Soleil radieux, couleurs de rêve… J'avançais à peine plus vite que mon cœur me le disait. Et le nord ne me paraissait guère invitant. Je voyais pourtant et croyais en ce vert d'espoir que dégageait l'herbe dans la vallée sans fin que mes pieds foulaient, en cet or massif qui couronnait l'étendue peinte du bleu de liberté. Les quelques parfums de fleurs frappaient mon nez au passage, m'empêchant mille fois de faire un pas de plus. Tout ce que je voulais, c'était d'étirer mes bras à l'infini, frapper l'horizon, regagner le regard de ma Mère Nature et tomber endormi sur elle, le sourire figé sur mon visage… mais je continuais d'avancer, le vent essayant de me repousser comme il le pouvait, en vain. Quelque fois il se mettait de la partie et se bousculait dans mon dos…
J'entendais en sachant bien que je l'imaginais, de la musique.. Douce, si étrange en ce lieu… Des voix de nymphes, telles des sirènes voulant m'approcher pour profiter de moi… de ma chair fraîche… Quand j'arrivai au bas d'une pente, je tombai assis, sans broncher, sans être extasié. Me reposer. Une petite forêt commençait à se frayer un chemin dans cette nature trop plaine. L'ombre des arbres portait gloire aux êtres surnaturels qui y vivaient. Elle possédait, en y repensant, une force mythique. Envoûté, je n'ai pu m'empêcher d'approcher. Je touchai aux arbres ; ils semblaient vieux de plus de 300 ans. Énormes, d'une grandeur titanesque, je ne réussissais même pas à les enlacer d'un quart de tour avec mes bras. Je m'y enfonça, sans savoir pourquoi. Mis à part le vent dans les feuillages, aucun bruit n'y régnait, comme si les arbres faisait respecter une certaine loi, un certain pouvoir. Et ce pouvoir, il me semblait le sentir, m'en imprégner…
En pénétrant leur ombre, je sentis la lisière m'engouffrer, se refermer derrière moi. Je ne me retournai même pas, sachant que cette force ne pouvait m'atteindre, ayant du sang de leur patrie. Je marchai délicieusement, faisant attention aux branches et aux feuilles meurtries, pour ne pas déranger ce silence si apaisant. Je débouchai sur une clairière. Le soleil y dansait. Elle était parfaitement sphérique. Un cercle magistral et au centre, une statue de pierre mais elle semblait si vivante que j'aurais donné ma main au diable qu'elle m'espionnait. Je m'en approchai, sentant un pouvoir hypnotique. Je m'agenouillai devant elle. C'était un genre de démon, assis à la manière d'un chat étrange avec de petites cornes et des ailes de chauve-souris. Mes yeux se fermèrent. Les chants des nymphes me berçaient et je m'endormis, si bien, dans les bras de ma mère…
Le soleil couchant me réveilla. Les rideaux de mes paupières se levèrent sur la masse rocheuse. Des inscriptions runiques se dessinaient maintenant, disant tout bonnement : " Quand la lune vient… " Un rayon de l'étoile qui s'inclinait s'échappa de l'étreinte d'une des ailes et il se retrouva dans la pénombre, maintenant arborant un air menaçant. Je levai un sourcil. Pris dans ma main par précaution la poignée de Morior. Mais qu'est-ce qu'une statue pouvait me faire ? Le roc commençait à craqueler. De légers bruits de cassures, un après l'autre, puis de plus en plus fort et d'un coup toute la masse éclata, explosa sous la pression. La bête représentée était belle et bien vivante, et semblait rouge sous la lune… J'en tombai sur le dos mais je ne dégainai Morior. La créature me regardait, avec un semblant d'appétit. Elle me tendit une patte et me dit d'une vois rauque, caverneuse : " Mon ami, viens que je t'aide à te mettre sur tes jambes. " Je le remerciai sincèrement. Se tenant bizarrement, les genoux pliés, le dos courbé, il m'arrivait à mi-poitrine. Je mis un genou à terre pour me mettre à sa hauteur. " Je m'appelle Astyanax, fils de Drax le Guerrier et de Sophian la Sylve… - Enchanté, dit-il, courtois qu'il était, ce qui m'étonnait grandement, je dois admettre. Je suis Gollot 'h. à votre service Chevalier. Attendez-moi ici… " Puis comme un dragon l'aurait fait, lourdement, il prit son envol dans le ciel étoilé. Il revint quelques minutes plus tard, avec du gibier. Le dîner.
Parlant des étoiles et de rien, je pus savoir qu'il était damné à se fossiliser à chaque lever de soleil. Mais du moins, il pouvait encore les voir, et ce depuis le début des temps. Bien sûr il avait vécu ailleurs, après tant de voyages nocturnes, à s'être fait injurier par des paysans qui avaient peur de lui, des femmes crier à tue-tête que la mort voyageait sur son dos, il vint à se fatiguer des hommes et se retrouva dans cette clairière. Il existe plusieurs créatures de sa race, cachés un peu partout en ce royaume, des bons comme des méchants. Il fallait seulement être capable de les reconnaître parmi les statues. Sans le savoir, la nuit passa sans que personne n'en dise mot et le jour, traîtreusement pour la première fois de ma vie, se leva. Pris par surprise, il laissa échapper : " Merci Chevalier. Reviens me voir, me raconter tes voyages tes aventures, tes malheurs et tes bonheurs. J'en serai le plus heureux… Au revoir... " Puis, se pétrifia. Il me faisait signe de la main. Un salut qui restera éternel. Du moins pour une journée. Et pour toujours dans mes souvenirs.