Intervention de Jean-Louis XHONNEUX, chef du groupe "Retour à Liège" au conseil communal des Fourons, le 20 octobre 1998, à l'occasion du départ de José Happart.
Chers collègues,
Pour
ce départ de José Happart, vous m’avez confié une tâche périlleuse :
rendre hommage à José Happart, en sa présence, en présence de l’opposition
et en présence de la presse.
Vous conviendrez
que Bossuet a eu, par rapport à moi, le grand avantage de prononcer ses célèbres
« Oraisons funéraires » en présence d’un intéressé réduit au
silence. De plus, n’ayant pas l’éloquence du célèbre prédicateur
bourguignon, je prends beaucoup de risques en parlant en présence de José
puisque nous savons que son départ ne sera pas définitif. Il s’agit en fait
d’une « renaissance » pour le combat wallon et donc en même temps
fouronnais.
Le deuxième péril
que j’ai cité, c’est la présence de l’opposition. Dans une commune
normale, un tel départ serait salué sportivement par les uns et les autres.
Tous se réjouiraient même de la nouvelle carrière d’un collègue. Il faut
croire que nous sommes décidément une commune à part, puisque ceux qui ont
toujours souhaité son départ n’ont même pas l’air de se réjouir
aujourd’hui.
La présence de
la presse est stressante dans la mesure où les journalistes amis ont écrit de
belles pages sur la carrière fouronnaise de José ces derniers jours. Ils ont
donc compulsé leurs archives et ils se sont rafraîchi la mémoire beaucoup
mieux que moi.
De mon côté,
j’ai consulté Internet pour rassembler les données originales pour cette
intervention. D’après le site Alta Vista, José Happart est cité 440 fois
sur des pages de la grande toile d’araignée mondiale. Il y en a de toutes
sortes, sauf dans les rubriques souvent citées par ceux qui ne connaissent
d’Internet que les cochonneries.
Il y a d’abord
des articles de journalistes évidemment. Parmi ceux-ci, il y a le Soir Illustré,
par exemple, où des gens qui suivent les affaires sont certainement les
champions de l’insinuation malveillante. En relisant l’article, je me
demande cependant si le fait de dire que la procureure générale de Liège est
la « pouliche des Happart Brothers »
n’est finalement pas un compliment.
Il y a aussi un
journaliste flamand qui est généralement présenté comme étant le spécialiste
de ce qui se passe en Wallonie. C’est sans doute le masochisme wallon qui fait
qu’on fréquente encore ce Guido Fonteyn qui vomit à longueur d’article sur
tout ce qui est wallon. En plus du masochisme, c’est sans doute dû aussi au
fait que très peu de Wallons lisent ce que Guido Fonteyn écrit.
Pour rester dans
le style des insinuations calomnieuses, il y a encore le site de Net-Sky qui
fait d’ailleurs référence aux articles de Philippe Brewaeys et Jean-Frédérick
Deliège du Soir Illustré.
Mais il y a
aussi, et heureusement, d’autres journalistes qui illustrent positivement les
actions de José Happart.
Marc Cassivi
intitulait ainsi un article « Ottawa empêche Bruxelles d’aimer le Québec ».
Quel est le rapport avec notre José Happart? Il faut savoir qu’il est vice-président
de la délégation Union européenne-Canada et qu’à ce titre il s’oppose au
gouvernement de Jean Chrétien qui refuse que la délégation européenne se
rende au Québec. José Happart pratique ainsi la solidarité qui se met en
place au sein de la Conférence des Peuples de Langue française.
Cette même
solidarité est à la base de nos relations étroites avec le Jura et notre
commune jumelle de Vellerat dont le maire, Pierre-André Comte, citoyen
d’honneur de notre commune, a été élu député jurassien avant-hier. Là
aussi, un ministre bernois a tenté d’interdire l’accès de José Happart au
territoire suisse pour l’empêcher de proclamer sa solidarité avec Vellerat.
Nous savons maintenant que ce ministre a dû démissionner à la suite de
l’affaire des caisses noires. Mais nous savons surtout que Vellerat a gagné
son combat et fait maintenant partie du Canton du Jura.
