Les appareils photo numériques sont de merveilleuses inventions qui font croire à tous vos amis que vous allez pouvoir leur envoyer vos photos de vacances avant même votre retour. Ben voyons. Là, par exemple, pour faire plaisir à quelques correspondants, j'ai accepté de faire comme ça, vite fait sur le gaz, une jolie page web pour montrer à la planète entière à quoi ressemble le printemps à Cochabamba, Bolivie. Personnellement, j'en ai rien à fiche du printemps à Cocha vu qu'il y fait beau toute l'année, mais bon, faut être sympa avec ses petits lecteurs, et puis avec la technique moderne, diffuser une douzaine de photos, ça n'allait assurément pas me demander plus d'un quart d'heure. Tu parles. Ca fait trois jours que je perds mon temps à essayer de diffuser des photos de petites fleufleurs, et en plus, je ne vais y arriver qu'au format timbre-poste. Pas que ça à fiche, moi, je m'en tape que mes correspondants aient envie de savoir à quoi ressemble le printemps ici. Bon, bon, d'accord, vous n'y êtes pour rien, c'est pas de votre faute si je ne sais pas me servir d'un logiciel de retouche, d'ailleurs je suis nul en informatique tout le monde sait ça. D'accord, j'arrête de râler, et je vous les montre, ces tofs. Mais pardonnez-moi d'avance si le texte d'accompagnement de ces photos n'est pas aussi enthousiaste que les merveilles de la botanique le mériteraient, parce que je commence à en avoir marre de bosser là-dessus, sacré pétard, c'est vrai, quoi, flûte à la fin. Voilà ce que ça donne. Et si ça vous plaît pas, n'avez qu'à venir ici pour voir à quoi ça ressemble vraiment. |
Quand un politicien bolivien veut conquérir les voix des électeurs de Cochabamba, il ne manque jamais de parler de «la hermosa ciudad jardín», car dans l'imaginaire collectif, Cochabamba est en effet une magnifique ville-jardin. Ce n'est pas entièrement faux comme vous allez le voir, mais force est de constater que ce qui saute aux yeux sur les photos qu'on prend comme ça dans la rue vite fait, clic-clac merci Kodak, ce sont plutôt les immeubles (et encore, je ne vous ai vraiment pas choisi les plus moches) et surtout l'incroyable quantité de fils électriques qui traversent le ciel. Cela vient, je crois, de l'amusante tradition du tiers-monde qui consiste à ajouter un nouveau fil chaque fois que l'on constate un faux contact (et ça arrive bougrement souvent, vu la compétence moyenne des électriciens sous ces latitudes). Au bout de quelques années, tout ça se transforme en un assez joli paquet de spaghetti, un entrelacs arachnéen dirais-je même pour montrer que j'ai du vocabulaire si j'avais envie de faire de la poésie (mais moi, je voudrais surtout me débarrasser de cette fichue page web ya de una vez). Enfin bref. Parfois, entre les fils et les immeubles, c'est vrai qu'on peut quand même voir un peu de végétation dans la maaagnifique ville-jardin. |
Car Cochabamba, c'est sous les tropiques (enfin, soyons honnêtes : surtout sous le tropique du Capricorne; si vous préférez le tropique du Cancer, je vous conseille plutôt de visiter l'Egypte), et sous les tropiques, les fleurs poussent bien. Pour le prouver, voici une série d'instantanés pris au ras des pâquerettes dans l'arrière-cour de la maison de mes hôtes, qui il y a encore quelques mois était surtout un carré de terrain vague encombré des gravats de construction de la maison. Je ne dis pas que ces petites fleufleurs sont follement originales, pour tout dire je les trouve même d'une affligeante banalité et franchement se donner autant de mal pour montrer des fleufleurs que n'importe qui peut voir sous le monument aux morts de sa commune, c'est du temps perdu, mais bon, faut se remettre dans le contexte : essayez donc de faire pousser les mêmes dans un terrain vague d'Aubervilliers; non, mais, essayez seulement. Et encore, je me suis limité aux fleufleurs du jardin de mes hôtes, je ne vous montre pas le bananier qui fait déjà ses 2,50 m de haut alors qu'il a été planté il n'y a pas deux ans juste après la fin du chantier. Vingt dieux, la force et la poésie de la nature, la poussée de la sève, la beauté de la chlorophylle, c'est dingue. Enfin bref, ici, quand on plante, ça pousse. Voilà. |
On ne voit pas beaucoup à quoi ressemblent les jardins de Cochabamba quand on se promène dans les rues de la ville, car la tradition locale est de clore sa propriété avec des murs hérissés de tessons de bouteille et de fil de fer barbelé. Mais les plus friqués des autochtones se contentent parfois de grilles en ferraille au travers desquelles ils font pousser des haies décoratives. C'est le cas autour de l'immeuble de je ne sais quelle banque dans le pâté de maison d'où je vous écris, et voilà à quoi ressemble la haie (superbes photos ci-dessus). C'est pas vilain, et si j'en crois mes hôtes, ça s'appelle des bougainvillées (je ne garantis pas l'orthographe, mais alors pas du tout), du nom d'un crétin de botaniste français. Voilà. Je suis moins bête depuis qu'on m'a dit ça, alors je vous le dis à vous aussi comme ça vous aussi vous aurez une culture botanique très utile pour briller en société. Mais bon, la végétation cochabambine typique, sin ninguna especie de duda, c'est quand même le jacaranda. Car comme dit le poète : Le jacaranda Et un jacaranda, ça ressemble à ça : |
C'est joli toutes ces fleurs, mais c'est fragile, et las voyez comme en peu d'espace le jacaranda laisse ses beautés choir. Les fleu-res mortes se ramassent à la pelle, et toutes ces sortes de choses. |
Bon, pour être honnête, les jacarandas ne sont pas du tout les seuls arbres décoratifs qui ornent les rues de Cochabamba, mais je ne vous parlerai pas beaucoup des autres pour tout un tas de raisons toutes plus honorables les unes que les autres : il n'y a pas grand-chose d'autre que des jacarandas dans mon quartier et je n'ai pas envie de ressortir faire des prises de vue surtout que les piles de mon appareil sont à plat; du diable si je sais comment ça s'appelle toutes ces petites bêtes; et puis de toute façon je suis daltonien et quand les fleurs sont plus rouges que bleues, en fait, je ne les vois pas (sans compter que j'ai horreur des fleurs et que ma préférence va aux jardins zen avec du sable noir, des galets et des branches mortes). M'enfin, sachez-le, y a pas que le jacaranda dans les rues de Cocha. Y a aussi des vendeuses de quatre saisons, des flics, des balayeurs, des 4 x 4, des autobus empestant le gazole, des mendiantes en costume typique du nord du département de Potosí... et d'autres jolis arbres. |
Et je terminerai cette charmante causerie (c'est pas dommage; et dire qu'il va encore falloir que je consacre trois plombes à télécharger tout ça) par une série de gros plans sur des grosses fleufleurs poussant cette fois à hauteur des yeux et non plus au ras des pâquerettes. Ça risque d'être plus typique que celles qui illustraient le haut de cette page. Alors extasiez-vous, hein. Et puis allez bien jusqu'en bas de la page, assurez-vous que l'ascenseur de votre navigateur web va bien tout en bas tout en bas, parce que ce serait quand même énervant que je me sois donné autant de mal sans que vous en profitiez. |
Bon, en fait, tout ça, c'est des menteries, et quand je prétends que je déteste la nature et la chlorophylle, c'est juste un genre que je me donne. En fait, j'aime bien les fleufleurs. Vous savez quoi ? Je trouve que c'est joli. |