Les mystères de l'Inde. L'Inde du Nord.
(pour profiter au maximum du voyage, attendez patiemment l'éclosion des images et de la trame musicale)
Carte montrant la traversée de l'Inde, du Népal et du Ceylan (maintenant désigné du beau nom de Sri Lanka): entrée par Ferozopore le 9 février 1969, sortie par Madras en direction de la Malaisie le 10 mai 1969.
20 février, Fatehpur Sikri.
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Fatehpur Sikri: ville construite par l'empereur moghol Akbar, abandonnée peu après sa construction. La ville comporte d'imposants monuments: le tombeau de Salim Chishti, le portail de la mosquée Buland Darwaza, le plus beau de l'Inde. |
Nous reprenons la route au matin pour la visite de Fatehpur Sikri, les vestiges d'une ancienne capitale moghole. Nous découvrons une architecture très intéressante de pierre rouges le tout dans des tons sombres et d'aspect monotone. Les terrains sont aménagés comme des parcs intégrant les anciens palais et bâtiments de la ville. Il y a beaucoup de visiteurs hindous, particulièrement des familles qui utilisent l'espace pour jouer et pique-niquer. Près du fort, nous apercevons un plongeur qui performe à l'intention des badauds. J'en profite pour prendre un cliché de son plongeon qu'il semble nous avoir réservé, puisqu'après ce saut périlleux, il se retrouve à nos côtés en un temps record exigeant une gratification pour son geste suicidaire.
20 février, Gwalior
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Gwalior: le fort de Gwalior est situé au sommet d'un escarpement; c'est l'une des citadelles les plus impressionnantes de l'Inde médiévale. Le palais Man Mandir construit à l'intérieur du fort. |
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Gwalior: Autour de la base du fort et sur la route d'accès, des statues de saints Jaïns les Tirthankaras, l'une d'elles mesure 17 mètres de haut. |
Départ vers Khajuraho. En route, nous faisons un arrêt à Gwallior pour visiter le château. Nous l'apercevons au-dessus des toits mais aucune indication d'accès n'est visible. Nous rencontrons par hasard des
anglais qui nous accompagnent dans notre recherche. Après de longs détours, des appels à l'aide illusoires, nous trouvons finalement le
chemin d'accès, caché loin derrière la montagne. La route est semée de sculptures Jaïn dont une immense,
creusée à même le roc. Nous visitons rapidement le château avant de reprendre la route de Jhansi. La route n'est pas facile à trouver. Il nous faudra une heure, traverser la ville, les boulevards périphériques, interroger plusieurs personnes avant de se retrouver sur une route anonyme menant vers la campagne et que je définis comme étant la bonne route par le seule indication de l'orientation sud sur ma boussole. Nous arrivons finalement à Jhansi que nous dépassons avec peine car nous allons nous perdre dans les faubourgs. Les indications sont partout inexistantes et nous réalisons que nous aurons beaucoup de mal à traverser ce pays. Nous arrivons à Khajuraho avant la tombée de la nuit.
21 février, Khajuraho
"Khajuraho: capitale des rajas Chandelas, dépositaires d'une civilisation dédiée au plaisir des sens." "Khajuraho, les temples: le Lalguan-Mahadeva, le Kandariyâ-Mahâdeva, le Devi-Jagadamba, le Chitragupta, le Visvantha et Nandi, le Parvati, le Lakshmana, le Matangesvare, le Chaunsat-Yogini, le Chitragupta, ils symbolisent le Mont Merû situé entre ciel et terre, ils tendent par leur forme à l'union magique avec la divinité. Les décorations sont faites de couples célestes dits maitouna, de représentations féminines et de groupes dans des poses érotiques, effigies intimement reliées à l'architecture et qui contribuent à l'union sacrée avec le divin." |
Visite matinale des temples du secteur ouest. Découverte extraordinaire. Les temples sont littéralement
couverts de sculptures qui sont de véritables chefs-d'oeuvre. Nous passerons une journée
enchanteresse, revenant plusieurs fois au même endroit, suivant ainsi les mouvements du soleil pour photographier les couples dans la meilleure des conditions. Les sculptures érotiques sont pleines de finesse et de grâce. La beauté du dessin enlève tout caractère de vulgarité aux pauses érotiques.
