Vous trouverez ici des extraits de deux conférences de Stephen King :

Bangor, 15 septembre 1995
lecture de Désolation au profit de la bibliothèque publique de Bangor

Bangor, 11 octobre 1996

note :Les traductions n'engagent que l'auteur (c'est-à-dire moi-même)...

Conférence de Stephen King, Bangor 15 septembre 1995


Tabitha King :

Je suis très heureuse de pouvoir vous saluer si nombreux. Je n'ai encore jamais dit ça officiellement, mais j'ai rencontré mon mari dans une bibliothèque. Maintenant, pour ceux qui éventuellement ne le savent pas, il est aussi écrivain. Ce soir, il va lire pour vous. Le voici, Stephen King.


Stephen King :

Merci. Merci beaucoup. (......)

Ce soir, je vais vous lire quelque chose de nouveau, mais avant, je crois que je vous dois quelques mots d'avertissement. Nous sommes ici tous ensemble, les lumières sont allumées, mais dehors, il fait nuit. Je ne veux en aucun cas vous faire peur, mais je sens que la plupart d'entre vous se posent une question :

"Ai-je bien fermé ma voiture ?"

La plupart d'entre vous l'a probablement fait, mais vous étiez pressés de trouver une place ici, et peut-être avez-vous oublié de la fermer, ce ne serait pas la première fois. Et si vous survivez à ce soir, vous oublierez encore de le faire.

Mais j'aimerais vous rappeler que dehors dans le parking, il peut y avoir un fou qui, au moment même où je vous parle, est en train de tourner la poignée de la portière de votre voiture...

Et maintenant, pensez à ce que vous ressentirez quand, sur le chemin du retour ce soir, vous regarderez dans votre rétroviseur et que vous verrez quelqu'un assis sur votre banquette arrière...

Je ne veux pas vous faire peur, juste vous rappeler de vérifier votre siège arrière tout-à-l'heure. (.....)

Les gens me demandent toujours où je vais chercher mes idées. Ne me le demandez pas. Les idées viennent de partout. Il n'y a pas d'endroit précis, de "cuve à idées".

Je me souviens du moment où j'ai eu cette idée pour une histoire nommée CUJO. Ma femme et moi habitions Brixton en ce temps-là et je possédais une moto qui ne marchait pas bien, quelque chose avec le contact. J'essayais de la réparer mais ça paraissait plus important que prévu.

Alors, j'ai demandé au facteur s'il connaissait quelqu'un capable de réparer les motos. Il me répondit :

"Sur la route, un peu plus loin, il y a un type qui répare les motos. C'est un type étrange, car il vous dit avant combien côutera la réparation et c'est exactement la somme qu'il vous demande une fois que c'est terminé."

Je conduisis donc ma moto là-bas et je réussis à atteindre le sommet de la dernière colline avant qu'elle ne cale. Je la poussai jusqu'à la cour d'entrée du type. C'était une cour tout-à-fait normale. (.....)

Il y avait un vieux hangar, l'atelier où cet homme faisait ses réparations. Je descendis de ma moto, ôtai mon casque. Et à ce moment-là, le plus énorme chien que j'ai jamais vu de ma vie, au moins 2000 livres, sortit de l'atelier.

Il trotta vers moi, la tête baissée. Il y avait quelque chose qui coulait de ses yeux, comme un liquide gluant, me rappelant du chewing-gum, et qui commençait à se dissoudre.

Le chien me regarda et commença avec ce bruit sourd, vous savez, ce grrrrrr, un très profond grrrrr, comme Jerry Lee Lewis dans un de ses mauvais jours.

Je ne pouvais pas m'enfuir, et vous pouvez difficilement claquer derrière vous la portière d'une moto..., et le chien était aussi grand que moi mais possédait plus de dents.

Le type à qui appartenait cet endroit sortit de l'atelier. Il portait des pantalons et une chemise grise. Il dit :

"Ne vous occupez pas de lui, il fait ça avec tout le monde."

Alors, je me baissai et étendis les mains pour le caresser et il faillit me les happer. Le mécanicien frappa le chien sur le dos. Cela fit le même bruit que celui d'une femme frappant sur un tapis humide. Mon coeur battait à 160 coups/minute et je regardai l'homme qui sans le plus petit signe d'excuse me dit :

"Il n'aime pas votre tête."

Il répara la moto et j'écrivis le livre.

