La chimie organique du silicium
Depuis des années déjà, la recherche a démontré que la chimie organique en la chimie du carbone. Des 106 éléments présents dans le tableau périodique, seul le carbone est en mesure de se lier pour créer des molécules dites organiques. Pourtant, le carbone nest pas seul dans sa famille si lon se fie au tableau périodique. Or, lon sait que des atomes de même famille possèdent semblablement les mêmes caractéristiques. Ses «voisins» pourraient, à première vue, eux aussi former des molécules organiques, mais une des caractéristiques qui limite la formation de ces molécules par dautre atome que le carbone est que ce dernier à la capacité de se lier à lui-même pour former des chaînes dites carbonées. Toutefois, le silicium, qui est situé dans la même famille que le carbone et situé une rangée plus bas, possède lui aussi la capacité de former ce type de lien, mais ce, seulement dans des conditions spéciales. Tout au long de ce texte, nous évaluerons donc les possibilités que le silicium a de former des molécules organiques. Nous commencerons tout dabord avec une définition de la chimie organique du silicium, dite chimie organosilicique, puis nous montrerons les possibles applications industrielles de ce type de composé pour ensuite conclure avec la possibilité de découvrir une vie ailleurs qui serait basée sur le silicium.
Latome de silicium
La majorité des gens ne sont pas familiers avec les applications organiques du silicium. Le silicium est le deuxième élément en importance à la surface de la terre (27%) après l'oxygène et il se retrouve majoritairement dans la croûte terrestre, en compagnie de l'aluminium, d'où son nom, le SIAL. On le retrouve sous forme de composés inorganiques représentés principalement par la silice (SiO2) et les silicates (sels de l'acide silicique). Son abondance et ses propriétés particulières contribuent à en faire une richesse minérale importante. Celle-ci est dailleurs principalement utilisée dans la micro-électronique.
Le silicium en chimie organique
Cependant, le présent texte n'a pas pour but d'étudier les propriétés du silicium à l'état pur. En effet, il sera plutôt question de la chimie organique du silicium d'où l'importance de bien définir ce qu'elle est. La chimie organique du silicium, aussi appelée chimie organosilicique, englobe l'ensemble des composés contenant du silicium, du carbone et de l'hydrogène avec souvent d'autres éléments surtout de l'oxygène, parfois de l'azote et du chlore. La plus grosse différence entre les composés organiques connus, avec des chaînes carbonées, et les composés organiques du silicium est que ces derniers sont exclusivement synthétisés en laboratoire et ils ne peuvent pas se trouver à létat naturel. Ce phénomène est assez curieux quand on connaît la structure semblable entre le silicium et le carbone. Cependant, les chercheurs ont pu trouver une bonne explication à ce phénomène en analysant la réactivité du silicium. En effet, le silicium une grande affinité à se lier à l'oxygène ce qui fait qu'avant de se lier au carbone il sera saturé par les atomes d'oxygène. Cette facilité de se lier à l'oxygène posera également un problème non négligeable au chercheur organosilicien. Ainsi, l'élaboration d'une véritable chimie organique du silicium dans laquelle interviendront exclusivement des liaisons CSi exigera préalablement que les chercheurs se débarrassent des atomes doxygènes, une étape qui demande beaucoup dénergie et qui se constitue en la réaction suivante :
SiO2 + 2 C --> Si + 2 CO
Toute l'industrie du silicium organique, ou du silicium utilisé comme élément pur, doit obligatoirement passer par cette transformation onéreuse.
La principale application :
le silicone
On retrouve les composés organosiliciens dans de nombreux domaines, en passant des berlingots de lait aux navettes spatiales. La formation de ces composés nest possible quaprès lisolement des atomes de silicium expliqué précédemment. Cest à ce moment que les liaisons organiques peuvent prendre forme à partir du silicium et donné lieu à des chaînes SOSO. Le type de composé organocilien le plus utilisé par chacun dentre nous est nécessairement le silicone. Bien entendu, les composés organosiliciens peuvent, pour plusieurs, évoquer un domaine d'application en particulier. Il en est ainsi pour les prothèses mammaires et la «calfeutration». C'est justement pour cette raison quune étude approfondie des propriétés et de l'utilisation des silicones savère nécessaire. Cest donc ce que nous tenterons de vous présenter dans les lignes qui suivent.
