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- "Destination Froid"

Arrivée Dimanche 4 janvier 1998

Montréal éclaire la nuit

Mon premier souvenir est ce tapis roulant avec ces grandes photos lumineuses présentant des points typiques du Québec : les courses automobiles, le casino, le Saint Laurent … avec les ambiances sonores correspondantes. Je suis accueilli par Éric (Le Goff), mon boss, ancien collègue et néanmoins ami, qui est venu s’installer avec sa femme, Gaëlle, et sa fille, Clara il y a 1 an et demi. Je vous les présente maintenant parce qu’on va les revoir pas mal par la suite !

Éric, donc, m’emmène aussitôt faire un tour en voiture dans Montréal et m’annonce que le lendemain sera jour de relâche (Ouf !).

Montréal est une île au centre de laquelle se dresse le Mont Royal, d’où la ville tire son nom. Le centre ville de Montréal est au Sud, et dans la moitié Est, dans un rectangle d’autoroutes que l’on traverse, m’explique Éric, difficilement aux heures de pointe.

Avant d’arriver dans le centre, on peut admirer l’étendue de la ville par un simple regard circulaire, l’autoroute étant surélevée. La ville est très étalée car 90 % des habitations sont des maisons ou plutôt de petits immeubles d’un ou deux étages.

Les immenses buildings du centre ville, dont beaucoup dépassent les trente étages, sont réellement impressionnants. D’autant qu’ils sont mis en valeur par de larges avenues rectilignes. Les bâtisses les plus anciennes du vieux Montréal datent du 18ème siècle, et côtoient des gratte ciels qui pourraient figurer dans Métropolis ou Flash Gordon.

De nombreux espaces – parkings ou simples espaces verts – blancs en l’occurrence – sont encore autant d’alvéoles d’une ville aux larges poumons.

Je découvre la sympathique suite meublée qui me servira de tanière pour les prochains jour. Elle est au douzième étage, c’est à dire juste sous le quatorzième ... C’est à dire également onze étages au dessus du rez-de-chaussée, puisque l’étage un n’existe pas. Ne me demandez pas pourquoi. Je pense que c’est pour la même raison que celle pour laquelle les poignées se tournent dans l’autre sens ...

Lundi 5

On m’a déjà prévenu pour ce qui est du vocabulaire des repas : le petit déjeuner, c’est le " déjeuner ", le déjeuner, le " dîner " et le dîner, c’est le souper. Je dois avouer que j’ai encore aujourd’hui un peu de mal (après un mois !). Donc, après une très bonne nuit dans le lit armoire de la suite, je prends mon temps pour déjeuner devant la télé. Devinette : c’est le mot français ou québécois que je j’utilise ici ?

Québécois ! En fait, je me suis levé très tôt. Dans ce sens-ci, le décalage horaire (France vers Québec) est très supportable – surtout pour les couche-tard comme moi. Comme j’avais sommeil vers 3h du mat en France, ça fait qu’ici je commence à bailler vers 21h, ce qui n’est pas plus mal pour se lever tôt ! Et je devrai me lever tôt, puisqu’ici les horaires sont assez tassés vers le matin – 8h30 / 16h avec une très courte pause déjeuner euh … dîner.

Rendez-vous ensuite au bureau pour faire connaissance avec mes collègues ! Je prends le métro. Je me fais houspiller parce que je mets trop de temps à trouver ma monnaie. Forcément, je découvre toutes ces pièces – avec la pièce de 5 cents (" 5 sous ") plus grosse que celle de 10, et cette pièce bâtarde de 25 cents … Finalement, je passe. La première chose à faire est de rendre son ticket ! Ensuite il faut passer le strapontin. Je commence à me diriger vers le quai, puis la personne qui passait derrière moi me tend un ticket qu’elle vient de prendre en pressant un bouton sur une espèce de distributeur, et me dit quelque chose que je pourrais tenter de retranscrire (de mémoire, et sans être sûr d’utiliser les bons termes) : " s’t’prends pas t’correspondance, t’iras pas ben loin ". Deux constatations. Non, trois : 1) ici on se tutoie, 2) le système du métro est assez bizarre 3) les gens sont sympas ! Et puis 4) les québécois ont la fâcheuse habitude de bouffer des voyelles ! Et aussi d’accentuer spécialement certaines syllabes (par exemple le " ben "), ce qui rend le tout assez chantant, d’ailleurs.