Vous n'avez pas non plus besoin de me demander comment j'étais quand j'étais enfant. C'est une question du même style que "D'òu viennent vos idées ?" et "A quoi rêvez-vous la nuit ?". Quand quelqu'un demande "Comment étiez-vous enfant ?", il pense en réalité "Qu'est-ce qui l'a autant terrorisé dans son enfance pour qu'il écrive de telles choses ?"

J'ai eu une enfance parfaitement ordinaire. Ma mère m'a raconté qu'un jour j'avais vu un autre enfant écrasé par un train. Mais je ne m'en souviens pas ou alors peut-être l'ai-je volontairement oublié. Etant enfant, j'ai toujours dit que je l'avais probablement poussé, mais.....

(....)

Les gens me demandent aussi de quoi j'ai peur. Ce soir, je vais vous donner un petit exemple. J'ai peur, en mordant dans un sandwich, de découvrir en regardant là où j'ai mordu, la moitié d'une araignée. C'est une vieille plaisanterie de camp d'été, mais elle me fait toujours de l'effet. (......)

Avez-vous déjà vu comment les gens restent devant ma maison ? Ils prennent des photos, regardent partout. Finalement, nous avons planté des arbres. Mais un jour que j'étais dans le jardin avec le chien, pour qu'il fasse ce qu'il a à faire dehors, j'ai entendu "click,click,click..." J'ai regardé vers la maison en me disant "Non, il ne faut pas que je regarde de l'autre côté, car ce n'est pas juste un click mais une foule de click."

Je me suis retourné et j'ai découvert un car de touristes devant ma maison. Et 50 canadiens se tenaient devant la palissade et photographiaient mon chien en train de lever la patte.

Les idées pour les livres et les histoires viennent de différents lieux. Il y a environ 5 ans, j'ai été en Oregon par avion. Ma fille, notre fille Naomi y était au collège. Elle me demanda de ramener sa voiture chez nous, ce que j'acceptai volontiers.

En traversant une de ces petites villes de l'Oregon un jour pluvieux, je remarquai qu'il n'y avait personne dans les environs. Aucun mouvement et je ne voyais personne dans les magasins. Cela dura un moment seulement, mais ma première pensée fut que tous les êtres humains de la ville étaient morts. "Je suis ici dans une petite ville complètement morte".

Et alors, je me suis dit: " Ho, voilà une histoire..."

(.....)

Cette histoire a rôdé dans ma tête depuis 4 ans et a réapparu, car elles réapparaissent toujours, lors de ma tournée de promotion pour INSOMNIE. Je roulais à nouveau en voiture à travers le pays. Je traversais le Nevada sur la route 50, qui représente exactement ce qu'est le Nevada. Avant la tournée, mon chef publicitaire m'avait dit que je ne devais pas trop m'arrêter dans cette partie du Nevada et je lui demandai pourquoi. Il me répondit qu'il y avait là-bas une foule de gens très violents. Et quelque chose dans ses propos fit réapparaître cette vieille idée...

Le résultat est DESOLATION et je vais maintenant vous en lire quelque chose.


Conférence de Stephen King, Bangor 11 octobre 1996

lieu : université du Maine


Introduction de Bert Hatlin :

Stephen King a fréquenté cet endroit avec l'intention de devenir professeur d'anglais. Les années de collège de Steve reviennent de temps en temps dans ses romans. Il a écrit SIMETIERRE durant une année où il enseignait(1970) et le roman commence avec une scène dans l'infirmerie du campus. Une scène très macabre, je dois dire...

Un de mes collègues, Jack Bennett, est un personnage dans LA PART DES TENEBRES. Les 2 policiers dans Misery, qui meurent à la fin, se nomment comme deux personnes qui enseignaient dans le département anglais en même temps que Steve. Et enfin, à deux occasions, il a emprunté mon nom et des traits de ma personnalité pour ses personnages.

Connaître Steve peut parfois être une expérience inconfortable pour vous. Parfois, vous sentez qu'il voit des choses à votre sujet que vous n'avez pas envie d'affronter. Les mauvaises expériences de plusieurs personnages, ainsi que l'inclination de Steve à associer l'université avec une prison peuvent suggérer que son expérience ici n'a pas été entièrement heureuse.(......)

Mais ce que je me rappelle le mieux des années de Steve ici, c'est comment il a fait de cet endroit son endroit. Il avait une présence éclatante sur le campus, pas seulement à cause de son apparence, qui était éclatante et dramatique, mais à cause de la force de sa personnalité et de son intelligence. Il jouait sur cette scène, écrivait pour le journal des étudiants et il enseignait tout en préparant sa licence. (.....)

