Interprètes:
Sacha Guitry, Jean Perier, José Squinquel, François Rodon, Maurice Schutz, Louis Gauthier, André Marnay, Louis Maurel, Bonvallet, Gaston Dubosc, Lurville.
Durée: 75 mn. Sortie : le 20 septembre 1935 au cinéma Colisée - Paris.
L'histoire :
Pasteur a une passion: la recherche scientifique. Il est à contre-courant de son temps, ses idées sur l'existence d'un infiniment petit contre lequel on peut lutter par l'asepsie se heurtent au conformisme et aux préjugés. La solitude est donc son lot quotidien. Mais sa foi en la science le mène à un combat acharné.
Extraits des dialogues du film.
Critiques anciennes et récentes :
Conscient des différences qui existent entre le cinéma et le théâtre, il veut distancier le lieu
corrolaire de la pièce... Il se présente comme le conteur. Il ouvre l'histoire de Pasteur par
l'image de Sacha Guitry, assis à son bureau. Il écrit et nous dit à voix haute les mots qu'il
trace et qui introduisent son récit. Nous retrouverons ce dispositif dans plusieurs de ses films.
Il n'est jamais la mise en prudence d'une parole, mais l'affirmation d'une méthode pour dire et
montrer. Sans être véritablement un prologue, cette séquence d'ouverture de Pasteur prépare le
spectateur à une déformation du vrai (discours officiel), pour mieux cerner le réel (celui qui
dépasse l'anecdote, et les anecdotes, tout en les exhibant comme révélateurs du sujet). Pour cela,
il transforme la panoplie commode en signes nécessaires et documentaires. Tout en nous assurant
de son respect pour le savant, il nous donne à voir des films et des photos. Il clarifie sa
passion. D'entrée, il s'impose comme un bateleur soucieux de rendre aux Français leur patrimoine
par d'autres voies que celles empruntées par les historiens et les enseignants. Il applique les
conceptions qu'il a déjà énoncées sur la transmission du savoir. Il désire communiquer son amour
et son respect aux autres. Puisque son film est tiré d'une pièce de théâtre, il en conserve la
structure (suite de fragments de vie) et s'en sert pour imposer son discours, espérant que la
forme nouvelle qu'il lui fait prendre n'en décalera rien de précieux. D'où ce sens de l'ellipse
et sa méfiance des inserts que d'autres utilisent paresseusement pour aérer les scènes. Dès
Pasteur, il fait ce qu'il réussissait en travaillant le texte des pièces : il pense les
images hors des digressions temporelles et bavardes. Inconsciemment peut-être, il bâtit avec ce
film la plate-forme d'un cinéma qu'il tentera de réinventer sans cesse au cours de sa carrière.
Quant au sujet premier, c'est le même qu'en 1918. Montrer un homme qui ne cesse de travailler en
refusant les règles inutiles que d'autres ont établies par prudence et corporatisme. Prouver
qu'on trouve, là où personne ne veut chercher. Bref, il raconte Sacha Guitry tel qu'il voudrait
qu'il soit en incarnant un Pasteur tel qu'il fut. D'ailleurs, lors d'une présentation du film
devant les élèves des écoles de Vincennes, il concluera son discours par cette profession de foi :
"Je ne suis pas vieux et je vous donne ma parole d'honneur que la seule chose qui puisse,
infailliblement, vous donner du bonheur, c'est le travail".
Il existe une autre rive d'où regarder ce film : celle où se profile Lucien Guitry. Car Sacha
joue aussi le rôle de son père dans le rôle du savant. Il se réincarne dans l'image de Lucien.
C'est une possession lucide. Il ne s'est pas fait la tête de Pasteur, mais celle de son père
maquillé en Pasteur. Réflexe logique. Il déclare filmer ses pièces pour faire durer éternellement
le jeu des comédiens. C'est sa valeur-refuge, ambiguë à l'excès puisque ses films ne reflèteront
personne d'autre que lui et sa troupe. En faisant Pasteur, il se nomme apprenti sorcier. Il fixe
sur la pellicule le jeu de son père qu'il mime à la perfection. Il respecte ainsi le modèle
initial de l'avant-spectacle (Pasteur) et celui de l'après-création (Lucien). Le film est bien
documentaire sur l'un et l'autre. Et cela permet d'ailleurs au fantaisiste Sacha de s'imposer
comme acteur dramatique. Cependant, le fantôme de Lucien sur l'écran le poursuivra de nombreuses
autres fois.
Noël Simsolo, Cahiers du Cinéma, 1988.