~ Mon plus beau Fly ~
La conquête du Volcan
par MecFly
Mégantic, 7 juin 97, 70 kilomètres
Il y a de ces rêves qui vous hantent et restent ancrés en vous pendant des
années. Ici sera décrit, un de mes fantasmes de vol des plus tenaces. Voler
une montagne qui n’avait pas livré tous ses secrets. Depuis plusieurs
années, j’avais eu la chance de faire la rencontre de cette belle réservée.
À chaque rencontre, quelques uns de ses secrets nous étaient dévoilés. Très
peu d’histoires de sa conquête s’ébruitaient, son décollage se trouvant
dans une contrée éloignée et vers l’est son décollage étant dirigé.
Au début du printemps passé, une masse d’air s’avance doucement. Elle
viendra préparer la montagne pour que le rêve devienne réalité. Cette
semaine là, je m’en souviens comme d’hier, un soleil ardent et une brise
d’est s’étira sur huit jours...huit jours d‘un vent qui ne se pointe que
lorsqu’il pleut.
Imaginez, j’étais sur le bord du quai, dans le vieux port de Trois-Rivières,
la terrasse, le soleil, la musique et les belles femmes...Inimaginable, je
songeais à cette belle lointaine.Nous étions en train de manquer les plus
belles conditions pour Mégantic, le chemin était encore plein de neige et
j’étais pris à Trois Rivières pour trois autres journées.
À mon arrivée à Thetford, le vent d’est et Galarneau persiste dans le ciel
du FLaQ. Après la lecture des messages de la liste, j’apprends que des
pilotes de Sherbrooke et de Trois Rivières ont tenté la chance pour La
montagne au début de la huitaine. Ils ont dû faire la fin de l’ascension à
pied, le volcan leur a offert une maigre « sled » en récompense.
Nous sommes maintenant rendus au matin du septième jour de vent d’est et les
conditions tiennent bon. Le rendez-vous de bonne heure est donné avec le
Duck. Du haut de son balcon, la vue sur le Volcan est sublime et
l’expédition est lancée vers notre but.
À notre grande joie lors de la montée en 4X4, la neige avait fondu dans le
chemin. Dans la forêt il en était tout autrement. Le massif de Mégantic
compte pour l’un des trois »recordmount» en ce qui concerne les
accumulations de neige au sud du Québec. Les autres étant la réserve des
Laurentides et les Chic Choc.
Jusqu’à maintenant, les maximums d’altitudes rapportés par le FLaQ sont de
6250 pieds AGL (8000’ asl). Cependant, Le Volcan ne nous fait le plaisir
de telle éruption que très rarement. Ce matin là, je crois me souvenir que
le sol vibrait. Le thermique serait sûrement dévastateur pour cette journée.
À la montagne, le vent de l’est est parfait. Il est tôt pour décoller mais
vu l’orientation du versant, le réchauffement maximum de la paroi devrait
se faire à midi. Plusieurs pilotes de Yamaska ont aussi senti le sol
trembler. La soupe commence à être chaude et je me prépare fébrilement au
montage de mon aile.
Donc, tout en regardant la neige se confondre avec mon aile blanche (toute
les deux un peu jaunis par le printemps). Je me prépare au décollage. Les
cycles thermiques sont forts comme jamais je ne les ai vus ici dans le
passé. Les haubans des antennes sifflent dans le vent entre deux silences.
Le coeur me débat tellement que les questions des badeaux qui m’entourent
ne m’atteignent plus. Je pense bien que c’est LA journée...
Je décolle dans une accalmie, je n’ai pas eu l’occasion de décoller à cet
endroit par vent fort. Pour être sur de ne pas être surpris par un vent
rabattant, j’opte pour un air calme au décollage. Super départ, mais ...Haaaaa
&6/@Xx QQ~ ..... aucun lift à la montagne, je perds de plus en plus. Les
1600’ du décollage fondent comme la neige au soleil et je me dirige vers
l’atterrissage. Ne vous en faites pas, je n’ai pas tout dit.
J’ai entre moi et l’atterrissage, la plus belle pompe de service de...la
province. Hé oui... et elle tient ses engagements. Elle m’envoie à près de
7800’ à ma deuxième tentative pour découvrir son coeur.
Le thermique est puissant et immense. Si le malheur nous frappe et qu’on
le perd.... la pompe de service redonnera au pilote l’élan qui le propulsera
de nouveau vers les nuages. J’ai à mon esprit une image de ce thermique.
On dit souvent qu’on monte dans une bulle, pour ce cas ci, une colonne
serait plus appropriée, presque aucune interruption ne vient déranger cet
incroyable monte-aile céleste.
Des thermiques sans défaut, ça n’existe pas, y a presque toujours un nuage
pour les arrêter. À proximité de celui-ci, la turbulence était inconcevable
. Tellement ébranlé par les secousses et la force incroyable de cette
colonne thermique, ma tête fut projetée contre ma barre de contrôle... Par
la suite, je me suis évanouis et j’ai fait un horrible cauchemar.
J’ai rêvé que la pompe était si forte qu’elle m’aspirait avant que je
puisse me sauver. La terre disparaissait et j’étais enveloppé dans un monde
blanc sans couleur ni profondeur, comme dans un rêve. Ha euh! J’étais
bien dans un rêve, je me sentais très confus. J’avais très envie de sortir
de ce monde qui n’était pas vraiment le mien. Être à l’intérieur de ce nuage
était une des expériences les plus « bad tripante » que l’on puisse
imaginer. Mon souffle était court, saccadé, les sueurs devaient ruisseler
sur mes tempes. La barre de contrôle aux genoux, l’aile difficile à
contrôler par son « yaw » excessif, IL FAUT ABSOLUMENT QUE JE ME RÉVEILLE...