Je veux dire simplement que nous sommes fiers de toi Steve. Pas à cause de ton succès mais parce que tu aimes faire ces terribles et merveilleux rêves et que tu veux bien partager ces rêves avec nous.

Tu cherches constamment de nouveaux chemins pour stimuler notre imagination. En particulier, nous sommes fiers de ta façon de lutter contre la conception écrasante que nous avons tous de notre masculinité, en projetant ton imagination dans des vies de femme, et en aidant d'autres hommes à comprendre ce que ça peut être d'être une femme.

Bienvenue chez toi et Merci.


Stephen King :

(.....)

La question qui m'est posée le plus souvent depuis quelque temps est au sujet du nouveau tome de La tour sombre.

Je suis en train de l'écrire. Au début, je pensais que ce serait extrèmememnt court : le train se crashe et ils meurent tous. (rires) Mais j'ai déjà un manuscrit de 1400 pages.

J'espère que pendant que vous êtes ici ce week-end, vous irez jeter un oeil à ma ville : Bangor. La chambre de commerce me paye pour dire ça.(.....)

Bangor est une ville facile à visiter. Vous demandez quel est le meilleur restaurant et la réponse est aucun. Objets d'intérêts ? quelques salons de massage et la "Bounty Tavern". Et il y a aussi ma maison. Un jour, j'étais dehors avec mon chien. J'ai entendu des click click clik. Je me retourne et je vois un bus ainsi que 50 touristes en train de photographier mon chien qui faisait ses besoins. C'est la vie des célébrités à Bangor. (rires)

Il me semble qu'il y a des thèmes très clairs à débattre pendant cette conférence, mais pas exactement centrés sur mon travail. Ils flottent sur cette conférence comme des fantômes, de vrais fantômes dans le salon d'une maison hantée.

Un de ces thèmes est la censure. Un autre la façon d'enseigner la fiction populaire adulte dans les écoles et la dernière est l'utilisation d'un matériel motivant pour apprendre à lire à des enfants désavantagés.

(....) Les livres intéressants ne sont pas écrits au départ dans le but d'enseigner quelque chose, mais dans le but de faire plaisir. L'écrivain aura du succès, pas à cause de sa technique, mais parce qu'il aime les obsessions et les objets de fascinations de ses lecteurs. (....)

Je me rappelle encore quand j'étais assis ici au second étage de Gannet Hall une nuit d'hiver en train de lire les premiers écrits de Ross McDonald. J'y trouvais encore et encore les mêmes impressions et observations qui occupaient ma propre pensée, mais décrits d'une manière bien plus élégante que je ne l'aurais imaginé.

Ces livres m'ont élevés. Ils m'ont fait sentir heureux d'être en vie. (.....)

J'écris chaque livre deux fois. La première fois, quand ça sort de ma tête et que je jette sur le papier, ce qui est le plus important pour moi, c'est l'émotion. (....) Ce que je veux, c'est passer à travers le papier et aggriper le lecteur. Je ne veux pas seulement m'amuser avec votre tête, je veux m'amuser avec votre vie. Je veux que vous manquiez votre travail, que vous bruliez votre dîner, oubliez de faire vos devoirs; je veux que vous disiez à votre femme d'aller faire un tour au clair de lune sur la plage de Waikiki avec le professeur de tennis pendant que vous lisez quelques chapitres de plus pour voir si Jessie Burlingham parvient à enlever ses menottes ou si Gage Creed va revenir d'entre les morts et manger sa mère. (rires)

(....)

J'ai découvert qu'il peut y avoir plusieurs niveaux dans la fiction populaire. Je m'en suis aperçu en écrivant CARRIE quand j'ai réalisé que le livre était, en plus d'une histoire parlant d'une fille aux pouvoirs psychiques, une histoire au sujet du sang et de ce que le sang signifie pour nous. Une substance qui avait des connections métaphoriques puissantes avec des thèmes comme la religion (le sang des agneaux) ou le passage à l'âge adulte pour les filles, symbolisé par les premières règles. Le sang symbolise aussi les liens familiaux dont parfois nous ne pouvons pas nous débarasser.

Toute cette symbolique du sang n'a pas fait de Carrie un grand livre. (....) Je ne répudie pas ce livre. Il a fait de moi une star mais c'était un livre jeune écrit par un jeune écrivain. Il me fait penser à un gâteau préparé par un débutant, assez succulent, mais bosselé et brulé sur le dessus. La symbolique du sang me contente toujours et je crois que ça donne au livre l'écho qu'il doit avoir.

(traduction en cours...)

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