La production mondiale de silicones est surtout localisée aux États-Unis dans la «Silicon Valley» (Dow Corning Corporation et General Electric Compagny). Elle est aujourd'hui estimée à plus de cinq cent milles tonnes par année et rapporte plusieurs billions de dollars. Les profits que rapporte la fabrication de silicone peuvent paraître faibles si lon compare avec les produits pétroliers ou les composés organiques conventionnels, mais si lon considère son application dans le domaine des matériaux très performants, on ne peut pas laisser tomber cet important produit. De plus, avec un accroissement moyen de 10 % par année, on peut facilement constater que cette sphère industrielle est en pleine expansion. Il est important de savoir ce que sont les silicones avant d'aborder ses applications de façon plus spécifique. De manière à découvrir la structure de ceux-ci, nous allons décrire les principales découvertes chimiques qui ont permis d'en arriver à une telle structure.
Il y a environ 125 ans, le Français Charles Friedel et l'Américain James Crafts ont préparé les premiers composés où il y avait des liaisons siliciumcarbone. Ce nest que peu de temps après quAlbert Ladenburg élabore les premiers silicones. L'Anglais Frederick Stanley Kipping est considéré comme le père de la chimie organosilicique, car il est le premier à avoir étudié ce domaine scientifique, et ce, dès le début de ce présent siècle. Le développement a ensuite suivi deux tangentes principales : d'un côté le développement industriel et de l'autre la recherche. La recherche, de son côté, a permis de nombreuses découvertes dans le domaine de la chimie organique conventionnelle et il sera justement question de ce sujet un peu plus loin dans ce texte. Pour ce qui est des applications industrielles, elles ont vraiment été conçues vers la fin de la seconde guerre mondiale par un procédé de fabrication à grande échelle élaboré par l'Allemand Richard Müller. L'essentiel de ce procédé, appelé communément synthèse directe, consiste à faire agir le chlorure de méthyle (chlorométhane) à chaud sur du silicium, préalablement isolé, en présence de catalyseurs et notamment de dérivés du cuivre.
Si + CH3Cl --> (CH3)2SiCl2 diméthyldichlorosilane
ou --> CH3SiCl3 méthyltrichlorosilane
Ensuite le diméthyldichlorosilane est hydrolysé en diméthylsilanediol, communément appelé le silanol (le chlore est remplacé par des groupements (OH)) selon :
(CH3)2SiCl2 --> (CH3)2Si(OH)2 diméthylsilanediol(silanol)
Pour terminer, l'eau entre deux molécules de silanol est éliminée conduisant à la formation de chaînes linéaires de polysiloxanes, ce qui constitue les silicones proprement dits.
Le squelette des silicones est donc constitué d'un enchaînement de silicium et d'oxygène sur lequel, au niveau des silicium, sont rattachés des groupements méthyles, ce qui leur confère un caractère organique. Le squelette de ceux-ci, est donc totalement inorganique contrairement aux polymères classiques, ce qui donne lieu à des propriétés originales mais utiles.
Après avoir démontré les étapes entraînant la formation des silicones, voyons maintenant ses différentes formes et applications. Lon retrouve les silicones sous formes dhuiles ou de produits solides. C'est la longueur de la chaîne siloxanique qui déterminera sous quelle forme se présentera les silicones. Par le procédé de vulcanisation, qui consiste à établir des ponts entre les chaînes, on obtient des élastomères de silicones, communément appelés du caoutchouc. Pour obtenir des résines à base de silicones, on doit introduire dans le mélange l'un des produits de la première étape de la réaction, le méthyltrichlorosilane. Le but de cette réaction est de former des structures polysiloxaniques qui s'étendent dans trois dimensions ce qui entraîne une plus grande rigidité au composé.
