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La Louve

Le piège

Après le départ de celle qui avait secrètement voulu être sa Louve, le Loup se retrouva bien seul avec ses regrets. Il n'avait pas su comprendre les préliminaires amoureux de celle-là même qu'il avait, à une autre époque, voulue être sa compagne de vie, sa Louve à lui, mais qu'il avait trouvée inaccessible plus loin que dans des liens d'une amitié sans bornes. Il ne lui restait plus pour présence que des traces de poussière, et le parfum fané d'amours passagères qui tentait de s'imprégner dans les murs du terrier, encore rempli de la cause de son désarroi.

Le Loup était atterré, profondément déchiré par la peine qu'il savait avoir causée à l'aspirante qui s'en était allée, la tête très haute et les yeux embués, cette bête traquée qui avait fièrement déclaré: "Ça tombe bien, j'allais justement partir d'ici". Le Loup ne tenait plus en place, il ne se sentait plus chez lui, ne pouvait plus, ne voulait plus effleurer cette femelle nouvelle venue sans revoir, sans sentir, sans s'empêcher d'imaginer aimer la Louve qui s'était enfuie loin de chez lui. Il avait besoin de s'aérer, de nettoyer sa fourrure et son terrier, d'en chasser son remords et la preuve de l'infidélité insoupçonnée de lui...

Il prit donc son courage à deux pattes, secoua ses chairs et fit son grand ménage, nettoya son terrier et aussi ses idées. Il pouvait respirer à nouveau l'odeur des sapinages. Alors il sortit et retourna dans les bois, presqu'heureux de reconnaître encore derrière lui la large trace qu'il laissait dans la neige, celle là qui avait intrigué la Louve fière, et qui l'avait conduite jusque chez lui, autrefois...

Il se laissa conduire par l'instinct, ou plutôt par cet appel qui criait en lui des termes bien imprécis que personne d'autre que lui-même et la Louve de ses désirs n'aurait pu capter. Le Loup errait tout nez devant, il chassait à nouveau. Il chassait les remords, le défaitisme, les mauvaises aventures, le déni.

Le dernier rayon de lune disparut derrière la colline. Le Loup reconnut alors dans le vent une odeur particulière et très chère, une odeur qu'il avait crue perdue à jamais... Oui... Aucune erreur possible. L'odeur était fière et orgueilleuse, franche et puissante, chargée de souvenirs tout chauds encore à son esprit. Il venait de repérer sa Louve! Il continua donc d'avancer en direction de ce parfum qui gavait son nez, remplissait son coeur de Loup abandonné.

Il l'aperçut enfin! Oui, c'était bien elle, la Louve qui était passée à deux poils de devenir sa Louve à lui, et qui avait choisi d'aller pleurer sa peine dans la crevasse qui lui servait de gîte... Comme elle était belle et désirable, couchée ainsi sur ce drap blanc de neige... Doucement, pour ne pas lui faire peur, il s'en approcha. Elle le vit, branla un peu la queue pour lui faire savoir qu'elle l'avait reconnu, et elle lui tendit sa gorge en signe d'affection. Elle lui avait donc pardonné... Le Loup, tout heureux et soulagé, la mordit affectueusement et lui embrassa le nez. Il voulut jouer un peu avec elle, mais elle demeura allongée sur la neige au pied du grand chêne. Elle le regarda dans les yeux et émit une sourde plainte, juste comme elle tentait de se relever... Il comprit alors l'ampleur du drame en voyant que la patte avant de sa Louve ne pouvait plus la supporter.

Horreur et damnation! Sa Louve était captive, elle était prise au piège. Impuissante, elle ne pouvait plus bouger. Dans la tête et dans le coeur du Loup qui battait à vouloir se rompre, le sang affluait... Sa Louve était en danger, on pouvait venir et la trouver, puis la capturer ou tout simplement l'abattre. Il devait agir. Les mâchoires du piège résistèrent à ses griffes et à ses crocs. Il s'énervait, mais se ressaisit bien vite en se disant qu'il devait à tout prix la libérer, dut-elle y laisser sa patte... Il s'arc-bouta donc, et prit dans sa gueule toute pleine d'écume le traître piège. Il finit par briser le lien qui le retenait à l'arbre complice. Ce serait maintenant plus facile de la dégager, puisque sa Louve pourrait bouger et aider son Loup à la tirer de ce mauvais pas. Ils unirent leurs efforts pour finalement réussir le périlleux sauvetage. Le piège rendit l'âme, et ses mâchoires de métal s'écartèrent. La blessure était mineure, fort heureusement, et les deux loups la léchèrent tour à tour. Puis ils retroussèrent leurs babines pour se sourire et s'embrasser. Ils s'étaient retrouvés enfin...

Ils partirent ensemble, puis disparurent discrètement dans les bois de Verchères.


© Tous droits réservés, Claude Guidi /alias BOUCAN, 1999


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