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Auteure à succès, Francine Ouellet représente pour moi l'un
des maîtres incontestés des grandes sensations. Des récits
poignants, qui nous hantent plusieurs jours après que l'on ait terminé
de lire la dernière phrase. On se surprend à s'inquiéter
pour un personnage en difficulté, on vit sa peine, sa joie,
jamais il ne nous laisse indifférents.
..... Auteure de Au nom du père et du fils et Le Sorcier qui ont été popularisés grâce à la télévision, Francine Ouellet n'en a pas moins enchaîné avec Les Ailes du Destin et Le Grand Blanc, mes deux briques préférées ! Ces deux livres nous font pénétrer dans un monde d'espace et de liberté acquis grâce à l'aviation et un grand aigle protecteur au profil mutilé, Émile, mais aussi un monde fermé et reclus, sentence pour un crime que Luc n'aurait pas dû commettre, pris dans les antres d'une prison des années soixante.
..... Puis la sentence achève, le grand aigle attend patiemment son p'tit frère, bête blessée qui fera le Geste, qui admettra sa faiblesse, un froid se crée et seul un détour du destin pourra changer les choses, à jamais... Une preuve de plus que littérature populaire n'est pas nécessairement synonyme de plume mal aiguisée. Que les snobs se le tiennent pour dit : Ils ne savent pas ce qu'ils manquent !
"-Oui, c'est ça. «Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles.»Ouellet, Francine. Le Grand Blanc, pp.268-269.
-Voilà... C'est terminé.
.....Il ne veut pas que ce soit terminé. Il veut encore parler avec elle. Encore l'entendre rire en cascade dans son désert. Encore lui faire habiter une des étoiles de sa nuit afin qu'elle tinte comme un grelot longtemps après.
-Je m'excuse, dit-il piteusement.
-Mais de quoi ?
-D'avoir gâché votre soirée... J'aurais pas dû boire. D'ailleurs, croyez-le ou non, ça faisait huit ans que je n'avais pas bu une seule goutte. Ça ne m'a pas fait. J'ai gâché votre soirée.
-C'est plutôt la vôtre que vous avez gâchée.
.....Elle accorde un regard désolé au miroir brisé puis dépose les perles grises de ses yeux sur le sol brûlant du désert. Ne sait-elle pas que le vent aride, torride, peut user leur nacre jusqu'à leur coeur de sable ? Ne sait-elle pas que la bête du désert les convoite depuis longtemps ? Que la bête désire sentir sa main dans son pelage miteux? Sa main, à protéger des grands froids avec des mitaines de cuir en caribou."
"«Moi je suis ton p'tit frère. Celui que t'as adopté. Que t'as visité au pénitencier. Que t'as aidé», scandent en choeur toutes les voix de la souffrance en lui. «Celui qui t'a aimé jusqu'à l'absurdité. Jusqu'au reniement de son propre sexe. Celui qui avait conditionné sa chair à se soumettre à tes désirs. Moi, je suis ton p'tit frère. Ne le vois-tu pas ? Ne le sais-tu pas ? Ne vois-tu pas que je souffre de t'aimer encore ? Que je gigote pendu à l'hameçon de ce sentiment ? Que je te supplie de me décrocher et de m'appeler encore une fois "p'tit frère" et, encore une fois, de poser ta main sur mon épaule comme avant. Comme lorsque nous étions tout simplement amis avant qu'il ne soit question de sexe.Ouellet, Francine. Le Grand Blanc, pp. 324-325.
.....«Ne vois-tu pas , ne comprends-tu pas que ce ne sont pas les hommes que j'aime mais uniquement toi ? Que ton regard jugeant ma maladroite tentative de te libérer de la solitude ne cesse de me condamner ? De me persécuter ?
.....«Ne sais-tu pas qu'il ne me reste plus rien pour me défendre ? Plus rien pour déguiser cet amour en cette pitié capable de t'atteindre car elle est là qui te protège. Là qui t'imperméabilise et te rend beau de bonheur.
.....«Appelle-moi "p'tit frère" encore une fois et peut-être, oui, peut-être que demain je remettrai la boîte de rations de secours et l'émetteur d'urgence à leur place. Peut-être que je ne fermerai pas la porte définitivement derrière moi.»"