22 février, Khajuraho
"Khajuraho, représentation des qualités primordiales de la femme: seins opulents, hanches larges représentant la fécondité, léger embonpoint suggérant la sensualité, élégance manifestée dans la délicatesse des mouvements; "Khajuraho, canons indiens de la beauté: douceur du sourire, yeux de biche, visage lunaire, nez long et légèrement courbé, sourcils arqué et longs cheveux artistement tressés en chignon, préciosité dans la richesse des bijoux, bracelets, colliers, bagues, ceintures..." |
Ce matin, nous visitons les temples du secteur Est, Brahma, Vamana, Javari, Ghantai, Adinatha, Parsvanatha, Duladeo. Il fait chaud, les dalles exposées au soleil brûlent la plante de nos pieds nus.
Ces temples abritaient des cultes diversifiés démontrant la grande tolérance religieuse de l'époque, des temples hindous, des sanctuaires jaïns. Depuis l'apparition des cultes monothéistes, cette tolérance s'est malheureusement éteinte.
"Khajuraho, positions du maithouna: manières dont l'âme universelle peut s'unir au corps. "L'éternel féminin honoré dans tous ses aspects: grâce naturelle, attitudes amoureuses, provocantes ou timides." "Les évolutions gracieuses des danseuses sacrées (les devadasis), les servantes des dieux, dédiées à la tâche d'attirer et de retenir les fidèles." "Les poses des dames contrastent avec les gestes menaçants des griffons, les attitudes grotesques des nages, les nains déformés des consoles." |
Les jeunes guides ne nous lâchent pas, médusés par la ferveur des occidentaux à s'émerveiller devant cette démonstration d'érotisme, ils voient en nous des voyeurs impénitents. Ils ont manifestement oublié à travers les âges le sens de cette statuaire, le caractère divin et sublime des représentations que même Ghandi avait voulu faire supprimer les trouvant irrévérencieuses. Comment ne pas s'émouvoir devant la beauté féminine avant qu'elle ne soit condamnée à la réclusion derrière le purdah par les envahisseurs?
Étonnant! Les frises au ras du sol montrent des personnages sans élégance dans des poses à caractère pornographique. Puis votre oeil s'élève vers le ciel, il découvre lentement des personnages de plus en plus beaux et élégants, dans des postures érotiques sophistiquées jusqu'à ne plus percevoir les détails intimes à mesure que votre oeil s'approche du sommet de l'aiguille, le siège des êtres supérieurs. N'y aurait-il pas là un message des Dieux, à ces animaux terrestres que nous sommes, livrés à la fornication, à la débauche, comme une illustration de la décadence des sentiments.
23 février, Bénarès (Varanasi)
Bénarès: ville sainte des Hindous, située sur le fleuve Gange au confluent du fleuve Yamna (ou Jumna). Tous les douze ans, des millions de croyants convergent vers les rives du fleuve pour fêter le Kumbh Mela, la fête rituelle la plus importante. |
Départ vers Bénarès. Nous emmenons avec nous, un jeune indien de Khajuraho. La route est belle
et rapide jusqu'à l'entrée à Bénarès. Les obstacles se multiplient sur la route. Les intersections ne sont pas indiquées et à chaque croisement de route, il faut interroger les gens pour s'enquérir du
chemin à prendre. Cette opération n'est pas évidente aux Indes ou il semble qu'il soit difficile d'obtenir autre chose qu'un mouvement alternatif du chef comme signe d'acquiescement, on s'aperçoit vite que le "non" n'existe pas dans le langage gestuel de l'Indien et notre passager, subjugué par l'émerveillement d'un premier séjour à Bénarès nous est d'aucune utilité. Je suis fatigué et nerveux, ce qui n'améliore rien. Chaque obstacle
m'exaspère et l'apparente bêtise humaine augmente mon exaspération. A Bénarès, c'est le déluge qui nous tombe du ciel. Nous
aurons beaucoup de peine à nous rendre à l'endroit où nous voulons aller. Il n'y a pas d'indications routières, les
rues sont encombrées, les gens ne savent pas sur quelle rue ils habitent et mon
passager subjugué par l'effervescence de la rue reste là, hébété, la bouche ouverte, sans rien
dire. Finalement j'arrive au cantonnement, à tâtons.