Tout comme la majeure partie des composés chimiques, les propriétés des silicones sont étroitement liées à leur structure. Ainsi, comme nous l'avons vu précédemment, le squelette des silicones est constitué d'une chaîne SiOSiO, etc. Cet enchaînement traduit la grande affinité du silicium pour l'oxygène et la très grande énergie de la liaison siliciumoxygène. Les liens entre ces deux propriétés structurales et les propriétés chimiques du silicone sont évidents. Ceci procure une très grande stabilité thermique et une excellente résistance au vieillissement aux silicones. Nous connaissons tous la dégradation des matières plastiques avec le temps, usées par la chaleur (soleil) et l'humidité. Or, cette dégradation agit très peu sur les silicones qui possèdent une inertie chimique exceptionnelle : résistance à l'oxydation, à l'hydrolyse, à l'action des moisissures, des bactéries et des produits organiques, notamment des produits alimentaires. Inutile de dire que cette propriété permet plusieurs applications pratiques diversifiées aux silicones : berlingots de lait, cosmétologie (shampooings, crèmes), etc. Cette inertie chimique permet également aux silicones d'être acceptés par les organismes vivants d'où son utilisation pour la fabrication de prothèses (ex : prothèses mammaires). Les silicones sont également hydrophobes, cest-à-dire impossible à mouiller, ce qui fait qu'ils sont souvent utilisés comme produits d'entretien, notamment pour le nettoyage des vitres et des surfaces métalliques, ainsi que dans l'imperméabilisation des textiles.
Une autre propriété des silicones, qui est un peu moins évidente que la précédente, est la faible variation des propriétés physiques avec la température. Les chercheurs ont expliqué cette dernière par le fait que l'ensemble SiOSiO du squelette des silicones est souple et malléable, et plus long que celui des liaisons CCCC dans un polymère organique. Ce qui occasionne une rotation des groupements latéraux autour de l'axe. Ces rotations seffectuent facilement, et ce, à température relativement basse. Ainsi, les huiles de silicones trouvent d'importantes applications dans la lubrification à chaque fois que de sévères conditions de température s'imposent particulièrement dans les domaines de l'aéronautique et de l'automobile. Cette propriété fait également en sorte que les implants mammaires conservent toute leur beauté autant dans l'eau glacée que dans les mers chaudes.
La structure particulière des silicones leur confère également une dernière propriété importante. Ainsi, les silicones sont d'excellents isolants. Inutile de dire que c'est pour cette raison qu'ils sont utilisés dans l'industrie de la construction comme joints d'étanchéité (calfeutrage) et dans le domaine de l'électrotechnique (ex : transformateurs).
À la lumière de cette brève présentation des silicones, nous pouvons facilement constater qu'ils sont omniprésents dans notre société. Cependant, leur prix de revient est nettement plus élevé que celui des polymères organiques proprement dits. Cest ainsi que les silicones ont réussi leur percée et c'est non seulement à cause de la qualité de leurs performances, mais également en raison de leur longue durée de vie.
Applications importantes de la chimie organosilicique
Lié au carbone, le silicium est également utilisé dans la formation de nouveaux matériaux. Ces nouveaux matériaux sont thermomécaniques puisquils sont composés principalement de carbure, de nitrure et de carbonitrure de silicium ; ils résistent donc à la chaleur et à l'oxydation tout en conservant leurs propriétés. Les propriétés de ceux-ci font quils sont presque indispensables dans les domaines de laéronautique, spatial et automobile. Le Kevlar est lun de ces matériaux les plus répandus et aussi lun des plus utilisés. Cette fibre mise au point en 1965 par Du Pont de Nemours et commercialisée depuis 1972 est très apprécié pour sa robustesse, sa légèreté et sa résistance au feu. Les câbles, les vêtements de protection ainsi que dans les industries automobile, aéronautique et spatiale sont les principaux domaines où le Kevlar est fortement utilisé.
Parce que les céramiques de carbure de silicium sont aussi thermomécaniques, elles interviennent dans la construction d'engins spatiaux. Le principe de fabrication de ces fibres est fort simple : «On élabore un polymère organosilicié filable possédant un enchaînement SiCSiC appelé polycarbosilane. Après avoir filé le polymère, on durcit la fibre en établissant un certain nombre de ponts oxygène entre les chaînes par chauffage en milieu oxydant. Ensuite, on pyrolyse (décomposition chimique obtenue par chauffage sans catalyseur) la fibre pour éliminer des atomes de carbone et d'hydrogène (CH4 et H2) et obtenir le carbure de silicium. Cependant, celui-ci est souillé d'oxygène et contient de plus du carbone libre». La présence de cet oxygène a des effets néfastes sur les propriétés des fibres au-dessus de 1000° C. Des recherches ont permis le remplacement de loxygène par de lazote pour obtenir du carbonitrure de silicium. Tous ces nouveaux matériaux annoncent de profonds changements technologiques et un bel avenir pour le silicium.
