L’entretien d’un site |
Après des années de portages héroïques des ailes, si légères dans le vent mais si lourdes sur les épaules, une route carrossable fut aménagée au prix d’un labeur aussi acharné. Et, par cette route nouvelle, voilà qu’un zélé porta en secret une croix qu’il érigea au sommet, sans permission autre que celle du ciel. Mais cette croix encombrait la trajectoire de décollages par certains vents. Le dilemme de cette situation vient du respect intouchable de ces actes illuminés. Alors un pilote de nuit pactisa avec des lutins. Ainsi, furtivement, la croix fut déplacée par ceux-ci un peu plus loin pour ne pas nuire au vol. Sans offense, sans blâme, sans bataille, le zêlé accepta simplement la nouvelle position. En fait son désir était que sa croix fut vue tout au loin.
Mais ces lutins de nuit en attirèrent d’autres avec des feux qui brillaient parfois sur ce morne glacial. Et de ces lutins, certains se trouvèrent malsains. Une nuit, l’oriflamme dominante fut la cible de leur méfait de xénobionthe. Le biroute ( manche à air ) fut arraché et déchiqueté au couteau. Les pilotes qui l’ont retrouvé frissonnaient devant cette affront à leur pur dessein. Malgré le ressentiment suggéré, c’est avec le sourire que la machine à coudre en reconstitua une autre. Le pilote couturier s’appliqua avec joie à son art. Il considérait que, vent ou vandale, la confection serait la même et ne devrait pas laisser le ressentiment flotter sur la place. Promptement remplacée, les lutins n’y touchèrent plus. Techniquement concue pour notre sécurité, et aussi pour être vue de loin ( et de haut ), la manche à air n’a pas à souffrir l’insulte d’un drapeau et de ses encombrantes anxiétés. Quoiqu’il en soit, la nature est amplement prodique de signaux intouchables. Plusieurs étangs, tels des manches géantes, miroitent fidèlement le ciel autour de La Légende.
Cependant les lieux du sommet continuaient d’être souvent saccagés par des inspirations rageuses propres à notre époque, à toutes les époques. La solitude et la magnificience n’a pas l’air de profiter à tous. Certains apportaient avec eux des vicissitudes illogiques. On retrouvait l’abri sans portes ni fenêtres. Un « kik » récidivant était de faire rouler le bidon de déchets du haut de la plate-forme de décollage... jusqu’à ce qu’on se lasse de le récupérer dans la falaise. Cela ne facilitait pas la corvée de collectes de déchets effectuée par les pilotes qui s’encourageaient au prétexte qu’ils ont déjà été des enfants. Mais quand la plate-forme fut attaquée par un délire de trouver du combustible pour alimenter un feu de camp, cela ne passa plus. Et sans divulguer les habiles méthodes d’investigation très efficaces, les malfaisants furent cernés. Il fut question de les déclarer aux autorités judiciaires, de les intimider ou de les chasser drument. L’opinion était partagée chez les pilotes. La solution fut plus géniale. À la corvée qui suivit, les jeunes malfaiteurs furent conviés de participer. Ils s’avérèrent pardonnables, connurent notre ambiance fraternelle et ne furent plus portés à détruire ce qu’ils avaient eux-mêmes construit. À l’avenir, ils protégeraient les lieux contre les mauvais lutins. Et ce fut le cas, cette saison...
Certains pilotes n’attendent pas d’être en vol pour déployer leur valeur, leur franc sourire et la sagesse qui est une force de la discipline du vol libre. Chérissant tout ce qui apporte au vol, ils sont aussi attentifs avant, pendant et après le vol. L’entretien d’un site est formateur de l’attitude de pilotage. L’aventure d’un vol confronte le pilote aux éléments de la nature. Ceux-ci peuvent être aussi ténébreux que l’humain. L’occasion de développer l’agilité requise pour y faire face ne se saisit pas qu’en vol. Par exemple, en vol voyage, l’esprit de décision doit être aiguisé car de nombreuses contradictions sont soumises au pilote. Déjà, se débrouiller sur ce site et ce texte est un bon exercice. Alors, voici pour ceux qui n’ont pas l’imagination crédule aux lutins du site de La Légende ou aux Rascar du site du FLaQ, un exercice d’analyse rapide d’une simple phrase FLaQuiste qui termine ce texte dont elle est une réflexion. Elle est tirée de l’ouvrage de Douglas Hofstadter sur les concepts fluides et analogies créatrices, modèles ordinés des mécanismes fondamentaux de la pensée. « Cette phrase-ci se contredit, mais en fait non.»
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