24 février, Bénarès
Monuments de Bénarès: le temple de Durga, le Man Mandir, l'observatoire de Jai Singh, le temple d'or dédié au Dieu Shiva, l'université Hindoue dont la bibliothèque contient d'anciens livres védiques. |
Nous laissons l'auto sur les terrains de l'église d'Angleterre. Nous prenons un pousse-pousse (rickshaws) pour visiter Bénarès. Nous tentons l'expérience pour tester les futures promenades dans les villes que nous visiterons. La visite s'avérera reposante mais coûteuse. Les guides touristiques sont acoquinés avec tous les receleurs de la ville, les bateliers, les gardiens de temples, les portiers, les boutiquiers et il faut avoir la main leste. Il en coûte beaucoup plus pour ces à-côtés que pour notre propre guide. Nous faisons la randonnée du Gange à bord d'une barque. L'expérience est pénible mais fort intéressante. Toute l'action de Bénarès se passe sur les rives du Gange. On en
garde un souvenir angoissant. Les gatts, ces escaliers monumentaux partent des hauteurs de la ville, serpentent entre les temples et les boutiques et s'engouffrent dans le lit du fleuve en y déversant une foule multicolore et hétéroclite occupée à des activités de prières et d'ablutions complexes.
On se baigne nus ou presque nus, les femmes cachant avec astuce les parties sensuelles de leurs corps sous leurs saris mouillés moulant avec grâce leurs chairs fermes et appétissantes; on s'abreuve des eaux fangeuses du Gange apparemment sans effet négatif sur la santé; ici, des artisans s'activent dans ce qui semble être la buanderie municipale et plus loin, des corps brûlent lentement sur la berge là oû semble s'être installé le crématoire municipal; le fleuve recueille les restes calcinés ou à moitié calcinés des cadavres; il semble que le temps alloué à l'opération de crémation est proportionnel à la richesse du mort.
25 au 27 février, Gaya, Sarnath, Rajgir.
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Sarnath; lieu de naissance du Bouddha. Les pieds du Bouddha gravés dans la pierre. Le visage du Bouddha de Sarnath prêchant le premier sermon bouddhiste. Les Huit Chemins vers la paix intérieure (le nirvâna) gravés dans la pierre. Le temple Budh Gaya à Gaya. |
Nalanda est le siège d'une ancienne Université bouddhique du 5ème siècle, dont nous visitons les ruines situées à 96 kilomètres de Patna la capitale de l'état du Bihar. Elle est composée d'une double rangée de monuments: des monastères du côté Est et des temples du côté Ouest. A 11 kilomètres de la ville de Gaya, nous visitons le site bouddhique sacré de Budh Gaya parmi la foule nombreuse de pèlerins auxquels nous nous joignons. C'est là que Gautama médita sous un arbre pipal (figuier sacré) et qu'il parvint à l'Illumination. Le temple a été élevé par Asoka tout près de l'endroit où se trouvait l'arbre sacré.
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Nalanda: les vestiges de l'ancienne Université Bouddhiste. L'architecture de ces bâtiments d'un autre âge est tout à fait fascinante pour Marie que arpente ces ruines d'un pas assuré. |
Nous traversons Rajgir en route pour la frontière népalaise. Les monuments bouddhiques et jaïns des collines de Rajgir parsemées de sources thermales nous retiennent un moment trop court.
Demain nous serons au Népal et nous sommes anxieux d'arriver dans ce pays mythique que nous avons hâte de découvrir. Un impressionnant col de montagne nous attend et nous espérons être dans la vallée de Katmandu vers la fin de l'après-midi où de nombreux amis rencontrés sur les routes du monde, sont installés en permanence, là ou sur les plages de Goa, recherchant une quelconque révélation divine à travers d'illusoires évasions artificielles.
Marco Polo ou le voyage imaginaire (Voyages et photos de l'auteur, 1969) © 1999 Jean-Pierre Lapointe