Influence du traitement mécanique de surface sur la résistance à la corrosion localisée d’aciers inoxydables sensibilisés à la corrosion intergranulaire.

Les problèmes posés par les matériaux des pompes de circulation d'eau de mer dans les centrales thermiques de la STEG ont été à l'origine de cette étude. Des phénomènes de corrosion localisée très sévère sont survenus exclusivement au niveau des composants en acier inoxydable duplex brut de moulage (rouet et diffuseur). Nous avons identifié les facteurs pouvant être responsables de ce type de corrosion à savoir les réparations des défauts de moulage.

Nous avons cependant décidé d’étudier l’influence de l’état de surface (topologie de surface) sur la résistance à la corrosion de ces aciers inoxydables à l’état d’utilisation (moulés, traités et réparés).

Ainsi des essais au laboratoire accompagnés d'essai in situ ont été effectués sur des éprouvettes en acier duplex (austéno-ferritique) (composition : 0,05%C – 25% Cr – 6,7% Ni, 2,7% Mo - 2,5% Cu – 0,17%N) que nous avons référencié 007, et en acier austénitique (0,02%C – 17% Cr – 13%Ni – 5% Mo – 0,2%N) prélevées de certains composants de pompes rebutés, pour différents états de surface: meulé, usiné, sablé, usiné prépassivé et sablé prépassivé.

Les résultats des essais in situ pour l'acier duplex ont montré que, curieusement, l'état sablé a le mieux résisté en terme de nombre de figures de corrosion. Les états usinés et meulés ont par contre présenté une corrosion localisée sévère. La corrosion ne semble donc pas être liée à une rugosité élevée. De même la prépassivation ne semble pas avoir sensiblement amélioré la résistance à la corrosion (R1).

Les essais potentiodynamiques au laboratoire ne confirment pas entièrement les constatations sur le site (P1).

Les courbes de polarisation effectuées en eau de mer synthétique et eau de mer naturelle montrent que malgré un potentiel de corrosion toujours plus noble pour l'état sablé, celui ci présente le plus faible potentiel de piqûre (Ep) et une faible tendance à la repassivation (Up) comme d'ailleurs l'état meulé. La prépassivation dans tous les cas a poussé le potentiel de corrosion vers des valeurs plus nobles sans avoir amélioré la résistance à la piquration. (R1).

Afin d’établir sans équivoque l’influence du traitement mécanique de surface sur la résistance à la corrosion localisée des aciers duplex, nous avons effectué une série de préparation de surface sur l’acier duplex Uranus 50 (0,06%C – 20,4%Cr – 8,97%Ni – 2,7%Mo – 1,48%Cu) hypertrempé. Un lot d’échantillons a été préparé par tournage en changeant le couple avance-vitesse de coupe, le deuxième lot a été galeté, la variable étant le couple effort-avance. Le résultat n’est pas surprenant puisqu’on constate que pour le lot tourné comme celui galeté, le potentiel de piqûre augmente quand la rugosité diminue. Peu de conclusions ont pu être faites quant à l’influence de l’effet des contraintes résiduelles sur la résistance à la corrosion localisée car il n’a pas été possible de retrouver la même rugosité pour les deux modes d’usinage (R3).

Il est donc établi que les aciers duplex ont à l’origine une très bonne résistance à la corrosion localisée qui évolue peu ou prou quelque soit le traitement de surface. Toutefois, comme il est classiquement reconnu, il est important de garder un très bon état de surface.

Comme l’étude générale repose sur un phénomène de corrosion localisée survenu sur des corps de pompe réparés (soudage), la suite du travail a consisté à effectuer ensemble de traitements thermiques de sensibilisation sur deux types d’aciers duplex constituant les pompes des centrales thermiques de Radès et Sousse. Le premier est un acier de composition proche de celle du 007, sauf que le % en C est beaucoup plus faible (<0,02), nous l’avons référencié 003. Le deuxième acier est l’uranus 50. Nous avons ainsi simulé ce qui se passe au niveau des ZAT et localisé par une étude microstructurale reliée à des essais normalisés de corrosion intergranulaire, la zone de température dangereuse pour la résistance à la corrosion localisée (R2). Cette température est, pour les deux aciers, de 800°C. Elle correspond à la présence d’une très forte précipitation qui s’est initiée à l’interface ferrite d/austénite g, puis s’est propagée dans d. La phase précipitée est la phase s riche en Cr et Mo. La précipitation de carbures M₂₃C₆ est très peu probable étant donné le faible % en carbone de l’acier.

Dans la suite de l’étude on a montré qu’il était possible d’améliorer la résistance à la corrosion localisée de ces aciers à l’état sensibilisé en leur effectuant un sablage. En effet des essais d’immersion dans le site d’utilisation des pompes (station de pompage de Radès), ont montrés que les échantillons de l’acier 003 sensibilisé présentait des figures de corrosion de profondeur et diamètre importants alors que les échantillons qui ont été en plus sablés étaient totalement exempts de toute attaque (P2).

