(...)
Adore ton métier, c'est le plus beau du monde !
Le plaisir qui te donne est déjà précieux,
Mais sa nécessité réelle est plus profonde :
Il apporte l'oubli des chagrins et des maux.
Et ça, vois-tu, c'est encore mieux -
C'est mieux que tout, c'est magnifique et tu verras,
Tu verras ce que c'est qu'une salle qui rit,
Tu l'entendras.
Ça, c'est unique, mon chéri.
Oh ! Le bruit que ça fait, tu verras, c'est très beau.
Imagine un très grand silence :
On vient de lever le rideau.
Un silence absolu, complet...
On entendrait voler un imprésario !
Soudain, tu viens de faire une chose qui plaît,
Un geste inattendu, comique... et ça commence
Tout à coup !
Car ça commence d'un seul coup.
Et voilà
Le silence rompu qui vole en mille éclats !
Le public s'abandonne à l'immense rafale
Qui gronde et le secoue -
Et le rire au galop qui traverse la salle
Emporte tout,
Les chagrins, les soucis
Et les peines.
Et comprends bien ceci,
Comprends que c'est pour ça qu'ils viennent.
A ceux qui font sourire on ne dit pas merci -
Je sais, oui, ça ne fait rien,
Sois ignoré.
Va donc laisser la gloire à ceux qui font pleurer.
Je sais bien qu'on dit d'eux qu'ils sont " les grands artistes " -
Tant pis, ne soit pas honoré.
On n'honore jamais que les gens qui sont tristes.
Sois un paillasse, un pitre, un pantin - que t'importe !
Fais rire le public, dissipe son ennui,
Et, s'il te méprise et t'oublie
Sitôt qu'il a passé la porte,
Va, laisse-le, ça ne fait rien,
On se souvient
Toujours si mal de ceux qui vous ont fait du bien !
Mais, peut-être qu'un jour alors tu connaîtras
Ce bonheur ignoré de la gloire éphémère,
Ce bonheur qu'on n'achète pas -
Oui, peut-être qu'un jour tu seras populaire !
Et ça, vois-tu, c'est presque aussi bon que l'amour.
(...)