Dimanche 9 décembre 2001
Pour ceux qui l'ignoreraient encore, je suis actuellement en vacances en Bolivie (et pour ceux qui seraient arrivés sur cette page par hasard, "je", c'est Jean-Luc Ancey). Je suis arrivé il y a huit jours, le samedi 1er décembre, à l'aéroport d'El Alto, et depuis je n'ai guère quitté les environs de La Paz.
Si vous croyiez que la capitale de la Bolivie est Bogotà, c'est le moment de dissiper vos illusions. Bogotà, c'est en Colombie, et la capitale de la Bolivie, c'est La Paz. La Paz est paraît-il la capitale la plus haute du monde, et en tout cas il est tout à fait officiel que sa partie la plus haute atteint l'altiplano, c'est-à-dire environ 4000 m (ce qui est l'altitude de l'aéroport).
Pour ma part, je loge notablement plus bas, dans la banlieue, à Achumani (à quelques kilomètres du centre-ville), chez mon déjà vieil ami (il y a dix ans que je le connais) Savas Maurice-André Manço Quiroga, plus connu sous le nom de Maurice, voire Momo. Maurice est un tiers turc, un tiers belge, un tiers français et un tiers bolivien (comme disait Pagnol, ça dépend de la grandeur du tiers). Disons pour simplifier que son père est turc, sa mère bolivienne, et lui-même parisien. Quand nous nous sommes connus, il habitait Cochabamba et était pilote d'avion, mais il vit aujourd'hui à Achumani où il exerce les honorables fonctions de professeur de mathématiques au collège franco-bolivien, et de conseiller-chargé de mission-je ne sais pas quoi au juste à l'ambassade de France.
A dire vrai, je n'avais pas tellement l'intention de m'attarder à La Paz, car ma destination finale est bien Cochabamba. Mais Maurice m'a séduit par une publicité mensongère: il m'a dit qu'il n'allait pas tarder à partir lui-même en vacances en France avec son fiston Alexandre (ou Alejandro Tupac en version originale), et qu'en son absence je pourrais profiter de sa maison et de son ordinateur tout neuf.
C'était alléchant, mais ça ne s'est pas fait, because le fils de Maurice a aussi une mère, Liliana, avec laquelle Maurice n'entretient plus d'excellents rapports depuis longtemps (litote). Ils sont actuellement en plein conflit sur la garde de leur fils et/ou les droits de visite. Donc, Liliana a refusé au dernier moment de laisser son fils quitter le pays, et donc Maurice a annulé son voyage. Tout cela est navrant, et la moindre des conséquences de ce conflit est donc que je n'ai plus d'ordinateur neuf à ma disposition pleine et entière! Heureusement, j'ai mon petit portable, et La Paz est absolument pleine de cyber-cafés, dont certains (les plus chers, évidemment, mais leurs tarifs sont quand même ridicules) atteignent même des taux de transfert enthousiasmants.
Tout le monde me demande quels sont mes projets en Bolivie. Eh bien, figurez-vous, je n'en ai pas: je suis en vacances, et je n'ai pas réellement d'ambition immédiate, à part de souffler un grand coup. Ce n'est pas très facile à La Paz (l'air se raréfie en altitude, donc si je soufflais je manquerais d'air). En conséquence, la prochaine étape de mes aventures sera probablement de me transférer à Cochabamba. A moins que je ne fasse d'abord un petit tour à Sucre, où je n'ai jamais mis les pieds. Tout cela doit se décider dans les jours qui viennent.
J'ai oublié de dire que Maurice, s'il ne vit plus avec la mère de son fils et n'a pas la garde de ce dernier, a quand même femme et enfant sous son toit. Il file le parfait amour avec une charmante Russe nommée Maria (mais que lui-même appelle Tchoutchouska). Maria est de Khabarovsk, c'est-à-dire de la Russie extrême-orientale et non de la Russie d'Europe; mais elle est quand même aussi Russe et blonde qu'on peut l'être, et par ailleurs elle a le caractère le plus aimable qui se puisse rêver. Maria est mère d'un petit Roman âgé de 7 ans -- comme Alexandre; et d'ailleurs les deux enfants s'entendent fort bien, et chacun des deux désigne l'autre comme "mon frère". Quant au père de Roman, il vit en Russie.
Sous le toit de Maurice, tout le monde, enfant compris, comprend le français et parvient même à le parler (Roman, comme Alexandre, est élève du collège franco-bolivien), mais les conversations ont quand même lieu essentiellement en espagnol.
Le portrait de famille ne serait pas complet si je ne touchais pas un mot du chien, Beto (initialement, Alexandre l'avait baptisé Beethoven). C'est un grand chien au pelage de couleur crème, avec un museau et des yeux de loup, et il ressemble assez à certains chiens de traîneau. On me dit qu'il est très gentil et je suis fort disposé à le croire, mais en attendant il s'enfuit presque toujours dès que je l'approche: il est extrêmement timide.
Voilà pour l'essentiel. Maintenant, chers lecteurs, je suppose que vous voudriez un peu de couleur locale. Seulement j'avoue que j'ai la flemme de vous expliquer des choses qui pour moi ne sont guère nouvelles, donc je serai particulièrement laconique.
Les cholitas (commerçantes indigènes) de La Paz portent toujours le chapeau melon; les immeubles de La Paz ont toujours quinze étages au moins, même quand ils sont construits sur des terrains meubles et au bord de précipices (ce qui est particulièrement visible depuis Achumani, où l'on voit les dits immeubles par en-dessous); il fait anormalement chaud, ce qui constitue sans doute le signe avant-coureur de l'arrivée prochaine d'El Niño (phénomène météorologique qui détourne le courant froid de Humboldt des côtes péruviennes, d'où une élévation de température sur toute l'Amérique du sud; on l'appelle El Niño car il commence généralement à être sensible à Noël, fête de la naissance de l'enfant Jésus, el Niño Jesùs en espingouin). Et voilà tout ce que je vous dirai aujourd'hui en guise de couleur locale.
J'ai la flemme, donc pour vous donner une idée du paysage, je fais plutôt appel à la technique moderne, représentée par le scanner de Maurice, et je vous envoie deux superbes cartes postales, reproduites ici en toute illégalité et sans autorisation. Ce qui est au fond très typique de la Bolivie, où le piratage est aussi couramment pratiqué qu'officiellement interdit.
Hasta pronto!