Le récit d'un chevalier errant...
3. Katar

Après quelques années, je sus que mon père défendait avec peine et misère le château d'Elendas, au pays du roi Thorian. Quand j'y suis enfin arrivé, une bataille que nul n'aurait pu imaginer faisait rage: des corps partout, du sang que la terre buvait avec extase, des gobelins courant avec un bras en moins ou un oeil crevé; et l'infanterie de Thorian qui s'attaquait à un régiment de trois à quatre fois plus nombreux qu'eux... Je sortis donc l'épée Morior, trempée dans le Lac aux reflets d'argent, celle qui m'avait octroyé ma renommée. Je déballai la pente et me frayai un chemin de peine et de misère jusqu'au vieux roi. Étant pris d'assaut par un jeune écervelé mais gaillard, il ne me vit pas tout de suite. D'un coup de lame, le jeunot perdit son bras droit. C'est à cet instant qu'il me vit. Un maigre sourire aux lèvres, il me reconnut comme le fils de Drax, lui ressemblant par la grandeur et les cheveux noirs, et le regard fidèle. Je mis genou par terre et criai humblement de me faire chevalier, que je le sois enfin véritablement, que je puisse être de ses compagnons et donc prendre en charge une troupe d'hommes. Ses chevaliers tombaient comme des mouches. Il prit rapidement son épée, la déposa sur mon épaule droite. D'une voix affable, il prononça le serment: «Je te reçois parmi les miens Astyanax... » Des corps tombaient par terre partout autour de nous, le sang giclait de toute part pour encore mieux servir la guerre... Se mélangeant entre eux, ceux des gobelins, des hommes du Sud et de la cavalerie de Thorian... «et te confère officiellement l'ordre de chevalerie...» Un soldat de rouge vêtu venait de bondir sur deux hommes, pour les massacrer à coups de hache, fendant crânes, bras, jambes, cuirasses, torses, pour ouvrir les brèches les plus creuses dans ces corps qui ne voulaient que vivre... «Sois pour toujours loyal et juste et sers jusqu'à la mort le bon droit et la parole d'Alenbaston...» À l'instant-même où le vieux roi prononça le nom de notre dieu, je pris rapidement mon épée; Thorian, les yeux agrandis par la témérité de mon geste, croyant que j'allais lui porter le coup fatal, recula d'un pas. Mais je me retournai rapidement et élançai par derrière Morior. Son tranchant fit le reste, en coupant net la tête d'un assaillant qui brandissait déjà son arme pour me la planter dans le dos. Sa tête rebondit quelques fois par terre, et son corps dépourvu, tomba aussi. Je commandai à quelques hommes de me suivre. J'ai redonné vie et courage pendant quelques temps à la troupe de Thorian mais il était trop tard... Le pays voisin avait déjà conquis toute la province. Leurs renforts arrivaient. Thorian était maintenant mort, mon père à ses côtés sur le champ de bataille, près de leurs chevaux et de quelques soldats patriotes. Quelques larmes traversèrent mes yeux. Ce que j'avais fait ne servit à rien. Mais je vis apparaître au loin une silhouette élancée, avec une mer blonde sur ses épaules... C'était Léandre, fils de Thorian. Des lambeaux de vêtements et des traces de sang coagulé se vautrait sur son corps. Il voulait quitter ce pays de déchéance qu'il n'avait pu garder des Tramorhin, ces barbares du sud. Il prit délicatement la couronne de son père, l'enterra précisément là où le vieux et sage roi avait rendu l'âme. Depuis lors, un arbre d'argent y pousse. Il s'empressa de faire les sépultures et m'entraîna dans la plus incroyable des quêtes jamais osées jusqu'à présent. Il y avait bien la recherche de trésors, de cités mais cette aventure était beaucoup plus; en terme de danger et de découverte: trouver le Royaume Oublié, là où le monde de Faërie et celui de la Terre se chevauchaient.

Je me rappelle encore les paroles qu'il a prononcées en plein essor...

...de votre main j'ai reçu une fleur, de vos yeux j'ai reçu le bonheur...
Mon âme vagabonde dans les belles prairies d'un Royaume dont on ne connaît que la sortie...
Fée d'entre les fées, je combattrai les dragons; que votre beauté en soit la raison!
Elfe mon ami, donne-moi la terre sous tes pieds, j'en ferai la plus belle contrée...
Je suis le roi Léandre... et je cherche encore...

