DIALOGUE DU MAÏTRE AVEC SES DISCIPLES.

" Le cavalier et sa monture ailée n'étaient plus qu'un amas d'os blanchis, et nul n'aurait su dire si tel ou tel cartilage avait appartenu au général ennemi ou à son dragon. Désormais, la déroute de l'armée adverse était totale...

La silhouette du ténébreux nécromant se redressa sur sa monture, comme pour mieux contempler l'ampleur du carnage. A travers les corps meurtris de ses adversaires, il ne voyait que de futurs et obéissants sujets, et a travers ceux de ses propres troupes, de braves pantins prêts à jouer de nouveau leur danse macabre sur un simple effort de concentration. Même les piaffements d'impatience de son énorme manticore ne surent l'arracher à sa contemplation.

Ponpal ne parlait pas, Ponpal décrétait. Son arrogance n'avait d'égal que sa mégalomanie, et se mettre en travers de sa route condamnait l'indigent à une vie brève, mais pleine de souffrances.

A vrai dire, le pauvre Festinus avait à peine écouter les propos de son infernal tuteur. Il était bien trop occupé à observer les goules dévorer les morts et les mourants. Cela faisait plusieurs années qu'il servait le Haut Seigneur des Cadavéreux, et jamais il ne s'était habituer à ce répugnant spectacle.

Comme à chaque fois que Ponpal riait, Festinus eût un frisson. Ces manifestations d'allégresse avaient un coté éminemment malsain, ce rire, plutôt que d'exprimer une quelconque joie, ne semblait être qu'un torrent de haine et de sadisme...

Festinus ne comprenait pas pourquoi son Maître érigeait la couardise en vertu.

Ponpal était satisfait de la réponse de son apprenti. Une fois de plus, il louait son génie. Après tout, c'était lui qui l'avait choisi, non ?

L'agitation de Ponpal grandit, puis sembla se communiquer à sa terrible monture.

Festinus restait coi. C'est alors qu'il se remémora la bataille qui venait de se terminer. La conclusion lui appartenait : il se rendait compte que son Ténébreux Mentor avait appliquer sans faillir ses principes, quels que furent dans un premier temps les résultats. En définitive, cela avait payé...

Ponpal et Festinus avaient désormais les yeux rivés sur la plaine jonchés de cadavres. Ils ne parlaient plus. Festinus reconstruisait la bataille, sans même penser aux nombreux guerriers qu'il avait tués. Il ne pensait plus pareil, maintenant. Il n'était plus Festinus, mais un des rouages du sinistre manège de Ponpal, il sentait son individualité noyée dans les desseins de son Impitoyable Maître. Il savait qu'il devrait en faire ainsi à l'avenir, s'il voulait devenir aussi puissant que son tuteur.

Mais il savait également qu'il pourrait un jour faire partie de ces unités destinées à ralentir l'ennemi..."

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