Dîner (à midi, donc, si vous suivez) dans un restau japonais. Non seulement le service n’est pas compris (environ 15 %), mais les taxes non plus (deux taxes s’additionnent pour arriver également à 15 %). Tout cela ne facilite pas la comparaison en francs. Ceci dit, globalement, c’est juste un peu moins cher qu’à Paris. On peut trouver, en cherchant un peu, des choses excessivement bon marché. Par exemple, une " pointe " de pizza à 1$can = 4 francs ...

Mardi 6

Premier jour chez le client, Meloche-Monnex – une assurance. Mon contact suit une formation jusqu’à la fin de la semaine. Je serai donc assez tranquille. Je vais en profiter pour partir tôt et profiter des magasins avant leur fermeture, vers 18h (du lundi au mercredi – le jeudi et vendredi ils ferment plus tard, vers 21h).

Des gens qui ne se connaissent apparemment pas ou très peu se parlent dans l’ascenseur comme s’ils se connaissaient depuis 10 ans. Ici, on se tutoie. Sauf, paraît-il, avec les seniors, que l’on vouvoie par respect.

Mercredi 7

Je remarque une photo de John Lennon affichée dans le pressing (" nettoyeur ") chez qui je vais récupérer mes chemises propres et repassées. Je demande s’il est venu ici.

" - Lui non, mais ses vêtements oui ".

Souper avec des amis à l’Académie – restaurant italien – où il faut apporter son vin. Pas mauvais, sauf le café. Il paraît qu’on s’habitue.

Jeudi 8

Un bruit court que Hydro Québec (l’EDF local) va couper l’électricité générale à 3h. Rumeur aussitôt démentie. Mais quand même, c’est bizarre.

Sortie avec des collègues dans plusieurs micro-brasseries et cafés du centre-ville. Bonne bière. Pas chère. Ici les gens soupent (donc le soir – ça c’est facile à retenir !) tôt – vers 6h, 7h – et sortent éventuellement après.

Vendredi 9

Le vendredi noir

4h de l’après-midi à Meloche. On annonce que l’électricité va être coupée, que d’ailleurs il n’y en a plus en ville, et qu’il n’y a par conséquent plus de métro.

C’est la pagaille complète. Les taxis sont pris d’assaut, et de toutes façons il y a des embouteillages partout. J’arrive quand même à en avoir un (taxi, pas embouteillage), et je rejoins Éric, qui, au vingt-cinquième étage de sa tour de verre, n’est pas vraiment au courant (ah ah) de la coupure générale. Je décide d’aller chez lui au cas où il n’y aurait plus d’électricité chez moi, car je n’ai ni chandelles ni envie de monter douze étages à pieds !

Soirée chez les voisins d’Éric qui ont une grande cheminée et ont invité eux-même d’autres voisins. Ambiance hippies avec bière, vin, guitare folk, chansons diverses et plein de gamins qui courent partout – tout ça dans une seule pièce ! C’est plutôt rigolo …

Samedi 10

Brunch

… au Beauty’s, l’un des endroits les plus connus de Montréal. Le couloir est tapissé d’articles, de photos et de lettres de personnalités du monde entier. Que sont donc venus faire tous ces gens ici ? Ils sont venus " bruncher ", c’est à dire faire ce que je fais chez moi le week-end, de onze heures à 2h de l’après-midi. Sauf qu’ici, on ne se sent pas le moins du monde coupable ni de paresse ni de gourmandise à s’empiffrer, confortablement assis sur une large banquette, de bacon, œufs, saucisses, jus d’oranges, bagel et pancakes copieusement arrosés de … sirop d’érable bien sûr.

Aller-retour chez les Le Goff pour vérifier qu’il n’y a toujours pas d’électricité. On est passé de 17 à 12 degrés.

Sortie shopping, pardon … " magasinage ". Gaëlle a des envies de foie gras arrosé au Champ, parce que dans leur dernier périple dans sa famille aux Etats-Unis, pendant les fêtes de fin d’année, elle n’y a pas eu droit. Ok. Pour le foie gras, pas de problème, les magasins sont ouverts le dimanche. Pour le Champagne, comme pour tous les alcools forts ou importés, il faut se rendre dans un S.A.Q. (Service des alcools du Québec, ou quelque chose comme ça). On décide de prendre un magnum. Puis on revient sur notre position. C’est démesurément trop cher ! J’en profite pour lancer un appel : si vous venez me voir au Québec, s’il vous plaît apportez du vin ! On ne trouve pas tout, ici, et c’est pas mal plus cher qu’en France.