Le domaine de la pharmacie est également très intéressé par les molécules organosiliciées, plus spécifiquement par tout composé doté dactivités biologiques. Ce n'est pas d'hier que l'hypothèse du silicium dans les médicaments est étudiée, après tout, nous sommes entourés de silicium. Les plantes contiennent de grandes quantités de silices ; les organismes, notamment l'organisme humain, sont constitués de silicates et le silice joue un rôle important dans l'homéopathie(système thérapeutique qui consiste à traiter les malades à laide dagents qui détermine une affection analogue à celle quon veut combattre). Toutes ces données ont porté les chercheurs à tenter d'utiliser le silicium dans les médicaments. En préparant des sila-médicaments, ils espéraient obtenir des résultats plus efficaces qu'avec les médicaments classiques, car disaient-ils, ils pourraient stabiliser un éventuel manque de silicium dans l'organisme. Évidemment, plusieurs résultats positifs ont été obtenus, entre autres pour des médicaments antiparkinsonniens, antihistaminiques et tranquillisants. Malheureusement, ce procédé est très dispendieux et sa synthèse est souvent délicate, ce qui rend les sila-médicaments jusqu'à présent quasi-inconnus au niveau industriel. De plus, leur différence d'efficacité n'est pas assez importante face aux médicaments classiques pour être lancés sur le marché industriel. Le seul médicament maintenant commercialisé, est celui qui combat la tavelure du pommier, maladie connue par les horticulteurs. Ce médicament et les résultats significatifs des recherches prouvent bien que la découverte des sila-médicaments doive être encore étudiée et non rejetée.
Les recherches se sont également orientées dans les dérivés organosiliciés riches en oxygène. Ce procédé, contrairement au précédent, est peu dispendieux puisqu'il fait appel à des dérivés déjà industrialisés à d'autres fins. Le composé le plus utilisé et commercialisé depuis 1971 est le méthylsilanetriol, il est à la base de plusieurs médicaments. Entre autres, le Dulciphak connu pour restituer la transparence du cristallin et le Conjonctil pour la regénération des tissus conjonctifs et le traitement des maladies cardio-vasculaires.
Les apports de la chimie organosilicique en la chimie organique
Comme nous avons pu le constater, les applications de la chimie organosilicique sont nombreuses dans le domaine industriel. Cependant, son utilité est aussi importante dans le domaine de la recherche scientifique. La principale utilité du silicium dans la chimie organique est de pouvoir transformer un squelette organique à l'endroit voulu. En fait, le silicium permet de modifier une partie d'une molécule grâce à un agent de silylation et d'en conserver une autre. Ainsi, les fonctions alcools (OH), acides (COOH) et amines (NH 2) peuvent être remplacées par (OSi), (COOSi) et (NHSi). De cette façon, les fonctions réagissant moins, le squelette de la molécule peut être modifié ailleurs. Par la suite, on restitue l'hydrogène à l'endroit initial sur la fonction. Ce procédé permet donc d'effectuer des modifications sur une partie de la molécule sans toutefois faire intervenir la fonction spécifique.
Dans certaines circonstances, l'hydrogène peut être remplacé par un groupe triméthylsilyle Si(CH 3) 3 ce qui entraîne une réactivité plus grande. De cette façon, les biologistes peuvent isoler plus facilement les acides aminés. En effet, ces acides aminés sont ainsi plus solubles dans les milieux organiques donc plus facilement identifiables.
Bref, en dehors de ces deux utilisations, on trouve la chimie organosilicique principalement dans le domaine technologique. Cependant, des chercheurs tentent de développer des méthodes qui pourraient permettre l'élaboration de molécules complexes.
La vie en silicium ?
