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ISes longs cheveux noirs lui tombaient, raides, jusqu'aux genoux, lui cachant jalousement le visage dont on pouvait deviner tout au plus, en faisant néanmoins preuve d'une capacité d'interpolation certaine, les traits relativement saillants, témoins d'une forte personnalité et d'une fermeté de caractère que semblait dénier toutefois le contour fin du visage, au profit d'une délicatesse inespérée et pourtant indissociable de cette ardente féminité. Recroquevillée sur elle-même, la tête pendant au-dessus de la poitrine faisant paraître la nuque et le dos encore plus élancés qu'ils ne l'étaient en réalité, elle avait gardé une position de quasi – dévotion pendant des heures, ne pensant à rien sauf probablement aux événements passés qu'elle voulait définitivement effacer de son conscient, tellement douloureux qu'il était vain, pour elle, de songer à les garder en mémoire avec l'espoir de mener une vie normale. Aussi essayait-elle de se faire le vide dans l'esprit pour laisser place à des sentiments
| inexpérimentés et à une nouvelle perception, plus optimiste certes mais dans son cas beaucoup moins réaliste, de son existence qui, pour le moment, lui semblait par trop sombre. D'un geste lent du bras, elle écarta sa chevelure soyeuse du visage et leva les yeux pour contempler l'endroit où elle se trouvait et qu'elle aurait déjà dû quitter. Elle esquissa un mouvement de la main pour essayer de chasser cet épais rideau brumeux, s'interposant subrepticement entre elle et une vision onirique se présentant fugitivement devant ses yeux, la rappelant cruellement à une réalité désormais haïe. Ses yeux d'un bleu clair trahissaient pourtant un soulagement inavoué et une sérénité coupable pendant qu'elle faisait du regard le tour de la pièce. C'était une chambre assez grande, encore qu'il soit impropre de dire qu'elle était spacieuse tellement elle était chargée et les passages laissés entre les nombreux meubles, étroits. Des canapés en velours rouge entouraient le large lit, lui aussi recouvert de velours rouge brodé de fils d'or, auquel elle faisait maintenant face. Les rideaux, coupés dans la même matière, et derrière lesquels on devinait de grandes fenêtres à carreaux donnant, le jour, sur un ciel bleu, étaient légèrement tirés et il faisait plutôt sombre dans la pièce. Les lumières étaient éteintes mais les fines gouttes de cristal des lustres ressortaient toute la lueur qu'elles avaient emmagasinée pendant la journée. En baissant les yeux, elle remarqua les éclats rougeâtres qui jonchaient le sol
| et son visage se tordit en un horrible rictus, laissant apparaître une satisfaction sadique, alors qu'un rire caverneux s'échappait de sa bouche et que tout son corps était secoué de convulsions. Elle avait vraiment choisi le cadre idéal et elle se surprit à s'étonner encore de ses goûts en matière d'agencement d'intérieur. Le corps gisant à ses côtés fondait si bien dans le décor. Il aurait même pu faire l'objet, si elle en avait eu le temps, de l'une des toiles accrochées aux quatre murs de la pièce. Mais cela ne lui aurait peut-être pas fait plaisir. Elle tenait avant tout à son bien-être, surtout en ces moments difficiles pour eux deux. Le temps commençait à presser, la nuit tomberait dans quelques heures et il serait alors un peu tard. Elle se leva pour se laver les mains et se rafraîchir le visage et les pensées par la même occasion. L'eau coulant sur sa peau brûlante réveilla en elle quantité de souvenirs d'une époque de totale insouciance où seuls le bonheur et la joie de vivre comptaient, ne laissant s'installer ni tristesse ni aucune amertume dans un train de vie éclaboussant les chemins qu'il traversait et les obstacles qu'il rencontrait d'une insolente gaîté et d'une allégresse criarde, explosant aux visages des personnes osant imposer une quelconque retenue dans cette manifestation de jeunesse débridée. Elle prit finalement une douche froide dans un désir, somme toute justifié, de faire durer ces instants merveilleux où la mémoire de l'être
| révèle ses plus heureuses profondeurs, le temps d'une échappée de l'âme et du cœur. Les filets d'eau ruisselaient sur son corps, s'éparpillant en fines gouttelettes que l'épiderme retenait par endroits, voulant garder pour lui, un moment de plus, ces plaisirs ultimes que l'eau emprisonnait dans ses minuscules particules afin de les éloigner et les faire disparaître dans les flots. Elle referma le robinet et se tint debout, les bras ballants, souffrant silencieusement pendant que ses pores s'entrouvraient, laissant s'échapper les dernières sensations joyeuses, et ne supportant pas plus cette cruelle torture, elle décida de se sécher, se rhabilla et revint s'asseoir à côté du corps allongé à même le sol, là où les pensées les plus sombres qui se profilaient devant ses yeux ne l'accablaient pas autant. Il était plus compliqué pour elle, et surtout beaucoup moins naturel, pour le moment, de penser calmement à ce qui allait suivre. Ses idées avaient du mal à s'enchaîner et son esprit s'embrouillait dans un mélange de joie et de tristesse, de honte et de fierté, de doute et de certitude, incapable de décider des sentiments plus cohérents, encore qu'il soit plutôt étonnant qu'elle n'en éprouve pas de plus contradictoires, tellement en elle bouillait le souvenir, fortement teinté de ressentiment, des événements de la journée qui, il est vrai, n'étaient quand même pas monnaie courante pour elle, et celui de toutes ces années précédentes que tout en elles mettait sous l'emblème d'une joie infinie et d'un bien-être qui semblait éternel. |
ATTENTION : DROITS RESERVES - CE CHAPITRE EST © 1996, 1997 AB
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Cette page a été mise à jour pour la dernière fois samedi 27 mars 1999 à 11:00 GMT