Dimanche 11

Brrrr …

Rien ne va plus, il commence à faire vraiment frisquounet frisquounet ici. Il fait 7 degré. Plus question de dormir ici cette nuit. On commence à se renseigner pour les centres d’hébergement. Je décide de passer à l’hôtel prendre des affaires. 10 étages à pied plus tard, je m’apprête à redescendre quand tout à coup … la lumière fut ! Incroyable but true ! Incredible mais trou !

C’est la fête ! Il y a un canapé lit à deux places ! Tout le monde s’installe chez moi, on fête le retour de l’électricité en prenant un verre de whiskey devant … la télé. Éric essaie de nous expliquer les règles du troisième sport national (après le hockey et les courses automobiles), le football américain (il existe aussi le canadien avec de subtiles différences). Bôf. J’ai échappé au football français, c’est pas tellement pour me marier avec l’américain. Ni le Canadien. Quelqu’un peut-il faire retomber un pylône, le temps que finisse le match, s’il te plaît là-haut ?

Sortie dans un bon restau italien. Non, plutôt japonais. Non, italien. Oh non, japonais … Stop ! On va vous mettre d’accord. À Montréal, il existe même des restaus … italo-japonais (ou japono-italiens ?!) !!! Comme c’est une rue où il est interdit de se garer et que le quartier est encombré, on fait garer la voiture en donnant quelques dollars … et on nous la ramène à la sortie (ce qui est fort agréable, tout de même).

Lundi 12

L’électricité revient chez les Le Goff. Tant mieux, parce qu’il paraît que le chat aurait pu prendre froid.

Mardi 13

Je découvre les problèmes de langue. En principe, il n’y a pas de problème de langue, ici, puisque le bilinguisme est officiel au Canada. Tous les panneaux sont en français et en anglais (il y a même une loi qui dit qu’au Québec, on doit commencer par le français – la fameuse loi 101). Les gens s’adressent d’abord à toi dans la langue qui leur semble la plus probable (en fonction du quartier, de ta langue maternelle la plus probable, et enfin, de leur langue maternelle à eux), puis, si tu sembles ne pas réagir au quart de tour, ils refont une tentative dans l’autre langue. Dans les magasins, aussi, on s’entend souvent dire des choses du genre : " bonjour, may I help you? " ! Du moins une grande partie des québécois maîtrisent les deux langues. Seulement tu peux tomber sur un anglophone qui essaie tant bien que mal de te parler en français, qu’il sait être ta langue maternelle, mais encore plus mal qu’une vache espagnole qui n’aurait pas lu la première page d’un Assimil de français. Il est sympa, ce type qui s’occupe de l’hôtel en fin d’après-midi, mais je n’ai vraiment rien compris à ce qu’il m’a raconté. Il faut dire que quand on ne conjugue aucun verbe, ça ne pas aider à comprendre. Et puis lui demander de répéter en anglais, ça revenait à l’insulter ...

Jeudi 15

Je visite un appartement au 4ème dans un immeuble de 14 étages, juste à côté d’un grand parc, le parc Lafontaine. A une demi-heure de marche du centre-ville. A dix minutes de deux stations de métro. Avec une vue relativement dégagée. En toile de fond, le mont Royal. Je suis emballé. Quand j’en sors, je remarque un nom sur la liste des locataires : c’est Bruno, un ancien collègue de Nat Systèmes, … avec qui je viens de dîner (à midi, donc) parce que c’est lui qui donne la formation à Meloche-Monnex !!! Le mon… tréal est petit !

Samedi 17

J’emménage dans mon nouvel appartement ! On me prête un matelas, un sac de couchage, un couteau, une fourchette, une cuillère, une assiette. Voyons … Non, je crois que je n’ai besoin de rien d’autre.

Mon nouveau quartier, le " plateau ", est paraît-il l’un des plus vivants … de tout le nord de l’Amérique ! Effectivement, c’est bourré à craquer de restaurants et cafés de tout poil. Une grande artère, Mont Royal, contient tout ce dont je peux rêver comme magasins, à deux minutes de marche.