La marche était longue et ardue... le sang devait se purifier... une marche vers un ciel condamné...
Nous l’avons tant cherché ce royaume, usâmes des années à le trouver, à errer comme des fantômes... Durant notre périple la justice a été sa bien-aimée...

Nous croisâmes le fer avec les pires créatures, que Gaïa en son sein ait porté, purifiâmes les âmes impures, guidés par l'honneur la justice et la liberté...

Le roi Léandre est bon, certes, juste, mais le roi Léandre ne cherchait qu'à arrêter de marcher...

Lors d'un de ces jours gris, ternes, sans vie ni mort, après de si périlleuses aventures... nos yeux s'ouvrirent d'un coup; devant nous s'étendait le Royaume Oublié... Léandre en fit le sien... Des années il se mit à régner, des années de bonheur et de prospérité... Jusqu'à ce que la prophétie accomplisse...
Son office.

C'est en ces temps maudits, insécures, plusieurs années après la découverte du Royaume Oublié que je dus partir, au loin, chercher quelques plantes médicinales et quelques aventures... Je fis la connaissance de Begor l'Intrépide, grand, les yeux verts et les mains agiles, prêt à tout pour rien... Il devint un de mes plus grands compagnons de route, ainsi que Grampel le nain, Sorio, fils de Samnilio de Beauq, Söcho, le joueur de tam-tam, Hugo, aux yeux de mer... un grand philosophe et ami... il m'a abrité des jours sous son toit... un grand homme au coeur d'or... et sa femme que je porte en mon cœur à jamais comme ma petite sœur... , Frindalinn l'Elfe Gris et Joanie et son archer... Et un jour, par au-delà de l'horizon, j'entendis l'écho de la Muerte...

Le ciel s'enflamme, le soleil se bouche les yeux
Un homme divague à l'âme veut les terres de ses aïeux
Les chevaux s'affolent, c'est le temps des adieux
Liberté liberté trop grande pour la grâce de Dieu!

Le ciel se noie, les nuages en cache le bleu
Un homme au coeur d'ivoire trouvera ce qu'il veut
Inutile de fuir, vos ailes se casseront en deux
Liberté liberté trop grande pour la grâce de Dieu!!!

Un frisson me parcourut le corps. Je croyais percevoir la pire des voix que nul homme n'ait jamais entendu... Katar...

«Je suis le plus fort, je suis le plus grand!
S'il le faut, je donne la mort, pire que le venin du serpent
Je conquiers les terres avoisinantes de mon pied traquenard
Tous les royaumes seront à moi TOUS!
Parole de Katar!!!»

Il avait le plus grand royaume de la terre féconde, gagné par le sang de ses fidèles chevaliers... Il avait le grand rêve de conquérir le monde, par delà les mers il était prêt à gouverner... avec une poigne d'acier, sans le gant de velours... malheureusement pour ceux qui seront autour...

Il rasa les plus belles cités pour en faire des bordels... viols, massacres, flammes, sang... C'est lors d'un raid qu'il trouva enfin la femme dont il avait besoin pour sa descendance, faible et pour le comble épouse du chef de la garde de Léandre. Lors d'une marche, le bon roi vit cette pauvre paysanne kidnappée par Katar... Il bondit pour y trouver sa déchéance... Une lame au cou fut son dernier souvenir... Katar se fît roi en une journée avec l'âme d'un «infidèle», Léandre... et moi, qui arrivai trop tard... que trop tard... Katar le Roi prit le coeur de l'homme au bout de ses bras et le jeta aux chiens qui aboyaient... les charognards de première se retrouvaient rassemblés, en faisant de fausses prières, devant le bûcher... Le roi Katar et ses yeux rouge... Le roi Katar et ses mains rouge... Le roi Katar ne cherche qu'à continuer de marcher... Moi qui me retrouvai là, sans roi... que devais-je faire? La rébellion... Me venger...

