RENCONTRE Debout sur le bord de la falaise, il contemplait l'horizon lointain... Les mains dans les poches de son imperméable, il frissonnait, mais malgré le froid, ce n'était pas de froid qu'il frissonnait.
Il sortait de l'hôpital, du moins préférait-il penser que c'était de l'hôpital. En fait il sortait d'un asile d'aliénés. Les médecins l'avaient déclaré guéri... Lui-même pensait qu'il était guéri... Enfin, il n'avait plus envie de se suicider. Oh bien sûr, il ressentait une immense mélancolie, une immense tristesse mentale qui le faisait frissonner. Mais son mal ne pouvait être soulagé par une quelconque thérapeuthique, si complète soit-elle. Son mal avait pour nom : solitude. Nul amour, nulle amitié, pas même la plus légère affection ne le rattachait à quelqu'un. Non, il n'avait plus envie de se suicider, seulement, il n'avait pas pour autant le goût de vivre. Le ciel gris, la mer sombre et morne, le froid pénétrant, tout cela était en parfait accord avec son esprit présent. Cela lui procurait un certain bien-être, si l'on pouvait appeler cela bien-être... Tranquillement, il prit conscience de la présence à ses côtés d'un esprit semblable au sien, lentement il se tourna pour rencontrer des yeux tristes qui semblaient être le reflet des siens. Une femme se tenait près de lui, était-ce parce qu'il avait déjà ressentit le même désir qu'elle, oui, probablement, c'était pour cela qu'il savait pourquoi cette femme se tenait là, dans cette froide journée, sur le bord de cette haute falaise surplombant la mer morne et sombre... Elle frissonna et il sut que ce n'était pas de froid. Les yeux immenses de la femme contemplait la mer, à l'intérieur d'eux il lut le même désespoir qui l'habitait, le même désir qui l'avait habité. Oui, il savait ce qu'elle était venu faire ici, sur le bord de cette falaise en ce froid matin... Il sentit son hésitation, sa peur de l'inconnu et soudain, il ne frissonna plus, un léger sourire sembla même apparaître sur ses lèvres. Tout doucement la main de l'homme prit celle de la femme qui cessa elle aussi de frissonner. Ce contact les remplit d'une grande paix. Ils restèrent encore quelques instancts immobiles, paisibles et heureux, puis, d'un commun accord, ils firent un pas. Leur premier pas ensemble, leur seul et unique pas ensemble... Le bruit de leur corps se fracassant sur les rochers fut couvert par celui de la mer qui, imperturbable, les recueillit dans son immensité... |