Dimanche 18

Ah ! Si. Il me manque quelquechose : un réveil ! Heureusement que les magasins ouvrent le dimanche (et ferment à 17h). J’achète donc un radio-réveil – en attendant une télé !

J’en profite pour acheter un appareil photo d’occasion. On trouve facilement des magasins qui vendent du matériel d’occasion en même temps que du neuf. Pour les CDs, les BDs, les livres aussi …

Je fais connaissance avec mes voisins. Du moins ceux qui répondent quand on frappe à leur porte. De toutes façons, les autres ne m’intéressent pas. Mario, un peintre en aéronautique qui cohabite avec Michel, un vendeur de guitares, joueur à l’occasion. Très sympas. De vrais québecois. Je ne comprend à peu près qu’une phrase sur deux !

Jeudi 22

Les bars ferment à 3h30 …

Je sors avec Mario et Michel dans un bar à deux pas de là. Je découvre que les bars ferment à 3h30 ... et que les nuits ont la même longueur qu’en France. Dommage !

Vendredi 23

Avis de tempête de neige

Il a commencé à neiger dans la nuit et on annonce que ça va durer au moins deux jours. C’est ce qu’on appelle une tempête de neige. Rien de dramatique si ce n’est que les voitures sont obligées de rouler au ralentis. Ainsi que les piétons, parce que marcher dans 20 cm de neige, c’est crevant !

Les déneigeuses fonctionnent à plein régime (depuis le début des coupures d’électricité), mais il reste plein de rues et de trottoirs enfouis sous la neige … C’est assez joli, d’ailleurs.

Souper dans une crêperie bretonne, là encore, à deux pas de chez moi (je la vois de ma fenêtre). Pas mauvais, pour un produit exporté. Il faut dire que c’est tenu par des français, et qu’on se croirait vraiment en bretagne ! … Sauf qu’il y a du sirop d’érable sur la table, et que mon collègue en arrose sa crêpe jambon fromage !

Dimanche 25

Youpi, Ski !

Devinez ce qu’on peut faire à moins d’une heure de voiture de Montréal ? Bon, d’accord, le domaine skiable est assez restreint. Mais peu importe, puisqu’on ne skie qu’un jour. La semaine suivante, on va à un autre. Il y en a tellement.

Je prends des photos. Enfin, j’essaye. Il faut quand même être assez rapide … Enlever les gants, enlever le cache, allumer l’appareil, faire défiler la pellicule, zoomer, faire la mise au point, appuyer sur le déclencheur … Et puis l’éteindre, le refermer et remettre les gants vite parce que ça caille sec !

A part ça, c’est " ben l’fun " ! Deux ou trois gamelles et je me sens bientôt suffisamment en confiance pour dévaler à toute allure les pistes … vertes.

Lundi 26

Le saut dans le futur

Je découvre les joies du surf sans limite sur Internet. En effet, les communications locales étant gratuites, seul est payant pour accéder à Internet le fournisseur d’accès. Or celui-ci est constant quelque soit le temps réellement passé sur Internet. De plus, c’est ma compagnie qui paie le fournisseur d’accès. Je commande des CDs en espérant les recevoir assez rapidement, puisque je suis bien plus proche des États Unis, maintenant. 3 CDs pour 120 F, frais de port compris. Soit le prix d’un à la Fnac, le temps de déplacement et le stress de la foule en moins. Et on peut écouter des extraits des morceaux avant d’acheter !

Pendant que je suis en ligne, le service Téléréponse de Bell prend les messages. Ce qui ne serait pas possible avec un répondeur traditionnel.

Mardi 27

Sortie cinéma. " Romaine ", un petit film français sur une française en vacances… très marrant.

Il y a beaucoup de cinémas à Montréal qui passent des films en français (français ou québecois, ou doublés) ou en anglais (mais jamais sous titrés). Les films français sortent ici six mois après être sortis en France. C’est pas si mal. Bien sûr, la bobine est usée … C’est 8.50 $ la séance après 18h ou 6.50 $ après. Ça peut même descendre à 2.50 $ dans un cinéma qui a revu ses tarifs pour résister à un nouveau complexe de 12 salles ! Peut-être que ça va faire boule de neige ?!

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