Appel pour les États Généraux de la Psychanalyse
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Si le vingtième siècle a été une époque d'angoisse et de destruction dont le temps aura pris progressivement la mesure, il fut aussi l'âge d'une libération de nombreux préjugés à laquelle la psychanalyse aura contribué, non seulement par sa pratique mais aussi par l'influence de sa pensée dans différents champs de la culture. Elle a ouvert de nouvelles avenues aux arts et aux sciences, à la littérature et à la critique littéraire, à la philosophie, à l'histoire, à la sociologie, comme Freud le prévoyait.
Toutefois, malgré sa force et sa vitalité nettement affirmées en cent ans d'expérience, il est dans la nature même de la psychanalyse - et de la mise en acte de l'inconscient - de susciter de constantes résistances. Rien n'y échappe. Et les institutions psychanalytiques qui se sont créées pour préserver l'héritage freudien et promouvoir la recherche analytique ont souvent engendré des rigidités qui vont à l'encontre du but qu'elles poursuivent. L'institution est appelée à être conservatrice et la démarche analytique, au contraire, à être novatrice, voire subversive. Un équilibre entre ces tendances opposées et les inévitables tensions qu'elles soulèvent est loin d'être aujourd'hui préservé. Le pouvoir qui se développe au sein des institutions repose trop souvent sur le manque de résolution des transferts, sur l'allégeance à une idéologie dominante et à son code langagier, qui servent plutôt à préserver les contrôles sociaux et bureaucratiques qu'à ouvrir de nouvelles frontières à la recherche et à l'extension de nos connaissances. L'action des organisations pour corriger ces déséquilibres, lorsqu'elle se manifeste, reste le plus souvent au service de l'institution.
Un besoin urgent se fait sentir, à l'orée du vingt et unième siècle, d'une discussion ouverte sur l'état actuel de la psychanalyse qui soit menée par le plus grand nombre de psychanalystes suffisamment dégagés des pressions des organisations ou soucieux, en leur sein, du nécessaire questionnement de leur politique.
L'importante réunion qui s'est tenue à Paris en février dernier pour examiner l'affaire de Rio et son retentissement international - cette affaire étant exemplaire d'un symptôme de l'histoire du mouvement psychanalytique - s'est conclue sur la proposition de convoquer des Etats Généraux de la Psychanalyse afin d'ouvrir un espace qui n'exclurait pas la remise en question des modes de formation, d'enseignement, de transmission et d'organisation institutionnelle de la psychanalyse.
Cet appel s'adresse à tous les psychanalystes, quelle que soit leur appartenance institutionnelle ou quel que soit le motif de leur refus d'une telle appartenance, et à tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont à s'engager dans cette réflexion.
Ces Etats Généraux se tiendront en l'an 2000 à Paris, à une date et en un lieu qui ne sont pas encore fixés. Si nous nous donnons trois ans pour les réaliser, c'est afin que se forment, dans différents pays, des groupes qui aient le temps de se réunir, de travailler et de produire le résultat de leur recherche. Ce qui n'exclut pas les propositions à titre individuel, ni celles des institutions existantes.
Le programme des Journées sera fait en fonction des propositions qui seront retenues par les responsables de l'organisation dans les différents pays. La liste de ces responsables sera communiquée dans un prochain courrier.
Un Comité de préparation doit nécessairement être mis en place mais il ne sera là, comme cet appel, que pour traduire un souci et une préoccupation que nous croyons largement partagés et qui se sont déjà manifestés comme tels. La tenue de ces Etats Généraux et la portée de leur événement n'ont de sens qu'à la condition qu'elles n'appartiennent à aucune instance particulière, individuelle ou collective, et ne puissent être revendiquées par aucun groupe déjà légitimement ou légalement constitué. Des Etats Généraux doivent pouvoir débattre eux-mêmes de leur propre légitimité. C'est une règle indispensable. Les engagements pratiques, effectifs, qui pourront découler de ces Etats Généraux ne pourront s'affirmer que dans la mesure où ils seront affranchis ou indépendants des organisations existantes et de ceux qui en prennent aujourd'hui l'initiative et la responsabilité. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas souhaitable que ces organisations reconnaissent le bien fondé de cet appel. Au contraire. Mais ce qui commande l'urgence d'une transformation de la situation de la psychanalyse en cette fin de siècle déborde largement les frontières de toute institution et de toute initiative personnelle.
Une association "Pour les Etats Généraux de la Psychanalyse" sera constituée prochainement afin de recevoir les soutiens financiers nécessaires mais elle sera dissoute dès le lendemain de l'Assemblée.
Si cet appel prend le nom d'Etats Généraux pour interroger ce qui s'est fait jusqu'ici, se fait encore aujourd'hui et se fera demain au nom de la psychanalyse ou sous ce nom, c'est précisément pour qu'on puisse attendre, au nom de la référence historique désignée par cette appellation, que soit inaugurée une exigence nouvelle qui ne tienne pas du commandement hiérarchique mais du désir et de la décision des participants.
Tous ceux qui le souhaitent peuvent d'ores et déjà signer cet appel et le diffuser. Tous les signataires seront associés à cette initiative qui deviendra la leur.
Paris, le 17 juin 1997
En attendant la formation du Comité de préparation, le courrier et les signatures peuvent être adressés à l'initiateur de cet Appel :
Etats
Généraux de la Psychanalyse
c/o René Major
23, quai de Bourbon
75004 Paris France
fax : 01 43 26 91 97
e-mail : Renemajor@aol.com
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