Nabil Élias Romanos. Cet homme d'affaires installé à San Francisco sillonne la planète pour son business mais également pour son plaisir. Il a fait récemment un petit tour en Afrique australe et dans les Caraïbes. Il en a rapporté quelques sensations fortes et des tas de photos. Voici quelques grandes lignes de son carnet de voyage.
Les Caraïbes d'abord. Kingston, la capitale jamaïcaine, ne
semble pas très hospitalière. Ouverte sur la mer des Caraïbes
d'un côté, elle est cernée par ailleurs d'une chaîne
montagneuse, les montagnes bleues, ainsi nommées car elles sont
tellement verdoyantes qu'elles en paraissent, paradoxalement, bleutées
! On y plante entre autres le café. Et bien sûr la marijuana,
dont la consommation est libre. Notre voyageur en a fait l'expérience
au cours d'un tour chaotique en voiture. Le chauffeur fumait cigarette
sur cigarette, de marijuana bien entendu, sur fond de musique reggae. On
vous laisse imaginer le parcours
«En Jamaïque, les hommes portent tous les cheveux longs
qu'ils tressent en nattes fines», raconte Nabil. Qui s'est vite empressé
d'adopter cette coiffure, durant son séjour, en portant une perruque
à la Bob Marley, le plus célèbre des Jamaïcains
.
En assistant à une messe de... quatre heures à l'église
éthiopienne orthodoxe, il découvre la particularité
religieuse des rastafaris. Ces Jamaïcains chrétiens vénèrent
un second Messie, le Messie noir, personnifié par Hailé Selassié,
l'empereur d'Ethiopie, déposé puis assassiné par une
junte gauchiste dans les années 70.
Johannesburg
­p; Deuxième destination, l'Afrique du Sud. Le souvenir
de l'apartheid y est encore brûlant. «Ce qui frappe en premier,
note Nabil Romanos, c'est le contraste entre Johannesburg et sa banlieue
bidonville Soweto». Là où la résistance à
l'apartheid (ségrégation), menée par Nelson Mandela,
s'est formée. «Il faut à tout prix visiter l'église
Regina Mundi où se réfugiaient les résistants poursuivis
par la police de l'apartheid. Son plafond conserve des traces de trous
de balles. Le président Clinton y a assisté à une
messe avec Mandela, l'an dernier, lors de sa tournée en Afrique
du Sud. Le fait qu'il ait communié dans une église catholique,
alors qu'il est protestant a provoqué un scandale. Lui-même
a néanmoins dû être choqué par le long sermon
du prêtre sur le péché de chair...». Hillary
aurait-elle soufflé quelques mots à l'oreille du prêtre
avant la messe?
L'histoire de l'exploitation des Noirs par les fermiers blancs est
encore palpable dans les villes d'Afrique du Sud. «Les deux extrêmes
de ce pays s'illustrent parfaitement par le parallèle entre le monument
totalitaire des "Boers" (fermiers d'origine hollandaise établis
en Afrique du Sud depuis le XVIIe siècle ) à l'entrée
de Pretoria et les photographies collées sur les conteneurs du jeune
Hector Peterson, 13 ans, première victime de l'apartheid, tué
lors du massacre de Soweto en 1977. Plusieurs influences coexistent dans
le pays. Les colons français ont laissé des traces dans le
Sud. Les Anglais du côté de Durban, où Ghandhi a vécu
quelques années au sein d'une communauté indienne importante.
C'est là qu'il a appris, en pratiquant son métier d'avocat,
comment faire face aux Anglais».
Côté nature: outre les paysages d'une grande beauté,
les parcs nationaux sont légion. On les sillonne en voiture. Les
animaux y circulent en liberté. Et il faut faire attention à
ne pas châtouiller leur susceptibilité ! Ainsi dans le parc
Krüger, Nabil, qui s'était trop approché d'un éléphant,
alors en plein repas, a failli se faire charger par le mastodonte.
Parmi les villes à visiter, Cape Town au sud, pas loin du Cap
de Bonne- Espérance. «que nos ancêtres les Phéniciens
étaient les premiers à contourner, en 2 600 avant J.C., en
faisant le tour du continent africain», rappelle Romanos.
Le globe-trotter s'est aussi rendu dans les "homelands", les réserves
où le régime de ségrégation avait relégué
les tribus noires : Zoulous, XhosasNotamment le Transkei, où est
né Mandela (qui est d'éthnie Xhosa). «C'est une contrée
extrêmement pauvre mais cependant très belle. Un paysage de
montagnes et de vallées semé de huttes aux murs badigeonnés
à la chaux et aux toits en paille séchée. Les habitants
préservent jalousement leurs traditions. Les vierges se peignent
encore le visage en blanc».
Vestiges
Dernière étape, le Zimbabwe. «Les gens y sont plus
amicaux et ouverts qu'en Afrique du Sud», relève Nabil. Il
y a visité les ruines d'une forteresse, datant de l'époque
médiévale. «Ces vestiges sont les plus importants d'Afrique
noire. Une légende locale rapporte que la forteresse, aux murs d'une
dizaine de mètres de hauteur, fut construite par le roi Salomon.
En réalité ce sont les autochtones qui l'ont érigée».
Une légende qui a inspiré, on le sait, un des chefs-d'uvre
de la littérature et du cinéma, Les ruines du roi Salomon.
Réveillé à l'aube par le chant des écoliers
aux pieds nus, Nabil les a suivis sur le chemin de l'école. Une
piste rocailleuse et volcanique tracée dans la brousse. «Je
les ai photographiés. Tous étaient ravis, à part un
qui m'a dit en pointant un doigt accusateur: "C'est interdit". Je suis
sûr que ce gamin sera dans quelques années le futur ministre
de l'Intérieur ou de la Propagande!». Au cours de ses pérégrinations,
il croise dans un village un couple détonnant : une sorcière
et un guérisseur qui officient en duo.
Enfin le clou du voyage : les chutes de Victoria, au Nord, à
la frontière avec la Zambie. «Elles ont été
découvertes par le fameux Dr Livingstone, missionnaire écossais,
qui fut l'un des premiers anti-esclavagistes. Et grâce auquel l'Angleterre
a finalement aboli l'esclavage». Ces chutes de plus de 75 mètres
de hauteur sont la continuation du fleuve Zambèze, qui sépare
le Zimbabwe de la Zambie. «Là, ça a été
vraiment l'aventure», s'enthousiasme notre explorateur. «J'ai
survolé ces chutes en planeur, je suis descendu le Zambèze
en radeau et j'ai exploré la région en traquant les animaux
sauvages à pied et à cheval». Comme chute, quoi de
mieux que ces cascades
Portrait d'un routard
Nabil Élias Romanos est directeur dans une société
d'équipements pour le traitement du cancer, basée à
San Fransisco. Globe-trotter dans l'âme, il avait rêvé
de devenir reporter pour découvrir le monde. Les hasards de la vie
en ont décidé autrement. Mais par bonheur, son travail l'amène
à effectuer de nombreux déplacements. Au gré de ses
tournées professionnelles, il se réserve donc quelques jours
d'exploration dans chaque pays où il passe.
À 34 ans, il a ainsi fait le tour du monde. En 1997, la presse
locale en avait parlé. Il revenait alors d'Amérique centrale
et du Sud, où, entre autres aventures, il avait traversé
les Andes à cheval, escaladé un volcan actif au Chili et
descendu en pirogue l'Amazone... Un parcours «touristique»
qui sort des sentiers battus !
Zéna ZALZAL