J’imagine que rêver d’être SUR un nuage est préférable à se trouver à
l’intérieur. À cet instant, mon subconscient doit m’avoir dit: « Continu
de tirer sur la barre... » Puis ma vision s’est teintée d’azur et j’ai fait
éruption de mon cauchemar. J’étais dans un magnifique ciel bleuté, dos à
la montagne, en direction de Sherbrooke...
Ouf!... les amis, difficile d’exprimer cette confusion qui m’habitait. Tout
d’abord, un moment pour me ressaisir et prendre la prochaine décision. La
vue est magnifique et apaisante. Le paysage est clair, au loin se trouvent
les montagnes du Maine et du New Hampshire. Saddle hill, Marble mountain,
Prospect hill.... toutes de belles inconnues qui par leurs sommets forme
la ligne continue de partage des eaux de pluie. Du même coup, la frontière
québéco-américaine.
L’ouest est magnifique aussi. On peut très bien distinguer le mont Orford
au loin. Avec un vent franc est, c’est le but à atteindre. C’est parti,
j’y vais. La forêt est dense et les atterrissages rares mais ils sont
concentrés sur le parcours de la route 212. Pour les 30 premiers kilomètres,
c’est la seule voie à suivre. Première étape, La Patrie. Pour y avoir déjà
été en auto, je me doute du cadeau qui m’y attend. Ce petit village
réputé pour sa lutherie est situé sur une colline entourée de superbes
champs. Un « trigger » d'où les thermiques devraient être abondants et
costauds.
À cet endroit, nous sommes dans un pays de bûcherons. Mise à part les motifs
incroyables dessinés par les coupes de bois sélectives, le village sera
surement un point d'où les pompes devraient surgir. Comme de fait, juste
de l’autre côté de La Patrie, elles y sont et nous revoilà au plafond.
Prochaine étape... no where.
Justement, on peut sûrement m’aider à me localiser. Au départ pour le vol,
j’avais pris soin d’apporter mon radio. Il m’avait été utile quelques
instant avant le « cauchemar ». Du haut de mon belvédère, j’avais localisé
Gilles. Il avait dû faire un atterrissage d’urgence. L’éruption
strombolienne de notre volcan, en plus de me projeter en altitude, était
accompagnée cette journée là de coulées d’air lourdes comme de la lave.
Ces flots dévalaient les pentes et rendaient presque impossible les vols
en dynamique. Prisonnier de cette coulée, Gilles s’est retrouvé au sol avec
le triste record de temps minimum pour un vol au Volcan. :(
La partie médiane du vol n’est plus très claire à mon esprit. Je me souviens
d’un état de concentration extrême.Celui-ci m’est obligatoire pour
exploiter au maximum tous ce qui peut allonger un vol. Cet état d’alerte,
il était interrompu à tout moment par les radios amateurs à qui j’avais
fait l’erreur de parler plus tôt. Ma « tour de contrôle » me demandait sans
cesse des rapports de vol détaillés. Étant plus pris par ce que je vissais
qu’enclin à faire la jasette, je dus mettre mon contrôleur aérien au
chômage. Mes batteries me seraient beaucoup plus utile à l’atterrissage.
Mon Swan Light m’avait déjà porté à bonne distance de ma belle réservée, je
me prenais déjà...à l’avoir oubliée. Ne dit-on pas... loin des yeux, loin
du coeur... Le fait est qu’Orford se rapprochait de plus en plus.
Malheureusement, j’étais rendu à moins de 700’, décider d’un atterrissage
potentiel ne serait pas du luxe. Il y avait des fermes immenses et un
tracteur qui labourait me procura un indicateur de vent par la poussière
qu’il soulevait. De plus, deux étangs frissonnant m’indiquaient de leurs
rebords calmes, le sens et la force d’ Éole.
Mon approche silencieuse fut aussitôt interrompue par mon vario. Mon
compagnon de route m’indiquant que tout pouvait recommencer. Nous repartîmes
vers le haut avec les odeurs de la ferme. Ce ne fut par contre qu’un bref
bond qui nous mena vers l’atterro final, à quelques kilomètres de là.
Huit pouces de neige au décollage, huit pouces d’avoine à l’atterrissage!!!
Mon Foil (marque d’aile peu connue avec laquelle je vole) m’as sûrement
emmener dans un autre pays !!! Une autre planète devrais-je dire. Comme vous
l’avez déjà vous même expérimenté, j’étais un extra-terrestre en cette
contrée. Mais comme E.T., le héros du film de Spieldberg, ces gentils
habitants m’ont aidé. Ils m’ont nourri, je leur aie conté mon voyage et ils
m’ont aidé à contacter mes amis. À un moment donné, Gilles et Jacinthe sont
arrivé à bord de leur soucoupe volante... Heu! Voyons ma sonde Pathfinder
et je suis reparti vers chez moi...go home.
Sur mon retour, je n’ai pas pu m’empêcher de visiter le Duck pour que nous
partagions ensemble ce vol et une bonne Érabière. Aujourd’hui, c’est avec
vous tous que j’avais envi de le faire. Sur la route qui me conduisait à la
maison, je pensais à cette phrase d’un grand pilote suisse: « Les projets
fous perdront leur folie comme la lune sa virginité » Et oui, ce rêve fou
lui avait finalement fait perdre sa pureté... Maintenant qu’elle est
conquise, nous devrons revenir pour recommencer.
Mais cette fois... Les Flaquistes iront atterrir au mont Yamaska.
MegFly