Les origines du Programme de l'eau et de l'assainissement remontent à 1978, au moment où le PNUD et la Banque ont entrepris de coopérer à la promotion de techniques d'assainissement et d'alimentation en eau peu onéreuses à l'intention des personnes défavorisées vivant dans les régions rurales et dans les régions urbaines à ressources économiques restreintes. Au cours des années qui ont suivi, par l'entremise d'une série de programmes et de rencontres internationales, l'importance accordée à la recherche technique sur le matériel comme les pompes manuelles a diminué, et l'accent a davantage été mis sur la façon d'améliorer la situation avec la participation des collectivités. Un tel changement d'approche a mené à la prise de conscience que la tâche ne pourrait pas être accomplie sans un bon cadre stratégique ni une planification et une préparation efficaces des projets, et que le Programme devait soutenir les collectivités et les gouvernements étrangers à cet égard. En plus de la nécessité évidente de réunir l'expérience et les compétences dispersées entre les divers programmes, le changement d'approche a entraîné en 1987 le fusionnement d'un certain nombre de projets en un Programme de l'eau et de l'assainissement unique.
Depuis sa création, le Programme a vu sa mission évoluer, et il peut maintenant se targuer de renforcer les capacités des collectivités afin de leur permettre de subvenir à leurs propres besoins. Son objectif principal demeure les personnes défavorisées vivant dans les régions rurales et dans les régions urbaines à ressources économiques restreintes. Toutefois, ses projets sont de plus en plus structurés de façon à encourager les investissements dans le secteur de l'eau et de l'assainissement en aidant les collectivités et les gouvernements à développer leur capacité de résoudre les problèmes, à considérer l'eau comme un bien économique et public, et à faire participer tous les intervenants à la sélection, à l'exploitation et à l'entretien des systèmes. Le Programme a suscité un soutien généralisé et a effectué des contributions importantes dans de nombreux pays. L'équipe d'évaluation recommande sans réserves que le Programme soit poursuivi et qu'il joue un rôle important au sein du Partenariat mondial pour l'eau. Il existe toutefois plusieurs secteurs de préoccupation, et plusieurs modifications doivent être envisagées.
Au début de son évaluation, l'équipe a constaté deux problèmes importants. Tout d'abord, les objectifs qui ont été fixés pour le Programme sont exceptionnellement larges et ambitieux. Disposant d'un personnel restreint et de ressources financières décroissantes, le Programme doit accomplir beaucoup à l'aide de moyens insuffisants. Tout aussi important, il n'existe aucune définition précise de la façon dont le Programme doit être évalué, ni de la façon dont la direction ou les organismes donateurs peuvent démontrer que ses objectifs sont atteints ou non. À mesure que le travail de l'équipe d'évaluation progressait par l'entremise de rencontres, de visites dans neuf pays et d'un questionnaire qui a été rempli par un grand nombre de personnes concernées par le secteur de l'eau et de l'assainissement, d'autres problèmes ont fait surface. Par exemple, bien qu'il existe des exceptions notables, la direction et le personnel du Programme n'effectuent pas un travail adéquat quant à la transmission des expériences d'une collectivité à l'autre. Par ailleurs, le personnel du Programme se trouve isolé; il observe rarement ce qui se passe autour de lui pour tirer profit des méthodes et des techniques utilisées par d'autres personnes engagées dans des activités semblables.
Pour évaluer un programme qui ne dispose pas de moyens lui permettant de mesurer le succès de sa mission, l'équipe d'évaluation a utilisé divers documents provenant du Programme pour formuler cinq énoncés décrivant la situation souhaitée à la fin de chaque projet, puis a tenté de déterminer les progrès réalisés dans la poursuite de chacun des objectifs. Voici les objectifs du Programme et les grandes lignes des conclusions de l'équipe d'évaluation :
1. Les capacités nationales et locales, des collectivités jusqu'aux ministères gouvernementaux, ont été renforcées. Les mesures visant à renforcer les capacités comprennent l'accroissement de la formation et des compétences actives, y compris une plus grande attention à la problématique homme-femme; la création et le soutien de réseaux de formation nationaux reliés en réseaux régionaux et interrégionaux; et le recrutement d'un personnel national qui occupera des postes régionaux et à l'intérieur de chaque pays. Dans bien des pays, le Programme a renforcé les capacités nationales et locales dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. Toutefois, il existe souvent un écart entre l'intention et la mise en oeuvre. Les décisions relatives aux projets sont prises par des organismes donateurs et des fonctionnaires qui ne connaissent pas toujours les désirs ni les besoins des collectivités. Il arrive fréquemment que les responsabilités des ministères et des organismes se chevauchent et entrent en conflit, une situation que les directeurs de projets tentent parfois de corriger en proposant une structure parallèle d'organisations non gouvernementales (ONG). Le Programme doit réexaminer ses efforts afin de renforcer les capacités à tous les échelons; il doit également élaborer et faire connaître des modèles qui permettront aux utilisateurs d'apprendre à mieux gérer les systèmes en ayant recours à une aide extérieure minime. Le Programme doit également mettre davantage l'accent sur la participation de l'ensemble de la collectivité, particulièrement des femmes, sur qui retombe souvent la plus grande partie du fardeau créé par les installations inadéquates.