José Happart
s’est illustré dans son travail de parlementaire européen en déposant une
demande de censure de la Commission européenne pour sa mauvaise gestion de la
crise de la vache folle. L’opinion publique a ainsi pu découvrir José
Happart parlant d’autre chose que de problèmes communautaires et parfaitement
au courant du contenu de son dossier.
Un autre aspect
moins connu, ou déjà oublié, de la personnalité de José Happart c’ est
l’utilisation de son personnage qui a été faite par une agence de publicité
le montrant dans des spots publicitaires pour Humo occupé à apprendre le néerlandais.
Cette notion du
personnage et son ignorance du néerlandais ont amené José Happart à cette
table.
J’ai déjà eu
l’occasion de rappeler ici que l’installation du conseil communal des
Fourons s’était faite de manière très conviviale le 1er janvier 1977 et
que, tous ensemble ,les conseillers « Retour à Liège » et « Voerbelangen »
sont allés arroser leur prestation de serment dans les 3 cafés de l’époque
de la place de Fouron-le-Comte.
Se basant sur un
arrêt de la chambre flamande du Conseil d’État, le Gouverneur du Limbourg a
annulé nos prestations de serment et il a introduit en même temps la zizanie
linguistique pour un quart de siècle au moins dans ce conseil communal.
Début 1977,
nous avons créé l’Action fouronnaise et le Groupe Hérisson qui en était
l’expression plus dynamique pour les jeunes. Dans le clan d’en face, Guido
Swéron[1]
et Huub Broers se faisaient à la même époque des relations au T.A.K. et au
V.M.O.
Vous vous
rappellerez de cette photo de José Happart, chassant en vieux loden, qui
revenait dans tous les journaux flamands. C’était une campagne de presse sur
l’image d’un homme. Nos dévoués zélateurs flamands ont demandé à leurs
amis flamingants de venir se promener tant et plus à Fourons, faisant
indirectement une propagande interne et externe colossale pour notre ami José.
Lors d’une élection provinciale vers 1975, José avait récolté une
quarantaine de voix parmi les électeurs fouronnais. Aux élections communales
de 1982, ce score est multiplié par 20.
À
l’occasion de la première Fête du Peuple fouronnais, j’avais attiré
l’attention du nombreux public présent à la conférence de presse à Rémersdael
sur le danger d’une interprétation flamingante de la loi communale. Je me
permets de citer un paragraphe de mon intervention du 2 octobre 1977:
Lorsqu’un secrétaire communal flamand sera à la tête
de notre administration communale, nous perdrons certainement les quelques
facilités extra-légales que nous avons maintenant. Je me demande même si nous
pourrons encore lui adresser la parole en français. Comment voulez-vous alors
qu’un de ces jeunes fouronnais qui ont fréquenté les écoles de Warsage,
Aubel ou Visé lorsqu’il n’y avait pas d’école française possible chez
nous, et qui n’ont donc jamais appris le flamand, puisse siéger au conseil
communal? Il ne pourra se renseigner sur aucun dossier. Comment pourrait-il, de
plus, occuper un jour les fonctions de bourgmestre, d’échevin ou de président
du C.P.A.S.? Ce danger est réel et déjà présent.
C’est donc en
ayant, d’une part, un personnage abhorré par la Flandre, et, d’autre part,
en nous basant sur le bilinguisme français- wallon de José Happart, que nous
avons très consciemment préparé son élection de 1982.
Les amis de Huub
Broers ne rataient aucune occasion pour faire de la publicité à José Happart:
promenades, gendarmes fanatiques, les chiens de Boel, jeunes fouronnais en
prison, le Roi sur l’autoroute, voitures incendiées, etc.
Les choses n’étaient
pas nécessairement simples au sein
de notre groupe « Retour à Liège ». En 1976, j’étais le seul
jeune élu au sein de ce groupe. Celui qui me précédait en âge avait
exactement 20 ans de plus que moi. En 1982, nous placions 4 représentants de
l’Action fouronnaise au sein des élus. Il ne fallait surtout jamais montrer
lors d’une réunion de groupe que le projet que nous présentions avait été
discuté préalablement au sein de l’Action fouronnaise. Malgré tous les pièges
posés intentionnellement ou non par des gens de plus ou moins bonne volonté,
nous avons toujours pu maintenir la cohésion de ce groupe. Des pièges, il y en
eut pourtant et de gros, bien tentants. Je me souviens notamment des millions de
Nothomb ou d’autres promesses encore.