Il était donc question de déterminer les facteurs responsables de cette amélioration : contraintes résiduelles, évolution de la microstructure. Ainsi, deux traitements mécaniques donnant lieu à la même rugosité mais à des contraintes résiduelles de signes différents ont été effectués : le sablage et le fraisage sans lubrification. Le premier étant un traitement mécanique par impact qui introduit des contraintes résiduelles de compression, le deuxième faisant intervenir des gradients de température, introduit des contraintes résiduelles de traction (P2).

Le sablage a été effectué avec des pressions différentes (2, 4 et 6 bars) tout autre paramètre étant constant. Il a été remarqué que lorsque la pression de sablage augmentait le potentiel de piqûre augmentait aussi malgré une élévation de la rugosité. Pour le fraisage, une augmentation du potentiel de piqûre a été constatée par rapport à l’état de référence.

L’observation de la surface des échantillons fraisés a montré qu’il y a eu dissolution de la phase s responsable de la sensibilisation. Ceci était du à l’élévation de température de la surface lors du fraisage. Ceci explique donc l’augmentation du potentiel de piqûre.

L’amélioration de la résistance pour le sablage est restée étonnante. La poursuite de l’étude microstructurale a montré qu’à la surface des échantillon sablés, la phase s, très fragile, s’était fragmentée (C1) Les diagrammes de diffraction montrent un élargissement des pics de s qui traduit cette fragmentation. Il est important de noter que la phase s ne précipite pas de manière continue dans ces aciers à 800°C. En effet, son apparition se fait selon une transformation eutectoïde qui décompose d en s + g’. g’ est une austénite qui est pauvre en éléments d’alliage (qui sont pompés par s). Ainsi, on estime que l’amorçage des piqûres se fait à ce niveau. Le sablage détruit le composé eutectoïde puisque s est fragmentée et il se crée un état pseudo-homogène (homogénéisé mécaniquement) qui retarde la formation de piqûres.

Enfin nous dirons que ces résultats ont été exploités par la STEG qui a demandé un traitement final de sablage pour ses pompes. L’application du traitement de sablage aux nouvelles pompes an acier 003 a montré une amélioration de la résistance de celles ci. La défaillance reste lorsqu’on omet de prendre des précautions particulières lors de l’usinage final des pales des rouets (R4).

• Caractérisation mécanique de l’état sablé : Il est important de caractériser du point de vue mécanique l’état généré par le sablage. On entend par là l’établissement systématique des profils de microdureté pour les différentes conditions de sablage ainsi que les profils de contraintes résiduelles.
• Caractérisation microstructurale : La microscopie électronique à transmission est à ce stade nécessaire pour caractériser l’évolution microstructurale en fonction des conditions de sablage. Ainsi, l’observation de l’état écrouï (densité de dislocations, formation de nouveaux défauts : défauts d’empilement,...) sera possible. De même l’évolution de la morphologie des phases présentes (s, d, g) et l’éventuelle genèse de nouvelles phases pourra être établie sans ambiguïté.
• Caractérisation électrochimique : Les courbes de polarisation (aller-retour) déjà établies pour cet acier à l’état sablé doivent être approfondies pour comprendre l’apparition des pics d’intensité aussi bien à l’aller qu’au retour.

• R₁ Etude de la corrosion localisée d’aciers inoxydables utilisés pour les pompes de circulation dans les centrales thermiques de la STEG – Influence de l’état de surface, M.A. Chaouachi, PFE, Faculté des sciences de Tunis, juin 1993
• R₂ Influence du traitement thermique sur la résistance à la corrosion localisée en eau de mer d’aciers inoxydables austéno-ferritiques, H. Khanfir, M. Latiri, PFA, ENIT, juin 1996
• R₃ Relation entre les caractéristiques de usrface des pièces usinées et leur résistance à la corrosion en eau de mer, Y. Yedes, PFE, ENIT, juin 1996
• R₄ Rapport d’avancement des travaux en relation avec la corrosion des pompes de circulation d’eau de mer des centrales thermiques, N. Ben Salah, rapport STEG, Ref.ENIT :567 – Ref.STEG :758 du 14 mai 1996.

• C₁ Modification by mechanical treatment of duplex stainles steel characteristics and its influence on the localized corrosion resistance in sea water, N. Ben Salah, W. Bouzid, Microstructural sciences, vol.25 " the role of characterization in understanding environmental degradation of materials ", 20-23 July 1997, conference proceeding.

• P₁ Role of surface finishing on pitting corrosion of a duplex stainless steel in sea water, N. Ben Salah – Rousset, M.A. Chaouachi, A. Chellouf, Journal of Materials Engineering and Performance, Vol.5 (2), April 1996, p.225
• P₂ Influence du traitement mécanique de surface sur la résistance à la corrosion localisée en eau de mer d’un acier inoxydable austéno-ferritique, Lebanese Scientific Research Reports, Vol.2, N° spécial, juillet 1997, p.226