FAISONS UN RÊVE

              


Production : CINEAS (Serge Sandberg)
Scénario original et dialogues : Sacha Guitry, d'après sa pièce Faisons un rêve..
Réalisation : Sacha Guitry.
Chef opérateur : Georges Benoît.
Décors : Robert Gys.
Son : Joseph de Bretagne. - Montage : Myriam. - Musiques : Jacques Zarou.
Directeur de production : Serge Sandberg.

Interprètes:
Sacha Guitry, Raimu, Jacqueline Delubac, Andrée Guize, Robert Seller, Louis Kerly, Victor Boucher, André Lefaur, Arletty, Claude Dauphin, Marguerite Moreno, Michel Simon, Pierre Bertin, Jean Coquelin, Gabriel Signoret, Rosine Deréan, Marcel Levesque.

Durée : 76 mn. Sortie : le 31 décembre 1936 au cinéma Marignan - Paris.

L'histoire :
L'amant a oublié de se réveiller et, fidèle à son sens de l'honneur, il propose à sa maîtresse de l'épouser. Mais le mari de l'infidèle se présente. Lui aussi a découchè. L'amant conseille au mari volage de partir en voyage en province et d'envoyer un télégramme à son épouse pour justifier son absence...


Extraits des dialogues du film.

Critiques anciennes et récentes :

Caractère du film : Faisons un rêve est adapté d'une des plus anciennes, une des premières pièces de Sacha Guitry, et sans doute une très ingénieuse, poétique et charmante oeuvre. Trois personnages seulement : le mari, la femme, l'amant. Et un divertissement naît de ce simple trio, entre quatre murs où se développent la séduction de l'amant et l'éblouissement de la femme. Faisons un rêve possède un texte exquis, et ce film sera "écouté" plus encore que vu par une immense clientèle, composée de ceux qui aiment Guitry envers et contre tout, et aussi de ceux que Le roman d'un tricheur a ralliés à lui, et qui ne seront pas déçus par ce tour de force qu'est Faisons un rêve, ouvert par un spirituel dialogue, joué par 15 artistes de première grandeur.
Technique : on n'imagine rien de plus charmant et d'inattendu que ce générique baigné de musique tzigane, puis ce prologue qui réunit au domicile du mari et de la Femme des invités qui sont tous joués par des vedettes du premier plan. La suite du film n'est guère "cinéma" et il y a des plans entiers où Guitry est resté seul, monologue, mais dans une langue éblouissante, ce qui arrête toute critique. Lui seul peut se permettre ça. Le dialogue, qui n'est presque qu'un monologue entier, est le plus grand atout du film, pourtant bien éclairé, bien décoré et assez court.
Interprétation : Sacha Guitry, c'est Sacha Guitry. Elle, c'est Jacqueline Delubac, très jolie, très bien habillée et fine comédienne. Raimu est remarquable dans le rôle du mari. Et il est inutile de louer tous ceux qui paraissent dans le prologue et font au film la surprise spirituelle de leur réunion.
La Cinématographie Française, 1937.

C'est le sixième film de fiction de Sacha Guitry. La quatrième adaptation cinématographique par lui-même d'une de ses pièces. Faisons un rêve est considéré par de nombreux critiques, comme un chef-d'oeuvre qui annonce tout le cinéma moderne, de Bergman à Rohmer en passant par Mankiewicz. Le spectateur est littéralement emporté comme par un tourbillon dans la séquence où LUI seul est en scène : tunnel, morceau de bravoure et d'anthologie de l'acte II, dont le lyrisme est décuplé par le cinéma. En 1930, en Angleterre, Seymour Hicks tournait une première version cinématographique de Faisons un rêve, sous le titre de Sleeping Partners, avec Seymour Hicks (Lui), Edna Best (Elle) et Lyn Harding (Le mari).
Fiches de Monsieur Cinéma.

Cette comédie réalise l'idéal classique par ses unités de temps, de lieu et d'action. Elle est interprétée à ravir par les deux créateurs et par Jacqueline Delubac, spontanée, vive et très drôle. Raimu, avec ce naturel bonasse, à la fois balourd et roublard, qui fait sa gloire, est plus vrai que nature. (...) Ce film Demeure le seul témoignage immortalisé de ce que pouvait être notre auteur à la scène entre 1905 et 1930. (...) Marcel Achard est subjugué : "Avec Faisons un rêve, Sacha Guitry renonce absolument au cinéma et, armé de sa seule parole, entreprend de faire un film. Il prouve une fois de plus qu'au cinéma surtout il n'y a pas de règles. Il n'y a que des bons et des mauvais films. Il est bien vrai que de tous les films présentés dans le monde entier jusqu'à ce jour, Faisons un rêve est peut-être le plus anti-cinématographique. (...) C'est charmant. C'est mieux que charmant. C'est un chef-d'oeuvre de grâce, de malice, d'ingéniosité et de drôlerie". Et Georges Chaimpaux constate la valeur de l'oeuvre et de son créateur : "L'auteur-adaptateur a reculé les bornes de la gageure anti-cinématographique. Avec quelle rigueur ne l'eussions-nous pas rappelé, en cas d'échec, au respect des sacro-saintes lois du septième art ! Seulement voilà : il a encore tenu la gageure. Une fois de plus il a gagné la partie car il est réellement étourdissant, ce monologue... (...) Et comme M. Sacha Guitry joue et dit admirablement son texte ! Je ne me lasse pas d’admirer, avec la chaleur de son timbre, ces élans et ces cassures brusques, ces notes sombres et ces éclats, cette alternance du chant et du débit le plus familier, d'un mot, tout cet art de mise en valeur du verbe.
Jacques Lorcey, Sacha Guitry, PAC, 1985




1