Brandissant l'épée volée à Damoclès, le danger régnait dans ses mains sans cesse. D'un coup il abattait l'ennemi tant convoité, un autre et un autre et ce jusqu'au dernier... et comme ça par millier, qui nourrissaient la terre de leur sang, et mourraient en serrant les dents... La bataille la plus meurtrière de tous les temps, autant du côté de Faërie que de celui de la Terre... Oubliée par l'humanité... La garde de Léandre fonça tête première sur celle de Katar. Le chaos fit le reste. La Garde Noire ressemblait à la faucille de la Mort, fauchant tout ce qui était vivant. Les corps n'en finissaient plus de tomber. Les derniers à rester debout furent Jordan, chef de la garde de Léandre et moi. Je pus en rescaper sans toutefois savoir comment je pus faire tel miracle... Mais Jordan n'eut pas la même chance que moi... Nommée aujourd'hui «la Guerre Rouge», elle reste en ma mémoire gravée comme l'eau salée dans la mer... Elle fait partie de moi...

À la fin de ce "génocide du Bien", naquit Eowyn, résultat des viols successifs et vicieux sur la femme de feu Jordan, Izadel. Mais Katar découvrit à la naissance une terrible nouvelle pour sa personne: lui qui voulait tant avoir un héritier le voilà embourbé d'une héritière...

Quand elle fut grande, haïssant son père (ce qui était réciproque d'ailleurs), lors d'un de ces jours de gloire et de déchéance de la nouvelle ère noire, démoniaque, si familier pour Katar, elle se pavana avec la cape verte de Léandre. Quand il vit sa fille dans pareil habillement, il arracha de sur son dos ce sacrilège envers lui... Elle partit en courant, la tête haute, belle et fière, et les yeux incendiés. Elle avait la fierté et la volonté de son père mais aussi la loyauté et le sens de la justice de sa mère. Jeune fille courageuse...

Pendant des années, j'errai ici et là, maudissant Katar... Tout son peuple avait peur de ce tyran. Mais j'étais sa seule angoisse, ce qui me réjouissait. Plusieurs fois il tenta de me capturer, de me tuer mais bien malin qui me prendra... Mais un jour....

Aucun de ses sujets n'avait osé se lever contre le roi des rois, sauf un jour, l'un d'eux perdit la fois... Depuis des années, les chevaliers survivants de la Guerre Rouge partaient au-delà des limites territoriales et ramenaient les étendards des pays conquis... J'ai même pu voir l'étendard rouge et or de Thorian. Deux grands guerriers menaient les opérations: le bras droit de Katar, Elhorin, grand, fort, les cheveux bruns et courts, et Pergorian, le Sorcier Noir, dont on ne peut voir que les yeux briller étrangement de sous son capuchon. Mais un jour, comme tant d'autres pourtant, à première vue, Pergorian revint sans aucun étendard dans les mains, sans donner de raison valable. Katar cria, mais le sorcier restait impassible, comme toujours... Dès que Katar tourna le dos, Pergorian arracha au roi son épée tant protégée et la planta dans le coeur d'un Katar hébété...

Par le coup violent que le Sorcier Noir venait de donner, son capuchon tomba à la renverse.

Ma... fille... comment as-tu osé???

C'était sa fille, Eowyn, à la place de Pergorian. Une surprise inattendue... «Ma fille... comment as-tu osé...» les dernières paroles du roi Katar, avant d'être châtié, droit sur le bûcher... Devant le sourire des charognards...

C'est moi qui combattit le sorcier... Un long et rude combat... Lui un magicien en puissance, l'un des neuf sorciers de la fleur d'Erbahran, le plus vil... et moi un chevalier possédant l'expérience de la magie grâce à Frindalinn l'elfe gris et l'épée de Morior... Mais je vainquis et je puis mettre à exécution le plan d'Eowyn.

Eowyn, fille de Katar, maintenant Reine du Royaume Oublié, prit la place qui lui était due... Elle y est encore, tout aussi belle et sage qu'un printemps en éclosion. Elle me prit sous sa tutelle et me nomma protecteur et gardien du monde qu'elle aimait tant... Faërie... C'est là que j'appris à maîtriser le chant et la guitare... bien des créatures me tiennent en respect grâce à ma musique... J'y errais avec joie et solennité quand un jour, un gobelin réussit à faire une brèche dans le mur magique... maudits sont les gobelins... et quelques êtres de Faërie fut aspiré à l'extérieur dont une petite elfe... et je la cherche et la protège en vain... et je les cherche tous et toutes ces créatures tombées sur terre... et ma vie ne fait que continuer...
Continuer...


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