Présentement, nous savons que le carbone est l'artisan de la vie puisqu'il est l'élément de base des quelques mille milliards de protéines connues. Pourquoi la nature a-t-elle arrêté son choix sur ce dernier ? Est-ce dû à des propriétés spéciales ou un autre élément aurait-il pu accomplir sa tâche ici ou sur une autre planète ? Plusieurs chercheurs se sont penchés sur le sujet en se demandant : «est-ce qu'un autre atome, dans des conditions différentes ou semblables aurait pu être le «père» de la vie ? ». Tout d'abord, ils ont défini les caractères indispensables à la vie, comme de longues chaînes de protéines et de glucides, qui sont toutes constituées à partir de carbones reliés entre eux auxquels s'ajoutent d'autres éléments. Les chimistes, en étudiant les propriétés du carbone, ont tenté de trouver l'existence d'un atome possédant des caractéristiques semblables. En regardant simplement le tableau périodique, nous nous apercevons que l'élément de la même famille que le carbone mais de la période inférieure est le silicium. Or, nous savons que des éléments d'une même famille possèdent habituellement des propriétés semblables. Des théories se sont donc formulées à l'effet que le silicium aurait pu occuper le rôle que le carbone occupe présentement. Tout comme le carbone, le silicium possède quatre électrons sur sa couche externe ce qui lui permet d'effectuer quatre liaisons. Or, c'est de cette dite structure électronique que dépendent les liaisons entre atomes. Le silicium est surtout connu pour ses applications en micro-électronique. Pourtant, comme il ressemble beaucoup au carbone, il aurait peut-être pu engendrer des systèmes vivants sur d'autres planètes. Certains types de liaisons, en l'occurrence les liaisons doubles et triples, semblaient, jusqu'en 1982, impossibles entre deux atomes de silicium. Par contre, deux chercheurs américains, Robert West et Mark Fink, ont réussi à stabiliser cet arrangement moléculaire. Par conséquent, est-ce que le silicium aurait pu engendrer la vie ? Afin d'éclairer le sujet, nous verrons ce qui aurait limité l'atome de silicium.
Au tout début de l'univers, notre planète n'était qu'une boule de lave qui, peu à peu, s'est refroidie. Une croûte s'est formée en y conservant certaines composantes et en laissant échapper les plus volatiles qui formèrent dès lors l'atmosphère. Les deux éléments qui nous intéressent plus particulièrement, le carbone et le silicium, demeurèrent dans le sol. A cette période, la terre était bombardée de rayons ultraviolets et de décharges électriques ce qui a permis aux atomes de réagir entre eux pour former des composés qui, en réagissant à leur tour entre eux, en donnèrent d'autres et ainsi de suite. En premier lieu, analysons le cas du carbone pour pouvoir, par la suite, le comparer au silicium.
Selon le Professeur Prigogine, un récipiendaire du prix Nobel, le carbone doit sa «réussite» à sa structure adaptative ce qui signifie que les systèmes formés par le carbone sont capables d'utiliser l'énergie qui leur est offerte pour se «perfectionner» ou, si vous préférez, évoluer. Pour ce faire, ces systèmes ne doivent pas être trop stables, car autrement, ils ne pourraient pas réagir et se perfectionner. Nous savons que le carbone peut se lier avec quatre atomes mais ce qui le rend intéressant ce sont les liaisons carbonecarbone et plus particulièrement les liaisons doubles et triples. Ces dernières s'effectuent en engendrant trois conséquences : tout d'abord, elles donnent de la rigidité à la molécule, ensuite, les électrons qui forment les liaisons multiples (électrons p) peuvent capter l'énergie solaire plus facilement et enfin ces mêmes électrons peuvent parfois se propager dans la molécule. Ce sont donc ces caractéristiques qui ont permis au carbone d'être la structure de base des entités vivantes.