2. Les pays participants ont accompli des progrès considérables en matière de politiques et de stratégies sectorielles en s'éloignant de l'approche du sommet à la base instaurée par les gouvernements et en adoptant des méthodes décentralisées de la base au sommet axées sur la demande, qui rendent légitimes diverses options pour la prestation de services aux personnes défavorisées. Le plan de travail du Programme pour la période de 1991 à 1995 comprenait des projets visant l'élaboration de politiques dans 16 pays, de stratégies dans 22 pays, et de plans concrets dans 24 pays. Le Programme a réalisé avec succès une bonne partie de ces projets. Il a contribué à l'élaboration de politiques et fourni une aide en matière de planification à l'échelle nationale, régionale et municipale, et a participé à la planification de missions portant sur des questions précises, comme les investissements et la participation des femmes. L'adoption et la mise en oeuvre de tels plans a toutefois largement varié. Dans certains cas, comme au Ghana et au Bénin, des politiques ont été mises en oeuvre. Au Pakistan, la mise en oeuvre se fait lentement. Le Programme doit déterminer les causes des écarts et des retards entre les plans et les mesures adoptées. Il doit également créer un groupe chargé d'effectuer des études de cas illustrant les moyens que prennent les pays et les collectivités pour atteindre leurs objectifs. De plus, il doit parrainer des visites officielles pour que les politiciens et les administrateurs sectoriels d'un pays qui ne dispose pas d'un cadre stratégique puissent visiter un pays qui s'en est doté et tirer profit d'une telle expérience.
3. À la suite d'intrants du Programme, des améliorations d'ordre qualitatif ont été apportées dans la conception et la mise en oeuvre de projets d'investissements durables d'envergure visant les personnes défavorisées des régions rurales et urbaines, projets qui ont été financés par la Banque mondiale, les banques de développement régionales et d'autres organismes donateurs. Bien qu'il ait laissé passer des occasions et que ses efforts en vue d'attirer des investissements d'entreprises privées aient échoué, le Programme a eu un effet positif sur les investissements dans le secteur. Il s'est avéré d'une aide inestimable dans la coordination et la coopération des organismes donateurs et a influencé la méthode de conception des projets de la Banque mondiale et d'autres institutions. Il a élaboré de nouveaux procédés de financement communautaires ainsi que des stratégies qui ont généré de nouveaux investissements. Le Programme peut toutefois jouer un rôle plus concret dans la coordination et la rationalisation de plans pour les projets. Certains organismes donateurs bilatéraux sont d'avis que les groupes régionaux de l'alimentation en eau et de l'assainissement, par l'intermédiaire desquels le Programme s'acquitte de la plus grande partie de ses fonctions, ne sont pas suffisamment liés à leurs programmes ou aux programmes d'autres organismes donateurs. L'équipe d'évaluation croit que le Programme doit jouer un rôle plus précis et stratégique, et qu'il pourrait ainsi contribuer à faire augmenter le taux des investissements. Il doit accorder la priorité à l'élaboration de programmes d'investissements aux échelons inférieurs : propositions, mécanismes de financement ainsi que projets pilotes et de démonstration. Il doit en outre préconiser le financement de programmes pilotes par la Banque et par les banques de développement régionales, parce que de tels programmes sont les précurseurs essentiels des projets plus importants et plus onéreux.
4. Un processus d'apprentissage systématique a été élaboré et adopté de façon officielle dans la plupart des pays participants en vue d'éprouver de nouvelles méthodes liées au développement sectoriel, de surveiller les résultats et de les réintroduire dans le processus de développement sectoriel. C'est là le point le plus faible du Programme. Peu d'attention est accordée à l'apprentissage systématique, et les questions et les thèmes qui seront étudiés au cours d'un projet à long terme pour permettre aux participants de progresser et d'améliorer le projet ne sont pas définis de façon systématique. Il existe également une réticence à étudier le travail des autres et à en tirer des leçons. Par ailleurs, le Programme n'a pas bien utilisé ses agents d'information, et les restrictions budgétaires ont davantage entravé la publication et la diffusion de l'information. Les leçons tirées des projets n'ont pas été communiquées de façon générale. Même lorsque des rapports ont été publiés sur le transfert de modèles pouvant être reproduits, aucun effort systématique n'a été accompli en vue de déterminer si le matériel est utile ou utilisé de façon efficace.