Mais là je suis
déjà à l’époque du carrousel et j’ai oublié les 72 heures de réunion
du gouvernement qui décide finalement d’attendre qu’un jeune milicien achève
son service militaire et son apprentissage du français pour nommer José
Happart bourgmestre, à durée déterminée, c’est-à-dire jusqu’à l’arrêt
connu à l’avance de la chambre flamande du conseil d’état. Vous savez tous
que la nomination de José Happart a
en effet été annulée, mais le jeune milicien de l’époque est par hasard présent
ce soir à cette table dans son rôle très officiel de commissaire
d’arrondissement-espion de la Flandre.
Comme dans une
autre histoire, c’est sur le plus jeune que le sort tomba. C’est donc José
Smeets qui fit les frais du carrousel. Il se retira de son échevinat pour nous
permettre de réélire à chaque fois José Happart comme premier échevin. Je
souligne que Norbert Lang et Joseph Pinckaers ont aussi chaque fois participé
à la manœuvre.
Nous avons tous
subi à l’époque de formidables pressions. Mon ancien directeur de collège
avait cru qu’il arrivait à son heure de gloire: il avait sorti Roger Wynants
de son chapeau. Avec cette idée, il voulait sauver Nothomb et la Belgique.
Après Nothomb,
nous dûmes subir Michel et ce ne fut pas meilleur, au contraire.
José Happart a
confié à des journalistes récemment qu’il n’avait pas encore digéré les
lois de pacification de 1988. Qu’il se rassure, il n’est pas seul. La différence,
c’est maintenant que nous allons devoir vivre avec. C’est pour cela que nous
continuons à compter sur José Happart pour que ces satanées dispositions
soient revues à la prochaine occasion.
Le choix démocratique
étant étouffé par le gouvernement (une loi ayant servi de coussin), José
Happart ne pouvait plus être présenté comme bourgmestre en 1989. On vit donc
un avion spécial aller chercher la signature royale à Motril pour installer le
plus vite possible notre ami Nico Droeven.
Après les élections
de 1994, le gouvernement nous a encore réservé un petit cinéma pour la
prestation de serment de notre ami José Smeets, revenu à la politique après
un congé parental de 6 ans. Il y eut donc encore des négociations nocturnes,
aboutissant à une prestation de serment peu commune et très matinale: le
gouverneur du Limbourg a ainsi passé la nuit à Val-Duchesse à attendre cette
prestation de serment. Je vous assure qu’il n’avait cependant pas perdu son
temps: il lisait un livre … en français.
Le pari que nous
avions donc fait avant 1980 en poussant la candidature de José Happart au
moyorat fouronnais pour arriver à faire bouger les choses a porté ses fruits,
même si certains sont plus amers que d’autres.
Nous,
le compagnons de l’Action fouronnaise, nous avons aussi été mis très tôt
dans le secret de la présence de José Happart sur les listes européennes en
1984. Je me rappelle encore de l’arrivée de Guy Spitaels, le dieu décrit par
Madame Liekendael, dans l’hôtel des bords de Meuse où cet accord fut
officialisé.
Au plan
personnel, nous nous félicitons aussi du succès que notre ami José Happart a
rencontré lors des différents scrutins européens et nous lui souhaitons déjà
bonne chance pour les futures échéances électorales.
Nous ne doutons
pas du fait qu’il continuera à nous aider pour sortir les Fourons de cette
Flandre qui se montre toujours de plus en plus intolérante et inamicale à
notre égard.
Tu sais, José,
je ne terminerai jamais sans une rosserie. J’évoquerai donc ton action
sociale et la seule fois où tu pris un poing sur la figure. C’était une nuit
de Noël et c’était chez des gens que tu avais fait héberger ici. L’action
sociale sur le terrain, c’est encore plus dur que les contacts physiques avec
la gendarmerie ou le V.M.O.
Bonne chance
dans tes nouveaux combats!
[1]
Dans
son discours du 10 juillet 1998, Guido Swéron a rappelé, à l’occasion
de la visite de la Ministre Grouwels, que, à l’époque, il fallait que
l’appui de la Flandre devienne visible pour les Fouronnais en y amenant
quelques car de promeneurs flamands têtus et idéalistes. Il les a assurés
de sa gratitude.