De son côté, le silicium ne se retrouve pratiquement pas dans les êtres vivants, mais il est présent en très grande quantité dans la croûte terrestre. En effet, le hasard a voulu qu'il se transforme pour donner ce qu'on nomme le quartz. Ce composé est dû à la stabilité remarquable de l'atome de silicium lié avec celui d'oxygène. Pourquoi ce lien est-il si stable et non réactif tandis que le lien carboneoxygène permet la photosynthèse ? La réponse se trouve dans la structure des atomes. Le carbone possède des orbitales s et p et forme quatre liens. Bien que le silicium forme le même nombre de liens, il possède une couche d'orbitales supplémentaire soit la couche d'orbitale d. Puisqu'elle est vide, elle peut facilement recevoir un doublet libre d'un autre atome particulièrement de l'oxygène. Cette petite différence, qui entraîne une grosse conséquence, explique la stabilité du lien siliciumoxygène. Comme l'atmosphère terrestre est riche en oxygène, il est pratiquement impossible de retrouver un lien siliciumsilicium car ils vont s'oxyder pour former, le plus souvent, du SiO2 donc du sable. Inutile de vous dire que ce dernier n'est absolument pas favorable à des réactions comme nous l'avons vu précédemment. Pour ce qui est des liaisons multiples entre siliciumsilicium, elles ont été réalisées mais dans des conditions spéciales et avec une technique qui consistait à encombrer les liaisons voisines des liaisons multiples afin d'obtenir une réactivité plus faible. Le silicium ressemble drôlement au carbone mais il ne réussit pas à former des liaisons semblables dans les mêmes conditions. Ceci s'explique par la grosseur des atomes, contrairement au carbone qui ne possède que six électrons, six protons et autant de neutrons, le silicium est composé de quatorze de chacune de ces trois composantes. De plus, comme nous avons déjà mentionné, il a trois couches électroniques au lieu de deux. Son nuage électronique, étant plus grand autour du noyau, favorise les liaisons simples. En effet, les liens doubles sont plus courts donc deux atomes auront plus de difficulté à s'approcher pour se lier.
Un aspect complètement opposé sont les liaisons avec des atomes d'hydrogène. Pendant que le carbone l'utilise pour édifier des alcanes très stables correspondant à l'équation CnH2n+2 même si le nombre de carbones dépasse plusieurs millions, le silicium se lie et réalise des silanes (SinH2n+2) très réactifs à l'air ambiant à cause de l'oxygène qui y est présent. Cependant, dans une atmosphère d'azote, ils peuvent être stables mais seulement pour quelques dizaines d'atomes de silicium. Un critère très important pour les chimistes, qui veulent préparer des liaisons multiples siliciumsilicium ou des silanes, est la température. Jusqu'à présent, ces réactions ne sont possibles qu'à des températures d'environ -260oC, ou 10K.
Pour conclure sur la possibilité qu'une autre planète comporte de la vie basée sur le silicium, il est possible dy croire mais cette planète devrait être à très basse température et dépourvue doxygène. Ainsi, il pourrait y avoir une possible forme de vie «silicienne». Bref, si des extraterrestres existent, ils peuvent être constitués de silicium mais seulement si les conditions sur cette planète sont bien différentes d'ici.
En somme, la chimie organique ne s'applique pas seulement au carbone. Le silicium étant de la même famille que le carbone, ils ont théoriquement des propriétés semblables. Or, le silicium possède une couche d'orbitales d où peuvent se loger des doublets libres ce qui explique la stabilité du lien SiO. Bref, les extraterrestres pourraient être en silicium seulement si les conditions sur cette planète étaient bien différentes. Comme nous avons pu le constater, le silicium organique est présent dans plusieurs champs d'action. L'application la plus répandue de la chimie organosilicique est sans aucun doute les silicones. Ces derniers sont utilisés dans toutes les sphères de la société. Grâce à leurs chaînes SiOSiO, les silicones ont une très grande stabilité thermique ainsi qu'une excellente résistance au vieillissement. Par ailleurs, au cours des dernières décennies, les applications des molécules organosiliciées sont en constante croissance. Les siliciums organiques font leur entrée en force particulièrement dans le domaine de l'automobile et de l'aéronautique avec des nouveaux matériaux thermomécaniques. L'intérêt de ces molécules est également suscité dans le milieu pharmaceutique. Les perspectives d'avenir pour le silicium sont donc très grandes.
Mais reste à trouver une nouvelle manuvre pour la préparation des dérivés siliciés qui permettrait une baisse des coûts de production. En effet, les principales faiblesses de cette industrie demeurent son procédé de fabrication onéreux et le fait que le silicium organique soit exclusivement un produit de synthèse. Et qui sait peut-être qu'un jour découvrira-t-on une planète ayant des extraterrestres à base de silicium ?
Bibliographie
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©1998