Les récits d'un chevalier errant...
Le retour d'Ivan et de la Dryade
Bien des semaines plus tard, lors d'une fête qu'un village donnait,
je m'amusai, restant assis et contemplant les danses et les joies des gens. En
particulier un jeune homme, grand et mince, malgré une toge blanche qui flottait
aux caprices du vent, qui s'amusait à boire le plus d'hydromel que son vis-à-vis.
C'était "qui tombera le premier" et à en juger par la fulgurante dégringolade
du mastodonte qui l'affrontait, il gagna la partie. Semblant savourer sa victoire,
il leva les bras et me fit face. Ces bras, ce visage... Mais c'était Ivan, le
druide de chemin! Il avait donc réussi! Il était donc vivant! Je clamai haut et
fort son nom; le nom d'un vieil ami longtemps disparu. Il chercha, décontenancé,
quelques instants d'où provenait la voix quand il me vit, assis, seul au monde,
sur une pierre. Chancelant, il s'élança quand même sûrement vers moi:
-"Ax! Mon ami! Ça fait si longtemps! Mais où étais-tu? Nous marchâmes une vingtaine de minutes quand le vieil homme
me parla. Non pas avec sa bouche mais dans mon esprit. Il dit: "Jeune homme,
tu devras rester ici durant cinq jours sans manger. Méditer sur ta condition.
A ce terme, tu sortiras et t'incarneras... A genoux et médite bien." Ce sont
mes genoux qui flanchèrent tous seuls. Je restai là donc cinq jours, je crois,
car après deux, ma vue était embrouillée et je n'avais plus conscience de la
réalité. Le mur auquel je faisais face se mit à vaciller et à illuminer. Je
me levai de peine et sortit de ma prison. Une étrange sensation m'envahit. Je
devins bête et ne faisais qu'un avec la nature. Je courrus pour attraper ma
nourriture, me battis contre un ours, (tu m'imagines? et pourtant) je le tuai
à mains nues! Je crois avoir retrouvé la belle dame. Je vis dans ses pensées:
elle s'appelait Viordonis et devait avoir un enfant de ma semence. Ce qui devait
arriver arriva. Une nuit torride, chaleureuse, terrifiante. J'ai eu peur de
moi... Je m'endormis. Le soleil parvint à mes yeux que lorsqu'ils s'ouvrirent.
J'étais étendu dans un bosquet, égratigné de partout, les vêtements en lambeaux.
Mes deux mains pleines de sang..." Il s'arrêta à ces mots. Un autre druide en
apparence venait de le héler. Ivan courut vers lui et son visage changea du
tout au tout. Des rides apparurent, sa bouche prit le goût du désarroi. Il eut
seulement le temps de me dire: "Je te retrouverai Chevalier, je te le promets...
prends garde..." et il partit.
Après tel récit, je me levai pour aller chercher à boire quand
une danseuse me bouscula: elle tourna la tête vers moi: ses cheveux d'une rare
beauté valsaient avec le vent... Et j'ai remarqué ses yeux, l'un noisette et
l'autre verdoyant. Les plus beaux yeux que mon imagination ose se répéter. Elle
fit un sourire et repartit de plus belle, me clouant là. Quand le crépuscule
finit par tomber, je pus la suivre. Elle s'enfonça dans les bois très rapidement.
Mais comme Gaïa et ma tendre mère m'avaient tout appris de leur nature, je la
suivis aisément. Je lui barrai la route: elle eut une frousse incroyable. Mais
ce sentiment de peur, je l'avais déjà vu avant. Elle était... la dryade de la
plage... J'en étais bouche bée. Je l'avais retrouvé...
Nous parlâmes ensemble toute la nuit. Un coeur volage, sauvage,
aimant la nature comme elle-même, les voyages, l'amour, la danse, la vie...
elle était passionnée... Son nom était Améthys, fille de la Pluie et du Beau
Temps. Tendre, douce, joyeuse, je n'avais jamais vu de si jolie dryade... Tant
et si bien qu'il fallut que je la quitte. Nous nous sommes embrassés longuement.
Il y a encore une place pour elle dans mon coeur malgré tant d'années à ne jamais
l'avoir revu.
-Ici et là... Comme je peux le constater, tu as réussis La Chute..." Avec un
sourire aussi béant qu'un ciel sans nuage, il me répondit, prétentieusement,
presque dignement:
-"Oui... et je suis maintenant un vrai druide de chemin. Mais ce ne fut pas
chose facile, oh que non!" Ses yeux se mirent à scintiller. "Je me remémore...
Tu étais là, arc-bouté à un rocher quand je fus attiré par le courant et le
vent. Par chance, tu me retins. Mais ce fut bientôt à ton tour de manquer d'attache.
J'ai eu une vue incroyable. C'était comme si ton corps était devenu feuille
morte et que le vent s'amusait à te pousser d'une violence inouïe. Je n'en cru
pas mes yeux. Je n'ai pu entendre le fracas de ta défaite, mais le plongeon
dû être incroyable. Croyant à ta mort certaine (pardon... et je suis bien content
de m'être trompé à ce sujet!), je me suis résolu à continuer. Me traînant que
par la force de mes bras, je pus me rendre tout près. Je me collai à la paroi
à quelques mètres de la chute. Je commençai mon approche. Une roche sur laquelle
je mis le pied céda. En même temps l'autre glissa sur du lichen... Ma main droite
trouva heureusement prise à temps. Je me balançais à qui mieux-mieux. Le souffle
coupé, les nerfs à vif, je pus me remonter. Une énergie gagna tout mon corps.
Soudain, je tombai à la renverse; non pas vers l'avant mais au travers la paroi.
Je me relevai rapidement. Il faisait noir. L'écho de la chute s'estompait lentement.
Je me mis à avancer. Une lueur venait vers moi. Droit, noble, je ne mourrais
pas aussi facilement après l'exploit que je venais d'accomplir! Ce fut un vieil
homme, accompagné d'une prêtresse d'Avontar, reconnaissables au soleil tatoué
entre les seins qu'elles exhibent délicieusement. Elle m'éblouis tout-de-suite...
Elle possédait une beauté farouche, sensuelle, digne, que je n'avais jamais
vu auparavant. Pourtant mon regard ne pouvait vraiment la "voir", je ne distinguais
que son aura... C'est elle qui parla la première:
-"Nous t'attendions Ivan Fiodorovitch Karamazov, fils unique de Fiodor... (les
souvenirs se bousculaient dans ma mémoire... quand mon père disparut, quand
les druides m'amenèrent avec eux pour m'apprendre la sagesse et le savoir de
la Terre... mon père, qui fut-il vraiment?) ...Ta destinée est bien différente
de celle dont tu t'attendais sûrement. Tu as réussi La Chute et nous t'en félicitons.
Nous te demandons maintenant de ne dire mot et de nous suivre..." Je m'exécutai.
Comment dire non à une si belle dame? Si tu l'avais vu Ax...
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