5. La coordination sectorielle a été grandement améliorée. Le Programme a eu un effet favorable sur la coordination sectorielle dans les pays participants grâce à la coopération de divers organismes et organisations à des projets précis. Généralement perçu comme un organisme indépendant entretenant une relation privilégiée avec la Banque mondiale, le Programme peut servir d'intermédiaire pour une communication officieuse et rassurante entre les organismes gouvernementaux d'un côté et les organismes communautaires et les entreprises privées de l'autre côté. Il n'a toutefois pas exploité cet avantage à fond. Il n'a pas souvent été à l'origine de projets de coordination internationaux. Par ailleurs, plusieurs organismes gouvernementaux et non gouvernementaux soutiennent que le Programme ne fait pas suffisamment appel à leur participation ou à leur coopération. Entre autres mesures, le Programme doit prendre davantage l'initiative en faisant la promotion de la coordination et de la communication entre tous les intervenants du secteur, surtout en ce qui a trait à la création d'organismes régionaux qui devrait avoir lieu à l'intérieur du Partenariat mondial pour l'eau. Il pourrait en outre définir de façon précise son propre rôle dans le secteur, encourageant ainsi d'autres organismes, dont l'UNICEF, l'OMS et les banques régionales, à définir leur rôle respectif.
Une partie du mandat de l'équipe d'évaluation était d'examiner le mode de gestion et de dotation en personnel ainsi que la structure du programme. L'équipe a constaté une pénurie de personnel au siège ainsi que dans certaines régions, un manque de motivation, un roulement élevé du personnel et la nécessité d'effectuer un examen complet des politiques, des procédures et du style de gestion. Pour devenir le porte-étendard du nouveau Partenariat mondial, le Programme doit être amélioré le plus vite possible.
L'équipe a présenté un certain nombre de recommandations à cet égard. En voici quelques-unes :
· Le Programme ne disposait d'aucun énoncé de mission à part celui qui a été élaboré par l'équipe d'évaluation elle-même. Un énoncé doit être élaboré et adopté.
· Aucun bilan n'a été effectué, même à la fin de l'année financière, pour comparer les progrès réalisés aux plans de travail. Le rendement doit être examiné en regard des objectifs tous les semestres, si ce n'est tous les trois mois.
· Des moyens de déterminer si les activités du Programme permettent d'améliorer la vie des personnes défavorisées doivent être élaborés et diffusés.
· Les politiques relatives au personnel, qui sont actuellement élaborées en fonction des règlements de la Banque, de même que les méthodes et les procédures de travail, doivent être mieux adaptées aux tâches et au style du Programme.
· Les possibilités de perfectionnement professionnel offertes aux membres du personnel doivent être améliorées.
· Les groupes régionaux doivent être renforcés et même devenir des centres de compétences sectorielles spécialisées, et investis de certaines responsabilités en matière d'appel de fonds et de liaison avec les organismes donateurs dans leur région.
· La dotation en personnel, la structure et les systèmes doivent découler de la stratégie et des priorités.
Les administrateurs du Programme ont tenté de limiter les dépenses, mais ils n'ont pas réduit les activités suffisamment ou assez rapidement pour compenser la baisse de financement. En 1995, le Programme a été confronté à un manque à gagner important dans son budget pour l'exercice en cours. Principalement à la suite du soutien de quelques nouveaux organismes donateurs, le Programme a été en mesure de combler le manque à gagner et pourra ainsi poursuivre ses activités au rythme actuel jusqu'à la fin de 1996.
En plus des limites évidentes imposées aux activités, les problèmes de financement ont entraîné une baisse de motivation au sein du personnel, un taux de roulement élevé et une perception répandue parmi les membres du personnel selon laquelle le Programme ne reçoit pas tout le soutien de la Banque. Entre autres difficultés, il est fréquent que des travailleurs soient financés à l'aide de fonds alloués à des projets à court terme. Certains membres du personnel ne savent jamais s'ils pourront conserver leur poste. Une autre conséquence sérieuse est le temps que doivent consacrer les membres de la direction au financement. Les gestionnaires occupant les postes clés doivent consacrer jusqu'à la moitié de leur temps à des activités liées aux appels de fonds.
Le Partenariat mondial pour l'eau sera confronté aux même problèmes de financement que le Programme. Les planificateurs du Partenariat ont proposé que ce dernier finance ses activités à l'aide d'un fonds voué à l'alimentation en eau qui serait à la portée de n'importe quel organisme donateur et en mesure d'attirer un financement de diverses sources. Le Partenariat ne sera toutefois pas établi avant le mois d'août 1996. Dans l'intervalle, le Programme doit trouver du financement. L'équipe recommande d'adapter le concept du fonds voué à l'alimentation en eau, dont l'importance serait basée sur une stratégie adoptée par tous les organismes donateurs, et d'utiliser une partie du fonds pour couvrir les dépenses de base associées au programme de communication des connaissances à l'échelle mondiale. Étant donné les répercussions qu'a le Programme sur la capacité des pays de réaliser et de soutenir des projets d'envergure comme ceux que finance généralement la Banque mondiale, l'équipe suggère à cette dernière de contribuer de façon active à la recherche d'un soutien financier pour le Programme.
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Écrivez-moi : Lucie Bellemare.
Dernière mise à jour : Le 16 décembre 1997