Historique de la Brasserie L'Union


Le 18 octobre 1856, le collège des bourgmestres et échevins de Jumet reçut une lettre de l'abbé Luc Pauvaux, curé de l'Eglise principale Saint-Sulpice, qui suggérait à l'autorité politique locale d'ériger une église paroissiale au hammeau de Gohyssart. Dans sa missive, le prêtre demandait également aux mandataires communaux de bien vouloir accorder des subsides pour l'érection du lieu culte. Malgré la réponse négative du bourgmestre Frison, l'abbé Pauvaux finira par gagner son défi grâce à l'appui du charbonnage. La première pierre fut posée le 16 juin 1863 et la nouvelle église paroissiale fut dédiée à l'Immaculée Conception.

En fait, la nouvelle communauté paroissiale dépendrait de trois personnalités importantes, trois maîtres de brasserie : Jean-Baptiste Biernaux, Leopold Deposon et Alphonse Baudelet. Car en 1864, Biernaux et Deponson avaient conçu le projet de lancer une brasserie dans la commune de Jumet. Au milieu du siècle dernier, Jumet était une des communes les plus industrialisées de Wallonie. Des charbonnages, des carrières de pierre et de sable, des verreries, des clouteries et d'autres entreprises axées sur la transformation métallurgique, fournissaient du travail à quelques milliers de travailleurs dont de nombreux Flamands qui étaient venus s'y installer avec femmes et enfants. Une grande parcelle de terrain vague aux alentours des rues Sohiers, de la Madeleine et Derbèque fut choisie pour accueillir la brasserie Biernaux-Deposon. Comme "société au nom collectif", la brasserie Biernaux-Deposon allait être florissante dès sa première année d'activité et l'entreprise grandit avec le développement de la population locale. En 1886, l'industrie minière wallonne eut à affronter une terrible crise : la grève générale avait été décrétée. La vie sociale allait être totalement paralysée. Le mouvement était parti du pays de Charleroi et gagna ensuite le Borinage et la région du centre. Une période sombre attendait le commerce et l'industrie mais aussi les brasseurs et les cafetiers. En 1888, lors du décès de Léopold Deposon, la famille Biernaux n'eut d'autre issue pour sauver sa brasserie que de faire appel à des capitaux étrangers et de créer une société anonyme. En mai 1889, la SA Brasserie de Jumet était née. Les actionnaires n'étaient autre que les enfants de Jean-Baptiste Biernaux. Ce dernier s'était retiré des affaires mais avait bien veillé à ce que les siens restent les actionnaires principaux de la société anonyme. Mais en 1891, pour des raisons que l'on n'a pu préciser, la SA Brasserie de Jumet, fut mise en liquidation et acquise quelques mois plus tard en vente publique, par la famille... Biernaux. C'est ici qu'apparaît pour la première fois le nom de Fernand Biernaux; le plus jeune fils de Jean-Baptiste Biernaux. Il marquera de son sceau, jusqu'en 1945, les heurs et les malheurs de la Brasserie de Jumet, devenu entre-temps la principale entreprise brassicole du pays de Charleroi et même du Hainaut.

Les années d'après-guerre ne furent pas brillantes pour la brasserie Biernaux. 1927 s'annonçait assez sombre, et à l'initiative de Fernand Biernaux, la brasserie engagea René Duquesnoy, un jeune ingénieur diplômé de l'Institut supérieur des Fermentations de Gand. A l'époque, Duquesnoy nourrissait le projet de créer une nouvelle bière qu'il voulait appeler "Cuvée de l'Ermitage", par référence à l'Ermitage de Cocars, fort apprécié par le jeune homme. Sa gestion très dynamique allait entraîner une véritable révolution dans la production de la Brasserie de l'Union. En effet, son succès était passé de 1913 à 1932 de la vingt-sixième à la troisième place du hit-parade brassicole du Hainaut.

Les années de guerre 40-45 furent particulièrement sombres pour la brasserie : la production de bière chutait considérablement. Le 2 février 1945, Fernand Biernaux décédait à l'âge de 73 ans. Son successeur au conseil d'administration serait Victor Tilmant. En 1946, débutèrent des travaux importants dans et autour de la brasserie. Une nouvelle salle de brassage allait voir le jour. Elle permettait de transformer trente tonnes de matières premières par jour.

En 1953, fut lancée la Cuvée de l'Ermitage, ce qui réalisa le vieux rêve de Duquesnoy. Il s'agissait d'un produit de luxe à très forte densité, de préférence de 7 à 8 pour cent en volume d'alcool. Pour ce faire, il utilisait les meilleurs malts et les houblons les plus nobles dans l'adjonction de sucre. Et la bière devait refermenter dans la bouteille. En 1978, la Brasseie L'Union allait devoir sacrifier son indépendance. La nouvelle tombait dans la presse : "La SA Brasserie Maes communique qu'elle a signé un accord de reprise de la majorité des titres de la Brasserie de L'Union à Jumet. La prise de contrôle de cette brasserie régionale par un groupe national important ne signifie nullement l'arrêt de la production de cette dernière (...)." C'est ainsi que la production des deux Grimbergen, la Double et la Triple, fut transférée de Waarloos à Jumet. Jean Pagura, ingénieur brassicole, se vit confier la direction des opérations à Jumet. Désigné Plant Manager, c'est à lui qu'échut l'honneur d'entammer la rénovation technique de la brasserie. La première phase s'est terminée en septembre 1980. On réalisa pour 95 millions de travaux. Cela se ressentit favorablement dans les chiffres de production. En 1988, une troisième Grimbergen faisait son apparition : la très ambrée "Optimo Bruno" qui titrait 10 pour cent de volume d'alcool. En fait, il s'agissait d'un retour aux sources puisque jadis, les moines avaient l'habitude de brasser une bière de ce nom, à l'occasion des fêtes pascales. Une vraie bière de fête avec, cette fois encore, des matières très nobles. Un an plus tard, l'informatique règne désormais en maître. La Judas, jadis le cheval de bataille de la Brasserie Anglo-Belge à Zulte, avait été reprise en 1977 par Kronembourg avant d'être fermée quelques années plus tard par le groupe Alken-Maes. C'est une bière blonde ocre, au bouquet généreux et au goût affirmé. Une bière de fermentation haute qui titre 8,5 pour cent de volume d'alcool. Sa production est venue renforcer celle de Jumet. Depuis 1993, les trois mousquetaires de Grimbergen sont devenus quatre. Une Grimbergen blonde est venue rejoindre ses "soeurs". Avec un volume de 7 pour cent d'alcool, elle est une bière de couleur dorée, légère de goût, tout en étant bien houblonnée. Le marché brassicole de Jumet s'est rapidement répandu aux pays voisin du nôtre : France, Pays-Bas, Italie et Espagne. La Brasserie L'Union peut aujourd'hui être fière de produire cinq marques de bières : la Cuvée de l'Ermitage, la Grimbergen, la Judas, la Ciney et la Watney's. Elle s'est donc assuré un bel avenir dans l'Europe de demain, comme centre de production de bières de haute fermentation.


Page d'accueil
1