part une oreille attentive, prête à vous aider à faire le point...
Marcelle Pouillard
Que diriez-vous si, à 5 ans, de retour à la maison, vous vous voyiez renvoyée chez votre tante pour coucher le soir ? Tout ça, parce que deux petites crevettes avaient indécemment pris votre place dans votre lit ? ? ? Pas très positif, cette première rencontre ! ! ! Et croyez-en la mémoire d'une grande sœur, 60 ans plus tard... A proscrire par tous les parents, quelles que soient les conditions passées, présentes et à venir...
Pourtant, quelques années plus tard, qui est-ce qui habillait généreusement deux petits frères turbulents ? La même grande sœur dévouée (accessoirement, il faut dire, qu'il n'y en n'a qu'une ! ! !). C'est d'ailleurs cette dernière attention que gardent précieusement en mémoire lesdits rejetons, avec quelques vestiges tricotés, encore en activité, paraît-il.
Témoignage de Madeleine Blanc
- leur maman -
A cinq ans Jean et Pierre cherchaient déjà le Plaisir... Ils sniffaient sur les bidons de soxolène.
C'étaient des bidons de 5 litres, " du pétrole que les parents vendaient aux montagnards pour l'éclairage ". Ils n'hésitaient pas à déboucher les bidons pour les respirer et les aspirer.
N'oublions pas non plus, leur premier amour commun : un petit cabri noir et blanc, très docile. Il n'a jamais pu grandir, trop tourmenté à traîner le " Barotin ". A sa disparition, malgré " deux corgneules ", il leur fit couler beaucoup de larmes.
Emile Mollier
C'était le 14 Juillet 1970. Avec les enfants de Pierre
et les miens, nous allions à la cérémonie
du monument au morts à Boissise le Roi.
Durant la cérémonie, un gars d'IBM vint me parler en me prenant pour Pierre. Je ne le détrompais pas, et la matinée se passa. Au retour, il me vit déposer les enfants chez Pierre et partir vers l'avenue du Bel Air. Surpris, il me rejoint et je lui expliquai donc qu'il avait fait une confusion entre Pierre et moi.
Déconcerté, il me jura bien de ne plus s'y faire
prendre.
Le lundi suivant, je partai en formation à Paris. Je pris donc le train et me retrouvai avec le même gars d'IBM dans le train. Celui-ci s'approcha de moi et commença à me raconter : 'Vous savez le 14 juillet , j'ai pris votre frère pour vous et je lui ai parlé toute la matinée, et ce n'est qu 'en partant que je me suis aperçu de mon erreur........'
Ne voulant pas le gêner une nouvelle fois, je lui rétorquais aussitôt : 'Je ne suis pas Pierre, je suis Jean', mais il ne voulut rien entendre.
Ce n'est qu'en cours de journée, que persuadé par d'autres collègues au même cours que nous, qu'il voulut bien se rendre à l'évidence, je n'étais pas Pierre.
Dégoutté, il repartit à nouveau en jurant
que l'on ne l'y reprendrait plus
Jean Mollier